Chapitre 27

À : Gabriel

Tu as idée d'à quel point je me sens trahie, salie ? Par ton collègue et par toi ? Par le « bon » dieu ? Par ma famille ? Tu ne penses pas qu'il y avait d'autres méthodes ? Que tu aurais pu... je sais pas moi... m'épargner ?!

De : Gabriel

Pardon. Pardon, et encore pardon. Je ne pourrais écrire toutes les excuses que j'aimerais te faire, mais je suis sincèrement désolé. Je n'approuve pas les méthodes de mes collègues. Je ne pensais pas que tu t'attacherais à moi, je ne pensais pas que tu pourrais m'aimer.

À : Gabriel

Tu as tout fait pour, ne fais pas l'étonné.

De : Gabriel

Tu attendais l'homme parfait, Kalie... C'était impossible que tu te contentes de moi, et le fait que tu ne voulais pas sauter le pas en venant dans mon lit, je le prenais pour une preuve.

À : Gabriel

Tu es un ange, dis-moi qui sur ce continent peut prétendre à plus de perfection que toi ? Quant à mes valeurs, elles n'avaient rien à voir avec notre histoire... Pourquoi as-tu continué, si ça ne marchait pas ? N'as-tu pas eu de remords quand je t'ai présenté à ma famille ?

De : Gabriel

J'étais persuadé de pouvoir y parvenir sans te faire souffrir.

À : Gabriel

Loupé. Même ton collègue n'y croyait pas et a voulu accélérer le processus.

Ange n'était effectivement pas signe de bonté.

De : Gabriel

Kadrel n'a jamais su y faire... Dois-je m'excuser pour lui également ? Il travaillait avec moi en binôme.

À : Gabriel

Donc tu le savais et quand bien même tu désapprouvais ses méthodes, tu l'as laissé faire ?!

Je surenchéris, mutine :

À : Gabriel

Et avec les autres Kalie, hein ? Vous faisiez pareil ?

De : Gabriel

Ce n'est jamais pareil.

À : Gabriel

Épargne-moi tes phrases bateau, tu veux ?

Je titubai, recherchai activement Simon et Myriam et ne me heurtai qu'à un cuisant échec. L'arrière-goût rance qui se conglutinait à mon palais m'affadissait.

Je ne pouvais rentrer à pieds, pas plus qu'en taxi car ma mère m'aurait tuée. J'étais trop éméchée pour réfléchir intelligemment. C'est sans doute pour cette raison que j'ai appelé mon ange gardien au secours.

Non, pas Myriam.

De : Gabriel

Entendu, tu es où ? J'arrive de suite. Attends-moi dehors.

Je zigzaguai entre les invités, la vue voilée par la cataracte du rhum, jusqu'à parvenir sous le porche d'entrée. L'air frais fouetta mon visage et cette claque revigorante me redonna un pourcentage de lucidité.

Je remerciai les paparazzis d'avoir quitté les lieux et partis m'asseoir en bas des marches, à côté du voiturier que je calculai à peine. Je m'assoupis, affalée sur mes genoux, et gonflai les joues pour ne pas conspuer sur le bitume.

— Quelqu'un vous cherche, madame ?

J'hochai la tête en guise d'affirmation. Peu après, des pneus crissèrent et le carrosse venu sauver la princesse se dressa devant moi. Gabriel en descendit et m'ouvrit la portière avant. En tanguant, je m'installai.

— Mais... Depuis quand... hic... as-tu une voiture ?

— Hum... Depuis ce soir, en fait.

— Un vol ?

— Un cadeau de Dieu. Dis donc, t'as bu ! Regarde-moi.

— Heji.

Je ne reconnus rien à mon réveil. En me levant, je me rendis juste compte que j'étais nue sous un t-shirt ample qui ne m'appartenait pas. Je m'assis, émétique, et rassemblai mes souvenirs de la veille. J'ignorais comment la soirée s'était terminée et la nausée manqua de me faire rendre mes anciens repas quand j'imaginai avoir pu perdre ma virginité sans en garder le souvenir.

Je retrouvai mes habits sur un petit bureau dans le coin et savourai le retour de ma pudeur. Mon téléphone refusa de s'allumer, je pestai.

Dans le couloir, la décoration moderne m'indiqua que je me trouvais chez Gabriel. Je serrai les poings, révoltée : il avait abusé de mon ivresse pour obtenir ce qu'il voulait. Bien décidée à lui remonter les bretelles, je descendis à la cuisine. Il y déjeunait à ce moment même.

— Salut, Kalie. Bien dormi ?

— Je te trouve bien gonflé ! M'ausculter dans mon sommeil, bravo !

— Je ne t'ai pas... Sérieux, Kalie, tu penses que j'aurais pu profiter de toi ?!

— J'en sais rien ! Alors, tu l'as vue, ma marque ?!

— Calme-toi, les autres dorment encore...

— Réponds.

— Non. Il faisait noir. Je voulais juste que tu sois à l'aise. Et Je n'ai pas couché avec toi, si c'est ce qui t'inquiète.

— Soit. T'as un chargeur ? Faut que je rentre.

— Dans le salon près de la télé.

Je branchai mon appareil et attendis. Je blêmis devant les incalculables messages reçus de Myriam. Myriam que j'avais laissée en plan à la soirée... Myriam qui devait être furax. Et en effet...

De : Mymy

Bordel, tu es où ?!

À : Mymy

Excuse-moi Mymy, je suis chez Gabriel, je ne savais pas où tu étais et je me suis endormie.

De : Mymy

Chez Gabriel ? Mais qu'est-ce que tu fous ?! Je me suis fait un sang d'encre ! Je t'ai appelée toute la nuit ! J'ai failli appeler la police !

À : Mymy

Eh, calme-toi... Tout va bien... Pardon...

De : Mymy

T'avais pas à partir comme ça ! Ni à me laisser sans nouvelles pendant des heures !

À : Mymy

J'étais endormie, j'étais endormie ! Je pouvais difficilement te prévenir !

De : Mymy

Eh bien tu aurais dû le faire AVANT de t'endormir ! Tu as une idée d'à quel point je me suis inquiétée ?!

Indisposée à subir ses mercuriales sermonneuses alors que j'implorai son aumône, je répliquai :

À : Mymy

J'imagine qu'à l'étage avec Simon tu ne t'inquiétais pas trop. Moi aussi je me suis inquiétée. Tu n'étais nulle part, j'ai passé deux heures au bar seule, à t'attendre. Alors oui, j'ai voulu rentrer. J'étais crevée, bourrée. Je vais chercher mon père aujourd'hui, on se reparlera plus tard, je ne suis plus d'humeur.

Gabriel dût sentir ma contrariété et ne me provoqua pas. Il me servit une tasse de café et des pancakes que j'entamai à peine.

— Puisque tu es là... Si on avançait ? proposa-t-il.

Si je revoyais mon père, ou plutôt s'il me revoyait, que penserait-il de la femme que j'étais devenue ? Il en serait déçu, à coup sûr... Pas d'action humanitaire, pas de magique carrière, pas de projets, pas de rêves, pas de physique de magasine, pas d'idées ou d'avis sur la politique et l'actualité...

Il verrait uniquement une luciole éteinte dans la cité des lumières, éclairée par l'éclat des autres car incapable de briller à son tour. Ou d'oser briller.

— Tu brilles, Kalie. Tu hésites depuis quinze ans. Essayons. Je ne te promets rien, mais tu as besoin de réponses...

— Avant qu'on aille plus loin, que vas-tu faire quand on l'aura trouvé ?

— Il faudra que je contacte mes supérieurs.

— Mais Dieu voit tout, de toute façon, non ? Que feront tes supérieurs ? Il est hors de question que vous l'enleviez à nouveau.

À moins qu'ils ne m'enlèvent moi à sa place, car après tout, j'étais au courant...

— Personne ne sera enlevé.

Je le foudroyai du regard. Il entendait chacune de mes pensées. Aucune intimité n'était possible : c'était comme être bourré mais en permanence : sans filtre, trop honnête.

— Tu ne peux pas arrêter ? ronchonnai-je.

— Ça ne se choisit pas comme une option de téléphone. 

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