CHAPITRE 2

          Je me suis toujours demandé ce qu'on pouvait bien ressentir quand on oubliait quelque chose d'important. Quelque chose d'assez important pour nous rendre triste, nostalgique et furieux. Oublier ses peurs, ses humiliations et ses mauvais moments peuvent être des biens faits, ayant pour seul but de protéger nos souvenirs et notre fierté. En revanche, oublier sa famille, ses loisirs et ses bons moments peuvent tourmenter la personne, à tel point de la laisser se poser maintes questions sur qui elle est vraiment, et sur ce qu'elle doit faire, et comment elle doit le faire.

          L'oubli peut-être quelque chose de bénéfique dans une vie. Ce n'est pas une faiblesse, mais une force qui te fait délaisser tous les mauvais moments, qui te libère d'un passé peut-être douloureux. Mais selon Michael, c'était embêtant. Embêtant dans le sens qu'il ne pouvait se souvenir de ses bons instants avec sa famille adoptive. En effet, il m'avait expliqué qu'il ne vivait pas avec ses parents biologiques, mais qu'il les considérait tout comme.

« Tu sais, je vis dans une famille adoptive. Je n'ai jamais connu mes parents.
- Je suis désolée...
- Tu n'as pas à l'être, ce n'est pas si grave. Je les aime et les vois comme mes vrais parents »

Il m'avait dit ça d'un ton sincère, et c'était vraiment beau provenant de sa bouche et de sa voix. En y repensant, il avait exactement la même voix que pouvait l'avoir ce grand Michael Jackson. C'était assez flou dans mes souvenirs, puisque la dernière fois que je l'avais entendu parler, c'était à la télévision, en Inde, en 2009. Il évoquait sa tournée, nommée This is it. Et la dernière fois que j'ai entendu parler de lui, c'était lors de l'annonce de sa mort, le 25 juin 2009.

          Ça m'avait vraiment touchée, c'était l'un des meilleurs de notre génération et j'aimais ce qu'il faisait, encore plus après sa mort. Et c'est seulement à partir de là que mon subconscient le dessinait, revoyant son image encore et encore. Je ne sais pas pourquoi mais ma main avait cette envie de le peindre à longueur de temps comme pour éviter que mon cerveau ne l'oublie, comme pour éviter de l'effacer de ma mémoire. Mais je me demandais sans cesse : comment pourrait-on oublier un homme aussi incroyable que lui ?

Après cet évènement, nous sommes partis pour l'Amérique et c'est à ce moment précis que je n'avais plus accès à rien, vivant encore plus pauvres que nous l'étions déjà. Les seules choses que j'avais étaient des fresques, des pinceaux et des pots de peintures offerts par mon oncle qui avait aussi le goût de l'art. C'est lui qui m'a tout transmis.

          Je peux me rappeler du jour où Michael s'est ouvert à moi, se libérant de son mal-être sur les escaliers de son bâtiment, le regard dans le vide.

« La chose qui me rend le plus triste, c'est le fait que je ne me souvienne de rien avant mes 12 ans. C'est étrange n'est-ce pas ? Il y a beau avoir des photos de moi quand j'étais petit, rien ne me fait rappeler ces évènements... »

Il était peiné de ce qu'il lui arrivait, et j'étais désolée de ce qu'il me racontait. Dans mon cas, c'était plutôt l'inverse. Je me rappelais de certains évènements sans pour autant avoir une preuve de ce que j'avançais. J'ai pu le savoir en allant sur l'ordinateur de Michael quand il m'a emmenée chez lui. Pendant qu'il avait quitté les lieux le moment d'un instant, j'ai pu rapidement taper Michael Jackson dans la barre de recherche et bizarrement, aucun renseignement concernant cette mystérieuse personne ne faisait l'objet d'un quelconque titre. En revanche, Joe, Katherine, Paris, Blanket, Prince Jackson apparaissaient dans le moteur de recherche. Ces prénoms étaient ceux de sa vraie famille dans ma perception différente des autres. Cela m'a redonné confiance en moi à l'idée que je ne devenais pas réellement cinglée, et que la famille Jackson existait bel et bien, que ce n'était pas une pure invention créée de toute part par mon cerveau. Apparemment, les enfants de cet artiste que j'avais imaginé étaient ceux de Jermaine Jackson.

          Malheureusement, il manquait la pièce maitresse de cette famille, cette personne qui l'a rendue tant célèbre. Et pourtant elle n'existait en réalité pas. Mais mon ami ressemblait comme deux gouttes d'eau au Michael Jackson que je pensais connaitre, que ça soit au niveau physique ou vocal. Ça ne pouvait que conclure ce que j'avançais depuis le début : J'étais devenue folle. C'était la seule explication concrète que je pouvais tirer.

          Mon coeur battait rapidement et je pensais même trembler de tous mes membres. Que feriez-vous si un beau jour, alors que vous pensez être totalement maitre de vous-même, de vos pensées et de vos souvenirs, on finit par vous dire que tout ce que vous avez pu imaginer ou croire n'est en réalité qu'un mensonge ? Je suppose que vous seriez tout comme moi en ce jour, c'est-à-dire, perdus. C'était invraisemblable et impensable. Pourquoi avais-je l'impression de le connaitre autant que ça, alors qu'il n'avait en fin de compte seulement mon âge et qu'il n'était pas connu ?

          C'était étrange et mon imagination était limitée tout simplement parce que cela se passait dans la réalité. Le fait de savoir que nous sommes dans le monde réel nous empêche d'imaginer des choses impensables et incroyables, j'étais donc bloquée entre quatre murs. Alors, je tentais tant bien que mal de me convaincre que rien de tout ça ne s'était passé et que mon ami n'était simplement qu'un ami, non pas une star mondialement connue, morte il y a presque neuf ans de cela. Parce que c'était irréel.

          Mais à présent, je me demande : qu'est-ce que la réalité ? Est-ce seulement une vision que l'on obtient par la perception de nos sens ? Et si nos sens pouvaient nous tromper ? Si tout était faux ? Si ce que vous voyez n'est en réalité qu'imagination ? J'arrivais à ce stade où je doutais de tout ce que je voyais, pensais, croyais. C'était insupportable.

Et toutes ces pensées que je vous écris ont surgi dans mon subconscient en un court laps de temps pendant que je quittais instinctivement les pages que j'avais ouvertes sur l'ordinateur de Michael parce que ce dernier venait de revenir des toilettes. Toutes ces pensées m'ont déstabilisée, poussant Michael à s'inquiéter.

« Ça va ? »

Je lui ai affirmé que oui, bien que mon visage devait être sacrément pâle avec ce que je venais d'apprendre. Il a insisté du regard et m'a fait comprendre qu'il remarquait bien que je n'allais pas si bien que je le prétendais, montrant mes tremblements pour justification. Il m'a fait asseoir sur son fauteuil et m'a regardée inquiet, tentant en vain que je lui dise ce qu'il s'est passé en si peu de temps pour passer d'une fille joyeuse en une totalement traumatisée. Il a même tenté de plaisanter, pensant que ça aurait pu me faire sourire.

« Ne me dis pas que je t'ai manqué ? Je ne t'ai quittée que deux minutes ! »

Voyant que mon expression ne changeait pas, il a vraiment commencé à s'en faire. Il a même passé sa main devant mes yeux, qui eux fixaient un point invisible devant moi. Ce qu'il ne savait pas, c'est que pendant ce temps, j'étais en débat avec moi-même, me demandant si je devais ou non lui expliquer la situation. Et après quelques raisonnements, j'en ai conclu que je ne pouvais en rien lui dire la vérité, je ne voulais pas qu'il me prenne pour une folle. C'était certain qu'il allait le faire, puisque moi-même, je me prenais pour une tarée. Il s'est alors mis devant moi, m'a fixée et a commencé à hurler. Ce contraste m'a fait sursauter.

« Mais qu'est-ce qui te prends ?
- Je n'avais pas le choix.
- Comment ça ?
   - Je pense bien que tu étais en train de mourir devant mes yeux. Ou bien, tu as juste perdu connaissance les yeux ouverts, et en position assise. Je t'assure, tu étais devenue indifférente envers tout ce qui t'entourait.... Même moi »

Il a fait mine de faire la moue, croisant ses bras et se mettant dos à moi. Il était beaucoup trop adorable pour ne pas esquisser un sourire. Ne voulant plus qu'il me fasse dos, j'ai alors posé mes mains sur ses épaules et me suis rapprochée de lui en faisant aussi la tête. Il a alors détourné le regard pour voir mon visage et a souri de toutes ses belles dents blanches alignées.

« Tu devrais rester ici ce soir, la nuit tombe et il pleut des cordes. Tu habites assez loin d'ici »

Bizarrement, j'ai accepté. En temps normal, je n'aurais jamais répondu positivement à cette demande mais le stress a surement parlé pour moi.

« Et tu devrais aussi me dire ce que tu as. Je n'aime pas te voir comme ça »

Je lui ai dis que ce n'était rien et il a bien ressenti que je mentais. C'était fou à quel point une personne que je ne connaissais que très peu pouvait s'inquiéter pour moi. Il avait don de toujours s'en faire pour les autres, voulant que ses amis se portent bien. D'ailleurs, si j'en crois mes souvenirs, il en était de même pour Michael Jackson. Ce personnage était un humaniste qui aimait aider les gens et les rendre heureux.

          Le soir, nous étions devant un bon film qui passait à la télévision. On grignotait des pop-corns. C'était assez plaisant. Ce n'était pas dû au fait que je n'avais jamais mangé de pop-corns ou bien que cela faisait beaucoup trop longtemps que je n'avais pas regardé la télévision, ou encore, le fait d'être au chaud, mais ce qui était réellement plaisant, c'était d'avoir mon meilleur ami à mes côtés. Pendant la publicité, il a décidé de prendre la parole, troublé.

« Ce personnage me fait penser à moi. Il a l'impression d'avoir oublié une partie de sa vie. Il ne se souvient pas de son enfance. Tu ne peux pas savoir comme ça me tourmente »

Il m'a avoué qu'il regardait souvent ce film. Il était en fin de compte comme un enfant, il ne se lassait jamais de rien. Mais quand il m'a dit ça, j'ai été touchée comme jamais je ne l'avais été auparavant. Il paraissait vraiment triste et le voir comme ça m'affechait et me donnait envie de répondre à toutes ses interrogations mais j'étais aussi confuse que lui, je ne comprenais pas.

« Te souviens-tu de la fois où je t'ai appelé par ton prénom alors que je ne te connaissais pas ? »

Il m'avait simplement regardée droit dans les yeux en fronçant légèrement les sourcils. Il était déjà perdu alors que je lui avais simplement posé une question. Je lui ai aussi demandé s'il se rappelait du portrait que j'avais emmené à l'exposition et il m'avait répondu positivement, rajoutant quelques détails.

« Oui, d'ailleurs tu ne m'as jamais expliqué comment ça se faisait que cette personne me revenait sans cesse en image depuis que j'ai vu ton portrait, à l'exposition. Je n'ai pas réussi à dessiner ce personnage qui était pourtant si clair dans mon esprit. J'ai tenté en vain, sans résultat. Je me suis demandé si en réalité, il ne serait pas mon vrai père, mais il a les cheveux bouclés, la peau blanche, il est grand et fin. Son nez me parait aussi retravaillé... Et j'en passe. Cet homme est si différent de moi... Cela est impossible... »

          Je ne savais quoi lui dire. Je suis restée muette avec une phrase qui est venue en moi, sans pour autant vouloir se prononcer : Cette personne n'est en réalité pas si différente. Au contraire, elle était exactement comme toi étant jeune...

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