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Tout petit os qui j'espère vous plaira ^^

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Leurs pas faisaient trembler l’assemblage de terre, de pierre, de bois et de brique qui constituaient la Grande Muraille de Chine. Une grande muraille qui s’étendait sur huit-mille huit-cents cinquante kilomètres de long si l’on compte les fleuves et les montagnes. Une muraille qui avait tant vu, tant vécu, au fil des siècles ; et qui devait, ce soir-là, encore endosser les minuscules coups que produisaient ces longues enjambées.

L’air était frais, on n’aurait su dire quelle était la saison. Les arbres se pliaient sous le poids invisible du vent, les branches craquaient, les feuilles tombaient. Tout semblait hors du temps et de l’espace, la vie semblait éteinte. Tout paraissait à la fois mort et vivant, à la fois joyeux et morne, coloré et sombre. La nuit engloutissait le paysage, le surplombant d’un voile parcouru par des milliers d’étoiles, de constellations et de nuages qui obscurcissaient cette voûte céleste. Cette voûte céleste fluctuant parmi un camaïeu de bleu aux tons sombres voire orageux.

La lune était la pièce maîtresse du tableau, éclaboussant le spectacle d’un halo de lumière aveuglante. Les ombres dansaient au gré de la nature qui oscillait entre l’existence et le trépas. Tout semblait figé comme retenant son souffle, tout en vaquant à sa vie qui ne différait de d’habitude. L’air se bousculait, se confrontait aux obstacles qu’il rencontrait, il trébuchait contre les conifères, se cognait contre les parois du mur, coupant son souffle. On l’aurait dit en pleine crise d’angoisse.

Des cris fendaient l’air, des éclats de voix et de rires pouvaient se faire entendre à des kilomètres. De la joie suait de deux corps, devenant vapeur sous l’effet de la chaleur qui s’émanait d’eux, s’évaporant dans l’atmosphère de plus en plus tendue. L’air se cachait, tentant par tous les moyens de se faufiler dans le creux de la souche d’un arbre, de se camoufler dans l’ombre du paysage nageant dans le clair-obscur.

Les bruits se rapprochaient du silence ambiant de la nuit, le brisant, l’écrasant sans délicatesse aucune. Tout ce qui constituait le paysage paraissait à la fois tendu, gêné, outré par ce boucan. On savait ce qu’il se préparait, chacun connaissait la suite des évènements, ce qui allait suivre ; et pourtant, certains parvenaient à leur en vouloir de profiter de cet instant, ce dernier instant.

– Tae, attends-moi ! S’efforçait de crier l’un des deux hommes, essoufflé. Pourquoi tu m’as fait venir ici, hein ? On n’a pas le droit normalement, si on nous voit on va se faire-

L’autre homme n’attendit pas pour déposer ses lèvres tout contre les siennes, l’emmenant l’espace d’un instant dans un autre monde duquel ils sortirent aussitôt. Leurs regards se transpercèrent, chargés d’un trop-plein d’émotions qui ne parvenaient pas à sortir. La brise ébouriffa gentiment leurs cheveux, presque comme une caresse amicale réconfortante. Elle était le soutien dont ils avaient besoin.

L’atmosphère se détendit petit à petit autour d’eux, reprenant le souffle qu’ils avaient coupé. Il restait du temps, encore un peu de temps. La lune, elle, restait froide, elle attendait, aussi glaçante que le ton de l’argent pouvait l’être. Ses rayons lunaires étaient tranchants, irradiant tout sur leur passage. Inexorablement, elle tentait d’attirer leur attention, voulant montrer qu’elle aussi était là, et qu’elle attendait.

Elle attendait, depuis si longtemps. Sa patience avait des limites et dans peu de temps tout prendrait enfin fin. Enfin. Les nuages, compatissants, se tassaient les uns sur les autres, cherchant par tous les moyens de créer un mur superficiel entre le ciel et la terre. Ils ne désiraient pas que ça se termine, ils voulaient continuer à en voir de toutes les couleurs avec ces deux jeunes hommes. Mais que peut faire la nature face au destin ? Que peut-elle faire face à la mère la Lune qui attendait son fils depuis tant d’années ?

– Tiens, mange mon amour. Taehyung tendit une fraise rouge vers son homologue, la regardant disparaître dans la bouche de son amoureux qui savourait ce délice naturellement sucré.

– Elles sont excellentes, s’exclama-t-il, enjoué.

Un fin sourire illumina le visage de Taehyung, le rendant presque irréel par l’aura qu’il dégageait à chaque instant. Jeongguk se demandait toujours s’il était vraiment humain. Il ne croyait pas aux superstitions, aux mythes ou aux légendes, mais faire face à un être tel que lui le chamboulait et remettait tout en question.

Le vent se fit plus brusque, sortant enfin de sa cachette et ébauchant les arbres, les faisant crier silencieusement de douleur. Le vent sentait la fin proche, de plus en plus, le temps se raccourcissait, tout s’accélérait.

Les battements de cœurs, les feuilles qui tombent, les nuages qui glissent, le vent qui souffle, tout n’était plus que désordre de la nature corrompue. La peur s’élevait, engourdissait l’air et les membres, l’angoisse la remplaçant bien vite.

Il n’y avait plus de temps, et pourtant il en fallait encore, Jeongguk en demandait encore. Les larmes coulaient, peinant ses traits habituellement heureux de son visage rosi à la simple vue de son amoureux. Ses mains s’agrippaient désespérément aux vêtements de Taehyung, le traînant tout contre lui, accolant leurs deux corps transis par le chaud et le froid qui fusionnaient. La chaleur s’émanait de leurs corps et s’amalgamait au froid ambiant.

Tout n’était plus que tourbillon d’indécision, d’émotions trop fortes, de transpiration, de manque, d’angoisse, d’amour. Leurs lèvres ne pouvaient plus se détacher, fortement scellées par leurs larmes gluantes qui se déversaient par torrents.

Le corps de Taehyung s’échappait alors doucement de l’étreinte de son amoureux, disparaissant petit à petit pour devenir comme une ombre transparente aux reflets argentés. Jeongguk ne pouvait que rester là à le regarder partir, s’envoler vers le ciel ouvertement dégagé où brillaient anormalement les étoiles. La lune avait repris un éclat chaleureux et maternel, réceptionnant avec un surplus de sentiments forts son fils qu’elle lovait contre elle.

Elle lui embrassa le front et le laissa s’envoler encore plus haut, lourdement, comme pour faire durer le moment où il pouvait encore voir son amoureux distinctement. C’était dur, si dur de voir ce visage angélique se ternir par des traits monstrueusement tristes et déconfits. Plus il s’élevait et plus la peine que Taehyung ressentait s’épongeait, devenant petit à petit un flot d’amour et de tendresse qu’il pourrait déverser à l’infini sur son homme dorénavant inaccessible. Chaque nuit il le comblerait de passion, le temps qu’il le rejoigne dans les constellations de l’univers pour se retrouver à l’infini.

« Voilà ce que ce tableau représente, Marche au Crépuscule est une œuvre peinte par un jeune homme venu nous voir il y a peu de temps, trempé jusqu’aux os et transportant sous sa veste trop grande ce tableau. Il nous a demandé s’il pouvait l’exposer dans notre galerie d’art et c’est après l’avoir montré à des spécialistes que nous avons accepté.

– Qu’est devenu ce jeune homme ?

– Il a disparu, nous n’avons plus eu de nouvelles de lui depuis que nous avons exposé son œuvre.

– Qu’ont dit les spécialistes en voyant cette œuvre ? Il est vrai qu’il paraît invraisemblable qu’un homme venu se pointer un beau jour comme si de rien n’était et demandant à ce qu’on expose son œuvre puisse parvenir à convaincre des spécialistes.

– L’un d’eux nous a dit que ce tableau renfermait un lourd secret qu’y a enfouit son auteur en y transmettant des émotions à la fois belles et douloureuses.

– Quel est le nom de l’auteur ?
Jeon Jeongguk.»

Un homme s’avança, attirant leur attention.

« J’ai entendu dire qu’il était mort. »

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