On fit des allées retours incessants entre les salles de classe et le dortoir durant les jours qui suivirent. Mary dormait en boule dans son lit, serrant des coussins rouges contre elle sans avoir  la force de faire grand chose d'autre. Elle était silencieuse et ne se levait pas. Elle ne lisait même plus. Mme Pomfresh avait affirmé qu'elle allait bien mais qu'il fallait lui accorder du repos et être à son écoute.

Lily resta à son chevet autant qu'elle le put, se sentant pleine de culpabilité. Elle n'avait jamais vu sa meilleure amie comme ça, mais elle savait qu'elle aurait pu le prévoir. Qu'elle aurait du le voir venir. Mary paraissait surpuissante : elle ne se plaignait pas, ne perdait pas ses moyens, n'avouait pas ses secrets. On partait du principe que c'était parce qu'elle n'en avait pas besoin, mais c'était juste la version qui les arrangeait, pas la réalité. Elle portait les problèmes de tout le monde sur ses épaules, se changeant en confidente au moindre sourire qu'elle adressait. Et personne ne l'écoutait. Personne n'avait encore expliqué la situation en ses termes, mais Lily comprenait que c'était ce qui avait du se passer. Un débordement de magie, à dix huit ans, n'était causé que par ce genre de détresse. 

Au bout d'une semaine, Mary ne communiquant que par monosyllabes mais de nouveau sur pied, la rousse la retrouva dans la salle de bain en train de mélanger ses potions de soin près du lavabo, sans doute pour ne pas en reverser partout sur ses draps. 

Lily s'assit au bord de la baignoire, prête à repartir si besoin. Mary leva ses yeux noirs dans le miroir et sourit au reflet de son amie sans arrêter de traficoter ses fioles. Visiblement, elle avait le droit de rester. 

« Qu'est-ce que tu fais ? demanda Lily. 

- Si je mélange la potion de sommeil sans rêve avec l'élixir de Têtenlair ça a presque un goût acceptable. répondit Mary, ajoutant pour anticiper : Ne t'inquiètes pas, c'est un conseil de Slugorn lui-même, c'est sans danger. 

- Je te fais confiance ! s'exclama l'autre, espérant que le ton de sa voix ne la trahissait pas. 

On ne savait jamais ce que pouvait faire une personne à qui ont donnait trop de potions. Mary était très raisonnable et sage, mais elle avait tellement l'habitude de gérer Dorcas ou Marlène qu'elle prenait désormais toujours ce genre de précaution. 

- Tu me regardes comme si j'étais un bébé Qilin qui tenait à peine sur ses pattes. 

Il n'y avait pas de reproches dans le ton de sa voix, c'était de la taquinerie mêlée à une poussière d'agacement. Mary n'aimait pas qu'on s'inquiète pour elle. 

- Je suis juste vraiment désolée... J'aurais du faire quelque chose avant que tu ne te retrouve en plein débordement magique. J'aurais du être une meilleure amie, que tu saches que tu pouvais compter sur moi. Que je ne t'écrase pas avec mes problèmes...

L'autre admit d'un petit son de gorge, regardant le liquide azur dans sa main virer à une couleur qui rappelait un fond d'océan rempli de cryptides. Mélanger des potions était un art en soit, même avec son bon niveau, Lily avait obtenu assez de D dans cette discipline pour le savoir. 

- Je ne pourrais pas risquer de parler de mes problèmes. Dit Mary quand elle eu terminé, se tournant cette fois face à son amie. Je garde les secrets des autres, je ne veux pas les trahir en les révélant. 

- Si ça te vaut un nouveau séjour à l'infirmerie, il vaut mieux que tu ne les garde pas ! s'exclama Lily en se relevant du rebord de la baignoire. 

Mary haussa les épaules. 

... Je ne répéterais pas un secret, continua la jeune fille. Si jamais ils sont trop lourds, tu peux me les dire et je promets de rester bouche cousue ! »

Et elle devait l'admettre, Lily était curieuse des mystères qui vivaient comme de petits fantômes entre les uns et les autres sans qu'elle n'arrive à les intercepter. 

Elle ne s'attendait à rien et pourtant Mary sortit sa baguette d'un de ses poches pour verrouiller la porte avec un sourire complice. Elle reposa ses potions sur le lavabo et alla s'installer prêt de la fenêtre. Son amie ne tarda pas à la rejoindre. 

Petite, elle avait souvent maudit cette fenêtre, effrayée qu'un membre de l'équipe de Quidditch ne passe devant pendant qu'elle prenait sa douche, mais ce jour là elle fut heureuse de pouvoir profiter du spectacle des arbres de la foret interdite s'étendant à perte de vue. Le ciel d'octobre était nuageux, c'était une bonne chose, ça rendait l'atmosphère calme, douce et propice aux confidences. 

Mary laissa courir ses doigts sur le rebord de la vitre, épuisée mais en bon état. Leurs joues parsemées de taches de rousseurs se plissèrent en un même sourire. Comme en première année, l'une tendit son auriculaire pour une promesse rose. 

« Tu dois promettre de ne rien répéter. 

Lily n'hésita pas une seconde à accrocher son petit doigt à celui de son ami, amusée. 

- Promis. »

Un éclair de magie les traversèrent. On ne su si c'était liée à un sort ou à la situation en général. Mary était rusée, elle savait trouver des combines pour sceller une promesse avec efficacité. Peut-être avait-elle mêlé de la magie à ça. Mais avant que Lily ne puisse en avoir le coeur net, son amie avait commencé à expliquer, telle une conteuse autour du feu d'un sabbat. 

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À la fin de l'histoire de drôles d'émotions flottaient autour de Lily. Beaucoup d'informations à digérer et une certaine maladresse à le faire. 

Il y avait l'ami dont elle ne savait pas qu'il était un garçon, le tatouage illégal fait dans l'ombre de la même salle de bain dans laquelle elles se trouvaient et puis les deux amoureuses qui s'inquiétaient trop de tout le reste pour partager leurs sentiments. En l'ajoutant à ses propres préoccupations, ça faisait beaucoup. Et, si Mary ne paraissait pas bien différente à la fin de son récit, une révolte naissait dans le coeur de Lily. 

Il ne fallait pas trahir la promesse, mais il fallait faire quelque chose ! Marlène et Dorcas devaient avoir une vraie conversation. Remus devait pouvoir s'assumer au moins autour de ses amies les plus proches. Et elle...

Elle, marchant d'un pas pressé à la recherche d'une solution, percuta James Potter à ce moment là, au beau milieu de la Tour des Gyrffondor, vide à cette heure-là. Il l'avait fait exprès, bien sûr. 

« Lily Evans ! Oh ! Lève-toi, belle aurore, et tue la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur parce que toi, sa prêtresse, tu es plus belle qu'elle-même !

- Par les Trois Sorcières, Double Trouble est de retour. marmonna Lily, jurant pour elle-même plus que pour Potter. Franchement, pouvait-on trouver plus mièvre qu'une référence à Roméo et Juliette pour séduire une fille ?

- "Double Trouble" ?! En temps que trouble-fait, je suis flatté !

- Vas droit au but, Potter, je t'en conjure. grommela la sorcière en se frottant les tempes. 

- Tu veux venir avec moi au bal d'Halloween ?

C'était une demande très Potteresque dans une attitude qui l'était très peu. En temps normal une simple invitation de ce type aurait été prétexte à une chorale de lutin ou à une banderole. Cette fois le jeune homme ne s'était même pas mis à genoux. C'est sans doute cette neutralité inhabituelle qui poussa la rousse à réfléchir à cette proposition sans une once de sarcasme. 

Après tout, James Potter lui plaisait définitivement. Il était beau garçon et - quand il n'était pas un harceleur - il était plutôt sympathique. Et puis, c'était cette année ou jamais ! Qui savait dans combien de temps une occasion comme celle-ci se re-présenterait ? Après Poudlard iels ne se verraient plus. Et puis avec la guerre, n'importe quoi pouvait-être détruit du jour au lendemain. Sans compter qu'imaginer James au bras d'une autre la rendrait bouillonnante de jalousie. 

- Ok. 

Elle crut que James allait s'évanouir sous le choc. 

- Tu... tu viens de dire "Ok" ou un esprit frappeur m'a jeter un sort de confusion ?

- C'est d'accord. répéta Lily. 

... Mais il vas falloir que tu me rendes un service, d'abord. »