Le ciel était gris. Le moral de Seungmin aussi. Alors que le jeune homme sortait de l'enceinte du lycée, il ne put s'empêcher de soupirer. De découragement? De soulagement? Ça, il n'aurait pu le dire. Il savait seulement que son sac était rempli à craquer de devoirs, de leçons et d'exercices qui n'attendaient que son retour chez lui pour être faits. Il savait qu'une nouvelle soirée d'étude s'annonçait pour lui.

   Son écharpe brune autour du cou et les mains dans les poches de son long manteau de feutre couleur caramel, il traînait avec lassitude ses bottillons noirs sur l'asphalte de la rue sensée le mener au centre-ville.

   La maison de ses parents se trouvait à un peu plus de quatres kilomètres de son école, distance amplement éligible pour qu'il puisse prendre l'autobus afin de rentrer chez lui. Pourtant, il ne le faisait pas. Il préférait marcher. Le chemin du retour à la maison était bien souvent le seul moment de la journée où il pouvait être seul, en silence, sans avoir à placer sa concentration ailleurs que dans ses pensées profondes et divagantes.

   Le trajet qu'il empruntait chaque matin et chaque soir était toujours le même. À la sortie de l'école, il prenait une petite ruelle qui le conduisait à une rue tranquille débouchant sur la voie publique, pavée et entièrement piétonnière du centre-ville. Là, il passait devant restaurants, boutiques, théâtre, centres de services sociaux, cliniques médicales et petits commerces indépendants jusqu'à arriver devant une supérette. À ce point, il quittait le centre ville en tournant à gauche et arrivait dans un quartier résidentiel où les maisons se ressemblaient toutes. Derrière ce quartier se dressait une forêt dans laquelle Seungmin pénétrait par un petit sentier de terre battue. Cette portion du trajet était sa préférée car il aimait se sentir proche de la nature et appréciait le calme reposant de la forêt. Une fois cette petite forêt traversée, c'était des champs qui s'étendaient à perte de vue. À quelques centaines de mètres de la lisière des bois, seule entourée de toute cette campagne, la maison de la famille Kim pouvait alors enfin être aperçue.

   Seungmin arrivait généralement à faire toute la route jusqu'à chez lui en un peu moins d'une heure. Il lui arrivait d'allonger cette durée en faisant des arrêts occasionnels, par exemple à la supérette ou au beau milieu de la forêt.

   Lorsque la météo était belle, sa cadence était légèrement plus lente. Il aimait le soleil. Sentir ses rayons réchauffer ses cheveux et ses vêtements lui donnait envie de s'étendre sur le sol et de faire la sieste pendant des heures.

   La pluie, elle, était moins appréciée par le jeune homme, du moins au contact. Observer les averses depuis un endroit où il était en sécurité était quelque chose que Seungmin faisait régulièrement, par exemple lorsqu'il trouvait son cours ennuyeux et préférait commenter dans sa tête la course de deux gouttes d'eau ruisselant le long de la fenêtre de sa classe. Se tenir lui-même sous la pluie était cependant une autre histoire. Il détestait ressentir le froid couler sur son visage ou dans sa nuque pour aller s'infiltrer sous ses vêtements, mais, par dessus tout, il haïssait se sentir mouillé, trempé jusqu'aux os et se voir grelotter alors que ses cheveux lui collaient au front.

   C'est pour cette raison que, aujourd'hui, par cette journée nuageuse de mi-octobre, son pas était plutôt dynamique. Il craignait de se faire surprendre par la pluie et, malgré le fait qu'il redoutait le moment où il devrait se mettre à la tâche avec ces travaux scolaires, il espérait arriver chez lui le plus rapidement possible.

   Lorsque ses bottines atteignirent le pavage de la rue populeuse du centre-ville, Seungmin sortit ses écouteurs de sa poches et prit quelques secondes pour démêler leur fil qu'il brancha ensuite à son téléphone portable. Il parcourut Spotify un instant avant d'arrêter son choix sur sa playlists favorite : Best of Day6.

   Le jeune homme avait découvert ce groupe de K-rock il y avait de cela un peu plus de trois ans, le jour où ses parents l'avaient amené voir un de leurs concerts pour fêter les 16 ans de leur fils. Dès lors, Seungmin avait fait de Day6 son groupe préféré et ne pouvait se lasser d'écouter chacune de leurs chansons en boucle.

   C'est donc sur l'enchaînement de «Shoot Me», «Congratulation», «Sweet Chaos», «I Wait» ainsi que plusieurs autres que le garçon descendit la rue du centre-ville jusqu'à la supérette. Il prit alors son virage à gauche sur le premier couplet de «You Were Beautiful» et marcha durant exactement deux minutes jusqu'à l'entrée du quartier résidentiel qu'il devait traverser. C'était la dernière ligne droite qu'il lui restait à faire avant d'atteindre les bois. Enfin... Ligne droite... Il devait tout de même zigzaguer entre les rues paisibles et s'arrêter à certaines intersections pour céder la priorité aux voitures des travailleurs trop pressés de rentrer chez eux pour se préoccuper d'un stop.

   Alors qu'il approchait de l'orée de la forêt, il faillit même se faire renverser par une BMW grise qui roulait bien au dessus de la limite de vitesse imposée par la municipalité. La voiture avait freiné brusquement pendant que Seungmin finissait sa traversée de la rue le coeur battant vite. La fenêtre de l'automobile se baissa alors, laissant sortir du véhicule le visage crispé et aigri d'une maigre femme qui devait être sur la fin de la quarantaine.

— Regarde où tu vas, morveux! Et enlève ces machins de tes oreilles où tu finiras sourd! lui reprocha la dame avant de repartir à la même vitesse qu'elle était arrivée.

— Ouais, c'est ça... Vieille sorcière toute rabougrie, maugréa Seungmin avec frustration.

   Il n'enleva ses écouteurs que lorsqu'il eut enfin rejoint la forêt verdoyante et majestueuse fendue d'une mince ligne de terre lui indiquant le chemin vers les champs. Lorsqu'il s'enfonçait dans la nature de la sorte, Seungmin préférait arrêter sa musique et porter toute son attention sur les incalculables bruits de la forêt. Ses pas sur la route caillouteuse, les chants de oiseaux variés, le grattement des griffes des écureuils sur les troncs d'arbres, le mouvement de la végétation portée par le vent, les aboiements du chien...

   Du chien?

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Voilà ce qui conclut le premier chapitre de Marmelade! J'espère qu'il vous met un peu l'appétit au ventre!

On se retrouve au prochain chap dans une semaine pour voir la rencontre de nos deux protagonistes!

See yah! <3

~Alpi~