6 ∙ The Killing Moon

Tw : transphobie intériorisée

Le dortoir des garçons n'était pas bien différent du dortoir des filles, il sentait juste peut-être un peu plus la transpiration, sans que ce ne soit dérangeant. En fait, ça en aurait dégouté beaucoup mais c'était une odeur que Remus aimait bien, il la trouvait réconfortante, plus humaine. Plus que le parfum artificiel de Lily, en tout cas. Remus pensait de toutes façons que, les apparences des chambrés, comme pour tout, ce n'était pas la question d'être un garçon ou une fille mais que ça dépendait des personnes. Niveau rangement, James et Sirius n'avaient rien à envier à Dorcas et Marlène. Dans les deux cas leurs affaires n'étaient jamais pliées, éparpillées sur le sol en des tâches de couleurs vives que leurs malles auraient expulsées, fatiguées de les contenir. 

C'était sur ce drôle de paysage qu'il s'était réveillé le mardi suivant d'une douleur dans tous ses membres. Il avait beau changer de position, pas une seule n'était confortable. Tout lui faisait mal. Il doutait qu'il arriverait à marcher et savait déjà qu'il serait pénible avec les autres pendant toute la journée. Il détestait cette partie de lui mais avait du mal à s'en empêcher, c'était comme se prendre un coup de poing dans la gueule, ça donnait envie de frapper en retour. Le loup à l'intérieur commençait à se réveiller. 

Comme il s'agitait, il attira l'attention de Sirius qui dormait à ses cotés et réalisa pour de bon où il était. Il rougit de la tête aux pieds. Il avait encore du réveiller le dortoir en pleine nuit après un cauchemar et réclamer Sirius, même s'il ne s'en souvenait pas. 

Il se retourna vers lui, essayant de se distraire de la douleur par la contemplation de son petit-ami. On n'y voyait pas grand chose, une grande partie des traits délicats de Sirius était cachée sous ses boucles d'encre. Iels diraient que Sirius était très féminin pour un garçon et lui très masculine pour une fille. Remus savait qu'iels avaient tout faux. Ils étaient juste deux garçons amoureux. 

Malgré ce que pensait Marlène, il n'aurait échangé Sirius contre aucune fille aussi belle soit-elle. Il n'avait pas envie que son petit-ami soit différent, et à vrai dire, il se foutait pas mal de si c'était une fille ou un garçon. Mais il ne pouvait deviner ce que pensait Sirius, lui avait du mal à croire, de son coté, que le jeune homme le voit comme son copain, pas comme une contre-façon de garçon à défaut d'avoir mieux. Même s'il le lui avait prouvé des centaines de fois. 

« Quoi ? demanda Sirius, sentant un regard sur lui et ouvrant les yeux. Il souriait aussi fort que le soleil du matin, voyant que l'autre le regardait. 

- J'aimerais tellement être un vrai copain pour toi...

- Oh par Merlin et Arthur, Moony, soupira l'autre en perdant son sourire et en se tournant sur le dos. Pas maintenant. 

- Mais c'est vrai ! Je me suis fâché avec Marlène il y a quelques jours et à vrai dire elle a raison, je ne peux pas t'offrir ce que tu veux, je...

- Qu'est-ce McKinnon peut bien savoir de ce que je veux ? 

- Elle, rien. Mais moi je sais que tu aimes les garçons, même avant qu'on sorte ensemble je te voyais regarder les joueurs de Quidditch, les chanteurs célèbres avec des étoiles dans les yeux...

- Tu veux dire que mon crush sur Bowie prouve que je veux un gars bien masculin avec des tablettes de chocolat ? se moqua Sirius. La masculinité de Bowie n'avait rien à envier à celle de Remus, pensait-il. Mais il était biaisé. (En plus, comme toutes les stars, David Bowie était impliqué dans des affaires de pédophilie et d'abus sexuels, avait-il appris trop tard. Pas le bon gars pour qui avoir le béguin.) 

- Je veux dire que si j'étais pas né dans le mauvais corps, tu serais plus heureux avec moi.

- Je suis parfaitement heureux avec toi ! s'exclama l'autre en se redressant cette fois complètement sur le matelas. Et j'aime pas quand tu dis ça "né dans le mauvais corps", on dirait que ton corps est mauvais. Il est cool ton corps ! Il me plait. Et je ne vois pas pourquoi tu ne l'aime pas. 

- Par quoi je commence ? rit tristement Remus. Mes hanches, ma poitrine, mes mains, mes pieds, mes bras, mes jambes...

- J'aime bien tout cas, moi. dit Sirius en essayant d'avoir l'air pervers, ce qui exaspéra Remus. T'as des supers mains, par exemple ! Tu écris des supers devoirs avec ! En plus regarde, les grains de beauté sur ton bras, on dirait la Grande Ourse. 

Cette fois, Remus rit franchement.

- N'importe quoi. 

- Mais si, je te jure ! Arrêtes de te tracasser avec ça. T'es un garçon, alors ton corps c'est un corps de garçon, point. Si tu veux le changer, oui ça me plaira mais fait le pour toi, pas pour moi. Moi je t'aimes peut importe à quoi tu ressembles. Même quand tu es un loup, je t'aime. Même si une méchante fée te change en grenouille je t'aimerai toujours. »

Remus renifla et Sirius se gela en se rendant compte que des larmes lui coulaient sur les joues.  

« Je voulais pas te faire pleurer ! paniqua-t-il. 

- Désolé, je suis trop sensible autour de la pleine lune. Et puis c'est une déclaration d'amour que tu viens de me faire, désolé de m'impliquer, hein ! (il renifla encore) C'est aussi parce que j'ai hyper mal aux jambes, je crois. Je sais même pas si je vais pouvoir me lever. 

- Te lèves pas alors, dit Sirius en déposant un baiser tout léger sur ses lèvres, on va trouver une super excuse à Mme Chourave pour expliquer ton absence. On est les meilleurs dans ce domaine, James et moi. Hein Prongs ?

- Mfff ! » affirma le-dit-Prongs depuis le lit voisin, sa tête ensommeillée encore plongée dans un coussin. 

Remus savait pourtant qu'il devait au moins retourner au dortoir des filles s'il ne voulait pas que les elfes le trouvent là. Ça lui vaudrait des problèmes avec McGonnagall voir même avec Dumbledore. 

Avant que la nuit ne commence à tomber, ce qui par chance était tard en ce début d'automne, Remus du se soustraire à rejoindre l'infirmerie puis à marcher jusqu'au saule cogneur. Ce parcours n'était jamais agréable quand on savait qu'au bout se trouvait des heures de douleur et de cris. C'était d'autant plus pénible que la douleur lancinante n'avait pas quittée les jambes du jeune homme. Il avait peur. De la transformation - à laquelle il se s'habituerait jamais, de ce qui pourrait arriver aux filles si l'une d'elles se blessait ou encore peur que qui que ce soit d'autre ne découvre l'un de ses secrets. Il tremblait. 

Il n'entendit pas les mots rassurant de Mme Pomfresh lorsqu'iels s'engouffrèrent dans le tunnel en dessus de l'arbre, puis entre les murs craquelant de la cabane hurlante. Partout sur les parois, d'anciens coups de griffures étaient visibles. Bien sûr, Remus ne se souvenait pas du moment où il les avaient faits tout comme il ne se souvenait de rien de ce qui se passait durant la pleine lune. C'était terrifiant, d'avoir quelque chose qui lui volait son corps pendant quelque heure, laissant son propre esprit d'humain vagabonder on ne savait où. Que devenait-il quand le loup-garou prenait sa place ? Des madicomages lui avaient dit qu'il entrait en dormance, lui se demandait parfois s'il ne mourait pas tout simplement pendant ces nuits pour revivre au matin. Ça, ça l'angoissait pour de vrai. 

Mme Pomfresh le laissa après l'avoir enchainé et s'être assuré qu'il ne manquerait de rien au réveil. Les chaines étaient inutiles, il les brisait toujours, mais il lui demandait quand même de les mettre, juste pour être sûr. Il ne savait pas à quoi ses pattes de loup ressemblaient mais il les imaginait gigantesques et destructrices, capable d'éventrer une créature en un coup de griffes. 

Une fois la femme loin ses amies sortirent de leurs cachettes, certaines s'étant tapies tout le lits, d'autres derrière ce qui restait des rideaux. Il savait déjà qu'elles étaient là. Il avait senti leurs présences et s'étonnait même que Mme Pomfresh ne les remarque pas. Peut-être qu'elle savait, cependant, et qu'elle faisait semblant de ne rien voir. 

« Comment tu te sens ? questionna Lily en jetant un regard peiné aux chaines. Elle était contre, elle trouvait ça barbare. 

- J'ai hâte que ce soit fini. »

Il jeta un oeil vers la fenêtre. Il voyait dans le noir, alors, en plissant les yeux il apercevoir la lune commencer à briller derrière les grands sapins de Pré-au-Lard. Le satellite étincelant le narguait. À peine percevait-il sa lumière que des pics de douleurs débarquaient, faisant craquer ses os et étendre ses muscles. Il ne pouvait jamais s'empêcher d'hurler à ce moment là, même s'il le voulait. Les filles comprenaient vite que ça commençait et qu'il fallait se transformer et se reculer. 

Il avait tout juste le temps de voir la biche, la chatte, le faucon et la renarde avant d'être rendu aveugle par les yeux du loup. Et puis plus rien. Les prochains souvenirs débarqueraient au matin, le reste apparaitrait sous forme d'un grand trou noir dans sa mémoire. 

Les autres savaient pourtant, même si elles ne le voyait qu'à travers leurs yeux d'animaux, que le loup n'était pas si terrifiant. Après sa transformation et après avoir brisé ses chaines, il se laissait distraire par les créatures qui l'entouraient. Impressionné par la biche et le faucon, il jouait avec le chat et surtout avec le renard - qui lui ressemblait le plus, sans chercher à leurs faire de mal. Parfois, cependant, il devenait enragé en réalisant qu'il était enfermé et que toute une forêt s'étendait au dehors, que la lune le mettait au défit de la rejoindre. Là, il tapait contre les murs, voulant sentir le bout de ses pattes contre les feuilles mortes, le souffle du vent contre son pelage. Il voulait chasser et découvrir bien plus que cette ridicule maison d'humain. La renarde parvenait souvent à le divertir, jouant à se rouler sur le ventre ou lui montrant l'oiseau qu'il n'arrivait jamais à attraper. 

Parfois il se mettait à se griffer ou se mordre, comme en colère contre lui-même, et elles devaient s'y mettre à quatre pour contrôler ses pattes et son coeur, le calmer. Dans ses moments c'était douloureux à regarder, comme si elles réalisaient que c'était un véritable loup-garou devant elles, un jeune homme piégé dans le corps d'un monstre. Le reste du temps elles avaient du mal à comprendre pourquoi Remus le détestait tant, se détestait tant, pourquoi les loups-garous avaient-iels le droits à de si mauvais traitements. Moony, c'était juste un loup. Une sorte de gros chien sauvage un peu décharné qui pouvait attaquer quand il avait faim, mais, la peur passé, il n'était pas beaucoup plus terrifiant qu'une renarde, une chatte, une biche ou un faucon. 

Elles étaient épuisées par leurs nuit blanches pourtant, soulagées quand le ciel s'éclairait et que le loup commençait à son tour à se débattre, à hurler, pris d'une douleur interne. Remus revenait. 

Blessé et en pleurs, il s'allongeait sur le sol le temps que l'infirmière n'arrive. Parfois les filles avaient le temps de le couvrir d'une couverture, Mary-le-chat s'approchait de lui pour se laisser caresser. « J'ai fait quelque chose ? » demandait toujours Remus en premier. « Tout vas bien, lui répondait Lily. Dors maintenant ». Plus tard il acceptait d'entendre les récits de Dorcas, qui était très attachée au loup, sur tout ce qu'il avait bien pu faire, un peu amer. Il pensait qu'elle inventait tout pour le rassurer. Même si c'était en grande partie vrai. On lui avait tellement appris à haïr les loups-garous et à les apparenter à celui qui l'avait mordu qu'il était incapable de comprendre cette partie de lui-même ou de l'aimer. 

La journée qui suivait était difficile pour les filles, surtout si elle tombait un jour de semaine - et un jour sans cours du professeur Binns. Elles devaient faire des efforts surhumains pour ne pas s'écrouler sur leurs pupitre de fatigue. On disait qu'il ne fallait pas s'endormir avant la nuit pour rattraper une nuit blanche. Ça ne marchait jamais. Elles rejoignaient leurs dortoir dès seize heures si elles n'avait pas dormi sur leurs pupitre et plongeait dans les bras de Morphée immédiatement, y compris Marlène. 

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