L'art de la séduction

Vue de Mao Mao

  Le lendemain du jour où je suis arrivée au Palais Vert-de-Gris, il était enfin temps que mes désormais collègues et la vielle s'occupent de mon cas désespéré. J'affichais en permanence depuis hier cette mine consternée, ce visage affligé, ravagé par l'annonce de la mort de celui qui m'avait tout appris. Cela faisait un mois que j'étais dans l'ignorance qu'un être qui m'était cher était déjà parti, et qu'il n'avait même pas de tombe, on avait juste balancer ses cendres dans une rivière car si c'était un vulgaire déchet pour donner à manger aux canards.

  J'en voulais à la terre entière, au monde, à l'univers de s'acharner sur moi en si peu de temps, mais ainsi était ma vie, et je ne pouvais m'y résoudre, je devais suivre la destinée qui m'était réservée depuis le début. On m'a élevée en tant qu'apothicaire, je ne sais pas ce que Luomen dirait s'il était encore là et qu'il apprendrait que sa chère fifille est désormais une prostituée.

  Les trois grandes courtisanes, Mei Mei, Pailin et Joka, qui me considéraient toutes comme une soeur mise à part la dernière, se sont données à coeur joie de me donner des cours plus profonds que ceux que j'avais reçus quand je n'étais encore qu'une adolescente. Comme elles n'avaient pas de clients aujourd'hui, apparemment c'était la saison qui faisait ça disaient-elles, elles m'ont à moitié capturée alors que j'étais encore en grande déprime, allongée dans mon lit, m'ont tirée par les bras sans ménagement pour nous enfermer toutes les quatre ainsi que d'autres collègues très gentilles et souriantes que je ne connaissais pas encore.

-Tu es encore jeune, a commencé Mei Mei, tu vas facilement attirer l'attention. Pailin, Joka et moi dépassons bientôt les vingt-cinq ans. C'est certes un jeune âge, mais pas dans notre domaine... Tu as... Tu as quel âge ?

-J'ai eu 19 ans il n'y a pas longtemps... ai-je marmonné sans plus grand enthousiasme.

-C'est parfait ! s'est exclamée Pailin en frappant dans ses mains avec énergie, une étincelle de bonheur animant ses beaux yeux bleus.

(The autrice : j'ai juste lu le manga, je n'ai pas regardé l'anime, donc je ne sais pas particulièrement les couleurs de tous les personnages. Si jamais je me trompe pour certains, n'hésitez pas à me le signaler en commentaires).

  Joka a fait un signe de tête à l'une de nos autres collègues présentes dans la salle qui s'est éclipsée quelques secondes avant de revenir avec je ne sais combien de ceintres et de tenues différentes, qu'elle a posées devant moi avec un grand sourire.

-Mon Dieu ?! s'est alors écriée Pailin qui m'inspectait dans les moindres recoins depuis tout à l'heure, ça fait combien de temps que tu ne t'es pas épilée, Mao Mao ?

-Hum... Une semaine ?

  Ma réponse a pris toutes les jeunes femmes au dépourvu, car elles m'ont alors immobilisée en moins de cinq secondes sans que je puisse même protester pour me faire subir une épilation complète et douloureuse à la cire. Elles m'ont arraché sans ménagement mes poils si petits qui poussaient sur mes longues jambes fines, sur mes doigts de pieds (comme si quelqu'un s'en souciait vraiment...), mes bras même si mes poils étaient extrêmement fins, mes aisselles, et j'ai eu le droit d'aller seule dans la salle de bain pour m'épiler les endroits que je n'avais pas envie d'exposer à une dizaine de femmes, dont certaines qui étaient inconnues. Je savais pertinemment que je n'avais désormais plus de pudeur ici, au Palais Vert-de-Gris, mais je voulais quand même conserver un minimum d'intimité pour garder le peu de fierté qui me restait.

  Quand je suis revenue toute propre dans un peignoir (car on m'avait forcé à prendre un bain pour enlever toutes les impuretés et me parfumer d'un lait de toilette à la vanille) et épilée à tous les endroits possibles et inimaginables dans la salle, mes collègues étaient en train de discuter, sûrement à mon sujet.

  Pailin s'est levée pour me rejoindre, et a recommencé à m'inspecter sous tous les aspects.

-Tu devras te laver et te parfumer tous les jours, m'a-t-elle ordonné, commençant à énumérer ma longue liste de conditions à remplir pour devenir une prostituée de renom, la vanille et les odeurs fruitées attirent beaucoup les clients, c'est pour ça que la directrice achète beaucoup de ces produits et ces parfums-là... 

-Tu es petite, a observé Joka qui s'était jointe à l'observation générale de mon corps, ce qui attire beaucoup d'hommes, et tu es plutôt fine... Ce qui est également un atout... Le seul problème, c'est...

  Ma poitrine, mes seins, je sais, pas besoin de me le redire encore une fois. J'en avais assez de me faire passer à la loupe sous tous les aspects pour qu'on me dise à quel point je suis imparfaite et complètement moche, mais je ne pouvais pas protester, je ne pouvais plus rien faire, j'étais coincée dans ce monde de fous.

-Tu as des hanches assez élargies et des fesses rebondies... a noté Joka mentalement tout en semblant réfléchir profondément, avant de me regarder de nouveau. Ce qui est un autre atout en terme de physique...

-Tu as un visage magnifique, a continué Mei Mei avec son éternel sourire de grande soeur que je n'ai jamais eue, des yeux merveilleusement attendrissants et des petites joues roses très belles... Tu sais très bien que tu devras arrêter de te faire des taches de rousseur, maintenant, hein, Mao Mao ?

-Je pense qu'on devrait lui refaire sa coupe... a continué Pailin en se tournant vers les autres femmes qui hochaient la tête.

-Tu sais déjà te maquiller... a continué Joka, et en plus...

  Je ne les écoutais plus, je les ai juste laissées faire. Elles m'ont bouclé les cheveux avec je ne sais quel instrument de torture qui chauffait mes cheveux, ma petite frange qui me donnait un visage si singulier était désormais devenue des mèches qu'elles ont coincé derrière mes oreilles avec je ne sais encore combien de pinces et de perles toutes plus belles et raffinées les unes que les autres. Puis elles m'ont un peu, enfin beaucoup coupé les longueurs pour que mes cheveux m'arrivent au niveau des omoplates au lieu de m'arriver au niveau des reins, soit le bas du dos. Un gros changement qui semblait leur plaire, alors je les ai laissés faire.

  Je les ai laissés m'asphyxier avec leur horrible poudre (qui n'était pas de la poudre blanche mais une autre qui ne contenait pas de produits toxiques, rassurez-vous) qu'elles m'ont appliqué avec des pinceaux sur le visage, me mettre encore plus de rose aux joues, me peindre les yeux d'un bleu comme le ciel d'été, me tracer avec une précision admirable des traits noirs pour prolonger la ligne de mes cils ou encore me peindre les lèvres d'un rouge intense.

  Puis elles m'ont habillée d'une robe bleu foncé, vulgaire, décolletée, coupée en deux parties : le haut, un bustier qui laissait quasiment tout voir (même s'il n'y a pas grand-chose à voir chez moi au niveau de la poitrine) avec de longues manches très larges qui me retombaient dessus, une robe conçue pour la danse, tandis que le bas n'était qu'autre qu'une jupe dont la ceinture était si basse qu'avec un mouvement on pouvait quasiment voir mes fesses.

  Je n'aimais pas du tout ça, je voulais juste être à la cour impériale à résoudre des énigmes et à faire des remèdes avec toutes mes plantes d'apothicaire qui étaient mises à ma disposition. Au lieu de tout ça, elles m'ont expliqué leur routine pour être belle et attirante, m'ont donné plus d'une vingtaine de leçon de danse en une semaine pour que je puisse recevoir le plus vite possible des clients, ont fixé un prix sur ma tête comme si je n'étais qu'un vulgaire objet, enfin bon, c'est ce que j'étais devenue, après tout. Ou encore elles m'ont appris à faire la conversation, à sourire même si le client en face pue de la gueule, bref, elles m'ont tout appris.

  Je devrais remercier Pailin, Mei Mei et Joka de leur temps pour m'avoir appris tout ça, ce sont des anges qui ont fait preuve de patience face à mes pattes d'éléphant pour la danse, Mei Mei a dû trouver les mots justes pour me faire sourire malgré le deuil de mon travail d'apothicaire et de la mort de mon père adoptif, et encore pour toutes ces choses qu'elles ont fait pour moi dans ma vie entière, d'enfant à maintenant. Mais je les hais également, pour m'avoir fait rentrer dans leur monde putride, où je suis désormais réduite à un objet, un jouet avec lequel les hommes les plus riches peuvent s'amuser s'ils en ont les moyens. Et moi, désormais, je ne peux plus jouer avec les plantes et les indices pour les enquêtes, je ne suis désormais qu'une prostituée.





Vue de Jinshi

  Je n'ai jamais compris la décision de l'empereur, je n'ai jamais compris pourquoi il a décidé que Mao Mao ne serait désormais plus à mon service, mais nous ne pouvions pas nous y opposer. Après tout, l'empereur a le pouvoir sur nous tous, et malgré mon rang élevé, je n'étais que son vulgaire petit frère, un prétendu eunuque qui ne devait faire que son devoir.

  Mao Mao pensait sûrement que j'étais au courant de son départ, alors que j'ignorais tout, toutes les raisons, toutes les causes qui pouvaient faire qu'elle soit partie sous l'ordre de l'empereur. Je ne sais pas encore quelle règle elle a dû enfreindre pour se faire virer, mais je n'ai pas eu le droit de savoir, pas eu le droit à de quelconques explications.

  J'ai cependant fait remarquer à l'empereur que faire partir un élément aussi important au sein de la cour impériale nous rendait presque vulnérables, suite à quoi il a engagé un autre apothicaire qui venait de l'Occident, ainsi qu'un enquêteur réputé qui venait du nord du pays.


  Mais personne, au grand personne, ne peut remplacer Mao Mao.

  Jamais.

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