ACTE 1 - CHAPITRE 7 - La Ville aux Engrenages
« Axel, tu devrais passer à la vaporette, le tabac va finir par te tuer, tu le sais ? »
Le châtain, cigarette entre les lèvres et briquet à la main, loucha en direction de sa comparse, les yeux ronds.
« J'aime bien le goût de la cigarette et on passe déjà la journée à respirer de la vapeur.
- C'est déjà ta seconde cigarette en moins d'une heure Axel. » Grommela-t-elle, refrognée.
- On en parle des tablettes de chocolat que tu dévores à longueur de journée ? »
Elles s'empourpra, répliquant en croisant ses bras sous sa poitrine.
- On verra le premier qui mourra de son pêché mignon : toi d'un cancer ou moi d'un diabète. Et je tiens à dire que moi, je mange du chocolat noir, monsieur ! C'est très bon pour la santé et riche en magnésium! »
Le gentleman lui tira la joue, moqueur, alors que le tram arrivait à la station où ils attendaient depuis peu. La quinzaine de personne autour d'eux et jusqu'alors immobile se mit en branle, s'amassant sur les lignes blanches illustrant les portes du véhicule motorisé.
La mauve se leva du banc, accompagné de son ami, non sans lui avoir accordé un magnifique coup de coude dans les côtes au passage, ce dernier se pliant avec exagération.
« Aaaaah, je souffre ~» se plaignait-il, passant le dos de sa main sur son front de manière outrageusement théâtrale.
« Axel ! Dépêche sinon on n'aura pas de place,» ria Emilia, lui attrapant la manche pour le tirer vers l'avant.
Se frayant un chemin sur le quai, les deux amis se placèrent sur les côtés de la bande en bout de rame, laissant les passagers descendre du wagon les uns après les autres pour ensuite se glisser à l'intérieur de l'habitacle.
Le sifflet retentit, annonçant la fermeture des portes et par la même occasion le dépars. Axel, debout contre un strapontin et Emilia, posée contre la porte du wagon à côté de lui, semblaient l'un comme l'autre se concentrer sur le paysage. Il était hors de question de parler des détails de l'enquête dans un transport en commun bondé. L'ingénieuse finit par fermer les yeux, se laissant porter par la mélodie des roues sur les rails et les ronronnements du moteur à vapeur qui vibrait sous leurs pieds. Axel pour sa part posa son front contre l'un des encadrements de vitres, laissant son esprit flâné. La tour de la grande centrale du centre ville se faisait de plus en plus imposante à mesure qu'ils s'approchaient du centre névralgique de la cité. Les multiples engrenages tournaient à un rythme lent et régulier, immense horloge rythmant la vie des habitants.
Les rails s'élevèrent au dessus du sol dans une transition aérienne, passant au dessus du quartier des Dolls. Les automates dans les boutiques donnaient toujours autant la chair de poule au gentleman, ils ressemblaient bien trop à des poupées de porcelaines flippantes qui se trouveraient dans une chambre d'enfant et s'animeraient la nuit pour commettre des crimes affreux ! Le jeune homme chassa l'image de Chuky d'un froncement de sourcil, le wagon se vidant peu à peu au fur et à mesure des stations. Les voitures en contrebas pétaradaient, les passants se bousculaient dans les avenues pour se rendre sur leur lieu de travail. Au loin, le conservatoire naturel et zoologique dénotait, une touche de vert dans cet océan de bronze et d'acier. Presque à l'opposé, le quartier des usines semblaient bien malheureux et morne. Axel était heureux de vivre à Pearsberg finalement, un petit quartier calme et assez aisé, pas si loin que ça du plus modeste coin d'Arlon où vivait la victime.
Axel abaissa son couvre chef sur son front, soupirant. Il ne regrettait pas d'être venu jusqu'à Ingenia, cela changeait drastiquement de Greenapple. Loin de la famille, loin des soucis.
Le véhicule se stoppa à la station GrandCentral, la foule glissant hors de l'habitacle alors que le conducteur annonçait le terminus. Axel offrit une pichenette à sa comparse, la tirant de son sommeil.
« On est arrivé Princesse.
- Je t'ai déjà dit,» bailla-t'elle, « de ne pas m'appeler comme ça, sinon moi aussi je ressors ton surnom du primaire.
- Comme si tu t'en souvenais ? » Provoqua le beau brun en passant la marche le séparant du quai.
- J'ai une très bonne mémoire pour ce genre de chose, Marmelade ! »
Le gentleman éclata de rire, attirant le regard des passants. Marmelade. Oui, le fameux Marmelade. Il tendit la main à son amie pour l'aider à descendre tout en gloussant.
« Bon d'accord, tais toi, j'arrête avec princesse. » Céda-t'il dans un soupire, reprenant son souffle.
Il utilisera Altesse la prochaine fois.
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Les deux compagnons se firent un chemin dans la foule, quittant l'espace restreint de la gare pour rejoindre les larges avenues du centre ville. L'immense usine leur faisait à présent face, les tours de cette dernière grimpant suffisamment haut pour gratter le ciel. Axel avisa rapidement la façade du poste de police, ce dernier se trouvant a à peine d'un dizaine de mètres de la station. Emilia passa devant lui, non pour lui déplaire. Elle saurait sans doute mieux que lui comment s'y prendre avec les uniformes bleus.
Ils passèrent les portes du poste, ce dernier étant lui aussi bondé : la salle d'attente était pleine de personnes, venant sans doute pour porter plainte ou simplement par inquiétude. Les policiers faisaient des allés et retours, orientant les citoyens vers un bureau ou un autre. Parfois circulaient des individus menottés et conduits à l'étage, sans doute vers des cellules ou des salles d'interrogatoires.
La mauve avisa l'accueil, s'y rendant d'un pas léger, posant ses deux mains sur le bureau, souriante.
« Bonjour ! Nous devons parler avec l'inspecteur Becker.»
L'homme à l'accueil leva les yeux de sa machine à écrire, détaillant l'ingénieuse et le gentleman à haut de forme d'un air dédaigneux et surtout fatigué.
« Vous avez rendez-vous avec l'inspecteur ? Si c'est une blague, nous avons d'autres choses à faire les enfants.»
Les enfants, disait-il alors qu'il ne semblait avoir plus de la quarantaine. Axel s'appuya à son tour sur le bureau, légèrement agacé.
« Emilia Fernet et Axel Dumont, du cabinet des Aristocrates. Nous sommes là pour l'enquête Simons.»
Le brouhaha ambiant sembla s'apaiser soudainement, la plupart des regards s'étant rivés en direction de l'accueil. Ce n'était pas volontaire, Axel n'avait pas eu conscience de parler aussi fort mais cela avait fait son effet. Le policier de l'accueil sembla décontenancé, avisant ses collègues du regard pour savoir quoi faire. Il est vrai que ces visages lui semblaient familier mais il n'imaginait pas les Aristocrates si "jeunes" et encore moins aussi désinvoltes.
Il bafouilla, se rendant compte que l'ambiance du poste en serait presque devenue gênante.
« Je vais prévenir le lieutenant, le capitaine est actuellement en réunion... Vos papiers d'identité s'il vous plaît...»
Le brun sortit de sa veste son épais porte-document de poche, l'ouvrant pour en tirer son certificat de citoyenneté, Emilia l'extirpant pour sa part de sa besace, le sien couvert de tâches d'huile de moteur. Axel lui adressa un regard en coin moqueur qu'elle esquiva d'un mouvement de menton dédaigneux.
Le policier observa les certificats, notant dans son registre les noms complets des jeunes gens ainsi que leur numéro d'immatriculie, avant d'indiquer l'ascenseur.
« Attendez devant les portes, je reviendrais vous chercher. »
Il quitta sa chaise de bureau, faisant signe à un de ses collègues pour qu'il le remplace. Le poste sembla reprendre son effervescence habituelle, la vague de stupéfaction passée. Sans attendre, le duo s'éloigna de la masse en attente pour rejoindre l'ascenseur. Emilia se sentait épiée, les tout venant ne se gênant pas pour les dévisager. Axel sourit en coin :
« Dur d'être célèbre, hein Em' ? »
Elle ne répondit rien, se contentant d'hocher vaguement la tête en replaçant ses lunettes de travail sur son crâne et de placer son ombrelle à son bras, pointe vers le bas.
Au bout d'une petite minute d'attente, le policier refit son apparition, ouvrant les portes de métal de l'ascenseur à l'aide d'une imposante clé à remontoir codé, invitant ensuite les Aristocrates à le suivre. Le standardiste activa le levier et la boîte de métal se mit en branle, les rouages tournant dans des cliquetis familiers.
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Petit Espace Commentaire de l'Auteure
Bonjour et bienvenu, ami(e) lectrice ou lecteur.
Un chapitre plus long que les autres pour vous présenter Ingenia en elle-même ainsi que l'ambiance générale de la ville ! J'espère que cet univers te plaît, nous l'explorerons beaucoup plus dans les prochains chapitre, ne t'inquiète pas !
N'hésite pas à liker ou commenter pour me faire savoir ton ressenti sur l'histoire ♥
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