CHAPITRE 22 : Bienvenue à Richmond.

Hello guys, ça-va ? 🌹



Aller, je vous laisse avec la suite ❤️


Bonne Lecture! 📖

Xoxo - Iamkunafa. 🍓








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MARIPOSA.


Un rayon de soleil qui réchauffe mon nez me fait cligner des yeux. Lorsque je les ouvre, je constate qu'il est à son zénith et c'est à ce moment que nous passons un panneau avec inscrit « Bienvenue à Richmond » en lettre capitale.

Je me redresse sur mon siège en me massant un peu le cou, je crois que j'ai somnolé toute la route, je sens que mon dos est crispé. J'ai du mal me positionner. 

En immergeant, je découvre le paysage bordé de verdure, ma première pensée est que cette ville m'a l'air d'être un petit coin de paradis.

Je tourne la tête et tombe sur Côme qui me regarde déjà. Il se mord nerveusement les lèvres et je crois que c'est la première fois que je le vois faire ça.

— Tu n'as pas fait de pause, demandais-je en m'éclaircissant la voix. 

Il secoue la tête, je me masse la nuque avec insistance.

— Je dors depuis quand ? 

— Depuis qu'on est parti, j'ai essayé de te repositonner mais tu te remettais dans la même position à chaque fois. 

J'acquiesce en fronçant les sourcils avec un léger sourire que je n'ai pas contrôlé. 

Côme a l'air fatigué, mais ça fait 5h qu'il conduit. Le véhicule continue de s'enfoncer dans ces jolies bourgades. Nous traversons un quartier pavillonnaire que je trouve immédiatement charmant, ses rues bordées de maisons pittoresques et de jardins aux pelouses soigneusement entretenues.

Je baisse légèrement ma fenêtre et lorsque je tourne la tête vers les sièges arrières, Sashæ est endormi et il repose sa tête sur l'épaule de son frère. Alexander, lui, contemple le paysage avec sérénité.

L'ambiance est douce malgré le froid qui s'infiltre à travers la fenêtre. L'hiver arrive, la brise me fait frissonner, mais je crois que ça me plaît... J'espère qu'il neigera ici...

Pour autant, malgré la beauté du paysage, je ne peux pas m'empêcher de ressentir un certain malaise.

C'est comme si ma vie était suspendue à un fil. Je me sens osciller entre le passé et le futur. Jamais le présent. Hanté par ce sang que j'ai sur les mains, je n'arrive plus à profiter du présent, et je ne sais pas non plus comment faire pour redevenir la fille que j'ai toujours été... 

Ces maisons me plaisent beaucoup et l'idée de revoir Robin et que peut-être tout redeviendra comme avant me donne vraiment envie. 

Mais, encore une fois ce sentiment d'être déboussolée, à la dérive, prend le dessus et je cherche désespérément un sens à tout ça. 

Je ne sais pas si c'est dans le Richmond que je pourrais trouver un peu de paix... de sens à ma vie.

Je me tourne rapidement une nouvelle fois vers les jumeaux. Mais je finis par regarder la route en pensant que leur relation me donne presque envie.

Cette connexion profonde et rassurante. Le fait de savoir qu'ils pourront toujours compter l'un sur l'autre. Il y a vraiment quelque chose de puissant dans l'idée d'être en confiance avec sa personne préférée. 

Mes doigts se perdent dans mes boucles, un geste machinal qui me perd dans mes pensées et sans le vouloir, comme attirée, mes yeux rencontrent ceux de Côme.

Il m'observe avec une douceur qui me déstabilise.

Je ne suis pas habituée à ce regard là chez lui. 

J'ai beaucoup plus vu sa haine que sa tendresse et j'ai peur de lui. 

J'ai peur de lui faire confiance. 

J'ai peur de ce qui pourrait se passer si je décidais de croire qu'il m'a cherché deux ans, qu'il s'est jeté d'un toit pour moi, qu'il a faillit mourir dans la glace pour moi...

Souffrir encore pour lui me détruirait vraiment cette fois-ci. Je ne m'en sens pas capable... 

Mais... dans ses yeux, j'ai constamment cette impression qu'il scrute mon âme pour la comprendre. Pour anticiper ce que j'ai dans la tête, sous la peau. 

Ce truc-là, c'était mon oxygène. J'en avais besoin.

Parce qu'à chaque fois que je me sentais tomber dans le vide, cette façon qu'il avait de prévoir le coup me donnait envie de vivre un jour de plus.

Dans ses yeux la chute me paraît moins violente.

En fait, entre ses mains, la chute s'arrête.

Côme fait tourner le volant d'une de ses paumes, et le véhicule ralenti tout d'un coup. On s'arrête.

Nous y sommes. Je tourne la tête et devant nous se dresse une magnifique maison blanche, avec un charme si rustique et une allure si accueillante que je m'y sens immédiatement attirée.

Je descends lentement de cette voiture, mon corps tout entier est engourdi. Mes bras s'étirent et je ne quitte pas cette maison des yeux. Sans comprendre pourquoi, je l'aime déjà beaucoup.

J'entends Alexander réveiller doucement Sashæ.

Alors que le froid nous mord la peau et rougit nos nez, j'ai le sentiment, pour la première fois depuis longtemps, que peut-être... peut-être... quelque chose de bon peut encore se produire.

Peut-être qu'ici je trouverais un sens à : Qui est Mariposa ? Qu'est-ce qu'elle veut vraiment ?

L'écho des portières qui claquent sur le silence du quartier pavillonnaire me fait tourner la tête vers les jumeaux.

Ils s'étirent en parfait synchronisme. Je retiens un petit sourire pour la deuxième fois de la journée.

Puis Côme nous fait signe de le suivre. Tous les quatre, nous marchons jusqu'à la porte de la maison. Mes pas glissent sur les pierres lisses, mes mains s'accrochent aux barreaux froids de la rampe des escaliers.

Côme frappe à la porte avec le heurtoir en fer.

Et puis soudainement mon cœur se met à battre à la chamade.

Un stresse me prend, je lance un coup d'œil rapide à Côme qui attend comme moi que cette porte s'ouvre.

J'ai peur que Robin ne me reconnaisse pas. Peut-être qu'il m'a oublié et qu'il ne veut pas me voir. Il pourrait réagir de tellement de façon que pendant une seconde j'ai envie de fuir ce moment.

Mais la porte s'ouvre et mon souffle se coupe.

Robin est là. Ça me fait un choc de le revoir après tant d'années. Il n'a pas changé et pourtant il y a quelque chose de différent chez lui qui me frappe.

Sûrement le bambin qui doit à peine avoir deux ans qu'il tient dans ses bras. Mon regard vacille entre Robin et le petit. La ressemblance est indéniable. Je suis sûre et certaine que c'est son fils.

Robin est papa...

— Putain... Bouclette... C'est vraiment toi ?

Ces mots, prononcés avec une infinie douceur et un sourire radieux, font remonter en moi des vagues d'émotion.

C'était son surnom pour moi, le premier, celui qui avait un peu scellé la relation qu'on entretenait. Je n'étais pas sûr de pouvoir dire que nous étions ami, mais sur le coup c'était tout comme...

Des larmes se pressent à mes yeux, mais je les retiens de justesse. Je pince mes lèvres, son visage est aussi marqué par le temps et l'émotion. Sauf qu'il fait un pas vers moi en ouvrant son bras libre. Instinctivement, je recule un peu, surprise et prise par l'angoisse qu'il me touche.

— Ah ouais, t'as grandi Bouclette, plus de câlin alors, dit-il avec un rire tellement rassurant que je sens mes sourcils se tortiller. Allez, restez pas là, entrez. Côme, je savais que tu arriverais à midi, je t'ai dit de faire une pause.

Je croise le regard de Côme, son soutien silencieux est un véritable réconfort sur le moment, le fait qu'il soit là me fait du bien.

Son regard est intense, et surtout fixé sur le petit. Il murmure en réponse :

— Je ne voulais pas perdre de temps ni prendre de risques.

— C'est ça, entre ducon.

Côme entre en laissant son regard sur l'enfant. Je le suis, puis c'est Sashæ qui pénètre la maison.

— J'suis désolé mon gars, pour tout ça, s'explique Robin en serrant la main à Sashæ. 

Pour réponse, Sashæ lui offre un sourire crispé et une tape amicale sur le bras.

Finalement, Robin salue Alexander avant de refermer la porte.

Je me rapproche de Côme, intimidée par ces retrouvailles, mais pour être honnête je suis tellement soulagée de revoir Robin.

Je me souviens bien qu'il avait été ma petite lumière dans ma tempête. Quand j'avais mal, à cause de Côme, il était toujours là.

Soudain, une voix féminine résonne derrière nous :

— Salut... tout le monde.

Nous nous retournons tous pour voir une femme qui sort de la cuisine, un tablier autour du cou. Sa beauté me fait presque hausser les sourcils.

Robin avance vers elle, un sourire tendre aux lèvres.

— Mariposa, je te présente Amber, ma petite femme, et lui c'est Farrell, notre fils, annonce-t-il fièrement.

Je reste figée là. Robin a refait sa vie, il a trouvé le bonheur. Il est marié, papa... Dans une jolie maison au beau milieu d'une bourgade tellement apaisante que j'ai envie de m'y reposer moi aussi.

Cette réalisation me frappe de plein fouet.

Un mélange de joie, de surprise et de soulagement m'envahit.

Non seulement, il le méritait tellement. 

Et si Robin a réussi à trouver la lumière malgré tout, alors peut-être qu'il y a de l'espoir pour nous aussi... Mais j'ai peur, tellement peur que nos présences amènent et sèment la mort comme à chaque fois...

Un sourire douloureux étire mes lèvres et d'un petit geste de la main, je salue Amber. Ses yeux se plissent lorsqu'elle me rend son sourire. Décidément, je la trouve vraiment magnifique.

— Vous pouvez aller vous débarbouiller un peu, nous conseille-t-elle en s'enfonçant dans la cuisine ouverte, le repas sera bientôt prêt. Robin, tu leur montres leur chambre ?

— Quelle chambre, Côme dormira dans l'arbre en face de la maison comme prévu.

Un léger rire m'échappe.

Accompagné d'une larme que j'essuie immédiatement.

Je ne me suis même pas contrôlé. Mais sa réflexion m'a fait tellement plaisir, j'ai eu l'impression de retourner dans le passé quand ces deux-là passaient leur temps à se chamailler.

J'étais contente de voir que Robin n'avait pas changé. Il allait continuer à faire chier son frère, et en relevant la tête, j'ai bien vu que Côme n'était pas insensible à un peu d'affection...

Robin a pris une carotte qu'Amber était en train de trancher, elle lui a tapé sur la main et il a réajusté son fils en souriant :

— Aller suivez-moi, prononce-t-il en nous dépassant.

Robin nous guide vers une chambre d'amis à l'étage. Il y avait un lit et un matelas de l'autre côté,

— Vous pouvez vous installer ici, les jumeaux.

Ils hochent tous les deux la tête avant d'entrer dans la chambre pour s'y installer.

Puis il nous emmène ensuite vers une autre pièce avec un écriteau "Vanity room" sur la porte. Il se tourne vers moi, un sourire dans les yeux :

— Mariposa, c'est pour toi. Bon, c'est la pièce ou Amber se maquille, c'est pas très grand mais mais c'est la plus pratique pour toi, c'est tout près de la salle de bain. Tu seras tranquille ici. Y'a quelques jouet de mon fils parce qu'il l'a suit à chaque fois qu'elle se maquille, j'espère que ça ne te dérange pas trop. Mais de toute façon t'as pas le choix.

Son sourire me donne envie d'en faire de même. Et finalement il se tourne vers Côme, un rictus moqueur se dessine sur son visage.

— Et pour notre géant ici, j'ai préparé un lit dans le dressing au fond du couloir. Ne t'inquiète pas, Côme, c'est confortable ! Et j'avais plus de chambres en stock, il y a en a une qu'on a transformée en débarras, sorry bro.

Je ne peux m'empêcher de sourire cette fois-ci, Côme roule presque des yeux. Je suis choquée de constater qu'il semble un peu amusé par Robin.

Robin éclate de rire et nous pousse doucement vers nos chambres respectives.

— Allez, installez-vous. Rafraîchissez-vous si vous le voulez, et on se rejoint en bas, vous allez goûter un vrai riz jollof, vous risquez de pas vous en remettre de sitôt.

Au même moment, le petit Farrell, d'abord dans les bras de Robin, commence à gigoter.

Robin le pose par terre, et le bambin file joyeusement vers la vanity room. Je m'autorise un coup d'oeil, c'est douillet et épuré, il y a une coiffeuse qui semble avoir été poussé contre le mur pour faire de la place au lit que Robin à installer ici. C'est vrai qu'il y a quelques jouets qui traine par-ci par là, et je vois une photo de famille sur une commode placé contre le mur. 

Moi aussi j'entre dans cette pièce, Robin à du monter ce lit juste pour moi. 

— C'est trop mignon, prononçais-je en ramassant un petit jouet girafe qui trainait au sol. 

— Ah ça, me répond Robin en riant. Le gamin adore les animaux. Faut le voir quand je mets National Geographic, c'est fini pour nous. C'est un vrai dictateur ce mec ! 

Un petit rire guttural lui échappe, je m'assois sur ce lit que Robin à monté pour moi tandis que Côme et Robin regardent l'enfant s'amuser avec les quelques jouets en bois qui trainent dans la pièce. Ça me fait bizarre de voir Côme captivé par un enfant et je détourne le regard en espérant qu'il ne pense pas vraiment à ce qu'il m'avait dit sur le deck de sa maison dans le Maine.

Finalement, Robin s'approche de moi et s'assoit à côté de moi. Le bois grince légèrement sous notre poids.

— J'me suis marié, le 10 août. J'crois qu'Amber était à son huitième mois, mais ma mère à trop insister, elle m'a tellement fatigué qu'on s'est marié dans la précipitation. J'aurais aimé que tu sois là... Dove à tellement mal dansé que ça m'a presque énervé. 

Je le regarde, surprise :

— Le jour de mon anniversaire, murmurais-je en souriant, félicitations, Robin, tu le mérites tellement... 

Il éclate de rire, dans une note chaleureuse il se tourne vers Côme et lui dit :

— Purée, tu aurais pu me le dire dupek ! Et bien, Bouclette, on dirait qu'on a une autre raison de célébrer alors ! Je tâcherais de m'en souvenir !

Je souris et Farrell revient vers nous, une petite boule en bois rouge dans les mains qu'il tend vers moi. Je prends le jouet, un peu gênée. Je ne sais vraiment pas y faire avec les enfants.

— Tiens, me prononce-t-il en me mettant le jouet dans les mains. 

À peine à t-il abandonné sa balle en bois, qu'il commence déjà à gambader à quatre pattes dans la pièce. Robin le suit du regard, un sourire attendri sur les lèvres.

— Alors Farrell, où tu vas comme ça, hein ? demande-t-il en le regardant faire.

Le petit rit, sa voix remplit la pièce d'une mélodie enfantine. Robin poursuit en le taquinant gentiment.

— Attention à ne pas te cogner, mon grand. Ses grosses fesses à cause de la couche me font toujours autant rire, me dit-il en secouant la tête d'un air faussement désespéré.

Je le regarde parler avec son fils, un sentiment de chaleur se répand en moi.

Je sens le regard de Côme sur moi, je n'ose pas lever la tête. Je le trouve bien silencieux.

Après un moment, Robin se tourne vers moi. Son sourire a quelque chose de nostalgique, comme s'il se remémorait des souvenirs lointains.

— C'est vraiment bon de vous revoir, vous savez.

Son aveu me touche et je lui réponds d'une voix sincère.

— Merci, Robin. Merci de nous accueillir. Je ne pense pas qu'on restera longtemps, on ne veut pas être un fardeau...

Il secoue la tête. Son petit sourire en coin revient et il me dit :

— Ici, c'est chez vous. Rester le temps qu'il vous faudra pour reprendre pied. C'est important. Tu m'as manqué Bouclette. 

J'ai eu envie de pleurer. 

Je crois que je n'avais pas réalisé à quel point j'appréciais vraiment Robin. 

Je plonge mes yeux dans ceux de Côme. Un sentiment de reconnaissance me prend jusque dans le ventre.

Ses paroles je les prends à la lettre.

La sensation ne se décrit pas, mais un silence tombe comme un voile dans cette vanity room. Tous les trois, prenons le temps pour regarder le petit Farell qui semble obnubilé par ses jouets.

Ça me rappelle de bons souvenirs. Quand tout « allait bien ». Je n'avais aucun souvenir de ce que mon père m'avait fait. Et Côme dormait avec moi parfois. Je me sentais en sécurité... 

Cette fois-ci, j'ose relever les yeux, et je les plonge dans les iris verts de Côme...

J'crois qu'on se dit tous les deux la même chose.

J'crois qu'on pense à cette vie-là, sans en être trop sûre.

J'ai une peur maladive de l'imaginer. Et lui il sait déjà ce qu'il veut.

Et je n'arrive pas à détourner le regard. Une boule de chaleur se créer sous mon ventre et je me sens aspiré par lui, son aura, son âme tout entière et ce dédale d'émotions qui explose à l'intérieur de moi.

Un truc qui me met dans tous mes états. Au point où j'ai l'impression qu'il n'y a plus personne dans cette pièce.

Si ce n'est Côme et moi.


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Assis à table, les jumeaux, trônent en silence à une extrémité de la table. Leurs gestes miroirs parlent plus fort que leurs mots. Les voir ensemble me rappellent à quel point leur synchronisme est effrayant. Et le pire c'est qu'ils ne semblent pas s'en rendre compte. 

Les assiettes sont dressées et ça sent extrêmement bon. Je meurs de faim quand je m'assois entre Amber et Sashæ. 

À l'autre bout de la table, Robin prend place, il installe Farell sur sa chaise haute. Et dépose devant lui l'assiette remplie de petites portions de riz pour les petites mains de son fils. 

Je me sens un peu spectatrice, perdue dans ce tableau familial improvisé. C'est une sensation étrange, mais en réalité, je suis vraiment contente d'être ici et de faire partie de cette scène.

Robin et Amber s'échangent quelques indications pour Farell, Côme s'installe en face de moi, à côté du petit. Leur complicité est palpable, presque tangible et il y a quelque chose de rassurant de voir un amour sans haine, sans destruction... 

— Je viens de me rendre compte que c'est la première fois que tu vois mon fils, Côme, signale la voix de Robin qui s'assoit en bout de table. 

J'observe Côme du coin de l'oeil. J'avoue que moi aussi je suis étonnée de le voir si attentif, alors que si je me souviens bien, il avait suspendu un des enfants de Dove par la cheville. 

L'ambiance se détend, je commence à manger quand je vois que les jumeaux mangent. 

Autour de la table, la conversation démarre, du moins, Robin commente le riz, les mots lui échappent la bouche encore pleine :

— Non, Amber, c'est vraiment excellent ! Je vous avais dit quoi. 

Son regard pétillant d'amusement croise le mien.

Alexander, qui d'habitude est très silencieux, acquiesce d'un hochement de tête. Sashæ, malgré le poids du deuil, se permet un demi-sourire et réplique : 

— C'est vrai que c'est bon, murmure-il simplement. 

Amber lui répond gentiment, mais la voix de Sashæ m'a brisé le cœur. En fait je n'aime pas l'idée qu'il se force à faire comme si de rien était. Je ne sais pas comment je peux l'aider, je ne sais vraiment pas ce que ça demande de surmonter le deuil de la personne qu'on aime. 

J'ai soudainement la boule au ventre. J'ai peur qu'on oublie trop vite que Sashæ souffre et qu'il continue de faire profil bas. 

Mon regard se perd sur mon assiette, mais du coin de l'œil, je vois Farell, du haut de sa chaise qui tend son petit doigt potelé vers Côme. 

Côme, se tourne vers lui en finissant de mâcher.  Côme le regarde, un sourcil levé, et sans hésitation, du bout de ses doigts, il rassemble une petite portion de riz dans son assiette et il la tend à Farell.

J'hausse les sourcils face à son geste, le petit ouvre la bouche et se laisse faire manger, un grand sourire éclairant son visage.

Robin, choqué, regarde la scène, les yeux ronds. 

— Putain, depuis quand t'aimes les gosses toi, dit-il, mi-sérieux mi-amusé. Au point de te salir les doigts ? Où est mon Côme ? 

J'ai moi-même envie de poser la question. Côme répond par un haussement d'épaules, comme s'il avait fait ça toute sa vie et se remet à manger comme si de rien n'était. Robin sourit, et passe sa main dans les cheveux de son fils, un regard attendri dans les yeux.

Il y avait longtemps que nous n'avions pas partagé un moment comme celui-là, sans tension, sans violence. 

Un moment simple. 

Je me surprends à penser à Sage, le petit frère de Côme, en me demandant ce qui se serait passé s'il avait été là. Et à Lyne aussi... Ça aurait changé tant de choses... 

Le repas se termine tranquillement. Jusqu'à ce que Côme se lève pour aider à débarrasser. 

Sa manie de l'ordre ne surprend personne et, en silence, il range les assiettes avec une précision méthodique. 

Une fois la table débarrassée, Côme à demandé aux garçons de sortir parce qu'il voulait leur parler. 

Je me suis retrouvée seule dans le salon avec Farell qui s'endormait presque sur le canapé. Le bruit lointain de la machine à laver, trahissait la présence d'Amber dans la buanderie. 

Puis, Amber est réapparue, un bac de linge propre dans les bras. En me voyant seule, elle a semblé surprise.

— Mariposa, tu es toute seule ? Où sont passés les garçons ? 

— Ah oui, il sont sortis après le repas avec Côme, expliquais-je un sourire timide sur les lèvres. 

Elle s'est approchée de moi en constatant que son fils était en train de s'endormir. Un sourire tendre à étiré ses lèvres. Elle a sorti un petit plaid du bac de linge qu'elle tenait dans les bras et l'a déposé sur Farell. 

Sa paume à caressé le ventre un peu gonflé de son fils, puis elle m'a regardé : 

— Ça te dirait de faire un gâteau au chocolat ? 

— Oh je... Je ne sais vraiment pas faire de pâtisserie, je risque de tout gâcher. 

Elle a secoué la tête en souriant: 

— Mais c'est rien, ça s'apprend ça ! Aller vient ! 

Elle a posé le bac de linge j'ai accepté, par politesse. 

Dans la cuisine, le silence initial était un peu gênant. Je cherchais désespérément quelque chose à dire, tout en évitant de me livrer trop personnellement. Mais Amber a commencé à parler. 

— On prépare souvent des gâteaux avec Farell et Robin. C'était notre petit rituel à nous. Il adore mettre les mains dans la pâte. 

J'ai ri doucement, l'imaginant avec Farell, tous les deux couverts de farine.

Le reste de l'après-midi s'est déroulé de façon détendue. 

En fait, Amber était simple et naturelle, et elle m'a mit à l'aise même si j'avais l'impression d'être une coincée depuis que j'avais mis un pied dans cette ville. 

Mais préparer ce gâteau m'a presque fait oublier ma réalité.

Lorsque la soirée est tombée, nous avons partagé le gâteau en tête à tête, les garçons n'étaient pas encore rentrés. 

Ça m'inquiétait un peu de ne pas les revoir. Mais j'essayais d'être plus à l'aise surtout avec Amber et Farell. 

Elle me facilitait la tâche. Quand le silence se faisait trop lourd, elle me racontait des petites anecdotes sur son fils, ou sur Robin. 

J'ai même appris que Farell était le deuxième prénom de Côme.

Je trouvais que ça lui allait terriblement bien.

Le soir est vite arrivé. 

Après avoir mangé que toutes les deux. 

Je me suis excusée pour aller dormir. 

Quand j'ai terminé ma toilette, je me suis dirigée vers ma chambre. 

Je me suis à peine installée dans mon lit que la porte s'est ouverte dans un léger grincement. 

En me retournant dans un sursaut, j'ai vu Côme entrer et refermer doucement la porte derrière lui. La surprise m'avait fait attraper ma couverture que j'avais serrée contre moi.

— Tu m'as fait peur, avouais-je en essayant de retrouver mon calme.

Il esquisse un léger sourire, le genre de sourire doux et rassurant que je trouve vraiment apaisant. Une boule de chaleur se propage dans mon corps tout entier au simple fait que nous soyons que tous les deux dans cette pièce. 

Il reste près de la porte et je le regarde de haut en bas sans trop comprendre :

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien, j'ai vu que tu ne dormais pas et...

— Et quoi ?

Il n'a pas répondu, il s'est juste massé la mâchoire sans me quitter du regard. 

— Pourquoi t'es encore habillé ? demandais-je curieuse.

Il s'est finalement approché de moi, je me suis enfoncée dans mon lit en même temps qu'il s'assoit sur le rebord.

Sa main se lève, il pousse une de mes boucles qui s'était glissé sur mon front avec une délicatesse ce qui me fait frissonner.

— Je ne sais pas comment tu vas, Mariposa.

La réflexion est simple, mais l'émotion derrière elle est tellement palpable. Que sans me contrôler, ma main rejoint la sienne sur ma joue.

— Ça va, Côme, ne t'inquiète pas.

Il ne me lâche pas du regard.

Le regard, le regard, le regard.

C'est un truc qu'il fait de plus en plus. Juste me regarder, sans un mot.

Je remarque alors que ses doigts s'amusent avec mon bracelet, celui qu'il m'a donné il y a presque trois ans.

La sensation de ses doigts contre ma peau me fait rougir, mais je ne détourne pas le regard moi non plus. Au contraire, je le soutiens. Parce que moi aussi c'est une chose que je fais de plus en plus et que je contrôle de moins en moins.

— Qu'est-ce que t'as fait aujourd'hui, finit-il par me demander d'une voix basse.

Je n'ai même pas réfléchi avant de répondre, et je me suis mise à lui raconter ma journée. Du gâteau, d'Amber, et même du rire de Farell que j'avais fini par trouver amusant.

Pendant ce temps, Côme m'écoute, comme il l'a toujours si bien fait finalement.

Son point fort c'est ça. Écouter.

Quand je finis, il hoche la tête, ses doigts s'emmêlent toujours autour de la chaîne en argent que j'ai autour du poignet. Et puis il me dit :

— Tu te sens bien ici ?

Sa question me fait tiquer. Je suis surprise par sa sincérité et par le ton à la fois sérieux et chaleureux de sa voix. Je prends une profonde inspiration en détournant un moment le regard pour y réfléchir :

— Disons que... c'est différent de tout ce que j'ai connu, commencé-je, ma voix tremble un peu. Je n'aurais jamais pensé me retrouver chez Robin, et m'y plaire...

Je laisse ma phrase en suspens. En fait je n'ai pas vraiment de mot pour décrire ce que je ressens.

— Je crois que je me sens... bien ici, oui, finis-je par dire. Je ne sais pas en réalité...

Il acquiesce. Il semble satisfait par ma réponse. Sa main passe dans mes cheveux, et ses doigts s'emmêlent dans mes boucles.

— Quand tu sauras mettre des mots sur tout ça, je veux que tu me demandes un jour de t'offrir cette vie-là. 

Une vague de chaleur envahit soudainement mon visage. Mon cœur cogne violemment plus fort contre ma cage thoracique. J'entrouvre les lèvres, je ne m'y attendais pas. D'autant plus que sa caresse laisse un tracé doux et rassurant dans mes cheveux.

— Euh... je... murmuré-je sans trouver de réponse.

Il me sourit, se penche vers moi, et pose ses lèvres contre mon front brûlant :

— J'attendrais, bonne nuit, Mariposa, chuchote-t-il à mon oreille.

Il finit par se lever doucement, me laissant seule sur le lit. Je le regarde toujours un peu choquée, pendant qu'il se dirige vers la porte. J'entends le bruit de ses clés de voiture et son départ laisse un vide sidéral dans la pièce. 

Alors qu'il ouvre la porte, un élan soudain m'incite à me redresser :

— Attends, Côme !

Il s'arrête et se tourne, je me lève précipitamment et le rattrape à la porte.

Mes mains trouvent naturellement ses joues, sa peau est chaude sous mes doigts. Nos regards se croisent encore et je suis incapable de faire autre chose, je tends les bras, il ne réfléchit pas longtemps avant que ses paumes se presses sous mes cuisses. Je me hisse sur lui et nos lèvres entrent en collision. 

Je crois que j'aime cette explosion. 

À chaque fois que je le touche intimement, ça me retourne l'estomac d'une telle façon que j'arrive à peine à croire que ce que mon corps vit est vrai. 

Sa bouche est chaude, le baiser est passionné, imprégné d'une douce urgence qui m'incite à serrer plus fort mes bras autour de son cou. Ses clés s'enfoncent douloureusement dans ma peau, mais je ne veux pas lui dire, je ne veux pas qu'il parte. 

Quand nos lèvres se séparent, je ne me contrôle plus et je dépose un nouveau baiser sur ses lèvres. 

J'ai envie de coucher avec lui, pour tout oublier. J'ai envie qu'il me rappelle toute la violence que je garde en moi et pendant un moment, je suis presque contente que ses clés me fassent mal. 

Son regard me scrute encore. Et il finit par se pencher pour que mes pieds retrouvent le sol. Il met une légère distance entre nous, ça me rend un peu triste, je crois. On dirait qu'il sait ce que j'ai dans la tête... 

— Va dormir, Papillon, je ne serais pas long. 

Il enroule une de mes boucle autour de son index. 

Ça me fait bizarre qu'il ne veuille pas me faire du mal au point de nous séparer. Parfois je pense que le mieux serait qu'on se fasse du mal comme à nos débuts. Parce que j'ai l'impression que j'allais bien à ce moment. 

Je finis par calmer ces idées que j'ai dans la tête, et je finis par lui dire. 

— Je ne sais pas où tu vas... Mais fais attention, murmuré-je en sentant une inquiétude me prendre.

Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine.

Je sens encore la douceur de ses lèvres sur les miennes, le toucher de ses mains, l'intensité de son regard.

Et puis... Le sourire qui naît sur son visage reste gravé dans ma tête.

Il est tellement beau son sourire.

Et j'ai l'impression qu'il ne sourit vraiment jamais. 

— Demande-moi de te dire quelque chose, love.

Des frissons me prennent.

Love.

Love.

Love.

Love.

Comme avant, j'ai ce sentiment que ce truc, cette flamme entre nous ne devrait pas exister. Et encore une fois, elle me brûle autant qu'elle me réchauffe...

— Dis-moi quelque chose, chuchotais-je.

Son index glisse lentement le long de ma mâchoire jusque dans mon cou. 

Je ne ressens ni dégoût ni répulsion pour lui. Juste de beaux frissons qui me donnent envie de pleurer...

— Nie odlatuj, maly motylku. (Ne t'envoles pas petit Papillon)

Je me suis fait violence pour que mes émotions restent enfouies au fond de moi. Je ne suis pas sûre que lui montrer soit une bonne idée. J'ai trop peur de faire une erreur...

Mais je veux ses mots, encore et encore.

Je me mets sur la pointe des pieds et l'incite à se pencher vers moi en tirant sur son pull. 

Même sans comprendre un seul mot, c'est toute l'émotion que je ressens dans sa voix qui me fait fondre et brûler. Je réalise que j'aime tellement quand il me parle polonais que je voudrais l'entendre pendant des heures.

Son visage m'a l'air tellement en paix, j'ai l'impression de revivre une scène que nous avions déjà vécue tous les deux.

— No quemes tus alas. (Ne te brûle pas les ailes) Quédate conmigo. (Reste avec moi).

— Zostane, Mariposa. (Je vais rester, Mariposa)

Mes mains ont glissé le long de son torse avant de le quitter.

Quelque chose me fait mal dans nos échanges.

Quelque chose m'apaise.

Quelque chose me donne envie de le fuir.

Quelque chose me donne envie de tout essayer avec lui.

Je ne sais plus...

Il me regarde reculer jusque mon lit ou je m'allonge. J'ai le goût de ses lèvres encore présent sur les miennes.

— Je ne serais pas long, répète-il doucement.

Je finis par hocher la tête en pinçant mes lèvres.

L'idée de dormir toute seule m'angoisse.

Côme finit par ouvrir la porte et il la referme doucement.

Je m'allonge dans cette vanity room éclairée par la lumière de la lune.

Ma solitude me pèse déjà.

En réalité, quand je ferme les yeux.

J'aimerais bien être dans ses bras.



𓆃


CÔME.


J'ai le souvenir de son goût sur mes lèvres et l'envie de faire demi-tour. 

Un son d'agacement m'échappe lorsque mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean. Le volant bifurque légèrement alors que j'essaye de glisser ma main dans la poche.

L'idée de changer de tenue me prend à la gorge. Les jeans, ça n'a jamais vraiment été mon truc, mais je n'ai pas le temps de me focaliser sur ça.

Dans la nuit, sous l'habitacle de ce véhicule, la lumière de mon téléphone me fait plisser des yeux.

Un message.

Sage.

« Parking. »

Je verrouille mon téléphone et prends au dernier moment la ruelle sur ma gauche.

C'est moi qui ai contacté Sage. Je ne pensais pas recevoir de réponse, mais contre toute attente, il n'a pas décliné.

Une sensation oppressante dans le creux de ma poitrine me signale que quelque chose ne va pas bien chez lui. Et le problème c'est que je sais de quoi il souffre. J'ai subit mon père jusque mes 25 ans. 

Un sentiment de culpabilité m'envahit, j'aurais dû être là pour lui, tout comme je n'aurais jamais pu le sauver de notre père.

Pas avant aujourd'hui. Mentalement, j'étais tout simplement incapable de le faire.

Les phares de ma voiture éclairent le vaste parking de cet hypermarché. Je repère immédiatement la berline noire solitaire, stationnée non loin de l'entrée. Quelques secondes suffisent pour que je gare mon véhicule à côté de la sienne.

J'éteins le moteur et observe Sage descendre lentement de sa voiture.

Le revoir après près de trois ans me laisse comme une gifle en plein visage.

Malgré la nuit et le froid, je l'examine attentivement tout en fermant la porte de ma voiture d'un claquement sec. Habillé simplement, une chemise blanche et un pantalon de costume noir.

Cette simplicité lui va bien pour être honnête, je ne peux m'empêcher de remarquer à quel point il a changé.

Je m'éclaircis la voix en m'approchant de lui. En le scrutant bien, il y a quelque chose qui me fait voir une certaine douleur dans son regard, une lourdeur dans ses mouvements.

J'en ai presque le souffle coupé lorsque j'arrive pas loin de lui.

— Qu'est-ce qu'il t'a fait ? demandais-je sans me contrôler.

— Côme, on n'est pas là pour ça.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit, montré ?

— Pourquoi est-ce que tu voulais me voir ?

Je prends un peu sur moi en le fixant. Il ne veut pas répondre et je connais déjà la réponse. 

— Tu sais pourquoi je voulais te voir, affirmais-je.

— Pour enterrer un autre King. 

Mon frère s'appuie contre la carrosserie de sa voiture et croise les bras. Ses mots sont sortis avec une certaine aigreur. J'ai senti sa voix vibrer légèrement.

— Il doit tomber... murmurais-je en collant mon dos à ma voiture.

Sage ne répond pas tout de suite. Son regard d'abord insistant me fuit un moment. 

Mes yeux se perdent sur mon petit frère. Et je me rappelle que je n'ai jamais pu avoir un semblant de relation avec lui. Nous sommes frères parce que nous partagons le même sang, et ça s'arrête là.

— T'as vu comment c'était après Ania. Tu vas encore tout détruire et surtout, tu vas mettre toute la famille en danger, finit-il par me dire accompagné d'un geste de la main pour appuyer ses propos.

— Non je ne sais pas comment c'était puisque mon père m'a chassé. Regarde ta face Sage, qu'est-ce que cette famille a fait pour toi ?

— Parce que toi tu ferais quoi plus pour moi ?

La question me fait l'effet d'une gifle.

C'est vrai, qu'est-ce que j'ai fait pour Sage.

Pendant un moment, mes mots me restent bloqués dans ma gorge. Je réalise alors que je n'ai jamais vraiment été là pour lui.

J'ai tellement été immergé dans les enseignements de la mafia de notre père, tellement pris par ma propre colère et haine, que j'ai toujours été dur avec lui, voire même cruel.

Et pour la première fois, je comprends que Sage n'était que le reflet de ce que je lui offrais au quotidien. La colère, la haine, l'absence... Tant de choses qui l'ont façonné.

Cette prise de conscience est comme un coup de poignard en plein cœur.

Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais j'ai l'impression que mon cerveau se dévoile, et je vois et comprends des choses sur lesquels avant je n'aurais jamais daigné à ouvrir les yeux.

La réponse est simple : Mis à part le désir de m'assurer que tous mes frères et sœurs restent en vie, je n'ai jamais rien fait pour eux...

J'ai manqué à mes devoirs de grand frère, envers Ania, et envers Sage.

Une boule de regret se forme dans mon ventre. Je croise les bras sur ma poitrine sans trop savoir quoi répondre à ça.

— Tu ne pourras jamais approcher de papa comme ça, brise-t-il le silence.

Je relève les yeux vers lui. Son visage sérieux me fait comprendre qu'il a tout de même mis un pied dans cette mission macabre.

— Il s'est acheté une villa privée, il s'y rend parfois, continue-t-il.

Je fronce les sourcils, en prenant conscience de ses révélations.

— Où ?

— Pas loin de New York.

— Quand ?

— En général, il s'y rend les jeudis. Et pas avec ma mère.

Mon père n'a jamais été fidèle. 

Il a trompé ma mère avec la mère de Robin et Sage, et trompé Nathalie avec la mère d'Ania. 

Nathalie à toujours fermé les yeux, quand on vous demande pardon avec des propriétés ou des sacs de luxe, ça aide à faire passer la pilule plus facilement. Mais jusqu'à aujourd'hui je ne comprends toujours pas pourquoi mon père et elle son ensemble. 

— Peu importe ce que tu prévois, je ne vois pas un autre moment où tu pourrais t'approcher de lui.

Je reste bouche bée, que Sage coopère. J'ose à peine parler par crainte que son élan cesse.

Mais un silence retombe sur nous. Sage se masse le menton, le froid me colle au visage. Je le fixe, il fixe l'horizon.

Mon frère est une boule de nerf, comme moi après tout. Mais je ne retrouve rien de lui. J'ai cette sale sensation d'avoir une coquille vide en face de moi.

— Qu'est-ce qui t'est arrivé, Sage ? je demande d'une voix basse.

— Je pense que tu le sais déjà, répond-il simplement. On a le même père après tout.

Je frissonne à sa réponse. Des souvenirs me reviennent par flashs. Je n'aime pas ce que je vois, et j'imagine qu'il a subi les mêmes horreurs que j'ai vécues.

— Il t'a battu ?

— Pas vraiment.

Je me sens tout d'un coup très mal à l'aise, en me demandant quels niveaux de traumatismes Sage a bien pu subir pour en arriver à un tel niveau de déconnexion émotionnelle.

Avec mon père, je savais que son imagination en terme de cruauté n'avait aucune de limite...

Après un long moment de silence, Sage finit par me dire calmement :

— Je sais ce que ma mère t'a fait.

Je ne réponds pas.

En fait, je reste choqué.

Ça, personne ne l'a jamais su.

Personne.

— Ne dis pas n'importe quoi, articulais-je sur la défensive.

— Tu vas arrêter de mentir putain, Côme ! crache-t-il en me fusillant du regard.

Je déglutis en sentant mes mains trembler légèrement.

Un léger mal de ventre qui me donne tellement envie de vomir que je détourne le regard le premier.

— Pourquoi t'as jamais rien dit ?

Je déglutis sans un mot, laissant sa question sans réponse. 

Même si j'ai essayé d'enfouir ça, Nathalie me torturait à sa manière quand j'étais plus jeune.

Elle connaissait toutes mes peurs.

Elle savait à quel point j'avais besoin de ma mère.

Et elle m'a bien fait comprendre qu'elle avait brûlé par ma faute.

Quand bien même Nathalie ne me cognait pas avec la même violence que mon père, c'était ses mots que j'entendais dans mes paralysies du sommeil.

J'entendais sa voix quand je voyais, quand je vois, le fantôme de ma mère.

J'expire un bon coup en même temps qu'une légère brise glaciale se soulève.

— Pourquoi t'as jamais rien dit, répète-t-il en sortant un paquet de cigarettes de sa poche.

Le bruit du briquet me paraît assourdissant.

— Qu'est-ce que tu voulais que je te dise exactement, Sage.

Il me tend une cigarette que je refuse. La fumée qui s'extirpe de la sienne me donne envie.

— J'aurais voulu que tu justifies tes colères, que tu justifies toutes ces fois où tu as pété les plombs sur nous, sur moi, sans aucune raison.

— Tu m'aurais cru ? T'étais accroché à ta daronne comme une bouée de sauvetage. 

Sage me fixe. 

— J'étais collé à ma daronne, peut-être parce que j'étais tout seul ? 

Il inhale la nicotine et j'ai l'impression d'entendre son cerveau d'ici. 

— Tu aurais dû essayer de m'en parler.

Je sens mes dents s'entrechoquer.

— Au lieu de ça, tu m'as laissé te haïr toute ma vie.

— C'est ta mère et on a pas le même âge. Aussi cruelle soit-elle, je ne vois pas ce que j'aurais pu t'expliquer sur ce qu'elle me faisait qui aurait changé quoi que ce soit. Soit c'était moi que tu détestais, soit c'était ta propre mère. Et pour être honnête, elle m'a appris à faire la guerre et je lui dois ma haine. Elle m'a rendu plus fort, donc disons que c'était un mal pour un bien, dis-je sèchement.

— T'avais pas besoin d'être plus fort. En tout cas, je m'en battais les couilles d'avoir un "frère fort", je voulais juste mon frère.

Je reste choqué.

Mes sourcils se froncent et je sens mon rythme cardiaque accélérer dans ma poitrine.

C'est la première fois que Sage se confie autant à moi.

— Je l'ai fait pour te protéger...

— Me protéger de quoi Côme ? Notre père est un des plus grands contrebandiers des États-Unis, c'était une question de temps avant que je baigne là-dedans moi aussi. Me voiler la face avec des prostituées et de l'argent n'a fait qu'accentuer ma bêtise et maintenant que j'ai vu ce par quoi tu es passé j'aurais préféré le vivre avec toi qu'être encore tout seul dans ces emmerdes !

La solitude.

Ses mots me frappent et j'ai l'impression de comprendre mon frère maintenant.

Sa haine envers moi est due à son isolement.

Lui aussi a dû grandir tout seul, du moins... Sans moi...

— J'ai essayé... On ne peut pas me reprocher mes failles à chaque putain de fois...

J'ai la gorge gonflée. En réalité, je suis fatigué de porter le fardeau du monde entier.

— J'ai vraiment essayé pour te protéger. T'as pu vivre une vie tranquille et ça aurait pu continuer jusqu'au restant de tes jours si ma propre haine n'avait pas été la cause de la mort d'Ania.

Mon frère détourne le regard. Il inspire une longue taffe de nicotine.

La mention d'Ania pose un voile de douleur si intense que je sens une pointe dans ma poitrine qui me coupe le souffle.

J'essaye d'inspirer profondément, je veux éviter la crise d'angoisse devant mon petit frère. Je me décolle du véhicule et commence à marcher lentement à côté de nos voitures, en tapotant sur mon cœur pour calmer les palpitations.

J'ai le visage de Mariposa qui me revient en mémoire.

Dans cette cabine téléphonique.

J'repense au fait qu'elle m'ait dit que je n'étais pas tout seul.

Mes doigts tapotent mon torse frénétiquement.

C'est ça le problème avec le fait de se laisser ressentir quoi que ce soit.

J'aurais préféré fuir les émotions toute ma vie et m'en tenir à mes paralysies du sommeil.

M'autoriser à revivre des émotions, des sensations ça me donne forcément des crises d'angoisses que j'ai du mal à gérer.

— Hé, Côme ?

La voix de mon frère me coupe dans ce délire. J'essaye de respirer encore en fois. Je ne veux pas que mes conditions influencent le jugement de qui que ce soit. J'ai été une merde avec Sage toute sa vie et je comprends sa colère mieux que quiconque.

Je me tourne en laissant mes palpitations me narguer.

— C'est pas toi qui as tué Ania.

Je reste figé après ces mots.

Sage a vraiment changé en trois ans, et sur le coup, ses mots me touchent profondément.

Mes sourcils se tortillent, je retiens la quantité d'émotions qu'il me submerge et un sentiment de soulagement m'envahit.

Entendre ça de la bouche de Sage... ça fait un putain de bien.

— Le seul jour pour faire quoi que ce soit, c'est le jeudi, m'annonce-t-il en reculant jusque sa voiture.

Il me donne son feu vert. 

Je regarde Sage jeter sa cigarette avant d'entrer dans sa voiture, ses phares illuminent le parking et nos regards ne se quittent pas jusqu'à ce qu'il finisse par quitter l'endroit.

Mes mains tremblent légèrement...

Bientôt... j'allais mettre fin à l'empire de mon père.

J'allais détruire un clan tout entier... Perdre des milliards de dollars.

Et dans mon cœur je savais que tout ça n'était pas motivé par une envie de vengeance, mais je voulais me rendre justice, pour ce que mon père avait fait de moi...

J'ai repris place derrière mon volant. Il ne m'a pas fallu très longtemps avant de prendre la route.

Encore une fois, j'ai besoin de ma dose.

Ma dose Papillon. 



𓆃


Re ⭐️ !


📜 C'est l'heure du Tea time : ☕️🫖🧋: Dites moi tout ce que vous en avez pensé de ce chapitre ?


On se retrouve très vite in sha'Allah ! Love you ! ❤️



Bisous bye ! 📸

@𝐚𝐳𝐫𝐚.𝐫𝐞𝐞𝐝 𝐬𝐮𝐫 𝐈𝐧𝐬𝐭𝐚𝐠𝐫𝐚𝐦

xoxo, Azra.

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