× 19 ×
Encore plus que je ne le pensais
J'étais amoureux de toi
Comme je le ressens depuis ce moment
Je ne peux plus respirer
-Lemon
×
Jungkook était sorti dans l'après-midi, me laissant seul à la maison.
Cela faisait deux jours que j'avais stoppé mon épisode de Memento Mori à quelques dizaines de minutes de la fin et que je n'osais pas évoquer le sujet avec l'écrivain.
En évitant de lui en parler, je pouvais toujours me dire qu'il s'agissait de l'adaptation à l'écran qui me posait problème...
Mais de toute manière, même si le scénario du drama faisait écho à notre situation actuelle, il avait écrit cette histoire bien avant notre seconde rencontre, elle ne pouvait pas parler de moi.
Ce qui me gênait, c'était cette question récurrente... Est-ce que quand il était avec moi, il pensait parfois au Taehyung de fiction ? Et à la psychopathe qui l'avait trompé ?
Je ne voulais pas... S'il y avait pensé ne serait-ce qu'une seconde, s'il me l'avouait, je crois que mon cœur se briserait...
J'avais essayé de donner le change, mais depuis notre retour, j'avais peur d'être un peu distant sans le vouloir.
Je n'arrivais pas à retrouver cette insouciance de la plage.
Probablement parce que je recommençais à imaginer ce qu'il pouvait bien penser au lieu de le lui demander directement.
Il fallait que je lui parle. Je me sentais toujours mieux après avoir discuté avec lui.
J'étais donc motivé à le prendre à part dès son retour.
Il avait dit qu'il en aurait pour un moment, qu'il avait des courses à faire à différents endroits, alors je ne savais pas très bien à quelle heure il rentrerait, mais j'étais prêt.
J'aurais aimé préparer des pancakes en attendant pour être sûr que son humeur soit optimale le moment venu, mais les ingrédients dont j'avais besoin n'étaient pas à la maison, seulement sur la liste qu'il avait emportée avec lui avant de filer.
J'attendais donc dans le jardin, assis sur une des chaises de la terrasse, observant le tout nouveau plafond de glycines.
Il faisait beau aujourd'hui, le soleil brillait plus fort qu'hier, les derniers nuages ayant disparu dans la nuit. Les ombres chinoises qui se dessinaient sur les feuilles au dessus de ma tête gardaient mon esprit occupé et je pouvais me permettre de profiter un peu de la météo sans trop me tracasser.
J'entendis le bruit de la voiture sur la route avant de la voir apparaître au détour du léger tournant devant le portail ouvert.
Mes sourcils se froncèrent immédiatement en ne reconnaissant pas la voiture sombre de Jungkook.
Celle-ci étaient claire, et plus petite, désagréablement familière.
Elle tourna pour aller se garer et disparut derrière la masse de végétation de la tonnelle. Je me levai en entendant le moteur s'arrêter et hésitai un instant.
Pouvais-je aller m'enfermer à l'intérieur de la maison ? M'avait-il aperçu en arrivant ? Est-ce que cela avait vraiment de l'importance ?
Je restai planté devant ma chaise plusieurs secondes mais finis par serrer les poings et prendre sur moi.
Je m'éloignai donc de la porte, descendant dans la cour en essayant de me donner un air déterminé.
Je me répétai mentalement que cette maison était mon chez moi à présent et que si je ne voulais pas que quelqu'un y mette les pieds, j'avais mon mot à dire.
Quand j'arrivai près de sa voiture, Seokjin en était déjà sorti, faisant glisser ses lunettes de soleil sur le dessus de sa tête pour pouvoir croiser mon regard fermé.
Le sien avait l'air anxieux, ou désolé, peut-être bien les deux.
- Taehyung, me salua-t-il.
- Jungkook n'est pas là, lâchai-je un peu sèchement, désolé.
Désolé, je ne l'étais pas vraiment. Je n'arrivais pas vraiment à me remettre de ce que Seokjin avait fait, et j'avais beaucoup de mal à lui faire confiance à nouveau, alors le voir arriver ici me rendait affreusement méfiant.
- Je sais, répondit seulement le jeune médecin. Il sait que je suis là, on en a parlé.
Seokjin baissa les yeux, gêné.
Je me tendis en comprenant ce qu'il voulait dire.
- Jungkook t'a demandé de venir ?
- Je lui ai plutôt demandé son avis. J'avais besoin de te parler et il m'a dit qu'il ne m'en empêcherait pas.
Je me sentais un peu trahi à nouveau... Mais par l'écrivain cette fois.
Il aurait pu me parler des intentions de son ami, que je me prépare à sa venue, ou que je puisse carrément décider si j'avais envie de le voir ou non.
Je toisai Seokjin sans rien dire, ne trouvant rien à répliquer.
Puisqu'il avait besoin de parler, qu'il le fasse, je n'avais pas l'intention de l'inviter à entrer.
- Écoute, commença-t-il en fourrant ses mains dans ses poches comme s'il ne savait pas quoi en faire, j'ai conscience de ce que j'ai fait, d'accord. Sur le coup, je n'ai pas pensé aux conséquences, j'étais un peu trop submergé par... Par... Tes révélations.
Il prit une profond inspiration et je me détendis légèrement.
Il n'avait pas l'air de venir m'annoncer une autre mauvaise nouvelle, il avait l'air réellement désireux de s'excuser.
Je restais suspicieux, mais je ne cherchai pas à l'arrêter.
- J'ai parlé à mon collègue, je lui ai dit que j'avais un peu trop bu et que je ne savais plus ce que je disais quand je lui ai parlé de toi. Je ne lui avais pas donné assez de détails pour que ce soit dangereux pour toi de toute manière, et il me croyait à peine. Tu n'as vraiment pas à t'inquiéter à son sujet, au pire, il me prend pour un dingue mais refuse de l'avouer par politesse...
Cette fois-ci, le soulagement prit le pas sur le reste.
Je devais avouer que cette troisième personne dans la confidence était ce qui m'avait mis le plus mal à l'aise. Je l'avais imaginé des dizaines de fois répandant la nouvelle et ébruitant mon secret.
Et au vu de la tête que tirait à présent Seokjin, il devait s'être bien ridiculisé pour rattraper le coup.
- Merci, concédai-je.
C'était la moindre des choses, il avait réparé son erreur, mais je tenais à lui montrer que cela avait beaucoup d'importance pour moi.
- Ne me remercie pas... Je me sens vraiment minable. Je m'excuse de t'avoir fait paniquer et d'avoir trahi ta confiance, vraiment.
Je hochai simplement la tête, espérant de tout cœur qu'il soit complètement sincère et que le message soit bien passé cette fois.
S'il n'était venu qu'avec de belles paroles, je l'aurais peut être un peu houspillé à nouveau, mais il avait essayé d'arranger les choses, je devais bien lui reconnaître cela.
- Et... Taehyung...
Seokjin pinça un instant les lèvres, en proie à un dilemme intérieur évident, se balançant légèrement d'un pied sur l'autre.
- Oui ? l'encourageai-je.
- Je ne voudrais surtout pas avoir l'air de me chercher des excuses, ne te méprends pas, mais tu sais, c'est vraiment très perturbant pour moi. Quand j'ai dû démentir tout ce que j'avais raconté à mon ami, je me suis demandé si je n'étais pas en train de devenir fou, et si au final, je n'avais pas réellement rêvé ce que j'avais vu... Je sais que j'ai la chance d'avoir assisté à quelque chose qui dépasse mes connaissances et mes compétences, mais c'est... Vraiment perturbant de ne pas comprendre, de ne rien savoir, surtout pour un scientifique.
J'essayai de me mettre à sa place une seconde.
Il devait être un peu perdu en effet, se tenant devant moi sans pouvoir penser à autre chose que ce qu'il avait vu sous mon masque.
Je le voyais dans son regard. Dès que ses yeux croisaient les miens, il se souvenait du moment où j'avais changé de visage devant lui, il ne pouvait penser qu'à ça depuis cet instant.
Ce regard était l'une des raisons qui me confortait dans l'idée que les humains ne pouvaient pas passer outre, ils ne pouvaient pas m'accepter, me voir comme l'un des leurs.
Pouvais-je les blâmer ? Je ne l'étais pas après tout. Humain.
Seokjin n'était pas une mauvaise personne, je le voyais bien. Jungkook non plus, pourtant je l'avais terrorisé.
Les scientifiques qui auraient rêvé de m'examiner s'ils m'avaient découvert n'étaient pas non plus maléfiques comme les fées avaient pu me l'expliquer. Ils étaient humains, et je ne l'étais pas, ils avaient des réactions humaines face à quelque chose qui ne l'était pas.
Cela s'arrêtait là.
- Je comprends. Je te remercie d'être venu t'excuser et de m'avoir tenu au courant pour ton ami, je suis soulagé. Mais je ne sais pas si te montrer ou t'en dire plus est une bonne idée... L'expérience ne cesse de me montrer que les humains ne sont pas prêts.
Alors que je m'attendais à voir de la frustration ou de la déception sur son visage, seule la surprise prit possession des traits de Seokjin.
- Pas prêts à quoi ? J'admets que j'ai mal réagi, mais ça n'implique que moi Taehyung, et je venais de te rencontrer... Tu ne comptes... Pas en parler à Jungkook ?
Je restai silencieux, avalant difficilement ma salive. Comment pouvait-il être choqué par ma décision alors qu'il continuait de me regarder comme un animal d'une espèce inconnue ?
- Jungkook est très ouvert d'esprit tu sais, je ne pense pas qu'il...
- Laisse moi gérer ma relation avec Jungkook seul s'il te plaît, le coupai-je avant qu'il ne commence à me donner des conseils qui ne serviraient qu'à me faire cogiter encore indéfiniment.
Le jeune médecin se renfrogna légèrement mais il finit par simplement hausser les épaules.
- Comme tu voudras. Mais n'oublie pas que nous sommes amis depuis très longtemps lui et moi, si un jour tu te sens perdu, tu as mon mail.
- J'y penserai.
Une drôle de tension s'installa alors, comme si tout avait été dit mais que nous ne savions pas exactement comment terminer cette conversation.
Finalement, Seokjin tapa dans ses mains, manquant presque de me faire sursauter.
- Bon, je devrais filer. J'étais juste de passage et je ne voudrais pas inquiéter Namjoon en rentrant trop tard.
- Passe lui le bonjour.
Il acquiesça et rouvrit la portière de sa voiture avant de se laisser tomber sur un siège noir et de la refermer, m'observant simplement par la fenêtre grande ouverte.
- J'espère que ça ira, pour tes migraines, et pour toi et Jungkook, sincèrement. J'espère aussi qu'on pourra s'entendre un peu mieux toi et moi, avec le temps.
Je ne lui en voulais déjà plus autant maintenant qu'avant sa visite. Je croisai les bras pour me donner un air un tout petit plus sévère et éviter de passer pour une bonne poire.
Mais je pouvais tout de même le rassurer un peu sur ce point.
Les choses n'étaient peut-être pas complètement perdues, être en froid avec un des amis de Jungkook n'était de toute manière pas une bonne idée pour que tout se passe bien à l'avenir.
- Je l'espère aussi.
Seokjin me lança son premier sourire depuis son arrivée, et je me fis violence pour ne pas y répondre par automatisme et le laisser partir sur un simple geste de la main.
Je ne voulais pas lui rendre les choses trop faciles, il avait quand même sacrément merdé...
Mais il n'était pas méchant.
J'aurais bien aimé qu'il soit détestable, que je puisse rejeter toute la faute sur lui et me dire que je ne repoussais que les mauvaises personnes.
Mais non, je le comprenais. Et plus je le comprenais, moins j'arrivais à lui en vouloir pour sa réaction.
Je laissai échapper un soupir lorsque sa voiture disparut, aussi vite qu'elle était apparue dans l'allée, et je me retournai vers le manoir.
Il me restait encore à attendre Jungkook. J'allais peut être faire une sieste en attendant, j'avais besoin d'une bonne pause...
×
Je n'avais pas prévu de dormir autant, je pensais que Jungkook rentrerait plus tôt que ça.
Mais quand j'ouvris les yeux, mon regard se posa immédiatement sur le réveil qui affichait fièrement ses sept heures passées.
Je me redressai dans mon lit comme un ressort, manquant d'assomer la personne qui était légèrement penchée vers moi. Je compris alors que j'étais sorti de mon sommeil parce que Jungkook était venu me secouer doucement l'épaule.
Il répondit à mon regard perdu avec un petit sourire amusé et se redressa.
- Pardon, je t'ai laissé dormir longtemps, mais ça m'arrangeait que tu ne sois pas en bas pendant un moment.
Mes paupières papillonnèrent légèrement pour tout remettre en place.
- Comment ça ?
- Il se pourrait que j'ai préparé quelque chose. Mais je te préviens, déclara-t-il avec une légère grimace, ça rendait mieux dans ma tête.
Intrigué, je me débattis pour me glisser hors de mon lit et Jungkook se releva, m'observant attentivement.
Je réalisai alors que j'étais en pyjama alors qu'il avait passé une chemise et un pantalon tout repassés.
Je m'arrêtai un instant sur ses cheveux bien coiffés et leur division bien nette sur le côté de son front.
J'aimais quand ils tombaient de partout comme ils le voulaient, mais je devais avouer que le voir tiré à quatre épingles me faisait quelque chose... Comme un drôle de retournement là dans mon ventre.
- Je suis pas présentable... me plaignis-je.
- Je te laisse quelques minutes, je t'attends en bas.
Il m'adressa un dernier petit sourire en passant la main dans mes cheveux puis il s'éloigna de mon lit et finit par prendre la porte.
Je m'élançai d'abord vers la salle de bain, essayant de discipliner mes cheveux, qui en plus d'être longs, ne devaient pas avoir été brossés depuis trois jours.
Une fois mon visage présentable, j'enfilai mes vêtements préférés, souriant en songeant qu'ils étaient assez semblables à ceux que portaient Jungkook en ce moment, et filai le rejoindre.
Le salon était très sombre, les lustres étaient éteints, je m'arrêtai immédiatement devant la barrière de la mezzanine.
- Jungkook ?
- Je suis là. Prépare toi, je risque d'être très gênant.
Je fronçai à nouveau les sourcils, perdu, puis des lumières s'allumèrent.
Il y avait des sortes de guirlandes accrochées un peu partout dans la pièce principale et la lumière dans la cuisine était normale, ce qui éclairait assez la pièce tout en lui donnant une drôle d'atmosphère tamisée et colorée.
Les petits lampions diffusaient en effet de petites quantités de lumière rouges, bleues, jaunes et vertes, donnant une drôle d'allure à la pièce.
Je descendis prudemment les escaliers qui avaient eux aussi été enguirlandés et retrouvai Jungkook en bas, un sourire un peu crispé sur les lèvres.
- C'est pour quoi tout ça ? soufflai-je en arrivant au bas des marches.
L'écrivain se racla la gorge et recula de quelques pas pour pouvoir me désigner la cuisine.
- J'ai préparé à manger, et il y a un gâteau aussi. Tu sais, aujourd'hui, ça fait exactement un mois que tu es arrivé à la maison, et je me suis dis... Qu'on pouvait le fêter, ou quelque chose comme ça.
Je souris quand il se gratta l'arrière du crâne en regardant l'état dans lequel il avait mis la maison, semblant regretter son idée.
- Déjà un mois ?
- Ça passe vite, confirma-t-il sans pour autant regarder dans ma direction.
Je m'approchai donc de lui et lui pris une main pour attirer son attention.
Il se tourna enfin vers moi et je pus croiser son regard et lui lancer un grand sourire.
J'étais touché, vraiment. Qu'il y ait pensé, qu'il ait déployé tous ces efforts, qu'il soit aussi timide devant le fait accompli.
- Merci Jungkook, c'est magnifique.
- Ah tu trouves ? Ça fait un peu trop non...?
Je secouai fermement la tête et il accepta enfin de se détendre, retrouvant l'air amusé qui le caractérisait quand nous étions ensemble.
- Tu dis ça mais t'as pas encore vu le champagne que j'ai acheté.
- Montre moi.
Il acquiesça et m'entraîna vers la cuisine, quelques uns de nos doigts restants entremêlés.
Je savais que je devais lui parler. De ce qui se passait dans ma tête, de Seokjin aussi.
Mais ça pouvait bien attendre un peu finalement.
J'avais enfin. l'impression d'être à nouveau sur la plage de Busan, de pouvoir me laisser aller complètement.
Il me fit m'asseoir à table et me montra la bouteille du fameux champagne qu'il avait acheté.
Elle était ridiculement grosse, surtout pour deux grands buveurs comme nous, qui nous arretâmes au premier verre, bu seulement pour la forme.
Jungkook s'était surpassé pour la cuisine. Il avait préparé du poulet frit lui même, semblable à celui que nous commandions parfois, mais bien meilleur. Fait revenir quantité de légumes, poissons et viandes, bien plus que nous ne pouvions en manger, et il proposa de faire un pique-nique avec les restes le lendemain, ce qui ne fit qu'améliorer mon humeur encore un peu plus.
Il avait aussi commandé un gâteau au glaçage complexe. Il était d'un violet délicat et représentait de toute évidence une floraison de glycines entre autres décorations.
De véritables fleurs, sûrement comestibles, étaient d'ailleurs élégamment posées sur la pâtisserie, et je me sentis un peu triste quand Jungkook commença à découper cette œuvre d'art.
- Ne t'en fais pas, souffla-t-il en remarquant mon expression, je l'ai pris en photo avant.
Je me sentis un peu moins coupable en le mangeant, et tant mieux, je me serais privé d'un dessert particulièrement délicieux.
Ayant terminé plus rapidement que moi, Jungkook fila vers le salon.
Je me levai et l'observai fouiller du côté de la chaîne hi-fi avec mon assiette et ma cuillère à la main, penchant légèrement la tête sur le côté pour comprendre ce qu'il fabriquait.
Une musique entraînante finit par remplir l'espace et augmenta en volume progressivement jusqu'à ce que le jeune homme ne se relève, l'air fier de son travail.
Il posa les yeux sur moi et j'avalai ma dernière bouchée en regardant autour de moi, la ressemblance avec la boîte de nuit de la dernière me frappant seulement maintenant.
- Puisque tu t'es bien amusé la dernière fois, je me disais que ça serait encore mieux sans des gens bizarres qui traînent dans les coins.
- Qu'est-ce que tu fais là alors ?
La plaisanterie était sortie toute seule, s'accompagnant sur mes lèvres d'un grand sourire hilare auquel Jungkook répondit à moitié, essayant de se donner un air offusqué.
- Toi, tu as passé trop de temps avec Hoseok et Yeri.
Je gloussai légèrement avant de poser ce que j'avais entre les mains sur la table et de m'essuyer les lèvres.
Je m'autorisai alors à faire quelques pas vers le salon en suivant le rythme de la musique, m'attirant à nouveau toute l'attention de Jungkook.
Je remarquai qu'il avait déplacé je ne sais où la table basse et que les canapés et fauteuils avaient été écartés, ne laissant que le grand tapis aux tons briques devant la cheminée principale, comme une piste de danse carrée et matelassée.
Je m'arrêtai devant lui, me demandant quoi faire au juste lorsqu'une nouvelle chanson démarra, beaucoup plus mouvementée, et que je me souvins l'avoir entendue lors de notre fameuse soirée au club.
L'excitation prit le dessus pendant quelques secondes, finissant par contaminer Jungkook qui laissa tomber sa gêne pour venir danser avec moi, peut-être un peu aidé par son verre de champagne.
Il avait raison, c'était beaucoup mieux sans une Raon aux mains baladeuses ou les regards de dizaines de personnes sur nous.
Les musiques s'enchaînèrent et je le laissai nous resservir un deuxième verre.
Ce dernier fut décisif pour moi et acheva de me décoincer, me laissant penser que sauter sur les canapés était décidément une bien meilleure idée que d'inventer de drôles de chorégraphies sur le tapis.
Jungkook ne regardait que moi, un immense sourire collé au visage et des éclats de rire passant parfois la barrière de ses lèvres quand il n'était pas occupé à chanter les chansons qui sortaient des hauts parleurs.
J'essayais parfois de chanter avec lui quand certaines paroles étaient répétitives, mais je n'en connaissais suffisamment aucunes et je me retrouvai bien souvent à juste déballer des suites de syllabes aléatoires.
Ce n'était pas bien grave, je l'avais surpris une ou deux fois à faire la même chose.
Une musique plus douce finit par se lancer et je cessai de sautiller sur le canapé, légèrement essoufflé, me demandant comment danser là-dessus.
Jungkook attira mon regard en se postant devant moi et me tendit une main, semblant vouloir que je descende.
Je l'attrapai avec enthousiasme, mais lui était beaucoup plus calme et plus doux qu'à l'instant, ce qui me poussa à ralentir à mon tour, me mettant la puce à l'oreille.
Il me fit revenir sur le tapis et m'attira à quelques pas du sofa, bien au centre, devant la cheminée.
Il posa une main sur ma taille et fit monter la mienne sur son épaule. Par automatisme, je déposai la seconde de manière symétrique, effleurant presque son cou, et l'écrivain attrapa un peu plus fermement ma taille des deux côtés.
Il avait tout de même l'air un peu hésitant, pas vraiment gênée mais timide, jetant seulement de petits regards courts dans ma direction, comme tout à l'heure quand j'avais descendu les escaliers.
Nous étions proches, vraiment beaucoup, et la musique allait drôlement bien avec le pas lent au rythme duquel nous nous balancions.
C'était le moment idéal pour un câlin, j'en mourrais d'envie, mais j'avais peur qu'il soit à nouveau mal à l'aise comme cette fameuse soirée de sortie en boîte et qu'il me repousse encore...
Mon cœur l'aurait mal supporté.
Ce fut finalement lui qui nous rapprocha jusqu'à nous coller et lia ses mains dans mon dos, prenant une légère inspiration, presque inaudible, puis braquant définitivement son regard dans le mien.
Ma poitrine était en train de brûler, je sentais finalement mon cœur accélérer à l'intérieur comme s'il voulait en sortir, et Jungkook devait le sentir aussi, vu que nos deux torses se touchaient à présent.
- Taehyung...?
À ce stade, tout ce qu'il disait avait un drôle d'effet sur moi, mon visage se colora et je hochai la tête en arrêtant de respirer et de réfléchir.
L'alcool redescendit brusquement dans mes veines lorsqu'il reprit :
- Tu voudrais... Que je te fasse ce qu'a fait cette fille ?
Oui. Tout mon corps hurlait oui. À moins que ce ne soit mon cerveau, ou que les deux se soient miraculeusement mis d'accord, ce qui expliquerait la puissance du frisson qui me parcourut.
Oui, je mourrais d'envie que ce soit lui depuis ce soir là, je le voulais lui et personne d'autre.
Je voulais toucher ses lèvres à lui, je voulais sentir à quoi elles ressembleraient contre les miennes, au moins une fois, au moins un moment.
Je hochai la tête, incapable de dire quoi que ce soit, les yeux fixés dans les siens.
Une pointe d'angoisse me parcourut, je me demandai ce que j'étais censé faire. Est-ce que je devais fermer les yeux, ou pas ? Et comment bouger ensuite ?
Mais Jungkook prit les devants et ses mains glissèrent avec délicatesse de ma taille à mes joues, attirant mon visage jusqu'au sien et me faisant oublier mes pensées idiotes.
Je fermai effectivement les yeux, par réflexe, lentement, en le voyant faire de même à quelques centimètres de mes lèvres.
Je le sentais aussi battre à tout rompre, son cœur.
Je sentis mes doutes et mes inquiétudes pointer le bout de leur nez, prêts à refaire surface et à m'emporter dans une vague interminable, mais je les repoussai d'un revers de la main imaginaire.
Pas maintenant. Même si c'était irresponsable, pas maintenant.
Sa bouche effleura la mienne une fois, hésitante. Puis deux.
Mes mains se retrouvèrent sans que je sache comment derrière sa tête, s'emmêlant dans ses cheveux.
La violence de mon envie à ce moment faillit me déstabiliser et me faire perdre le fil, j'avais l'impression de vouloir le mordre, comme si toute cette douceur me frustrait autant qu'elle me comblait.
Mais il me fit rapidement revenir au moment présent en collant plus fermement ses lèvres aux miennes et en commençant à respirer légèrement plus fort.
Il n'était pas brusque comme Raon, il n'avait rien d'agressif et ne me faisait pas mal, loin de là. Ses doigts caressaient tendrement mes joues et je sentais ma tête tourner, mais par dessus tout, une grande joie et une grande chaleur remplissaient peu à peu mon corps.
Je penchai légèrement la tête sur le côté pour pouvoir être plus proche encore et le bout de ma langue effleura par inadvertance ses lèvres.
Ces dernières s'entrouvrirent et commença alors une toute autre danse, beaucoup plus subtile, un balet qui imprima une lente brûlure au creux de mes reins.
Je le laissai tout guider, mes pas, ma langue, mes lèvres, mon corps tout entier lui appartenait.
Quand il se sépara finalement de moi, mes jambes étaient faibles et menaçaient de céder, lui était tout essoufflé mais se tenait bien droit, ne semblant pas affecté physiquement par ce qui venait de se passer.
- J'avais jamais embrassé quelqu'un comme ça... souffla-t-il, toujours tout près de mon visage.
- J'avais jamais embrassé quelqu'un.
- Et cette fille ? demanda-t-il dans un rire léger.
Elle ne comptait pas, bien sûr qu'elle ne comptait pas. Comment aurait-elle pu compter alors que c'était ça embrasser.
- Je vois pas de qui tu parles.
La musique s'éteignit et une plus entraînante prit sa place. Pourtant, je n'avais aucune envie de m'éloigner de lui ou de recommencer à danser, et il n'esquissa pas un mouvement dans ce sens non plus.
Nous arretâmes juste de nous balancer d'un pied sur l'autre, ignorant le rythme ou les paroles de cette nouvelle chanson.
C'était le moment à présent, je le sentais. Le moment de parler.
J'avais la bouche très sèche tout à coup, et ma gorge se serra légèrement au moment où je commençai à parler, me faisant monter les larmes aux yeux malgré moi.
- Jungkook... J'ai peur de te faire du mal...
C'était la dernière chose que je souhaitais, et je voulais qu'il le sache.
Le dire m'avait pompé la moitié de mon énergie et j'avais vraiment envie de pleurer à présent, pourtant son expression ne changea pas, comme s'il s'attendait à ce que j'aborde le sujet.
Ses mains étaient toujours de chaque côté de mon visage, l'un de ses pouces vint effleurer ma joue.
- J'avais peur aussi... Que tu finisses par t'évanouir dans la nature, que tu t'en ailles... J'avais toujours l'impression que tu hésitais à me faire totalement confiance.
Je déglutis, conscient que ses doutes étaient fondés.
J'hésitais, constamment.
- Qu'est-ce qui a changé ? soufflai-je.
- Je me suis dit que si je n'appliquais pas mes propres conseils et que je ne montrais pas l'exemple, la situation n'évoluerait pas. Je dois arrêter de tergiverser et d'avoir peur, et je dois te faire confiance moi aussi, pour que tu puisses le faire.
Je ne savais pas quoi répondre.
J'avais envie de tout lui dire, maintenant, je me sentais en sécurité dans ses bras, je me sentais tellement bien, j'avais presque l'impression que tout irait bien si j'osais retirer mon masque. Presque...
- Taehyung, tu me plais, beaucoup, et j'en ai assez d'hésiter parce que ceux qui sont entrés dans ma vie avant toi m'ont fait du mal.
Je clignai des yeux, essayant de m'assurer que j'avais bien entendu et que je n'étais pas en train de rêver.
- Mais... Même si je suis bizarre ? bredouillai-je.
Il secoua la tête, me serrant un peu plus encore contre lui.
- Tu n'es pas plus bizarre qu'un autre.
Oh si, bien plus... Mais son regard braqué dans le mien m'empêcha de me renfrogner. Il était d'une intensité que je lui avais peu vue auparavant, il me clouait sur place, m'empêchant de parler ou de réagir. Je sentais que si j'essayais, là tout de suite, je n'arriverais pas à aligner deux mots.
- Tu resteras avec moi, hein ? demanda-t-il tout bas.
Il en doutait encore ? Il avait l'air de craindre ma réponse. Est-ce que j'avais été à ce point maladroit ? Est-ce que je l'avais fait se sentir à ce point mis à distance, indigne de ma confiance ?
- Oui, affirmai-je avec toutes la certitude que je possédais. Je veux rester avec toi.
Il me sourit plus doucement et passa une main dans mes cheveux, m'observant comme quelque chose d'infiniement précieux.
Mon dieu, malgré tout, j'adorais quand il faisait ça.
- Qu'est-ce que tu veux faire maintenant ? demanda-t-il doucement en continuant de jouer avec les mèches qui tombaient dans mon cou.
J'aurais aimé pouvoir lui parler à mon tour. Mais il me fallait encore un tout petit peu de courage, rien qu'un peu.
Il venait de m'aider, beaucoup, mais ce moment était parfait ainsi, je ne voulais surtout pas l'entacher. Je voulais le garder ainsi dans un coin de ma mémoire.
Je voulais juste attendre encore, attendre jusqu'au dernier moment, même si c'était lâche.
- On peut remettre une chanson plus calme, je veux danser encore comme ça ?
Il hocha la tête et commença à me lâcher pour aller vers le poste, mais ce fut à mon tour d'attraper son visage entre mes doigts en coupe.
Je n'aimais décidément pas le voir s'éloigner.
Je l'attirai à moi et lui volai un second baiser auquel il répondit, longuement, oubliant petit à petit cette histoire de musique.
×××
On a enfin eu un bisou :D
C'est pas encore gagné mais au moins ça c'est fait x)
J'ai réécrit ce chapitre 12 fois, j'en pouvais plus :')
Je crois que c'est parce que j'y ai intégré un morceau qui traînait dans mes memos depuis le début de Masquerade, et il ne collait plus trop à l'évolution des personnages :/
Du coup j'ai dû lui apporter plein de modifications pour qu'il rentre dans le moule de l'histoire sans pour autant le récrire totalement x)
C'est pas pour ça qu'il est en retard par contre, c'est juste que j'ai oublié que je devais poster le samedi :')
#Lhazceboulet
Eeeeet, pour me faire pardonner, un aperçu de la prochaine partie de l'Artbook :
(Aquareller dans le Ouibus, best idée 👌)
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