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Encore un craquement sur ce lac gelé
-Singularity

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Un bruit inhabituel me tira du sommeil ce matin-là.

La neige était tombée toute la nuit et avait recouvert les branches et le sol. Tout autour de moi était blanc, mais parfois, une fleur bleue ajoutait une touche de couleur au décor.

Le son m'était étranger mais je savais pourtant de quoi il s'agissait. Des pieds s'enfonçaient dans la neige à vive allure, non loin d'ici.
De petits animaux venaient parfois dans les parages, les gros ne pouvant se frayer un chemin jusqu'à mon abri, mais aucun ne marchait ainsi. Le rythme régulier et binaire m'évoquait ma propre marche, celle d'un bipède.

Depuis combien de temps n'avais-je pas entendu un tel son... ? Les fées s'occupaient pour moi de noter le passage du temps, l'une d'elles m'avait dit quelques jours auparavant que j'avais dépassé ma vingtième année d'existence.

Cela faisait donc vingt ans.

Vingt ans que je vivais dans cet endroit solitaire et que je n'avais croisé personne d'autre que les fées.

Les pas se rapprochèrent et les battements de mon cœur accélérèrent. L'air qui s'échappait de ma bouche formait de petits nuages blancs qui disparaissaient aussitôt dans l'air glacé.

Je restai caché derrière un mur de ronces mais gardai les yeux grands ouverts dans l'espoir d'apercevoir celui qui venait par ici, qui que ce soit.

Il apparut enfin, ce petit être, nouvelle tâche bleue dans cet océan blanc. Il reniflait, les yeux pleins de larmes et posait autour de lui des yeux tristes. Était-il perdu ?

Son visage se détendit légèrement quand il vit les fleurs autour de lui, il sembla trouver l'endroit réconfortant. Pourtant, le jardin m'avait toujours parut menaçant avec ses branches pleines d'épines masquant le ciel et le reste de la forêt.

Le petit humain, lui, ne voyait que les belles fleurs, les caressant innocemment pour se donner du courage.

Il grelotait malgré sa grosse veste bleue qui le faisait paraître plus rond qu'il ne l'était et même si je n'étais pas debout, j'estimais faire au moins deux fois sa taille. Il avait l'air tellement fragile au milieu de ce piège végétal, ce bois sombre recouvert de neige et hérissé d'épines.

Les fées se cachaient, ne voulant pas être repérées, et je faisais de même, observant le petit être cesser progressivement de pleurer en regardant autour de lui.

- Il y a quelqu'un... ? fit-il d'une voix hésitante.

Je n'avais jamais parlé à personne, je n'avais jamais entendu la voix de quelqu'un d'autre. Les fées s'exprimaient différemment, d'une façon propre à leur espèce, elles n'avaient pas de voix. Cet endroit était toujours très silencieux, très calme, c'était comme s'il venait de briser quelque chose, mais ça ne me déplaisait pas.

- Qui es-tu ? demandai-je, à l'abris dans ma cachette.

Le petit sursauta, aussi étonné que moi face à ma voix profonde. Ce son m'était aussi peu familier que celui de ses pas dans la neige.

- Jeon Jungkook, j'ai cinq ans ! récita-t-il plus fort, comme pour se donner une contenance.

La petite chose était donc très jeune, à cet âge-là, un humain avait besoin de ses parents, non ?

Il semblait à nouveau sur le point de pleurer, comme s'il réalisait finalement qu'il était perdu, tout seul, dans la forêt.

Je ne connaissais pas le son d'une voix, mais je connaissais très bien le goût des larmes, je n'avais pas envie de voir pleurer la première personne que je rencontrais.

Je tendis légèrement la main pour cueillir une petite fleur bleue sur une branche proche de ma tête et la lâchai en avant, laissant l'air la porter vers le petit bonhomme.

Ses yeux s'agrandirent à nouveau et il fit quelques pas pour l'attraper avant qu'elle ne touche le sol, la regardant entre ses petits doigts gelés.

Le début de sourire qui naquit sur ses lèvres m'encouragea à continuer et j'attrapai autant de fleurs que possible dans mon petit abri, les lâchant dans sa direction.

Alors qu'il courait pour toutes les attraper et les fourrer dans ses poches, un rire lui échappa, me faisant stopper tout mouvement.

C'était à cela que ressemblait un rire ?

Je portai une main à mon visage, sentant comme quelque chose d'inhabituel, et je découvris un sourire sur ma propre bouche. Cela faisait longtemps.

Après ces vingt années à me laisser maintenir en vie par les fées, passant pratiquement toutes mes journées immobile dans ce jardin, j'avais l'impression de m'éveiller.

- Comment tu t'appelles toi ? demanda le petit garçon avec les yeux brillants, cherchant partout autour de lui pour chercher à m'apercevoir.

Mon sourire se fana sur mes lèvres qui ne s'ouvrirent pas sur un nom.

Je n'en avais pas, personne n'avait jamais pris la peine de m'en donner un.

- Tu es timide toi aussi ? questionna-t-il en tournant dans le jardin, regardant sous les branches en espérant découvrir à qui il parlait.

Il s'approchait dangereusement de ma cachette lorsqu'une voix qui n'était ni la sienne, ni la mienne, brisa à nouveau le silence de la forêt :

- Jungkook !

Le petit humain releva vivement la tête, manquant de se cogner contre une ronce épaisse. Ma main était sortie d'elle-même de mon abris pour se mettre entre lui et l'obstacle, mais il était de toute manière trop petit pour l'atteindre et j'avais rapidement rebroussé chemin, le regardant s'éloigner avec un pincement au cœur.

- Maman ! cria-t-il à l'entrée de mon petit monde, s'apprêtant à en sortir.

Il se retourna vers moi une dernière fois et je me félicitai d'avoir à nouveau replié mon bras derrière son mur de végétation.

- Je reviendrai monsieur des fleurs ! Et ne t'inquiètes pas, puisque tu es timide, je ne dirai à personne que tu habites ici !

Il sourit et se retourna lorsque sa mère l'appela à nouveau, se mettant à quatre pattes pour sortir de l'enchevêtrement de ronces qui m'entourait.

Au bout de quelques minutes, tout fut à nouveau silencieux. On aurait pu croire qu'il n'était jamais venu.

Je sortis de mon abris, me plaçant là où il avait été, au centre du jardin, et baissai les yeux.

Un léger sourire me revint en voyant qu'il avait laissé une fleur s'échapper et que les traces de ses pas déformaient la surface blanche de la neige tout autour de moi.

Ce court rêve n'en avait pas été un.

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- Ils sont où ta maman et ton papa ?

Il était revenu, comme promis, mais cette fois des gants lui cachaient les doigts et une écharpe épaisse lui recouvrait pratiquement la bouche.

Il était assis sur une grosse pierre, regardant tout autour de lui dans ce dôme de végétation qu'il avait quitté si rapidement la veille.

Mon papa et ma maman...

- Je n'en ai pas.

Ce n'était pas complètement vrai... Ils n'étaient pas là avec moi, mais pour autant que je sache, ils étaient tous les deux en vie.

Ils n'avaient juste pas voulu de la créature que j'étais.

Mon père était une divinité mineure de la nature. Il était momentanément descendu sur Terre pour séduire ma mère et l'avait quittée dès qu'il avait eu ce qu'il désirait. La jeune humaine avait alors porté pendant de longs mois la conséquence de cette union interdite mais à ma naissance, elle avait été repoussée par mon apparence.

Elle m'avait déposé dans la forêt et était partie sans se retourner. Je serais mort si mon père n'avait pas eu un peu de pitié pour l'être misérable que j'étais à l'époque.

Lui non plus n'avait pas voulu de moi, il ne m'avait pas élevé à ses côtés, mais il avait construit ce jardin de ronces autour de moi et avait demandé aux fées de veiller sur sa descendance, ce qu'elles avaient fait en me nourrissant et me soignant ces vingt dernières années, mais également en m'empêchant de sortir de mon abris, qui peu à peu s'était transformé en prison. Qui m'avait peu à peu rendu inerte, immobile, survivant à peine.

Maintenant, ma taille elle-même m'empêchait d'en sortir, et avant Jungkook, personne n'était jamais entré ici.

- Tu es tout seul ?

Il avait l'air triste pour moi, comme si ma vie l'intéressait sincèrement, mais je savais que s'il voyait un jour mon visage, il me fuirait comme tous les autres. Mon père m'avait bien caché aux yeux du monde pour une raison.

- Pas vraiment, répondis-je en pensant aux fées.

Mais ces dernières n'étaient pas d'une compagnie fantastique. Elles s'exprimaient peu, n'étaient pas spécialement douces, et s'occupaient de moi en grande partie parce que leur divinité leur avait demandé de le faire.

- Tant mieux, personne ne devrait rester tout seul.

- Dans mon cas il vaut mieux... Je fais peur aux autres.

Jungkook secoua sa petite tête d'un air catégorique.

- Tu ne me fais pas peur à moi.

Je souris légèrement, attendri. S'il avait vu mon visage, il aurait rapidement changé de discours, mais je lui avais demandé de ne pas s'approcher, alors il restait de l'autre côté du jardin.

- Tu es courageux, soufflai-je simplement en lançant une dernière fleur.

Il n'y en avait plus autour de moi, je lui avais tout donné, mais j'aimais mieux qu'il les ait. Après les avoir contemplé pendant plus de vingt ans, elles avaient perdu tout intérêt à mes yeux tant qu'elles restaient accrochées à ces ronces.
Lorsqu'elles étaient dans ses mains et qu'il reniflait leur parfum avec son nez rendu rouge par le froid, elles prenaient une toute importance.

- Tu dois aussi en garder pour toi, déclara-t-il en attrapant le flocon bleu. Cet endroit serait triste sans fleurs.

Si tu savais, Jungkook, à quel point cet endroit est triste.

Mais ce ne sont pas les fleurs qui l'égayent.

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Il était venu tous les jours pendant une semaine. Jamais très longtemps, en tout cas de mon point de vue.

Il était en vacances chez sa grand-mère qui habitait non loin d'ici et sa mère le laissait jouer dans la forêt environnante l'après-midi.

Je n'aurais jamais pensé être aussi près d'endroits habités mais visiblement, la grande maison qu'il me décrivait n'était pas très loin quand on savait quel chemin prendre.

Sa notion du temps et de l'espace n'était pas très précise, je doutais qu'il ait réellement mis douze secondes à arriver jusqu'ici après avoir passé la porte, d'autant plus que ses doigts en avaient montré seulement sept quand il m'avait fait part de son estimation.

Tout ce que je savais des alentours était qu'il y avait un grand lac juste à côté, au milieu des arbres. C'était là que les fées allaient chercher de l'eau.

Je souriais à chacune de ses visites, lui demandant de me parler de sa vie à l'extérieur, l'autorisant à cueillir toutes les fleurs qu'il voulait du moment qu'il faisait bien attention à ne pas se blesser contre les branches.

J'avais l'impression d'être enfin vivant, d'avoir enfin quelqu'un qui me comprenait. L'enfant appréciait ma compagnie et avait envie de venir me voir, personne ne l'avait forcé à être ici et il n'était pas spécialement pressé de s'éloigner de moi.

C'était tout nouveau pour moi, cela me donnait l'impression de ne plus être aussi monstrueux que ce que j'avais toujours cru. Je ne me sentais pas laid et difforme quand il était là, j'étais juste léger, heureux.

Mais tout rêve avait une fin. Il venait toujours un moment où le réveil était inévitable.

Cette fois-ci, il fut particulièrement douloureux.

- Je dois retourner à ma maison avec maman, les vacances seront bientôt terminées. Elle ne voulait pas que je sorte aujourd'hui, mais je voulais venir pour te dire au revoir.

Ma gorge se serra, mais au fond de moi, je savais que tout ceci n'était pas fait pour durer. La présence de Jungkook n'avait été qu'une courte parenthèse dans ma solitude.

- Fais... Fais attention à toi sur le chemin du retour.

Je laissai mes yeux jaunes se poser une dernière fois sur le petit visage rond de mon seul et unique ami, essayant de graver ses traits dans ma mémoire.

C'était de toute manière inutile de déployer autant d'efforts, même si je l'avais voulu, je n'étais pas sûr de pouvoir oublier ses yeux sombres et malicieux, ni la façon dont ils se plissaient quand il souriait.

Il hocha la tête puis fit quelques pas en direction de ma voix.

- Dis monsieur, je peux te faire un câlin avant de partir ?

- Ce n'est pas une bonne idée...

- Je m'en fiche que tu sois moche, je veux juste te dire au revoir.

S'en fichait-il vraiment... ? Ma propre mère m'avait abandonné, dégoûtée par mon apparence, comment un gamin pouvait m'accepter comme j'étais alors qu'elle en avait été incapable ?

- Non... soufflai-je. Va plutôt rejoindre ta maman...

Mais il tendit la main vers mon mur d'épines, étendant ses petits doigts dans ma direction, les sourcils froncés.

- Tu es mon ami maintenant, serre-moi au moins la main !

Je laissai échapper un léger rire et passai ma main entre les branches, l'observant sursauter face à ma présence. Avait-il fini par s'imaginer que je n'avais pas de corps ? Que je n'étais qu'un espèce de fantôme hantant cet endroit ?

Il se reprit vite et attrapa ma main avec un sourire. La sienne était tellement petite entre mes doigts, aussi petite que les fleurs qui poussaient par ici.

Il avait juste l'air heureux de pouvoir s'assurer que j'étais bien réel, il n'essaya même pas de jeter un coup d'œil à travers les branches, respectant mon choix de ne pas me montrer.

- Jungkook... demandai-je en resserrant mes doigts sur sa main. Tu veux vraiment me voir... ?

Peut-être devais-je juste lui faire confiance. Puisqu'il disait se ficher de mon apparence, il était sûrement sincère...

Il était mon premier et mon seul ami, peut-être qu'avoir appris à me connaitre avant de me voir allait l'empêcher de réagir comme ma mère.

Le petit garçon hocha vivement la tête et recula pour me laisser la place de sortir au grand jour.

Je n'avais jamais eu aussi peur de ma vie, mon ventre n'avait jamais été aussi noué.

Je pris une grande inspiration et bloquai l'air dans mes poumons avant de faire un pas en dehors de ma prison d'épines.

Je ne m'étais jamais tenu ainsi volontairement devant quelqu'un, absolument tout était nouveau pour moi dans cette situation, pourtant j'avais l'impression que l'émotion sur son visage m'était cruellement familière.

Est-ce que ma mère avait elle aussi écarquillé les yeux de cette façon et ouvert la bouche sur un cri d'horreur ?

Jungkook fit deux pas en arrière puis me tourna finalement le dos quand j'essayai de lever une main vers lui pour le supplier de ne pas partir.

Il s'enfuit vers la sortie de l'abri et je ne pris pas la peine de le poursuivre, cela lui aurait fait plus peur qu'autre chose.

Ma main était restée figée dans sa direction, mon regard bloqué sur la sortie maintenant vide et j'avais à peine entendu ses pas précipités s'élancer vers l'avant au lieu de faire le tour du jardin pour rentrer chez lui.

Il m'avait bien fallu une minute pour réussir à bouger à nouveau après avoir senti le goût salé de mes larmes envahir ma bouche.

Je m'étais alors laissé tomber à genoux, mon short rapiécé ne parvenant pas à me couper complètement du froid.

Je n'en avais plus grand-chose à faire, je laissai le froid et l'amertume m'engourdir, me faire tomber dans une sorte de torpeur dont les quelques fées qui se mirent à tourner autour de ma tête ne parvinrent pas à me sortir.

Comment j'avais pu être assez stupide pour croire que quelqu'un pourrait m'accepter ? Accepter la chose hideuse que j'étais... Un monstre tout juste bon à être caché au milieu de la forêt, une chose honteuse dont ma divinité de père n'avait pas voulue.

Seul un son étrange, que mes oreilles plus développées que celles du commun des mortels réussirent à capter, finit par me tirer de mon sommeil volontaire.

Un cri glaçant et le bruit menaçant de la glace qui crisse, prête à se briser.

Je relevai la tête et comprit d'où cela provenait. Le lac.

Je me levai, piétinant la neige dans laquelle subsistaient encore quelques-unes de ses traces de pas. Les fées essayèrent de me retenir mais je m'élançai contre l'entrée. Certaines d'entre elles griffèrent ma peau de leurs petites mains, et ce n'était rien à côté de la morsure des ronces. Pourtant, je continuai à me ruer sur les branches, les arrachant pour me frayer un passage, tandis que les cris devenaient de plus en plus perceptibles.

Aidez moi. Voilà ce qu'ils disaient.

Jungkook hurlait, il était en danger par ma faute et bien trop loin de sa famille pour qu'on puisse l'entendre. Si je ne m'étais pas montré, il serait retourné paisiblement auprès de sa mère et rien ne serait arrivé.

Je ne sentais presque pas les épines s'enfoncer dans ma chair. De toute manière, j'infligeais autant de dégâts à la végétation qu'elle ne m'en faisait, c'était de bonne guerre.

Les fées me crièrent à leur façon d'arrêter, essayant de me faire comprendre que je n'étais pas prêt à affronter le monde, qu'il n'y avait pas de place pour moi là-bas.

Non ! Rester. Tu dois rester !

Mais en vingt ans, je n'avais rien fait de ma vie, et je refusais de continuer ainsi, de rester caché dans mon jardin vide au lieu de venir en aide à la seule personne qui avait été réellement bienveillante avec moi.

Je finis par apercevoir l'extérieur et tirai une dernière fois sur tout mon corps pour lui faire passer cette barrière acérée, me débattant sans tenir compte du liquide chaud que je commençais à sentir couler un peu partout sur mon corps. De toute façon, quelle importance ?

Quand mon premier pied toucha la neige de l'autre côté, je me mis immédiatement à courir, m'arrachant de force à ma prison et laissant les fées et les fleurs derrière moi. J'entendais toujours Jungkook crier et appeler à l'aide et le grondement de la glace se faisait de plus en plus menaçant.

Je n'avais jamais vraiment couru... Je suppose que si j'avais été un humain, mes muscles se seraient raidis comme me l'avait expliqué mes gardiennes.
Je pouvais enfin trouver un avantage à cette forme qui ne m'avait jusqu'ici apporté que solitude et rejet.

J'arrivai rapidement en vue du lac et repérai immédiatement une petite forme bleue foncée. Jungkook se trouvait à vingt mètres du bord environ, tremblant et luttant pour ne pas bouger. Je compris pourquoi en avisant de grandes craquelures juste en dessous de ses pieds.

Mais si le poids de ce petit humain avait réussi à briser la glace, comment aller le secourir ?

- Ne bouge pas ! criai-je pour l'avertir de ma présence.

Il tourna la tête vers moi et ses yeux s'agrandirent à nouveau, mais son dégoût n'était plus mon problème principal pour le moment.

Je cherchai rapidement ce qui pourrait m'aider aux alentours et avisai un arbre mort sûrement assez fin pour être brisé et porté facilement.

Il ne faisait pas vingt mètres, mais peut être que je pouvais m'approcher suffisamment pour que Jungkook l'attrape.

Je courus vers le tronc et posai les mains dessus, manquant de sursauter en voyant leur état. Est-ce que l'adrénaline et le froid m'avaient vraiment empêché de ressentir tout cela ?

Je m'étais déjà blessé contre les ronces, je savais que c'était douloureux, pourtant malgré la gravité de mes blessures, je ne ressentais rien pour le moment.

Je cessai de me poser des questions, de peur que la douleur ne vienne soudain me paralyser, et je me mis à presser contre le tronc, usant de tout mon poids.

L'arbre mort céda facilement, mais j'eus un peu de mal à le porter sans qu'il ne glisse, mon sang faisant constamment fondre la couche de gel qui le recouvrait et rendant mes mains poisseuses.

Si le petit garçon avait eu peur de moi tout à l'heure, il risquait de s'évanouir en me voyant maintenant, mais je n'avais plus le choix.

J'entrai le plus lentement possible sur la surface du lac, heureux que Jungkook ait mis la tête dans ses mains pour pleurer.

J'avançai pas à pas en retenant mon souffle, comme si la moindre respiration pouvait tout faire craquer et nous faire plonger tous les deux.

Alors que j'étais presque arrivé à la bonne distance, l'un de mes pieds fit un drôle de bruit en se posant et une longue fissure s'étendit de mes orteils jusqu'aux chaussures de Jungkook où elle se mit à dessiner comme une toile d'araignée avec celles déjà présentes, se séparant en fentes plus petites dès qu'elle rencontrait une autre craquelure.

Tout fut finit en une seconde. La glace céda et le petit garçon retira ses mains de son visage, terrorisé, se sentant tomber. Je fis un dernier pas, sachant que la glace ne résisterait pas sous mon poids cette fois-ci, mais j'étais maintenant assez proche et je pus utiliser mon grand morceau de bois pour balayer le jeune humain.

Le choc n'avait pas dû être agréable pour lui, je l'avais pratiquement frappé avec le tronc, mais le voir tomber et glisser sur la glace intacte en direction de la berge me soulagea tellement que je faillis ne pas remarquer que le sol n'était tout à coup plus solide sous mes pieds.

La morsure de l'eau me fit me tendre mais je n'eus pas le temps de crier, le lac m'avait déjà englouti entièrement.

Tout ce que je voyais à présent étaient les reflets du soleil au-dessus de la couche de glace, et un grand trou entouré de petits blocs flottants.

Ma main se tendit vers la surface et ma bouche s'ouvrit dans une tentative d'appeler à l'aide. Personne ne m'avait jamais appris à nager.

Je me sentis sombrer vers le fond lentement, l'eau devenant de plus en plus froide autour de moi alors qu'à chaque nouveau mètre, je pensais avoir atteint une température impossible à dépasser.

Mon corps finit par ne plus répondre et ma vue se brouilla. Je sus alors que je n'allais pas m'en sortir.

Mais je n'étais pas vraiment malheureux.
Parce que ma misérable existence avait finalement eu un sens, une utilité. Je mourrais pour que Jungkook vive, et il méritait sans doute bien plus que moi de respirer et d'arpenter cette terre.

Même s'il ne m'en était pas reconnaissant, même s'il me trouvait trop repoussant pour cela, grâce à lui, je mourrais le sourire aux lèvres.

×

Comment tuer son narrateur au premier chapitre :')
En même temps, rien n'est perdu, on est sur un KookV et on n'a pas encore vu de "Taehyung" non ? :3

À la semaine prochaine ^^

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