La terre défile à une allure folle sous les semelles en caoutchouc de mes rangers. Les arbres de la forêt ne sont plus que des silhouettes floues à cause de la vitesse et les pans de ma veste claquent au vent. Je sens derrière moi la présence rassurante d'Emma et son souffle chaud caresser parfois ma nuque.

L'homme d'une vingtaine d'années n'est plus qu'à quelques mètres, si je ne ralentis pas ma course effrénée, je vais finir par le rattraper. Je vois le dos de sa chemise bleue onduler au rythme du vent et ses longs cheveux bruns tomber dans sa nuque. Dans un sprint final, je le rattrape et le plaque brutalement au sol. Je sens son souffle se couper sous le choc, et profitant de cet effet de surprise, je saisis ses deux poignets et les colle contre son dos. J'entends les pas précipités d'Emma arrivés derrière moi, tandis que je tords les bras de l'homme en une prise que j'avais déjà effectuée des dizaines de fois. Mon amie s'accroupit à ma hauteur et me tend une paire de menottes, je maintiens les poignets de l'homme dans une main, et récupère ces dernières de ma main libre. Les menottes se scellent avec un bruit métallique.

Je m'écarte de l'homme et laisse Emma le redresser sèchement par le col de sa chemise. Elle le tire ensuite brutalement vers l'orée de la forêt, je la talonne de près. Un nouveau Responsable de capturé, voilà une bonne chose de faite. Nous arrivons enfin devant le 4x4 noir avec lequel nous avons traqué cet homme. Plus bas, sur la route en asphalte défoncé, git le pickup gris du fugitif, un pneu crevé d'une balle tout droit sorti du revolver d'Emma.

Ma coéquipière pousse le fugitif sur la banquette arrière du 4x4, puis elle monte côté conducteur. Je me dirige vers la portière de l'autre côté, et grimpe dedans avant de claquer la porte.

Emma remet une de ses nombreuses mèches blondes derrière son oreille puis insert la clé dans le tableau de bord avant de mettre le contact. La route est abimée et mon amie doit éviter les nids de poules assez souvent, depuis l'épidémie, les routes ne sont plus entretenues.

J'avais dix ans quand la "Fulgurante" a frappée, quelques cas ont d'abord été recensés en Chine, mais il était trop tard quand les autorités se sont rendus compte qu'elle frappait le monde entier.

En à peine trois mois, plus de six milliards de personnes sont mortes, on ignorait pourquoi seul certaines personnes continuaient à vivre, certains des scientifiques survivants ont avancés l'idée que leurs systèmes immunitaires était plus développé, ce qui expliquerait pourquoi les adultes était plus nombreux à mourir que les enfants. Quand mes parents sont tombés malades, je les ai nourrit seule, mon petit frère était trop jeune pour comprendre quoi que ce soit, et quand la Fulgurante les a emporté, je lui ai dit qu'ils étaient "partis", comme les adultes disaient quand ils parlaient d'une personne morte. Mon petit frère, Tom, est décédé quelques jours plus tard, je ne les ai pas enterré, j'ai préféré quitter la maison familiale, cet endroit où j'avais tant de bon souvenir mais où il s'est passé tant de chose que je préférais oublier.

J'ai airé dans les rues nauséabondes de ma ville pendant trente jours, j'étais quasiment morte de faim et je fouillais dans une poubelle à la recherche de nourriture quand Emma m'a retrouvé. Elle m'a recueilli alors qu'elle avait à peine quinze ans et elle m'a hébergée dans sa maison familiale avec son grand frère...

Le 4x4 fait une nouvelle embarrée en évitant un morceau de route dégradé, on entend le Responsable grogner après s'être cogné la tête. Emma pince les lèvres et recentre le véhicule au milieu de la route, nous avons encore une heure environ de trajet avant de rejoindre le centre de détention le plus proche.

Cette heure se passe en silence et à toute allure, si bien que l'on est arrivé avant même que je ne m'en rende compte

L'immense porte en métal qui protège le camp se dresse devant le 4x4, le champ de force grésille, il permet de protéger le centre de détention des bombes à éparpillement moléculaire, des bombes qui permettent de changer tout un village en un immense tas de poussière. Comme indique son nom, cette bombe permettent de désassembler la structure moléculaire de tout ce qui se trouve sur son passage, elle en éparpille les molécules, c'est une arme mortelle et quelques fugitifs en ont lancés dans l'ancien camp de détention, le réduisant à un vaste terrain plat et en tuant tous les employés qui étaient à l'intérieur.

Le 4x4 s'arrête juste avant de toucher le champ de force, et une voix féminine nous demande notre identité et la raison de notre présence.

— Emma Moretti et Mya Thomas, chasseuses de primes du centre de détention de Paris, nous vous apportons un Responsable

— Veuillez présenter un badge officiel s'il vous plait » annonce la femme au bout de la ligne.

Emma passe son badge devant le lecteur, et quelques secondes plus tard, le champ de force se rompt et la lourde porte métallique s'ouvre, mon amie relâche la pédale de frein et le 4x4 s'engouffre dans le camp. Nous confions nos armes de service aux gardes qui nous laissent garer la voiture sur le parking du centre.