18 ∙ Beware the devil woman
Tw : maladie, guerre, mégenrage, usage du mot "transsexuel" pour ne pas être anachronique mais en vrai "transgenre" c'est mieux.
Le retour en train avait été terni par la somnolence et la mélancolie. On ne pouvait désormais plus ignorer la guerre imminente. Chacun∙e avait fait le choix - des jours avant de savoir ce qui les attendait - de retourner dans leurs familles le temps de la deuxième semaine. Ce n'était pas vraiment qu'iels n'avaient pas envie de voir leurs parents, juste que ça sonnait comme un amer retour à la réalité. Halloween était morte et le mois de novembre ne promettait rien d'autre que de longues journées de cours stressantes et pluvieuses, en plus du stress des ASPICS. Le groupe d'ami∙e se fit des aux revoirs peu enthousiastes sur le quai 9 ³/₄ et se séparèrent en étoile, allant vers celleux qui les attendaient.
Remus ne put s'empêcher d'épier James cherchant Regulus avant que celui-ci ne se fasse avaler par les griffes des Black. Remus connaissait ce sentiment. Lui aussi avait brûlé d'inquiétude chaque jours de vacances à une époque, de peur de ne pas revoir Sirius à la rentrée. Sirius était à l'abris désormais, bien au chaud dans la maison des Potter, mais pas son cadet. Le jeune loup-garou soupira. Il ne pouvait rien faire. Et il avait d'autres problèmes auxquels faire face cette semaine.
Le sourire jovial de son père l'accueillit juste devant le mur de pierre. C'était un homme aux membres trop grand pour lui dans un costume brun. Il revenait sans doute du travail, pour ça qu'il voulait s'habiller chic. Mais c'était un costume modeste, les Lupins n'avaient pas à se plaindre mais ne roulaient pas sur l'or. Lyall et son fils échangèrent des questions de routines sur le chemin qui les menèrent jusqu'à la voiture. Les feuilles mortes de l'automne tapissaient le parking en des centaines de tâches orangées. Lyall parlait d'une voix avenante mais Remus était trop crispé pour répondre avec enthousiasme. On mettrait ça sur le compte de la séparation avec ses ami∙es. Ou du mauvais temps : il pleuvait. Même si la pluie n'avait jamais trop dérangé Remus qui la trouvait apaisante, Lyall (qui la détestait) mettraient ces mots dans la bouche de son fils. Certains parents savaient trouver des excuses pour ne pas avoir de conversations profondes.
Ils entrèrent dans la voiture et le père mit un moment pour comprendre comment se servir des essuies-glaces. Sorcier, il n'était pas bien doué avec les objets moldus. Bien qu'il s'acharne à les utiliser. Il avait du s'y reprendre à plusieurs fois pour avoir son permis de conduire. Hope, elle, moldue, l'avait depuis sa majorité et conduisait très bien, mais son mari avait du se sentir offensé d'une façon ou d'une autre que sa femme soit meilleure que lui dans un domaine puisqu'il insistait toujours pour conduire lorsqu'il était ensemble. Ces dernières années, cependant, ce n'était plus pour ça que la femme n'avait plus touché à un volant. Hope était devenue bien trop faible pour conduire.
Remus regarda Londres défiler au dehors, Devil Woman passait à la radio. C'était déjà la troisième fois qu'il l'entendait cette année et ce n'était pas fini. Il se demanderait plus tard si l'univers ne tentait pas de lui annoncer un bon ou un mauvais présage.
L'odeur de sa maison le frappa. Il laissa sa malle en plan dans l'entrée et monta à toute vitesse dans la chambre de sa mère.
Hope était une femme aimante, douce, discrète, qui savait pourtant clouer les becs et redresser des torts à la perfection. On avait du mal à croire qu'elle était la seule moldue de la famille. Cette belle femme aux cheveux coulant comme de l'or, avec son sourire malicieux, ses feuilles de thé et ses livres. Elle aurait fait une merveilleuse Pouffsouffle. C'était injuste qu'une femme si gentille soit malade.
Son état s'aggravait à chaque fois que Remus lui rendait visite et il avait toujours un sursaut dans un coin de sa tête, lorsqu'un hiboux de son père lui parvenait. Il défaisait ses lettres, le coeur serré, effrayé d'apprendre sa mort. Cette flamme dans ces yeux ne pouvait pas s'éteindre, pourtant, si ? Elle souriait si bien quand il lui racontait Poudlard.
Elle comprendrait. Se disait Remus dans ses moments là. Elle qui lui posait toutes sortes de nouvelles questions sur l'École des Sorciers, chaque détails la fascinait. Elle était si tolérante, si apte à s'émerveiller des choses inconnues au lieu de les rejeter, elle comprendrait s'il lui disait qu'il était un garçon. Et il fallait qu'il le fasse, avant qu'elle ne disparaisse sans jamais le savoir. Avant qu'il ne soit trop tard pour le lui dire.
Mais si elle ne l'acceptait pas, alors ? Si elle se fâchait avec lui et qu'elle n'était plus là au vacances suivantes pour espérer une réconciliation ? Elle mourrait en colère contre lui. Il ne savait pas ce qui était pire. Il ne voulait pas risquer que sa mère parte en ayant arrêté de l'aimer, pas plus qu'il voulait qu'elle ne parte ignorante de cette partie de lui.
Il ne dit rien cette fois là, faisant mine d'être heureux. En réalité Il était inquiet et angoissé.
À chaque fois que la maladie de sa mère arrivait sur le tapis il se demandait s'il ne l'avait pas lui-même provoquée. Toutes ces fois où il avait prétendu lui rendre visite pour expliquer ses absences durant les pleines lunes... n'avait-il pas attiré le mauvais sort sur elle ? Il n'était pas superstitieux mais, il restait le résident d'un monde en partie magique. Peut-être que sa magie ou celle du loup-garou avait-elle provoquée ça ?
Il garda la tête nuageuse pendant la reste de la semaine. Il pestait intérieurement contre les pronoms féminins et les alternatives de son ancien prénom criées à tout bout de champ. Quand ce n'était pas ça, c'était son corps de loup-garou ou de fille qui venait le rappeler à l'ordre. Il arrivait à oublier qui il était et ce qu'il était, en sécurité avec les autres, à l'école. Il avait oublié à quel point c'était douloureux d'être perçu comme une fille, comme un loup. Son père avait beau faire semblant, il ne pourrait jamais cesser les remarques anti-loups-garous qui lui avait valu la malédiction.
Remus bouillonnait de rage, de fatigue, se retrouvait parfois à pleurer. Il avait perdu l'habitude d'entendre son ancien prénom, il devait se rappeler d'y répondre. Le jeune homme épanoui et capable d'être un sorcier optimiste qu'il était devenu redevenait l'adolescente déprimée et mal dans sa peau à l'intérieur de cette maison. Il se sentait comme un enfant, sa vielle chambre lui paraissait trop petite, les journées trop longues.
Il faisait des promenades avec sa mère dans la foret, juste à coté de la ville. Mais à cause de l'état de Hope, elles étaient de plus en plus courte. La malade mise à part, c'était toujours de bon moments, à parler de tout et de rien comme des derniers livres qu'iels avaient lu. Ça aurait été un bon moment pour faire la grande annonce. Mais il ne voulait pas. Il aimait sa famille, il ne voulait pas risquer de tout briser ou de tout perdre.
Et puis quand il n'avait plus rien d'autre à faire, il lui arrivait de s'assoir par terre devant la télé pour espérer tomber sur un film intéressant ou des clips videos. Mais peu de choses pouvaient remplacer l'univers magique de Poudlard et la présence de ses ami∙es.
Un∙e après-midi, alors qu'il se tournait et retournait dans son lit dans l'espoir de trouver une position qui n'était pas douloureuse, il entendit des sons au rez-de-chaussée. Il nourrit un long moment l'espoir que c'était peut-être les voix de ses amies venues l'aider pour la pleine lune. Moony aurait pris plaisir à chahuter avec la renarde, le faucon, la chatte et la biche... mais elles ne venaient jamais quand la pleine lune tombait pendant les vacances. Ça aurait été trop suspect. Et puis, il le leurs avait interdit de toutes façons. Il avait sauté sur l'occasion : il n'était jamais rassuré de savoir qu'elles faisaient ça. Il vivait hanté par l'idée qu'à son réveil l'une d'elles n'ait été mordue ou dévorée. Et puis il n'aimait pas qu'elles sacrifient leurs nuit de sommeil pour lui. Elles étaient encore conscientes sous leurs formes animales, ça devait terriblement les fatiguer.
À la place, il entendit son père verrouiller sa porte et la bloquer par magie avec la grande bibliothèque en bois vernis. Plus tôt, on avait baissé les volets.
Remus sentit son corps se tordre dans le noir, la métamorphose restant douloureuse. Ce n'était que le début car il usait beaucoup son corps lorsqu'il se transformait seul. Ça faisait d'autant plus mal que c'était dans cette maison, dans cette chambre qu'il avait été mordu. La fenêtre scellée était l'endroit par lequel Greyback était rentré. Devenir le loup, ici, lui donnait la terrible impression de voir un cauchemar devenir réalité, ou d'être coincée dans une spirale temporelle.
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Le vendredi matin les choses se bousculèrent. On reçut le nouveau numéro de La Gazette du Sorcier dont la une faisait froid dans le dos. Un gros titre écrasait tout les autres sous une image d'explosion et d'attaque. Les mangemorts avaient attaqué une maison de né∙es moldu∙es dans le compté du Cheshire. Trois morts.
Les autorités moldues parlaient de "fait-divers", Remus savait que dans son monde à lui cet incident serait bientôt loin d'être un cas isolé. Toutes les préoccupations qu'il pouvait avoir jusqu'à lors lui parurent soudain bien dérisoires. Et si la prochaine fois, c'était la famille de Lily qui était frappée ? S'inquiéta-t-il. Ou même la sienne ? Les mangemorts ne s'attaquaient pas tant que ça aux sang-mêlés, mais qui disait qu'iels n'allaient pas s'y mettre ? Iels pourraient s'en prendre à sa mère ? Elle qui était déjà malade... La menace semblait plus proche que jamais.
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« Maman ?
Samedi matin, toujours la pluie au dehors, Hope était assise à son bureau écrivant dans un carnet aux motifs floraux. Elle se tourna vers son fils avec tendresse. Rien ne pouvait cependant le rassurer. Remus sentait un noeud se former dans sa gorge, comme s'il retenait un sanglot.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, moins souriante en lisant l'expression soucieuse de Remus sur son visage.
- Je dois te parler de quelque chose.
Elle tourna sa chaise et Remus s'assit sur le bord du lit, les jambes un peu écartées, tordant ses pieds contre le parquet. Assis "comme un garçon". Il n'y faisait plus attention tant il en avait l'habitude, il songea que ça dérangeait peut-être sa mère, cela dit. Ce genre de choses avait tendance à déranger les adultes.
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
Par où commencer ? Le dire aux Maraudeur∙euses n'était rien en comparaison de l'annoncer à sa mère. C'était la première personne qui l'avait jamais vu, après tout, la personne qui l'avait mis au monde. Celle qui était censé être là pour lui jusqu'à ce qu'il soit adulte. Son avis comptait.
Il n'avait pas la moindre idée de quels mots il devait prononcer, dans quel sens. Il aurait voulu pouvoir ne dire qu'une phrase et en être débarrassé, comme une bombe qu'on balance pour ne plus avoir à la porter mais... il ne savait pas ce que sa mère connaissait du sujet, il devrait sans doute lui expliquer, affronter des questions et...
... Ma puce, dis-moi, tu m'inquiètes.
"Ma puce".
- Tu sais ce que c'est, une personne transsexuelle ?
Hope se redressa en poussant un soupir un peu perdu.
- Eu... Oui, j'en ai déjà entendu parler.
- Vraiment ? s'étonna Remus, la surprise balayant un peu de son inquiétude.
- Quand tu as commencé à te couper les cheveux, t'habiller comme un garçon... C'est idiot mais j'ai pensé que tu allais m'annoncer être une lesbienne. Alors j'ai fait quelques petites recherches pour ne pas être maladroite. Tu sais quand j'étais jeune, on parlait pas trop de ses choses là alors... bref. Je me suis aussi renseigné un peu sur ça, les transsexuels, dans la foulé. Mais tu as commencé à sortir avec le petit Sirius à ce moment là alors j'ai compris que finalement c'était juste ton style.
Ça n'aurait pas du étonner Remus. C'était la même femme qui mettait un point d'honneur à lui offrir des livres avec des personnages de loups-garous positifs, après tout. Elle essayait toujours de faire au mieux. Il se rendit compte qu'une larme coulait sur sa joue. Il ne savait pas bien si c'était de la tristesse ou de la joie.
- Maman... si je te disais que ce n'était pas juste mon style ? (il ferma les yeux.) Si je te disais que je m'étais coupé les cheveux, que j'avais changé de style parce que... je voulais être un garçon ?
Il rouvrit les yeux avec prudence, sa mère semblait chercher ses mots.
- Je... (elle secoua la tête.) C'est ta vie, ma chérie. Je n'avais pas mon mot à dire quand je te croyais lesbienne, je n'en ai pas à dire non plus si tu es veux être un garçon. Mais... fais attention à toi. Je ne veux rien que tu fasse de dangereux pour ça, je ne veux pas qu'on te fasse du mal.
Le coeur de Remus faisait des montagnes russes. Il hochait la tête. Il était soulagé mais en même temps, il avait honte de lui à chaque fois qu'il croisait les yeux de sa mère. Ça passerait, se disait-il.
... Est-ce que... ça consiste... Je veux dire, est-ce que tu vas vouloir faire des opérations ou des choses du genre ?
Remus secoua la tête, ayant du mal à parler.
- Pour l'instant, je veux juste. Qu'on dise "il" et qu'on m'appelle...
Il s'interrompit.
Un prénom, c'était tout l'héritage des parents. En vouloir un autre lui sembla à cet instant comme un affront. Elle le lui avait donné, c'était comme refuser un cadeau.
- Qu'on t'appelle... ? Elle encouragea pourtant.
- Je voulais que vous me donniez mon nouveau prénom, papa et toi, puisque c'est un prénom, ce sont les parents qui le choisissent alors... je m'en suis choisi un... mais je peux changer ! Rien n'est gravé dans le marbre j'avais juste besoin... le temps d'être sûr... Et puis j'ai fini par m'y habituer alors...
- Qu'est-ce que c'est ?
- Remus.
- Remus ? S'étonna-t-elle. C'est très loup, venant de toi.
Il soupira.
- Le loup fait aussi parti de moi.
... Ça ne te plait pas ?
- Ça me va très bien, Remus. Et puis, c'est toi qui portera ce prénom toute ta vie.
- Mais je veux que tu l'aimes bien aussi.
- Je l'aime bien. »
Elle lui prit la main, et fut prise d'une douleur qui rappela à son fils qu'elle devait se reposer. Il l'aida à se remettre dans son lit et décida de partir, encore tremblant.
Au coin de la porte, il se retourna.
« Eu... Maman ?
- Oui ?
- Ne le dis pas à papa. »
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