ACTE 1 - CHAPITRE 5 - Dans la peau d'une autre

Sarah nouait ses cheveux en un chignon négligé, retenant un bâillement. Son regard coula en direction de son horloge, celle-ci sonnant 5h45... Elle s'observa un instant dans le reflet du miroir de la coiffeuse, son visage à peine illuminé par la lampe trônant sur sa table de chevet. Elle tira le troisième tiroir à sa droite, en sortant un petit coffre. Poudre, fard, rouge à lèvre, mascara. En une dizaine de minute, son teint livide était devenu rayonnant, ses yeux un peu trop ronds s'étaient affinés et ses lèvres, minces, semblaient à présent plus charnues qu'elles ne l'étaient à l'origine. L'illusion est parfaite, se disait-elle.

Se levant, dénouant la serviette qui la couvrait, elle hasarda ses mains dans sa commode, en sortant un pantalon en toile et un énième chemisier délavé en flanelle. Tenue négligée, aucune culpabilité à la couvrir de tâche de café ou de graisse. Peu féminine pour éviter le regard carnassier des hommes en manque de chair. Elle soupira, s'observant une nouvelle fois. Avait-elle été belle un jour ? Pourquoi ce paradoxe entre ce visage si beau et ce vêtement si misérable ? Tu aurais dû continuer tes études d'infirmière, disait à nouveau son père dans ses oreilles. Mots plein de vérité et d'amertume. Elle venait de la campagne, elle avait découvert la grande ville, l'amour, et puis l'abandon, la déchéance. Nettoyer des tables ou faire le trottoir dans le DownTown, le choix avait été fait.

Elle attrapa son sac, quittant sa chambre pour le poser dans l'entrée. Tournant le bouton de la radio, la voix de Sidney Dormon commença à s'élever dans le miteux appartement, Sarah dansant sur les quelques pas la séparant de son frigo. Elle en sortit son jus d'orange, se dressant ensuite sur la pointe des pieds pour atteindre le placard à sa droite, en extirpant un paquet de gâteau au chocolat à peine entamé.

S'installant à la fenêtre tout en grignotant son petit déjeuner, elle observa la rue, fixant l'enseigne qui n'allait pas tarder à clignoter pour lui signaler qu'il était l'heure de se rendre au travail. Toute les journées se ressemblent. Toutes les journées sont les mêmes. Les mêmes clients. Les mêmes serveurs. Les mêmes plats, cafés, desserts, tarte, quiche, glace ! Elle se massa la tempe, grondant de frustration. Elle était fatiguée. Si fatiguée. Si lasse.

Elle lança son paquet vide sur la table, attrapant son verre de jus pour le boire d'une traite. Motive toi Sarah ! Ce n'est qu'une journée de plus ! Demain sera un jour meilleur. 

Se claquant les deux mains contre ses joues, la jeune femme s'ébroua alors. La pendule dans sa chambre sonna. C'était l'heure ! Elle retourna à la radio, la coupant, puis se hâta en direction de l'entrée, s'agenouillant pour récupérer ses bottines à talon. Les tirant du placard, elle se laissa tomber en arrière pour s'asseoir, enfilant la droite à la hâte et s'emparant de la seconde lorsqu'une étrange sensation lui parcouru le dos. Un courant d'air ? Elle tourna la tête, observant le plan de travail, la table, la fenêtre close. Son imagination ? Sa gorge se noua. Prenant appuie sur ses mains pour se relever, elle attrapa son sac, le passant sur son épaule, cherchant ses clés dans le petit buffet de l'entrée.

Mais dans le petit bol dans lequel elle disposait habituellement ses clés se trouvait une fleur blanche, entouré d'un fin ruban. Une hortensia, un ruban vert noué autour de sa tige. Elle demeura la main au dessus de la fleur, interloquée, confuse pendant une seconde qui lui sembla soudain être une éternité. La panique monta, agitant sa poitrine. Son coeur battait la chamade. Quelqu'un était entré dans son appartement. Quelqu'un avait pris ses clés et les avait remplacé par une fleur. Quelqu'un lui faisait une mauvaise farce ? Mais qui... ?

Elle réalisa. Elle tenta de crier mais aucun son ne semblait sortir de sa gorge. Elle porta ses mains à son cou, prise dans la panique. Quelque chose de froid rencontra le bout de son index, une chaîne, quelque chose de fin et de métallique. Sa vision devint trouble, son corps, lui, sembla lourd. Son souffle se coupa, elle tenta de se débattre, de griffer, de survivre, la peur devenant terreur à chaque seconde d'impuissance, à chaque seconde sans air dans ses poumons Son corps l'abandonna, son esprit s'évada, son être s'affaissa. Un souffle tiède dans sa nuque. Un bruit sourd raisonna dans son crâne, alors qu'elle s'écroulait sur le parquet moisi et froid de sa demeure, la vie l'abandonnant. 

Emilia rouvrit les yeux, le souffle court et le coeur au bord de l'explosion. Elle sentit une nausée lui monter dans la gorge, tâtonnant ses poches à la recherche de son brumister. Haletante, le front en sueur, elle tira d'une main tremblante le petit tube de métal et une boîte de cartouche, glissant l'une des petites pilules de verre à l'intérieur du tube avant d'activer le mécanisme. Une fine fumée verte commença à s'échapper du dispositif, la jeune femme en panique inspirant alors profondément. Son pouls se calma progressivement au fur et à mesure que la brume pénètre dans ses poumons, la soulageant. 

Lightstone passa la porte de la chambre, ayant entendu le bruit de l'appareil de sa comparse, sautant presque à sa hauteur en constatant son état.


« Em' ? Tu te sens bien ? Tu m'entends ? »


Elle hocha la tête du mieux qu'elle pu, retirant le morceau de métal de sa bouche, soufflant péniblement.


« Je suis désolée Light. Je n'ai rien vu, elle n'a rien vu. Je ne comprends pas. Ça n'a aucun sens. »


Avant même de s'en apercevoir, Emilia laissait couler ses larmes. Trop plein d'émotion, panique. Trop. Beaucoup trop.

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Petit Espace Commentaire de l'Auteure
Bonjour et bienvenu, ami(e) lectrice ou lecteur.
J'espère que ce chapitre t'a plu !
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