8 ∙ we fell in love in october

Aussi vite qu'elle le pu, Dorcas traversa la distance - bien trop importante et semée de bien trop d'obstacles absurdes - qui la séparait du dortoir. Une fois qu'elle y serait elle n'était même pas sûre de pouvoir échapper à Marlène qui lui courrait après, mais elle l'espérait. 

« DORY ! » appelait l'autre dans son dos. 

Elle ne devrait pas paniquer comme ça, se dit-elle, après tout c'était une bonne nouvelle : ses sentiments  étaient réciproques. On ne savait par quel miracle c'était possible, quel cupidon paumé avait bien pu jeter une flèche à son amie, quelle divinité avait pu croire en leurs histoire, mais c'était fait. Et elle aurait pu en être heureuse si elle n'avait pas si peur. 

Elle n'était pourtant pas du genre à se tracasser, mais dans une école de sorcellerie tout objet avait des oreilles et les rumeurs filaient plus vite que la magie. Si elle commençait à sortir avec Marlène, la situation les dépasserait toutes les deux. L'homophobie était gallion courant, par ici. Et puis il y avait tout le reste : Et si ça ruinait leurs liens ? Et si elles s'étaient trompées ? Et si elles se faisaient du mal ?

« DORY ?! »

Mais et si ça marchait ? 

« DORCAS ! »

L'interpellée fut interrompue dans sa course par une silhouette brumeuse qui se plaça en travers de son chemin, lui barrant le passage et se laissant traverser dans un frisson. Dorcas du s'arrêter, perturbée par la sensation, s'apprêtant à s'excuser auprès du fantôme qu'elle avait heurté avant de se rendre compte qu'il s'agissait de Peeves, l'esprit frappeur, et que c'était délibéré. 

« Je t'en prie ! » lança-t-il à Marlène qui les avaient rattrapé, avant de s'envoler pour traverser le plafond et embêter on ne sait qui. Parfois il atterrissait en plein coeur d'une salle de classe et s'amusait à écrire des niaiseries sur les tableaux noirs. 

La blonde saisi l'occasion en même temps que l'avant bras de Dorcas. Elle avait de la force, pour une fille qui n'était pas monté sur un balais depuis ses treize ans. Le contact leurs fit l'effet d'une décharge électrique, aussi se séparèrent-elles vite. Aucune d'entre elles n'osaient se toucher étant donné les circonstances. C'était bizarre, elles qui avaient toujours été si câlines. 

« Il est pas poltergeist pour rien, celui-là. tenta de plaisanter Dorcas. 

Marlène la regardait sans mot dire, les yeux baissés vers le sol du château. Quand elle les releva ils semblèrent transpercer l'âme de son amie, voulant lire dans ses secrets les plus intimes. Ce fut à son tour de détourner le regard.

- T'as tout entendu, hein ? 

La voix de Marlène était anxieuse et Dorcas restait muette. Si elle disait "non", avait-elle la moindre chance d'être crue ? 

- Je suis arrivée il y a deux minutes, seulement. Mais j'ai entendu quelques trucs que je n'aurais pas du. 

- Oublie. 

- Je peux pas faire ça, Marls'. C'est trop important. 

- S'il te plait. Je veux pas que les choses changent entre nous juste parce que mon stupide cerveau a décidé de t'aimer ! Je sais que c'est pas partagé... C'est pas grave, je vais me reprendre et t'oublier !

Sous le choc, les lèvres de son amie purent à peine s'entrouvrir. Marlène pensait que ce n'était pas réciproque. Marlène pensait que Dorcas ne l'aimait pas. Par Morgane, il fallait qu'elle fasse quelque chose ! Mais plus elle réfléchissait, plus sa réponse tardait, plus la blonde était confortée dans son idée. 

- Marls...

- Non, le dit pas. coupa la blonde, élevant sa paume dans l'air pour empêcher l'autre de continuer. Ses paupières étaient particulièrement rouges sur sa peau pale, faisant ressortir ses yeux froissés, sur le point de pleurer. Elle avala sa salive avant de continuer, suppliante. J'ai pas la force de t'entendre me rejeter maintenant. 

L'autre avait envie de hurler, de sa secouer, et en même temps de la serrer dans ses bras pour la réconforter. Un tel malentendu n'allait pas briser leurs amour, tout de même ? Pas si vite ? Pas alors qu'un espoir fleurissait dans le creux de son coeur ? L'espoir de ne plus être seule et malaimée, perturbée ou perverse mais d'avoir le droit à ce miracle, la fille qui l'aimait lui avouant ses sentiments. 

- Mais Marls...

Moi aussi je t'aime. Je suis amoureuse de toi. Je pensais que ça allait être une véritable malédiction mais maintenant que tu es en face de moi j'ai l'impression que la vie me sourit enfin, que tout va bien se passer, que tu es la personne parfaite à aimer et je regrette d'avoir essayer de le refouler. aurait-elle voulu dire. 

- LES FILLES ! coupèrent deux voix familières. 

Dorcas adorait Mary et Lily, mais elle aurait put les enfermer dans un placard à balais pour le restant de leurs jours en cet instant. Elles venaient de gâcher une confession qu'elle n'aurait sans doute jamais l'occasion de refaire. 

- Oh... euh... Désolée ? reprit Lily en avisant les yeux larmoyants de Marlène. Vous êtes juste parties longtemps on voulait voir si vous vouliez aller au lac... 

- On vous laisse ? suggéra Mary. 

- Non. 

Tout le monde se tourna vers Marlène qui venait de parler. Dorcas en dernier, sur le point de fondre en larmes, elle aussi, persuadée d'avoir laisser passer sa chance et de voir sa relation avec sa meilleure amie réduite en poussière. 

... On a finit. »

La voix cassée fut la dernière chose qu'elles entendirent avant que la jeune fille ne leurs tourne le dos, n'invitant pas le moins du monde à la suivre. Sa longue cape trainait derrière elle, ses boucles blondes dans l'air du couloir et ses bottines faisant claquer ses pas sur le sol tandis qu'elle s'éloignait, dramatique. Dorcas en aurait rit, dans d'autres circonstances. Mais elle pleurait, imprimant dans sa rétine l'image de son amie et rejouant déjà en boucle les dernières minutes dans sa tête. Elle aurait voulu un retourneur de temps, se secouer elle-même pour tout dire, pour embrasser Marlène avant qu'il ne soit trop tard. Mais on ne jouait pas avec le temps, pas pour quelque chose d'aussi futile. 

Elle réalisa qu'elle était assise par terre, le dos contre un mur, ses sanglots attirants les tableaux curieux et les bras de ses amies qui la sommait de questions. Lily lui caressait l'épaule avec toute l'empathie du monde, assurant que tout irait bien. Mary, en chatte, se logea sur ses genoux et ronronna sous les caresses. Mais Dorcas ne pouvait rien dire, rien lâcher. Même si elle l'avait voulu, sa langue refusait de se délier et d'avouer les secrets qu'elle s'entraient à garder depuis si longtemps. 

« C'est injuste. Repéta-t-elle seulement. Tellement injuste. »

Elle avait rêvé de ce moment. D'un jour où Marlène la verrait comme elle la voyait, d'un jour où quelqu'un l'aimerait. Elle avait pleuré au creux de son lit, démunie de penser à son futur vide et solitaire, parce qu'elle tomberait amoureuse de personnes qui ne l'aimerait jamais en retour, parce qu'elle avait l'air d'être la seule lesbienne du monde. Elle n'aurait jamais le droit à ce que ses amies vivraient : une histoire d'amour, toute belle, toute simple, comme en vivait ses couples stupides qui se tripotait devant tout le monde dans la Salle Commune des Gryffondor. Elle rencontrerait au mieux dans des années une fille à une soirée dansante avec laquelle elle échangerait un baiser et qu'elle retrouverait de temps en temps. Elles ne s'aimeraient pas mais elles se feraient oublier l'une à l'autre leurs amour déchus le temps d'une nuit. Il n'y aurait jamais de la place pour plus. Le vrai amour n'existait pas pour les déviant∙es, avait-elle toujours pensé. Le pauvre réconfort d'un baiser sans amour, c'était tout ce qu'elle avait jamais osé espérer. 

Et voilà que la vie lui ouvrait de nouvelles possibilités, de nouvelles portes baignées de lumière. Un espoir qu'elle ne serait pas si seule. Qu'elle aurait le droit à Marlène, la fille de ses rêves. La fille de ses rêves l'aimait en retour. Et le destin lui faisait un pied de nez en la lui offrant puis en la lui ôtant, comme pour s'en amuser. C'était tellement injuste. La faire espérer de nouveau, croire en un futur plus beau puis le lui arracher, c'était comme lui arracher le coeur. Un doux rêve métamorphosé en un réveil froid et cruel. 

Non, quelle idiote d'y avoir cru. D'une façon ou d'une autre, qu'elle t'aime ou pas, tu n'auras pas le droit à son amour. 

Dehors, puisqu'il fallait aller dehors, le sol était déjà parsemé de feuilles orangées. En cette fin de septembre, surtout en Écosse, tout le monde devait s'emmitoufler dans sa cape pour ne pas geler. Le petit groupe aimait pourtant sortir, s'appuyer contre le tronc d'un des arbres du parc et savourer le moment présent. Un week-end de début d'année c'était loin des révisions, une occasion d'oublier les ASPIC que les profs leurs rabrouerait dans chaque classe depuis la rentrée. Au dessus d'elleux, le ciel nuageux paraissait infini quand on s'allongeait sur le dos. 

Rose et Lily en riaient un peu plus loin, balançant leurs bras et leurs jambes sur le sol comme pour faire des anges de neige dans les feuilles mortes. Mary lisait un livre en silence, le dos contre l'écorce, entre Marlène et Dorcas qui n'avaient pas échangé un mot depuis la veille. Leurs rares considérations l'une pour l'autre étaient plus froides que le vent d'automne. 

« Vous êtes pas bien bavardes. Taquina Lily en revenant. 

- Vous allez avec qui au bal ? demanda Rose en s'asseyant face au groupe des filles. 

Cette année quelqu'un avait décidé d'organiser un bal d'Halloween et Samhain, officiellement pour célébrer à la fois la culture sorcière et moldue dans cette fête où "les deux mondes se rencontrait" (ce qui était important à cette époque où les né∙es-moldu∙es et les sang-pur était plus en froid que jamais), officieusement pour se goinfrer de friandises à la citrouille, arranger des couples et se déguiser en n'importe quoi. Beaucoup soupçonnait les Maraudeurs d'être derrière tout ça, d'une façon ou d'une autre. 

- Mary. Répondit Lily du tac au tac, sentant venir l'entourloupe. 

- Quoi ? s'écria celle-ci, tirée hors de son livre et sans aucune envie d'aller au bal avec qui que ce soit. Non non non, Lily Evans, tu vas à ce bal avec James Potter. Il n'attends que ça et toi aussi. 

- Pas du tout ! s'écria la rousse, trahie. 

- De quoi t'as peur, franchement ?

On se tourna vers Marlène dont seule la tête sortait de sa cape noire. Elle avait parlé d'un ton froid et irrité, comme si ses amies venaient de dire la chose la plus stupide du monde. Ces derniers jours elle était restée quasiment muette, les autres étaient trop surpris∙es de l'entendre parler pour lui en vouloir dans l'immédiat. 

- Pardon ? répondit pourtant Lily en fronçant les sourcils, n'appréciant pas trop le ton. 

- Il t'aime, tu l'aimes. Vous avez la chance d'avoir le droit à l'amour dont tout le monde parle, que tout le monde nous fait miroité ! Vous allez pouvoir vous marier, avoir des enfants et vivre comme tout le monde, satisfaire vos attentes et celles des autres, et toi tu n'en profites même pas, tu fais la difficile ! 

- Je fais la difficile !? répéta Lily en se levant. Non mais de quoi je me mêle ! J'ai bien le droit de choisir ce que je fais de ma vie amoureuse, non ? Je préfère passer un bon moment avec mes copines que de céder aux avances d'un petit con qui a passé des années à harceler mon meilleur ami ! Je sais pas ce qui t'arrives en ce moment et pour être honnête, je m'en fou, mais t'as pas le droit de me parler comme ça ! C'est pas parce que tu as des problèmes que je n'en ai pas !

- Quels problèmes !? rugit Marlène en se levant à son tour. Tout ira bien pour toi ! T'es belle, super talentueuse et super gentille ! Tout le monde t'aime et même si tu choisi de pas aller avec Potter tu pourras avoir n'importe qui en claquant des doigts ! Moi la personne que j'aime ne m'aimera jamais en retour et je suis condamnée à me languir d'elle pour le restant de mes jours ! 

Dorcas émit un son étranglé qui n'alerta personne. 

Marlène ressentait la même chose qu'elle. Cette solitude qui lui bouffait les entrailles, son amie la ressentait aussi. Mais elle en était arrivée à un point où elle ne pouvait pas lui en parler. Les regards de son amie étaient si froids qu'elle ne tentait plus la moindre conversation avec elle. 

Les autres se aussi mirent débout pour tenter d'apaiser la dispute qui ne fit qu'empirer. 

- Et bien moi ma soeur ne me parle plus, aimer James Potter est très difficile moralement et VOLDEMORT PRÉVOIT DE TUER TOUTE LA COMMUNAUTÉ À LAQUELLE J'APPARTIENS ! À coté désolée, mais ton amour maudit pour je ne sais quel petit Serpentard prétentieux, j'en ai rien à faire ! »

Avant que le blonde ne puisse rétorquer, Lily était déjà partie et les autres marchaient dans son sillage, écrasant les traces laissées par Remus et Lily plus tôt, qui n'avaient plus rien avoir avec des anges. 

Dorcas se retourna, hésitant à faire demi tour pour retrouver son amie, prendre sur elle et tout avouer, mais la silhouette de la jeune fille n'était plus contre l'arbre. À la place, les ailes d'un faucon planait au dessus du lac noir tandis qu'il s'envolait plus haut. 

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