Chapitre 10 : Les amours naissent sous les ronces.
L'herbe s'écrase sous les sabots fougueux d'un étalon, la crinière au vent, il renifle le parfum des fleurs des champs. Sa cavalière, énervée, ne lui permet aucune pause, donc elle remue successivement les rênes en attendant que la bête reparte.
Ses yeux nerveux, jouant à s'accrocher aux nuages, n'assument l'horreur qui les envahit lorsqu'un oiseau se dégage des formes vaporeuses. La femme s'accroche à la crinière de l'animal comme si elle voulait lui arracher les poils un par un.
Les deux ailes de l'oiseau voyageur se replient et se déplient répétitivement. Alors, d'un coup, la cavalière a une idée. Elle attrape un arc dans son étui, le garnit d'une flèche à la pointe tranchante et suintante d'un plaisir malsain à déchirer les chairs. Là, la femme attends le bon moment et tire alors que sa monture est toujours au galop. La flèche ne parvient qu'à se nicher entre les nuages et retomber piteusement, quelques mètres plus bas.
Mais, cette femme à la détermination enragée, Elise Sword, n'accepte pas la défaite. Elle décoche une deuxième flèche, puis une troisième. Ah ! Touché ! La cible ne bat plus de l'aile, et, une seconde après, tombe brusquement sur le sol en dégoulinant d'un sang clair. Le liquide chaud s'écoule dans l'herbe pendant qu'Elise se rapproche. Un sourire mesquin illumine son visage.
" Le roi ne doit pas savoir ce qu'il se passe là-bas. Comme ça, j'ai le temps d'agir. J'ai le temps...d'avoir sa peau. "
**********
L'instructeur passe dans les rangs en vous regardant sévèrement. Alors qu'il fixait un de tes camarades totalement mal à l'aise vis-à-vis de la situation, il se retourne vivement vers toi et cri :
" Et toi ? Qui es tu ?! "
Tu effectues le salut, sure de toi.
" Je suis T/p T/n monsieur ! "
Il te met une claque derrière la tête, subitement. Tu ne bouges pourtant pas mais affiche une mine choquée.
" Le ton de ta voix m'exaspère. Suivant ! - Il s'avance vers Marco - Toi ? Qui es tu ? "
Déglutissant, tu tournes furtivement des yeux vers Marco qui, malgré son sourire, a des yeux qui disent "Tuez-moi..."
" Je suis Marco Bott, monsieur ! J'veux rentrer dans les Brigades Spéciales. "
L'autre le regarde longuement et lui donne un coup avant de passer au suivant. Il trébuche et te tombe dessus en manquant de crier. Heureusement, tu rattrapes Marco et il ne s'est pas blessé plus que ça. L'instructeur le regarde juste avec mépris avant de lancer tout haut :
" Ici c'est pas un endroit pour les gamins naïf dans ton genre. Fais gaffe à toi... "
Décidément il semble avoir quelque chose contre vous...Ou bien alors il a appris l'affaire du jour où vous étiez venu postuler ? Peut-être qu'il vous soupçonne toujours d'être réellement inclus dans cette histoire !
L'instructeur continu de passer dans les rangs pendant une bonne heure, son regard manque de faire craquer plus d'un. Heureusement, seul sept personnes sont renvoyées à cause de ce que Shadis appelle " Une attitude de petits branleurs. "
Vous voilà donc, dans un chalet où crépite les dernières braises sur les bûches carbonisées. Malgré le beau temps durant la journée, la nuit vous force à allumer un vrai bûcher lorsque les premières étoiles apparaissent au firmament.
Tu es avec Marco, appuyée contre la rambarde de bois qui borde le dehors de votre logis. Pour vous tenir compagnie, quelques lucioles s'organisent une valse comme pour concurrencer les étoiles. Tu tapotes, du bout de tes doigts, la structure striée de rayures. Les rides s'amplifient à mesure que tu avances ta main. La surface te paraît comme une piste, un champ de bataille rempli de tranchées... "Tranchées" c'est un mot qu'on a utilisé une fois dans ta vie. Est-ce que c'était ton ami ou ton père qui l'avait prononcé ? Tu ne t'en rappelles pas, tout ce dont tu te souviens, c'était de la gravité dans le ton de la voix de la personne l'ayant utilisée.
Ta main glisse toujours, comme si elle cherchait quelque chose qu'elle n'avait jamais pu trouver. Mais tes yeux, eux, sont encore rivés vers le ciel. Les étoiles, là-haut, piquent les cieux comme un artiste déposerait des points de peinture sur sa toile. Elles sont belles, groupées dans une harmonie céleste...ça te rappelle le champ de lys. L'endroit où tu t'es guérit en rêvant, l'endroit où tu as rencontré...
Soudain, ta main rentre en contact avec quelque chose. C'est doux, c'est frêle, éphémère, et une chaleur sensuelle s'en dégage. Ca te rappelle la légèreté d'une fleur. Tu tournes la tête en ouvrant grand les yeux, Marco semble choqué, le bras étalé sur la rambarde, ses doigts frôlant les tiens. Ses prunelles croisent les tiennes, il rougît et se met à bafouiller :
" J-J'ai pas fait exprès...désolé...j'étais perdu dans mes pensées et ma main a glissé toute seule... "
A ses mots, tu ne peux t'empêcher de sourire. Ca le fait prendre un teint encore plus vermeil. Un léger vent fait vibrer vos cheveux, quelques étincelles de la cheminée flottent jusqu'à vous, et alors que tu allais lui souffler une réponse, un chant lointain s'immisce dans tes oreilles. Tu sursautes presque, tes doigts se referment sur ceux de Marco et une phrase sort de ta bouche lentement :
" Tu entends ? "
Marco semble presque tomber dans les pommes, les iris rivés sur vos mains, mais il finit par te regarder à nouveau dans les yeux et, comme s'il comprenait se met à scruter l'horizon :
" Oui...cette musique, cette sonorité...On dirait le chant des lys. "
Tu mires la voûte céleste au même endroit que lui, intensifiant ses propos :
" Ca l'est. "
Bien vite, vos deux mains entrelacées se détachent après un ultime serrement de ta part, lorsque Marco retire la sienne en s'excusant. Il n'arrête pas de chuchoter :
" Désolé...désolé..."
Là, un bruit se fait entendre derrière vous. Une silhouette se découpe dans le chambranle de la porte, ses deux yeux rieurs vous fixant, amusés. C'est Hitch, qui, les bras croisés re-rentre à l'intérieur en te lançant des clins d'œil. Elle a dû voir une partie de la scène...
Quelques minutes plus tard, après avoir écouté le chant se prolonger jusqu'au fin fond de votre camp d'entraînement, tu te décides à enfin aller te coucher. Marco, lui aussi, part de son côté avec des yeux perdus.
Une fois au creux de tes draps, alors que seuls les souffles endormis de tes camarades brassent le silence, un nouveau son vient te déranger. Ton cœur bat à la chamade. Et pendant une seconde, une pensée surgit au beau milieu de ton esprit. Cette pensée, elle dit : " J'espère que Marco aussi... "
- L'amour, c'est le cri de l'aurore. L'amour, c'est l'hymne de la nuit.
Victor Hugo. -
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