CHAPITRE 8: Calendula officinalis.
Hello guys, ça-va ? 🌹
Je vous laisse direct avec la suite les stars ! ❤️
(J'ai oublié de dire: Attention au TW)
Bonne Lecture! 📖
Xoxo - Iamkunafa. 🍓
🎵 Ceilling - Lizzy McAlpine
𓆃
Flashback, il y a deux ans.
MARIPOSA.
Je suis restée assise une bonne dizaine de minutes assise sur ce lit. Emmitouflée dans la couverture de ma mère, je ne voulais pas arrêter de sentir son odeur. Le papillon d'or que Mabel m'avait mis dans les cheveux hier était posé sur la table de chevet. Je l'admirais un moment avant de tourner la tête et apercevoir une petite pile de vêtements propre au pied de mon lit.
Le soleil était haut dans le ciel. J'avais dormi toute la nuit et je me sentais définitivement reposée. De cette fenêtre, je voyais le lac devant la maison. Maintenant je me souvenais de lui. Parfois on allait pêcher de gros poisson avec Abuelo, maman, et Mabel... En revanche, je n'avais aucun souvenir de mon père ici, c'était comme si mon cerveau l'effaçait automatiquement.
J'étais triste.
J'avais un bonheur immense dans le cœur au même titre que je pensais tout de même à eux... à Ania... des frissons d'horreurs me parcoururent.
Je suis sortie du lit en secouant la tête. Je pris une douche rapide avant de faire ma toilette. J'en avais profité pour laver mes cheveux avec les produits qui devaient appartenir à ma mère. Elle aussi utilisait du coco...
Ma gorge se resserrait à chaque fois que je pensais à eux. Et tout me faisait penser à lui jusqu'à cette odeur de coco. Cette histoire entre lui et moi me chamboulait profondément. Nous étions censés être ennemis déclarés avant même notre rencontre...
Et pourtant...
Je portais une jolie robe longue flamenco rouge. Elle était légère et élégante.
En descendant les escaliers. J'ai entendu une voix grave qui répondait à une voix plus douce. Lorsque je suis arrivée devant l'encadrement qui me séparait de la cuisine, j'avais l'impression de vivre un rêve éveillé...
Ma maman donnait une tasse de café à mon grand-frère. Il était appuyé contre le plan de travail, un t-shirt et un jean brut. Ils discutaient tous les deux. Ça me paraissait étrange d'entendre l'espagnol résonner dans la maison. J'étais heureuse de pouvoir le parler et le comprendre.
Mabel a relevé la tête vers moi, j'ai vu un beau sourire étirer ses lèvres.
— Ay, Mariposa ! Tu es tellement jolie ma fille, aller viens manger !
Je plongeais les yeux dans ceux de ma mère. J'avais déjà envie de pleurer. Elle m'a fait m'asseoir à la table de la cuisine. Elle plaçait devant moi différentes variétés, je ne les connaissais pas, mais je salivais déjà.
— Ça, c'est hervos perico, des omelettes, avec des poivrons, ça, c'est des empanadas, c'est fourré au fromage, tu as des arepas, c'est aux légumes, tu aimes toujours les légumes ? Tu les mangeais quand tu étais bébé.
Ma mère a continué à me décrire les différents plats sur la table. Je sentais qu'elle était heureuse de me les présenter :
— Mamá, laisse-la manger.
— J'explique à ma fille les différents plats de chez elle.
— Elle meurt de faim, regarde-la.
Leurs yeux se sont posés sur moi. Je me sentais tout d'un coup sous le feu des projecteurs, mais finalement maman à ri, moi aussi, et le léger sourire de Mabel me donnait une forme de réconfort inavouable.
Je commençais à manger cette omelette. Je la trouvais délicieuse. C'était les plats de ma mère. Je m'extasiais comme si je mangeais de l'or. Je buvais son jus d'orange pressé en profitant de ma famille, mon cœur battait si fort, je crois que mes joues étaient rouges.
Je réalisais à peine comment ma vie avait pris un tout nouveau tournant. Mabel a fini par s'asseoir sur la chaise à ma gauche. Il parlait avec ma mère de la situation d'un quartier pauvre de la ville. Je les écoutais religieusement. Maman disait à Mabel qu'il devait les aider et il lui répondait qu'il avait quelques idées pour construire une école dans le coin.
Je regardais mon grand-frère en mangeant. Je me sentais un peu comme une fan-girl, mais je ressentais une profonde admiration pour lui à la seconde où je l'avais vu.
Au bout d'un moment il y a eu un silence. Je regardais ma mère, elle avait mis les paumes sur ses joues en nous regardant tous les deux.
— Mis hijos... (Mes enfants...)
Elle nous regardait avec amour les larmes aux yeux. Elle s'est approchée de nous et embrassé nos fronts à tous les deux. Je me retenais de pleurer et de ne pas me laisser submerger par mes émotions. Je le ressentais moi aussi, ce lien familial entre nous.
— Hermanita, fini de manger j'aimerais te montrer autre chose.
— Une surprise ?
— Pas exactement.
Il m'a souri. Je hochais la tête en me dépêchant de finir mon omelette. Tout ce qu'il me disait m'intriguait. Il s'est levé pour mettre sa tasse de café dans l'évier. Je me levais à mon tour pour débarrasser la table.
— Non laisse Mariposa, vas avec ton frère.
— Tu ne viens pas avec nous ?
— Je dois te parler seul à seul, on la retrouvera juste après ne te fais pas de soucis.
Mes yeux ont retrouvé ceux de ma mère. Elle m'a gentiment poussé vers mon frère en prononçant des "allez, allez". Je décidais de couper un peu le cordon et suivais mon frère vers la sortie. Je glissais mes pieds dans mes sandales de la vieille.
Et en sortant de la maison, mes yeux sont tombés sur ceux de Rio. Il était assis sur le banc devant la maison. Un frisson d'effrois me prit en découvrant une grande Kalashnikov noire posée entre ses jambes. Je détournais le regard devant son regard sombre pour constater le cortège d'une dizaine de jeeps qui attendaient mon frère et avec ça une quarantaine d'hommes qui l'avaient patiemment attendu.
— Vamonos !
Sa voix faisait loi. Les hommes qui fumaient ont écrasé leurs cigarettes. Ceux qui s'étaient assis près de la rivière se sont menés vers les voitures. J'étais impressionnée. Je regardais Mabel son visage était froid, plus caractériel, j'ai ressenti une légère frayeur en voyant que son masque de bonté n'existait pas avec ses hommes.
J'étais la seule femme en rouge au milieu de ces hommes vêtus de noir.
Mabel m'a ouvert la porte je suis montée dans le véhicule. Et lorsqu'il s'est assis derrière le volant, deux hommes se sont installés à l'arrière. Je tournais la tête pour les regarder. Il y avait Rio, qui cette fois-ci a détourné le regard en premier. Et un autre homme, avec un style un peu plus décalé, une veste en cuir sans manches, des tatouages dans le cou, une boucle d'oreille noire et je remarquais ses gants en cuir qui laissaient entrevoir le bout de ses doigts sur les bras. Il avait une coiffure buzz cut.
Je détournais le regard lorsque mon frère s'installa derrière le volant.
— Mariposa, je te présente Jão. C'est mon frère.
Mon regard se posa de nouveau sur ce fameux Jão. En le regardant, les King me revenaient en mémoire. Mabel aussi s'était créé sa propre famille sans moi... et moi je crois que j'avais... la mienne ?
Non ?
Aucune voiture n'a démarré avant que Mabel ne passe devant. Je sortais la tête de la fenêtre pour regarder le cortège nous suivre. Je n'allais pas me voiler la face, je savais que mon frère traînait dans de sombres affaires.
Nous avons roulé probablement une vingtaine de minutes. En passant dans les routes, mon frère me pointait du doigt les habitations aux alentours. Il connaissait tout le monde, le fermier, Fernandinho, apparemment il faisait le meilleur lait du coin. La voisine de maman, Gisèla, elle était très gentille, mais elle perdait un peu la tête avec l'âge.
Puis nous nous sommes arrêtés devant une colline en terre qui s'élevait majestueusement vers le ciel. Quand mon frère est sorti de la voiture, j'en ai fait de même. Sauf qu'il a saisi la même arme que ce Rio. Je fronçais les sourcils en le regardant perdu.
— Viens avec moi.
Mon frère m'invita à monter cette pente avec lui.
Je marchais à côté de lui d'abord dans un silence apaisant. Parfois mes yeux se baissaient sur cette arme qu'il tenait d'une main comme si elle ne pesait rien. La chaleur de mon pays était palpable, je ne regrettais pas cette robe avec ce soleil qui me brûlait la peau.
— Eh, Mariposa.
Je tournais la tête vers mon frère qui s'arrêta au milieu de la colline. Il coinça cette Kalashnikov sous son bras avant de dégager mes boucles de mon oreille. De nouveau il me plaça un papillon d'or dans les cheveux. Son petit sourire provoquait le mien. Puis nous avons continué notre ascension.
En haut de la colline, je découvrais le vaste paysage du Vénézuéla qui s'étendait à perte de vue. J'admirais le vert chaleureux de la forêt tropicale qui se fondait au bleu scintillant de l'océan, ainsi que les habitations dispersées sur des kilomètres.
Cette vue me coupait le souffle. Je me tournais vers mon frère pour le lui dire, mais du coin de l'œil je découvrais les hommes de Mabel. Ils étaient tous sortis des véhicules. Ils gardaient leur distance, mais ils protégeaient le périmètre avec un sérieux qui m'effrayait.
Au milieu de cette colline, il y avait ces hommes, Rio et Jão qui étaient entré dans la voiture avec nous. Ils attendaient, les armes dans les mains. Leur regard se perdait de gauche à droite. Ils ne faisaient que ça, attendre mon frère.
— Tous ces hommes...
Les yeux verts de mon frère se sont plongés dans les miens quelques secondes puis il a détourné le regard:
— Ils travaillent tous pour moi. Et, tout ce que tu vois là, hermanita, ça m'appartient.
Sa paume a englobé toute la zone que je voyais devant moi.
— Ces terres et ces hommes.
Je n'ai pas su quoi répondre.
— Et ce n'est là, qu'une partie de ce que je possède. Ces gens, ces terres, ils comptent tous sur moi. Je suis tels un père, un frère, un leader pour eux.
Je croisais mes bras sous ma poitrine. Un léger vent a soufflé sur nous. Mes émotions étaient multiples. Mon frère me parlait avec cette prestance qui m'obligeait à l'écouter. Je jetais parfois des regards derrière moi et je me rendais compte de l'influence que Mabel avait ici. J'admirais autant sa détermination qu'elle me faisait légèrement peur. J'avais conscience que tout ceci ne pouvait venir sans vivre une vie dangereuse.
Cette ambiance m'intimidait. Au loin le bruit lointain des vagues me ramenait un peu sur terre. Je devais l'avouer; à côté de mon grand-frère je me sentais vulnérable.
Je me demandais comment quelqu'un pouvait prétende avoir autant de contrôle sur un tel espace et autant d'hommes ?
Mes réflexions sont cessées en entendant sa voix grave :
— Te souviens-tu du premier jour où nous sommes arrivés aux États-Unis ?
— Pas vraiment... je ne me souviens que du moment ou Stella... enfin ma meilleure-amie m'a donné la peluche en forme de fraise.
Il m'a fixé, avant d'hocher la tête en signe d'acquiescement.
— Notre père était un alcoolique, un homme violent, un violeur.
Il s'est passé quelque chose dans mon cœur. Une sorte de compression très violente qui a réveillé un sentiment de peur imminente. J'inspirais profondément pour garder la face, mais mon corps réagissait sans que je ne comprenne pourquoi.
Ne le dis à personne, Mariposa.
Je secouais la tête. Mabel tenait cette arme entre ses jambes en rivant ses yeux vers l'horizon. Ses traits semblaient grisés par quelque chose :
— Je n'ai jamais voulu t'abandonner, hermanita.
Je déglutissais douloureusement :
— En novembre, un soir, papa est venu dans ma chambre, il m'a réveillé brusquement. Il semblait totalement paniqué. Il m'a dit que maman nous avait abandonnés, qu'elle était partie vivre à la Réunion, chez tante Jeanne.
Les souvenirs de ma tante me sont revenus de plein fouet comme un flash. J'étais de plus en plus inconfortable à mesure que Mabel parlait. Certaines images hantaient mon esprit, je préférais croire que tout était faux.
— Notre père m'a dit qu'il n'allait pas laisser la femme de sa vie lui échapper, qu'on allait la rejoindre tout de suite, qu'il l'aimait... J'avais essayé de te réveiller ce soir-là, mais tu dormais à poing fermé. C'était toujours compliqué de te faire sortir du lit, tu ne dois pas t'en souvenir...
Il a eu un sourire triste.
— On est parti dans la nuit. 6H plus-tard on n'atterrissait pas à la Réunion, mais dans l'état de l'Illinois.
Il s'est éclairci la voix, il revivait littéralement le moment je le voyais dans ses yeux.
— C'était sans savoir qu'en réalité il avait tellement tabassé maman qu'elle ne s'était pas réveillée de la soirée. Il pensait l'avoir tué alors il a pris ses économies, nos passeports et il s'est envolé avec nous elle n'a jamais su où nous étions. Tu ne t'en souviens pas, n'est-ce pas ?
Un sentiment de désarroi s'empara de moi. Toutes ces années à me demander où était ma maman ? J'avais enfin la réponse, notre père vous avait volé de force la laissant seule sans aucun moyen de nous retrouver...
Je secouais la tête négativement, je ne voulais pas y croire.
— Ça ne m'étonne pas. Les matins tu ne te souvenais jamais de ce qu'il nous faisait.
Une boule à la gorge m'a étouffé.
Je le fais pour vous, Mariposa.
La voix de mon père revenait comme un écho du passé, je me sentais frissonner.
— Il nous a battus... scarifié... il nous a... touché, Mariposa...
Je reculais d'un pas. Mais la main de mon frère s'est posée sur mon épaule, il m'a approché de lui en m'entourant de son bras. C'était comme s'il ne voulait pas que je fuie la vérité. Et dans ma tête des images, des sensations de moi allongée contre un sol froid commençaient à me revenir de plein fouet.
— Un jour, j'ai cru pouvoir te défendre, il m'a versé de l'eau bouillante sur le dos. Je suis resté plusieurs mois hospitalisé, mais quand je suis revenue, tu ne te souvenais toujours de rien, tu souriais toujours. Et, tu sais... j'ai essayé de partir avec toi... quand j'avais 17 ans, tu en avais 9. J'ai essayé... mais, notre père était un flic, il m'a retrouvé et je crois que ce jour-là j'ai compris ce que signifiait la peur et puis de toute façon je n'avais ni papiers ni moyen pour t'emmener loin d'ici je ne pouvais même pas contacter notre propre mère... Alors j'ai tenu pour toi 6 ans, jusqu'au jour où j'ai fui...
Un pincement au cœur me compressa la poitrine. Cette vieille rancœur que je ressentais pour mon frère s'est lentement réveillée. Il m'avait laissée seule dans ce cauchemar... et en même temps je me disais qui ne l'aurait pas fait ? Qui ne se serait pas enfui ?
— Mariposa, un jour je te raconterais tout ce que j'ai dû faire pour survivre dans la rue, juste pour passer une nuit au chaud ou manger même de la pâté pour chien après avoir passé des jours sans manger. Tu comprendras que ça a fait l'homme que je suis aujourd'hui.
Il a baissé la tête, j'avais l'impression qu'il avait honte et moi je ressentais toutes ses émotions. Ma rancœur s'envola tout aussi rapidement.
— Je t'ai abandonné. C'est vrai, et pas un jour n'es passé sans que je les compte et sans que je les regrette, voilà mon épreuve sur terre accepter cet acte lâche... Mais j'avais peur Mariposa, voilà la vérité, j'avais peur de lui, j'ai préféré m'éloigner de Chicago, je suis tombé dans des affaires assez sombres, j'ai essayé de retrouver notre mère pendant des années, tu sais ça ne fait pas longtemps que je l'ai retrouvé. Elle ne sait rien de tout ce qu'on a vécu, je n'ai jamais réussi à le lui dire.
Je me sentais étouffée.
Ne crie pas. Ne le dis à personne.
— Et puis... il y a quatre ans de ça, j'ai rencontré une femme. Elle s'appelait Irène.
J'ai tout de suite compris qu'il aimait cette femme à la façon dont ses yeux se sont plissés.
— C'était une Irlandaise. Elle était blonde, de beaux yeux marrons. Elle me faisait tout oublier...
Mon frère m'a fait une caresse réconfortante sur le bras, mais je sentais que c'était lui qui avait besoin de réconfort.
— Il y a 4 ans de ça, Côme a tué cette femme que j'aimais.
J'ai relevé la tête choquée. Mon cœur a violemment tambouriné dans mon cœur.
Alors toute cette guerre c'était pour un crime que Côme avait commis lui-même, ça n'avait aucun sens !
— Qu'est-ce que tu es en train de me dire Mabel ?
— Il devait l'épouser. C'est courant, certaines organisations criminelles contractent des mariages pour agrandir leurs réseaux. Mais il faut que tu comprennes que le Côme que tu penses connaître n'est qu'un masque.
Je n'ai pas dit un mot, pendue à ses lèvres j'attendais qu'il me conte la suite :
— Il est fourbe... manipulateur, il peut te faire croire qu'il est un ange incarné et pourtant. Il a brûlé cette femme à la seconde où il a su que je l'aimais.
— Mais qu'est-ce qui aurait pu le pousser à faire ça, ça n'a aucun sens !
Le bras de mon frère autour de moi me rappela à lui. Il posa ses lèvres contre mon front.
— Je sais, ça paraît incompréhensible dit comme ça. Il ne voulait pas l'épouser et notre rivalité l'a poussé à commettre l'irréparable. Je ne suis pas tout blanc moi aussi, pour me venger je me suis pris à un membre de sa famille, et je suis devenu le fournisseur de son père, et ils n'avaient pas le choix que de travailler pour moi comme des chiens, Côme a perdu l'opportunité de prendre la tête de son cartel et il ne l'a pas supporté, il voulait se venger.
Ma tête tournait. Je m'accrochais aux dernières images que j'avais de Côme. C'était vrai que nos débuts étaient brouillés d'horreurs... mais mes derniers instants avec lui me montraient une tout autre image de ce que Mabel me décrivait.
— S'il ne t'a pas tué Mariposa, c'est parce qu'il savait que ça me ferait du mal de te savoir à ses côtés. Ne crois pas qu'il l'a fait pour tes beaux yeux. Il savait qu'en t'emmenant en Italie je te retrouverais. Il t'a utilisé pour me confronter moi, mais s'il t'était arrivé quelque chose, ne croit pas une seule seconde qu'il aurait été là pour toi. S'il avait réussi à avoir ma tête, la tienne serait tombée juste après. Tu ne dois pas lui faire confiance, Hermanita, tu dois me faire confiance à moi. Parce que moi je ne te mentirais jamais, je ne t'abuserais jamais. Tu comprends ?
Chacun de ses mots était des poignards que l'on m'enfonçait lentement dans la poitrine. Je respirais difficilement cette histoire était terrible. Ses yeux hazel se posèrent sur moi. Je ressentis d'étranges frissons partagés entre une forme d'admiration pour mon grand-frère. Il était si confiant que je ne doutais pas de ses paroles. Mes émotions étaient contradictoires, mais j'ai hoché la tête positivement pour lui dire que je lui faisais confiance.
J'étais incapable de donner un sens à ce qui se passait en moi, mais... après tout... Côme me l'a dit lui-même, si Mabel vivait, il ne me choisirait jamais... Je n'étais qu'un pion dans sa guerre. La douleur que je ressentais créait une boule dans ma gorge. Côme m'avait mis en danger juste pour tuer mon frère. Tout d'un coup tous ses mots me paraissaient si faux. Le bout de mes doigts caressait le bracelet qu'il m'avait offert. J'étais tentée de le balancer maintenant de la falaise, mais l'idée de m'en séparer me faisait encore plus de mal...
— Je vais le tuer Mariposa.
Je m'éloignais de mon frère brutalement.
— Arrête !
— Cette guerre entre nous doit cesser. Peu importe ce qu'il t'a fait croire Mariposa, Côme n'est pas l'homme que tu crois.
— Mabel, je t'en prie. Ne dis pas ça !
— Je ne peux pas le laisser vivre...
J'ai éclaté en sanglots.
— Je t'en supplie. Sa petite-sœur vient de mourir sous nos yeux ! Son père était tellement horrible avec lui ! Il-Il s'est fait battre comme moi ! Il ne dort pas les nuits, il est triste et il ne lui reste plus rien, il n'a que ses frères ! Laisse-le vivre je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, Mabel épargne-le !
Je le suppliais les mains en prière j'étais prête à me mettre à genoux pour le supplier. Mes larmes m'aveuglaient et la douleur que je ressentais au plus profond de mon cœur à imaginer Côme mort était insupportable. Mon frère m'observait. J'étais incapable de dire ce à quoi il pensait.
— Côme il-il... il m'a protégé ! On a failli mourir, un million de fois et je suis toujours en vie grâce à lui ! Il s'est pris une balle pour moi alors que nous savons tous les deux que ce n'est pas moi qui l'intéressais ! Il m'a laissé dormir dans son lit, il m'a fait à manger, il m'a fait confiance Mabel, tu ne peux pas le tuer ! Tu ne peux pas le tuer !
— Il t'a certainement fait du mal, hermanita, je ne peux pas laisser un homme comme lui en vie.
— Mabel, écoute-moi !
J'ai saisi sa main en la serrant très fort :
— On peut enterrer cette guerre maintenant ! Je suis ici en vie, avec toi et c'est grâce à lui ! Pourquoi ne pourrait-on pas considérer que c'est comme si vous étiez quitte ! Il reste chez lui, et je reste chez moi !
Mon frère n'a pas répondu tout de suite. Il plissait des yeux et se grattait le menton nerveusement. Ma peau brûlait. J'étais prête à laisser Côme derrière-moi. Parce que j'avais vu son cartel et je voyais celui de mon frère. Si Mabel le décidait, j'étais persuadée qu'il réduirait en cendre tous les membres de la famille King.
— C'est ce que tu veux, finit-il par me demander.
J'hochais la tête positivement sans hésiter :
— Bien.
Mes lèvres se sont entrouvertes, j'étais choquée je pensais que cela allait être plus compliqué. Mabel m'a essuyé mes larmes tendrement avant de caresser ma joue :
— Je le fais par clémence pour toi. J'abandonne cette guerre pour toi Mariposa, quand bien même je rêve d'enterrer Côme depuis des années pour ce qu'il a fait à Irène, mais je veux te montrer que je suis différent de lui. Un jour tu le comprendras toi-même que ce n'est pas moi le méchant de l'histoire.
Mon frère abandonnait la guerre pour moi...
Côme ne l'avait pas fait.
Néanmoins, Robin, Sage, Alexander, Sashæ... ces quelques mois à leurs côtés m'avaient donné l'impression d'avoir trouvé ma famille à moi. J'essuyais ces nouvelles larmes en repensant à lui. C'était vrai... l'attachement que Côme et moi entretenions était plus malsain, immoral et sous couvert d'une très forte attirance physique. Je ne savais même pas si nos sentiments avaient été sincères... mais... le voir mort c'était ma limite.
— Je te promets... hermanita, que plus aucun homme ne posera la main sur toi.
Une larme douloureuse m'a échappé.
Alors c'était officiel hein... cette ligne rouge qui se traçait entre King et Díaz. Et je ne voyais pas comment un retour en arrière aurait pu être possible. Il fallait que l'on se fuie, que l'on s'évite... Et on aurait peut-être pu se frôler, mais il ne fallait jamais que nos âmes se cognent.
Ça risquait d'exploser.
Mabel s'est approchée de moi, sa main a fait pression sur l'arrière de mon crâne, ses lèvres se sont posées sur mon front et j'ai fermé les yeux.
— Bienvenue chez toi, Mariposa regarde comme c'est beau !
Un grand sourire avait illuminé son visage, il avait ouvert les bras avec cette arme au bout des doigts pour me montrer le paysage avant de prendre ma main pour m'inciter à redescendre cette colline.
L'image de mon frère éveillait une contradiction étrange dans mon cerveau. La paix avec une arme de poing au bout des doigts. Après tout... c'était peut-être comme ça qu'on faisait la paix ?
En confrontant la guerre et la paix dans la même pièce ?
En pointant son bras de fer sur l'autre ?
La boule que j'avais dans le ventre ne s'était pas dissipée, mais au moins Mabel souriait de nouveau :
— Vamonos !
Je marchais avec lui, la tête baissée en reniflant, cette conversation venait de me bouleverser :
— Relève la tête hermanita. Tu es une Díaz, ne laisses personne te le faire oublier, pas même toi. Tous ces hommes sont sous tes ordres également, ne leur montrent jamais tes faiblesses.
𓆃
— Il fait tellement beau aujourd'hui.
C'est vrai que la chaleur était étouffante.
Je tournais la tête vers ma mère. À chaque fois que je la regardais, un sourire incontrôlable étira mes lèvres. Même avec ce chapeau en paille sur la tête elle me ressemblait beaucoup je ne pouvais le nier.
Nous étions assises devant son jardin.
— Tu vois comment les graines sont dorées ?
C'était des graines de calendula officinalis, les papillons d'or. Je touchais la fleur que mon grand-frère m'avait coincée dans l'oreille quelque temps plus tôt.
— Tiens-les, je vais te montrer comment les planter.
Les pépites d'or sont passées sur mes paumes. J'avais toujours ma robe flamenco, mais je n'étais pas dérangée à l'idée de la salir. Ma mère s'est mise à creuser la terre avec une petite pelle, elle portait des gants roses, j'avais les verts.
Je l'écoutais attentivement m'expliquer tout le processus jusqu'à recouvrir la terre sur les graines. J'étais fasciné par son jardin. Je trouvais quelque chose de thérapeutique dans ces couleurs et ce parfum qui embaumait mes poumons.
— Tu aimes ce que tu vois ?
Mon attention se reportait de nouveau sur ma mère.
— Elles sont tellement magnifiques, maman.
— Tu verras dans quelques semaines le jardin va s'épanouir encore plus, c'est tellement agréable de le voir s'épanouir au fil des saisons. Tu sais, un jour j'ai lu que la meilleure astuce pour avoir de belles fleurs, c'était de leur parler.
— Ah bon ?
Ma mère m'a souri, je le lui rendais. J'avais une peine au fond de moi quand je repensais au fait que ce jour où mon frère et moi avons disparu elle s'est réveillée seule, traumatisée, sans aucun moyen de nous retrouver... Je continuais de faire de petits trous lorsque du coin de l'œil une silhouette attira mon attention.
C'était Rio.
Il était constamment là. Si discret que parfois j'en oubliais presque sa présence, mais son ombre me suivait partout. Je ne savais pas quoi en penser, l'idée d'être constamment suivie pour ma sécurité me mettait très mal à l'aise.
Il tenait fermement cette grande arme entre ses mains, il en avait d'autres, coincées dans la ceinture de son pantalon. Vêtu d'un t-shirt et cargo kaki, son regard perçant balayait les environs, il marchait lentement devant le portail en mangeant une papaye. Je sentais qu'il prenait son travail très au sérieux.
— Il est mignon Rio tu ne trouves pas ?
— Maman !
Ma mère a ri. Je secouais la tête en creusant un nouveau trou dans la terre.
— Il ne t'intéresse pas hein.
L'image de Côme s'est matérialisée devant moi. Il me collait à la peau. J'avais l'impression qu'il avait pris trop de place dans mes veines et que rien n'allait pouvoir me libérer de ça. J'ai senti mes joues rougir tout d'un coup et ma mère a soupiré un "ah la la, la jeunesse" amusé.
Ah la la, Mariposa...
— Alors, qui c'était ? Ce garçon.
— Maman...
— Quoi ? Je m'intéresse aux fréquentations de ma fille !
Comme mon frère j'avais préféré me taire sur tous les abus que j'avais subis toutes ces années. Je ne voulais pas la faire culpabiliser encore plus. Alors j'ai pouffé de rire, je sentais qu'au fond de moi je n'étais pas heureuse comme j'aurais dû, mais j'avais décidé à partir de maintenant de faire semblant.
J'avais de la terre sur ma robe et je passais un bon moment qui me faisait un peu oublier les mots de mon frère. Je ne voulais pas les accepter. Je préférais vivre dans le déni plutôt que de faire une introspection sur ces six ans ou ma mémoire refusait de me montrer quoi que ce soit.
— Il... enfin ce n'était pas mon petit-ami...
— Mais... ?
— C'est juste que... je ne sais pas.
— Une sorte de... connexion inexplicable ?
Mes yeux ont trouvé ceux de ma mère. Je hochais la tête.
— En fait, c'est un peu méchant ce que je vais dire, riais-je, mais il était comme un petit monstre qui me défendait contre des monstres encore plus gros... et il n'avait même pas peur d'être le plus petit. Il s'imposait un peu dans mon chaos et j'avais l'impression que dans ses bras... plus rien ne comptait...
Je me sentais m'enflammer. À cause du soleil, mais aussi à cause de ce sentiment de gêne de confier ça à ma mère alors que je venais tout juste de la retrouver. Mais, elle me mettait tellement à l'aise comme si je ne l'avais jamais l'avoir quitté.
— J'aimais bien comment il me regardait... et puis... maintenant que j'y pense, ses pupilles se dilataient tout le temps quand il me regardait... c'était fascinant de regarder le noir prendre le dessus sur ses iris.
Ma maman a souri avant de me confier :
— J'ai lu dans un magazine que les pupilles se dilatent lorsqu'il y a une faible luminosité ou lorsque l'on voit quelque chose qui nous plaît. La dilatation permet de faire entrer plus de lumière dans l'œil et donc qui dit plus de lumière dit, recevoir plus d'informations visuelles, amélioration de la netteté et la précision de l'image que l'on voit... Il devait vraiment aimer te regarder.
Je rougissais instantanément.
— Tu sais mi almita, l'amour est un sentiment très complexe et profond. Il ne s'explique pas vraiment et il dépend vraiment d'une personne à l'autre. Mais, ce que je sais c'est que l'amour te donne un foyer. Tu pourrais être dans une grotte, sur une plage, ou soyons fou, sur la lune, tant que cette personne est là avec toi, tu te sentiras toujours chez toi.
Je tassais la terre sous mes doigts en regardant ma mère, captivée par ses mots, mes yeux s'écarquillèrent pendant que la cadence de mon cœur accéléra.
C'était ça !
Avec Côme... on avait notre petit chez nous. Du moins... il avait créé un univers juste pour moi, il me protégeait afin que je puisse voler en paix sans avoir peur du noir qui m'entourait. Ce cosmos il était chaotique, souvent, déchirant, parfois, apaisant, de temps en temps, chaud, le soir... On décorait ce monde de nos étoiles mourantes, nos cris espagnol et polonais, nos baisers volés, nos cicatrices et nos pansements sur le cœur. Ce n'était vraiment pas parfait et si on regardait ça de plus près pour la majorité des gens on pourrait dire que ce n'était même pas psychologiquement acceptable, mais...
C'était notre maison à nous.
Non ?
J'arrivais enfin à mettre des mots sur ce que Côme me faisait ressentir...
Chez moi.
— Qui était ce jeune homme mi almita ? Décris-le-moi ?
La question de ma mère était très innocente, elle souriait tendrement en attendant ma réponse.
— Il était... un peu blond, enfin, un blond cendré, très foncé on aurait dit que ses cheveux étaient châtain parfois, mais au soleil je voyais bien qu'il était blond. Et puis même les poils de ses bras étaient blonds je ne les voyais même pas, tu sais.
Je me suis mise à sourire.
— Je... le trouvais... beau. Il était grand, et il avait quelques tatouages animaliers, mais pas beaucoup. J'aimais bien ses tatouages surtout le petit éléphant qu'il avait dans le bras, ou le petit... papillon qu'il avait sur le cœur.
Ce papillon c'était moi sur son cœur à lui depuis je ne sais combien d'années. Je baissais les yeux, mon cœur battait à la chamade.
— Il avait la peau assez blanche, mais il bronzait facilement. Et puis... avec du recul je trouvais qu'il était drôle. Il ne le faisait pas exprès, mais il était toujours aigri et grognon même avec ses frères je trouvais ça amusant. J'admirais sa répartie, parfois il me clouait le bec avec ses réponses cinglantes, j'aurais voulu pouvoir avoir autant d'inspiration que lui pour me défendre comme lui. Il touchait toujours mes cheveux... Mais il avait un sérieux problème avec la propreté je voyais bien qu'il détestait mon désordre dans son dressing. Il s'habillait toujours élégamment, il détestait les joggings, et un jour j'ai goûté le pain perdu et le risotto qu'il avait fait, c'était délicieux...
Un nouveau sourire étirait mes lèvres. Maintenant j'avais un peu de soleil dans le cœur.
— Et puis... ses yeux maman... Ses yeux ils étaient verts. Enfin... gris-vert. Je les trouvais magnifiques... Il avait de petites tâches dorées dans ses iris. Quand je les regardais j'avais l'impression que le temps s'arrêtait je trouvais cette couleur fascinante et je-
Je m'arrêtais de parler. À ce stade je ressentais presque des frissons dans mon ventre. Et puis en tournant la tête vers ma mère, elle me regardait étonner. J'étais prise de honte. Je n'aurais jamais pu penser que moi, Mariposa, j'aurais pu me laisser aller à ce point avec ma mère au bout de quelques jours. Elle me faisait parler et elle me mettait tellement en confiance que d'une certaine manière j'étais heureuse de pouvoir parler de Côme à quelqu'un...
— Wow... j'aurais bien aimé vous y voir tous les deux, rit-elle, tu dois sincèrement l'aimer ce garçon pour parler de lui comme ça.
Son regard était lumineux, je la sentais presque émue par mes mots. Je rougissais en me demandant ce que c'était d'aimer quelqu'un. Je n'étais même pas sûr de ça.
— Comment il s'appelait ?
Je déglutis, mais j'avais ce profond sentiment que je pouvais tout lui dire et je savais qu'elle ne me trahirait pas alors j'ai murmuré :
— C'était... Côme King, maman.
Elle a écarquillé les yeux et s'est dépêchée de vérifier que Rio ne nous avait pas entendues.
— Mariposa, ne dit jamais ça devant ton frère tu m'entends ! Jamais ! Tu comprends Mariposa ! Ne lui montre jamais que tu l'aimes ! C'est clair !?
En constatant la peur immense dans ses yeux, je hochais la tête rapidement. Mon cœur tambourina dans ma poitrine.
Maman s'est gratté la tempe laissant de la terre sur sa peau, elle me paraissait essoufflée. Son regard inquiet et triste s'est planté dans le mien. Elle secouait un peu la tête, elle n'en revenait pas.
— Je n'arrive pas à y croire...
Je pinçais mes lèvres en continuant de tasser la terre. Mais j'ai senti la paume de ma mère me caresser le dos.
— Promets-moi de ne jamais dire à qui que ce soit que tu l'aimes. Pas même lui Mariposa, c'est très important ce que je te dis.
Un vent d'effroi m'a fait frissonner:
— Promis...
— Va te débarbouiller Mariposa, d'accord ? Je vais commencer à préparer le dîner.
Je me dépoussiérais les mains avant de me redresser. Ma mère m'a rejoint en faisant glisser sa main le long de mon bras :
— Fais attention à ton cœur mi almita, une fois qu'il est en mille morceaux les cicatrices ne disparaissent jamais.
Cette phrase est restée gravée dans ma tête. Je me demandais de quoi maman avait si peur, mais la question m'est restée coincée dans la gorge.
En fin d'après midi, j'avais dîné avec ma mère. Mabel n'était pas revenue, il m'avait prévenu qu'il aurait beaucoup de choses à faire. Mais l'ambiance était restée chaleureuse et pleine d'amour. Nous n'avions pas reparlé de Côme et j'avais passé un excellent moment à ses côtés. Rio était là, en retrait, il n'avait toujours pas dit un mot, mais il était là. Maman essayait de m'apprendre le nom de tous les plats vénézuélien qu'elle connaissait. Elle voulait m'enseigner ma culture, en me parlant de nos musiques, nos danses, notre cuisine elle m'a même parlé de certains artistes très populaires comme le peintre Carlos Cruz-Diez et la chanteuse Soledad Bravo.
Je m'étais surprise à rire aux éclats au point d'en avoir mal au ventre. Je trouvais ma mère drôle et elle n'avait même pas besoin de se forcer pour provoquer mon rire.
J'avais apprécié sa compagnie jusque très tard.
La nuit tombée, je m'étais suis faufilée dans mon lit. Prise d'une immense culpabilité, je ne trouvais pas trouvé le sommeil. Pourtant de ma chambre j'entendais ce son si apaisant de l'eau de la rivière qui s'écoulait, accompagné du chant des criquets. La moustiquaire se soulevait au gré du vent. J'aimais comme le temps de mon pays pouvait me faire planer.
Le seul bémol c'était que j'avais le ventre en miette en repensant aux derniers moments avec Côme et sa famille...
Un torrent de larmes silencieuses s'est écoulé sur mes joues. Ania était morte, et je savais que Côme n'allait pas le supporter.
Je me répétais en boucle qu'il fallait que quelqu'un lui parle, tout le temps. Parce que Côme il écoutait toujours. Même lorsqu'il donnait l'impression de s'en foutre, c'était faux ! Tout ce que vous lui disiez il le retenait. C'était important pour lui de savoir, je l'ai compris le jour ou je lui parlais des torta de piña que je mangeais avec ma mère, il avait pris le soin de bien m'écouter.
J'espérais que Robin continue de lui parler, de tout et n'importe quoi peu importe même si c'était des plaisanteries pourries. Il fallait juste que quelqu'un le rassure et l'aide à penser à autre chose.
Je voulais être là juste pour lui donner un peu d'affection même si ça n'allait durer que le temps d'une nuit ou d'un baiser. Il lui fallait de petits mots d'amour, ça aussi je le savais parce qu'il m'avait donné une dizaine de surnoms. Et le mieux, ça aurait été de le prendre dans ses bras. Côme était très tactile, même si encore une fois, il n'en donnait pas l'impression il n'attendait que ça. Je le savais à la façon qu'il avait de me serrer dans ses bras la nuit et aussi de ses doigts sur mes cicatrices... C'était comme s'il voulait que je sache qu'il était là.
J'essayais d'essuyer mes larmes, mais j'avais ce lourd souvenir de nous, Robin, Alexander, Sage, Sashæ, assis tous ensemble autour de cette table en Italie, à manger et rire... Le shopping qu'on avait fait pendant lequel Sage voulait que je porte une robe scandaleuse juste pour embêter Côme...
Et puis je repensais à la petite histoire de Sashæ avant le drame, j'avais l'impression qu'il y avait toujours une part de vérité dans ses discours et là il avait dit que je faisais partie de leur famille et personne n'avait dit le contraire.
Le cœur serré, je me demandai qui avait vraiment été là pour moi. Le paysage ne me détendait plus, j'avais retrouvé ma mère et mon grand-frère et je n'étais pas prête à les quitter de nouveau en sachant tout ce que Mabel m'avait révélé sur Côme...
Une part de moi lui en voulait d'avoir tué la femme que mon frère aimait... et l'autre... l'autre voulait être à ses côtés dans son deuil... je me détestais à rire quand j'imaginais les King pleurer.
J'aurais dû être avec eux...
J'essayais de calmer mes pleurs.
Mais.
J'ai entendu ma portée grincer, je me suis retournée lentement en pensant voir ma mère...
Mais non...
Ce n'était pas ma mère.
Je suis restée interdite, allongée sur mon lit, mes yeux se sont écarquillés. Je n'ai pas réussi à articuler quoi que ce soit. Une peur intense et irrationnelle m'a complètement paralysée. Je voulais fuir, je voulais même sauter par la fenêtre, mais mes jambes ont refusé de bouger ! Mes mains sont devenues moites et tremblantes, mon cœur battait jusque dans ma gorge !
Il s'approchait de moi ! Tout autour de moi me semblait flou et déformé comme si je traversais un brouillard épais et étouffant ! J'entendais le son sourd de ses bottes en cuir contre le parquet, le tintement de ses clés accrochées à sa ceinture, l'odeur de sa bière préférée. Ces détails réveillèrent soudainement mon traumatisme enfoui en moi.
Je respirais mal, je voulais hurler, demander à l'aide, mais il a posé un genou sur mon lit. Il avait ce visage heureux à chaque fois qu'il venait, tout d'un coup, j'avais six ans.
J'étais redevenue ce papillon vulnérable et impuissant face à mon agresseur.
Un violent sanglot m'a pris, je hurlais "non" "non" "non" ! Mais il m'a murmuré un "chut, princesse" en plaçant son doigt sur mes lèvres. À ce contact j'eus la sensation de m'enfoncer dans les draps ce qui me paralysa.
J'avais une soudaine envie de vomir mes tripes !
Ses grandes mains laissaient des traces sur mon corps. Je restais tétanisée.
Il trépassait mes barrières encore une fois en soulevant mon pyjama.
Il me déshabillait.
Il me déshabillait toujours tout doucement. Maintenant je m'en souvenais. Les images se sont accumulées par flashs, c'était d'une telle violence que je respirais plus. J'encaissais.
Maintenant ces bribes de souvenirs n'en étaient plus, c'était concret.
— C'est ce que tous les pères font pour leur fille Albane. Je le fais parce que je t'aime.
Il le faisait pour me protéger du monde. C'était pour ça qu'il voulait avoir des relations avec moi. Pour me protéger.
Et lorsque je fus nue devant lui, un flot d'images traversa mon esprit à la vitesse de la lumière.
Je le sentais sur moi. Son ventre gras, je sentais même ses poils contre mon torse, ses mains épaisses sur ma peau, j'avais tout le temps froid, et je trouvais ses lèvres sèches, ça me griffait le ventre.
Je ressentais ses pénétrations. Immobile, je subissais dans la douleur encore et encore et encore. Parfois je pleurais, parfois je retenais mes larmes car je fixais ces dessins sur le plafond. J'imaginais les papillons aux mille couleurs que Mabel avait dessinées pour moi voler dans cette chambre. Je me perdais dans ce rêve grâce à mon frère j'échappais à mon père.
Mais quand c'était trop dur, je ressentais tout. Et ce soir j'avais soudainement ses sensations qu'il procurait à une enfant de six ans. Ça me faisait mal, mais il me disait qu'il m'aimait, non ?
Il m'aimait.
J'étais sa petite Albane, et il m'aimait moi. J'étais sa princesse à lui !
Je ne savais pas si c'était mal, mais la petite fille de six ans était à lui. Il me demandait parfois de l'attendre nue. Ça, je m'en souvenais. Dans ce monde où j'avais l'impression que j'avais tout perdu, quand il venait dans ma chambre je me sentais spéciale. Je me sentais enfin aimé !
Les abus étaient devenus mon réconfort à moi, j'aimais ce chaos.
J'étais restée auprès de mon père parce qu'au moins je ressentais quelque chose avec lui.
Quelqu'un m'aimait et ne m'avait jamais abandonné.
— Pa... pa...
Ton silence sera toujours pire que ta parole, Mariposa.
J'ai hurlé !
Hurlé à m'en déchirer les cordes vocales. Je l'ai poussé violemment. Je ne voulais plus qu'il me touche !
— Mariposa !?
Je continuais de hurler, en repoussant ces mains sur moi ! Je me sentais si sale que l'envie de vomir a été impossible à retenir, je me suis penchée vers le bord de mon lit et j'ai laissé mon estomac rejeter tout mon être ! Quelqu'un avait attrapé mes cheveux ! Je pleurais à chaudes larmes.
— Mariposa, c'est maman ! Mariposa, qu'est-ce qu'il se passe !?
C'était maman. Je sautais dans ses bras apeurés. Elle me caressait les cheveux en me rassurant de mots doux. Je regardais autour de moi dans cette chambre tétanisée. Je ne l'ai pas vu. Je comprenais que j'avais fait un cauchemar, ou plutôt que tout ce qui était enfoui en moi de mes six ans jusque mes onze ans venaient de m'exploser en pleine figure. Mes yeux faisaient le tour jusqu'à tomber sur les yeux noirs de Rio qui était arrivé précipitamment dans ma chambre son arme dans ses mains.
— J'ai vu m-mon-mon p-père ! Il faut que tu le tues ! IL FAUT QUE TU LE TUES ! IL FAUT QUE TU LE TUES ! IL FAUT QUE TU LE TUES ! TUE-LE !
Je l'ai supplié à m'en briser les cordes vocales !
Rio avait froncé les sourcils. Il était pieds nus, vêtu d'un simple pantalon de pyjama et un t-shirt, mais son sérieux restait inébranlable il a rapidement fait le tour de ma chambre en vérifiant chaque recoin jusque dans la salle de bain, la fenêtre, et puis il est redescendu sûrement pour inspecter le périmètre.
Mon cœur cognait contre celui de ma mère. Je la serrai comme une bouée de sauvetage elle me cajolait de mots d'amour et de baisers tendres, ceux que j'aurais du vivre si notre père ne nous avait pas séparés.
Assiégée par un mélange de douleur, de tristesse, de colère et de tétanie, j'avais l'impression qu'il m'avait violée ce soir.
Mais je portais toujours mes vêtements et mon père était mort d'une balle dans la tête !
Mais pour moi, il était vivant ! Je le sentais partout autour de moi, je sentais chaque détail, chaque son qu'il produisait quand il me touchait, l'odeur de son eau de toilette qui restait sur ma peau et mes draps, la couleur de ses yeux noisette dans les miennes, tout était réel.
J'avais un voile sur les yeux et Mabel m'avait enlevé ce voile, il m'avait privé de ma liberté de ne jamais le savoir.
Je me suis sentie vidée, salie, bafouée, je paniquais comme une enfant en espérant que les bras de ma mère pouvaient tout me faire oublier de nouveau.
Mon propre père m'avait violé pendant 6 longues années, et mon cerveau pour me protéger avait tout effacé... le choc était tel que mes oreilles se sont mises à siffler, je ne voyais plus rien.
Pitié.
Je veux tout oublié.
Par pitié.
𓆃
OK so, ce chapitre il n'était pas facile à écrire franchement :/...
Vous remarquerez que dans toutes mes histoires je parle souvent du viol. Depuis que je suis très jeune, c'est un "sujet" qui me touche profondément. J'espère sincèrement ne pas offenser qui que ce soit en l'abordant parce que j'aimerais justement en parler comme prévention, comme dénonciation. C'est un peu ma manière de mettre des mots sur cet acte condamnable et barbare.
Ce n'est jamais facile d'en parler j'essaye de faire beaucoup de recherche et d'utiliser de vrais témoignages de personne qui en parlent pour ne surtout pas le "romaniser" ou le caler dans l'histoire juste pour caler un trauma et attiser la pitié, ça va vraiment au-delà de ça.
On en reparlera en tout cas !
Sinon, les réunionnais est-ce que vous me pardonnez pour mon erreur HONTEUSE 😫, j'avais tellement honte j'ai même pas répondu aux commentaires PTDR ! Mais j'ai changé dans ce chapitre c'est bon je recommencerais plus ça reste entre nous 😖 !
Ah aussi les gars qui me lisent, je suis désolée de dire les filles à chaque fois, c'est un réflexe, mais vous aussi, vous être probablement 2 et je dois changer tout mon vocabulaire, c'est la révolution girls POWER ici ! MDDDDDR ! (Je rigole je vais faire un effort je fais vraiment pas exprès !)
Et chose promise, chose due, pour celles qui ne me suivent pas sur Instagram je vous partage les outfit de Côme et Mariposa dans le chapitre 7:
Mamamama le couple star en faiteeeen !
MDR, bref j'y go, bisous bye ! 🍓
(Encore une fois, vous m'avez exterminé au dernier chapitre je vous aime trop !)
En espérant que ça vous a plu 🌷 !
𝐢.𝐚𝐦𝐤𝐮𝐧𝐚𝐟𝐚 𝐬𝐮𝐫 𝐈𝐧𝐬𝐭𝐚𝐠𝐫𝐚𝐦
xoxo, Azra.
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