xvii. j3 // illyas
That's what I live on a daily basis
C'est ce que je vis au quotidien
I always find a way to find the bad in good situations
Je trouve toujours du mauvais dans les bonnes situations
It's sad, huh?
C'est triste, n'est-ce pas ?
Yeah, I live my life on the edge, don't want the meds
Je vis au bord du gouffre, je ne veux pas être soigné
I'm just tryna get relief from my stress, you know?
Tout ce que je veux est soulager mon stress, tu sais
~
tw : 😱
Le lendemain matin, je me réveille en sursaut. Ma respiration se bloque, j'étouffe. Une bouffée de chaleur envahit tout mon être, je panique. Je transpire tellement que mon t-shirt est trempé, je tremble, mes douleurs thoraciques me consument. J'ai l'impression d'être au bord du vide, de tomber, de chuter, sans en voir le fond.
Sauvez-moi !
J'ai la peur irrationnelle de mourir à tout moment, pensant que mon palpitant pourrait très me laisser tomber lui aussi, inconscient de mon sort, m'emportant juste de la course folle qu'il mène actuellement. Et paradoxalement, au lieu de ralentir, il accélère de plus belle, me trahissant honteusement, à un point où je ne le sens même plus. Mon souffle est si précipité qu'il se bloque à plusieurs reprises, n'arrivant pas à suivre le rythme de mon corps entier, loupe quelques inspirations ou expirations, à l'instar d'un musicien peu entraîné à jouer une cadence endiablée et qui sauterait par mégarde quelques notes dans le but de rattraper l'allure de la partition.
Calme-toi, Illyas, ça pas du tout, là ! J'essaye de reprendre le contrôle de mon souffle, afin de me sortir de ce manège maudis que représente ma crise d'angoisse, d'imposer à mon esprit des images relaxantes, mais rien ne me vient. Je reste quelques longues minutes dans cet état, jusqu'à ce que ma journée d'hier me revienne tout doucement à l'esprit. La gentillesse dont Cody a fait preuve envers moi. Sa légèreté. Ses dissertations orales passionnantes sur les livres que nous aimons tous les deux.
Petit à petit, sans que je ne sache pourquoi, je parviens enfin à me calmer. Je me concentre sur mes inspirations, expire avec difficulté. Ça va aller, ça va aller. Tout va bien. Je me répète ce mantra en boucle, au point qu'il devient presque mon entière identité. Plus rien n'existe, à part ces mots censés me ramener à l'apaisement de mon âme paniquée. Ces mots qui, tel un lent sortilège, réussissent à oeuvrer à mon retour à la réalité.
J'attends encore quelques instants. Me mets à compter, dans le but de m'empêcher de penser à quoi que ce soit qui pourrait me faire rechuter dans le trou noir de mes peurs les plus profondes. J'en suis à 136 quand tout redevient enfin à la normale, à mon plus grand soulagement. Je souffle enfin, épuisé mentalement de ce que mes élucubrations catastrophiques m'ont encore fait subir. Puis, je cherche dans mon esprits les causes de ma crise d'angoisse.
Confus, je me creuse la tête, jusqu'à ce que ça me revienne, avec la violence qui accompagne le choc de la réalisation. J'ai rêvé de mon père.
Je reste étendu là, au bord des larmes. Pourquoi suis-je si faible ? Cette question tourne en boucle dans ma tête, vicieuse, cruelle, retournant le couteau dans la plaie, me remémorant tout ce que j'ai vécu, les traumas qui m'affectent encore alors même que je suis incapable de m'en souvenir. "c'est bien pour les pédales, de pleurer d'effroi comme un gamin". J'entends presque la voix de Ben et de ses potes scander cette phrase humiliante, sans aucune once de compréhension ni de pitié envers moi. Je soupire alors qu'une unique goutte amer glisse le long de ma joue, excédé de voir à quel point je suis pathétique.
Je tente de chasser ces pensées douloureuses de mon esprit, et tourne la tête et pose les yeux sur Cody, que la faible lumière du jour levant éclaire. Il est profondément endormi sur le ventre, les couvertures à moitié tombant dans le vide, un bras sous l'oreiller et l'autre pendu au bord de son lit. J'écoute le bruit calmant de sa respiration, cale la mienne sur la sienne, comme s'il allait m'apprendre à nourrir mon organisme de l'oxygène qui nous entoure, m'apaisant par ce moyen.
Pourquoi est-ce que ce garçon si sûr de lui et insouciant que c'en devient gênant est aussi la personne qui me fait le plus sentir en sécurité en ce moment même ? Peut-être parce qu'il est tellement excentrique et nonchalant par rapport aux autres que j'ai moins peur qu'il me juge ? Sans doute. Je m'étonne qu'il soit la première chose qui m'est venue à l'idée au moment de retrouver mes esprits, comme si son subconscient veillait sur moi par télépathie. Ok, je deviens bizarre.
Mais j'envie son aisance. Son bien-être. Sa joie de vivre. Je les envie autant qu'elles m'insupportent et que je les apprécie. Et j'aimerais qu'il puisse me transférer un peu de son je-m'en-foutisme, afin de soulager ne serait-ce qu'un peu ma pauvre conscience en détresse.
- T'as de la chance d'avoir un sommeil paisible, je lui lance d'un ton amer.
Evidement, seul le silence me répond, ce qui me fait me sentir bête. Soudain, je me demande avec horreur : "et s'il ne dormait pas vraiment, et m'entendait lui parler comme un psychopathe à l'espionner dormir ?" Je pose une main sur ma poitrine dans une tentative d'accompagner celle-ci dans ses va-et-vient respiratoires, souhaitant éviter de laisser mon cur fougueux se rebeller à nouveau. Dehors, un oiseau se met à chantonner, comme s'il écoutait mes pensées catastrophées, et me murmurait des mots doux à l'oreille. Je ferme les yeux, me concentre sur ce son adorable. Puis, je repousse les couvertures, prends mon portable sur ma table de nuit, et sors dans la fraicheur du matin, en quête de l'air salvateur qui purifiera ma tête de tous les scénarios anxiogènes qui me hantent.
_x.
Je pousse la porte coulissante de la véranda, et traverse la terrasse. L'herbe affraichie par la rosée du matin me caresse doucement les pieds, et je laisse ce contact achever de me détendre. Ayant toujours su trouver refuge à la pensée de l'eau, je me dirige vers le lac, et y trempe un petit coup mes pieds, afin de m'imprégner de ses ondes protectrices.. avant de les retirer immédiatement en grelottant, ne m'attendant pas à une telle froideur. C'est gelé !
Au lieu de ça, je m'assois, et regarde l'heure sur mon téléphone. J'ai déjà des messages de Lori, qui, étant en route pour les Mexique, m'envoie des vidéos de son voyage. Je complimente sincèrement les paysages, malgré la petite étincelle de jalousie qui s'empare de moi, et elle m'appelle en vidéo pour me demander si je vais bien. N'ayant pas la force de lui mentir, je lui parle de ma crise d'angoisse, ce en retour me vaut une mine inquiète de sa part.
- Encore ? Déjà le dernier jour d'école.. C'est de plus en plus souvent, quand même.
Ma gorge se serre. Je ne sais pas comment je pourrai lui annoncer pour mon père, or il faudra bien que ça arrive un jour. Mais pas maintenant je peux pas, rien que cette pensée me donne la gerbe tellement je la trouve perturbante. J'amène la conversation sur un autre débat, le sujet étant encore beaucoup trop sensible pour moi :
- Au fait, tu te souviens du mec dont je t'ai parlé hier ?
- Le filleul de Kendra ? Cody ?
- Oui. Il a l'air sympa, en fait. Hier après-midi, il m'a emmené visiter la ville, et finalement on a passé du bon temps..
Sur ce, je lui raconte dans les moindres détails tout ce qui s'est passé, et les sentiments que cette journée m'a procurés. Rien que d'y repenser, un mince espoir s'infiltre moi, acceptant de plus en plus la possibilité de m'en faire un ami. Je lui parle de sa façon d'être, détachée mais attentionnée, de sa détermination apparente à m'apprivoiser, sa manière de vivre qui rend tout plus léger.
Tout excité, je m'attends à ce qu'elle soit contente pour moi, voire même me félicite pour ne pas avoir fait mon sauvage antisocial pendant tout ce temps. Alors, quand son visage s'assombrit, un coup de froid me saisit, prédisant l'éclatement de la bulle utopique dans laquelle je me suis plongé avec mes rêveries naïves.
- Oula, Illyas.. Ça te rappelle pas une situation particulière, ce que tu me décris là ?
Des frissons s'emparent de mon corps tout entier, et je sens mon faciès perdre de toute ses couleurs. Un courant d'air glacé traverse mon être, malgré la chaleur torride de l'été. Mon Dieu. Tout ce que je ne voulais pas entendre.
Mon regard se met à papillonner partout, afin d'éviter le sien, dans lequel j'ai peur de lire du reproche. Mais quand je trouve enfin le courage de rencontrer à nouveau ses prunelles, ce n'est que de l'inquiétude que je lis dans son regard. Ce qui est encore pire que le moindre potentiel jugement.
Voyant l'état dans lequel elle vient de me mettre, elle semble d'autant plus coupable, comme si cette réminiscence lui faisait autant de mal qu'à moi.
- Je suis désolée, fait-elle d'une voix tremblante, je voulais pas faire remonter tous ces mauvais souvenirs.. Mais es-tu sûr de ses intentions envers toi ? J'ai juste peur que tu te fasses à nouveau avoir.. Selon ce que tu me dis, il a vraiment l'air d'être le même de type de gars que.. enfin, tu vois de qui je parle. Et en général, les mecs comme lui, c'est souvent synonyme d'ennuis.
Lori se prenant pour ma mère. Aka mon quotidien. Je soupire. Mais en même temps, je dois bien lui concéder ceci : elle ne se trompe jamais sur le compte des gens. Jamais. J'ai l'impression que la faible armure de rassurance que je m'étais construite hier est en train de voler en éclats, détruite par la peur de refaire les mêmes erreurs et de souffrir à nouveau.
Malgré tout, que je veuille l'admettre ou non, ma meilleure amie a raison au sujet de Cody. Il a cette vibe, celle qui provoquait cette exaspération en moi chaque fois qu'il m'adressait la parole, sans que je ne sache d'où ce sentiment venait. Mais je comprends, maintenant : il me rappelle ce genre de personnes qui vont toujours en quête de nouvelles rencontres à conquérir, autant de manière platonique que romantique d'ailleurs, et qui au début t'accordent toute leur attention, te font sentir comme la personne la plus importante de la Terre, donc par conséquent tu t'attaches, puis ils se lassent et s'éloignent petit à petit, t'abandonnant lâchement avec seulement tes beaux yeux pour pleurer. Mais le pire, c'est que parmi ces gens-là, certains ne se rendent même pas compte de cet effet qu'il ont sur les autres, et ne pensent vraiment pas faire de mal à leur prochain en s'échappant sans crier gare. Tout simplement parce qu'ils ne font pas attention aux autres, tout le monde irradie autour d'eux comme s'ils étaient le centre de l'univers, et c'est ce qu'ils sont à leur propres yeux, donc de même que le reste de leur entourage, ils ne voient qu'eux.
- Ok, je réponds simplement. Je vais faire attention à lui.
- Je t'ai vexé ? Je t'ai pas interdit de lui parler, hein, je te demande juste de te méfier. Protège-toi un peu, je t'en prie. Ça me détruirait de devoir encore te ramasser à la petite cuillère comme la dernière fois.
Afin d'en finir et de pouvoir digérer cette réalisation frustrante et humiliante, je mens :
- Non, ça me touche que tu veilles sur moi comme ça, et tu fais bien d'essayer de m'empêcher de retomber dans le panneau. Bon, je vois ma mère qui arrive, je vais te laisser. De toute façon, je ne sais encore rien de lui, c'est pas comme si ça avait une quelconque importance.
- Si tu le dis.. Mais promets-moi qu'on en reparlera, d'accord ?
- Oui, oui. Bisous.
- Je t'aime !
- Moi aussi..
Et c'est sur ces beaux mensonges que je raccroche, en colère contre mon éternelle niaiserie.
Je veux dire, il m'est déjà arrivé d'essayer de me sociabiliser par moi-même, à un moment où j'ai voulu me détacher un peu de Lori et de son côté maman poule. Mais je me suis fait avoir par ma naïveté, raison pour laquelle je tente de rester éloigné le plus possible des gens, désormais. Je ne me fais pas confiance, de même que je crains ce petit coeur fragile qui bat dans ma poitrine et s'attache trop facilement, à cause de ce manque d'affection constant qui ne me lâche plus depuis que mon père et mes anciennes familles d'accueil ont décidé que je n'étais pas assez bien pour eux. Alors pourquoi le serais-je pour Cody ? Pourquoi perdre mon temps et être déçu à nouveau ?
Je suis sorti de mes pensées par des pas qui se rapprochent derrière moi. Justement, c'est lui qui arrive et s'assied près de moi. Evidement, ce serait trop facile sinon.
Il coince une cigarette entre ses lèvres, et l'allume. Il tire une taffe en fermant les yeux, ayant l'air détendu par cette action, avant de se tourner vers moi. Et moi, je prends la résolution ferme de ne pas le laisser m'attirer à lui à l'instar d'une sirène, envoutant les marins pour ensuite les entraîner dans les abysses des océans, où ils s'y noient. Je ne laisserais plus personne tenter de me faire couler. Déjà que de moi-même j'ai du mal à rester à la surface..
- Bien dormi ? il me demande.
- Assez bien..
Il plisse les yeux à mon ton incertain, tandis que je fuis son regard. Je déglutis, avant de lui retourner tout de même la question, mais sans implication, juste histoire d'être poli.
- Oh bah nickel, écoute.
- Ok.
Et il continue de fumer alors que je l'observe discrètement à la volée. Ses cheveux ondulés dans lesquels le soleil laisse des reflets dorés sont ébouriffés, son être entier dégage cette impression de briller, d'être sous le feu des projecteurs. Mais je ne ne suis pas qu'il y fasse attention, à cette sorte d'aura qui s'émane de lui. Alors que moi, à côté, je serai capable de faire partie du décor même sur le devant de la scène..
Il semble perdu dans ses pensées, son regard rêveur erre sur l'étendue bleuté devant nous. Puis il s'intéresse de nouveau à moi, ce qui me fait sursauter, ne m'y attendant pas.
- Ça te dérange pas, la fumée ?
- Non non. T'inquiète.
- D'acc. Mais si c'est le cas, n'hésite pas à le dire, j'irai ailleurs.
- Nan, t'en fais pas du tout pour ça. Je m'en fiche.
Je me suis mis à arracher de l'herbe nerveusement, gêné qu'il m'ait chopé en train de l'observer. Enfin, je devrais pas m'en faire, c'est normal de regarder un peu une personne qu'on rencontre tout juste et qui nous intrigue. Mais je ne peux m'empêcher aux remarques des autres, qui m'ont appris que même un coup d'oeil innocent peut être détourné de son intention et transformé en quelque-chose de salace, si quelqu'un de mal intentionné s'en aperçoit et décide d'en profiter.
- C'est joli, cet endroit, déclare-t-il. Ça me ferait trop de peine si je ne pouvais pas rester plus longtemps..
- Comment ça ? je ne peux m'empêcher de demander.
Je devrais m'en foutre. Écouter Lori. Ne pas prendre de risques inutiles. Pourtant, je ne sais pas comment faire taire cette partie de moi qui est fascinée et envieuse de sa manière d'être. De sa simplicité. Sans compter ma curiosité envers sa vie qui me semble si trépidante.
- Je sais pas encore combien de temps je vais pouvoir rester. Comme je suis venu à l'improviste, je n'ai pas encore pu voir ça avec ma mère.
- Ah.. Mais je comprends pas, elle n'en a pas parlé avec ta marraine avant ?
Cette histoire m'interroge, je ne sais pas pourquoi, mais un élément me dérange. J'ai l'impression de louper un élément évident, qui expliquerait tout ce qui me paraît actuellement comme un bazar sans nom. Mais rien à faire, je n'arrive pas à saisir ce que cela peut être.
- C'est compliqué.
- Tu veux pas m'expliquer ?
- Nan.
Je replie mes jambes contre moi, et soupire. Je continue inlassablement de ressasser dans ma tête toutes les pensées douloureuses qui me hantent depuis ce matin, me torturant inlassablement avec des choses que je ne peux contrôler. L'alcoolisme et l'abandon de mon père. Ce que les gens disent sur moi, au lycée. Les pertes que j'ai subies. Puis, sans que je m'y attende, mes élucubrations dérivent vers ce à quoi ma meilleure amie faisait allusion quand elle a émit un parallèle entre le garçon à mes côtés et celui qui a achevé de me dégoûter de l'espèce humaine. Le sentiment amer de la trahison me revient avec force, incontrôlable et sans pitié. L'humiliation qui en a suivi. Les moqueries. Et bien sûr, mes espoirs brisés et ma désillusion amère.
Les souvenirs s'imposent soudain à moi, violents. Je me les prends comme une giffle, et me lève avec précipitation, sous le regard étonné de Cody. Je ne contrôle plus rien, mon corps semble décider pour moi, et je suis incapable de réfléchir censément. Tout ce que je réussis à faire, c'est emmagasiner cette peine qui se répand à nouveau en moi, encore et encore, ressassant toutes mes blessures, au bord de l'explosion. Mais ça, mon colocataire ne doit rien en savoir. Jamais.
Après tout, même avec mes deux meilleurs amis, j'ose à peine en reparler.
- Tu t'en vas ? se renseigne-t-il.
- J'ai besoin d'être seul.
Il grimace à mon ton sec.
- J'ai fait quelque-chose qu'il fallait pas ?
- Non. Je vais aller dans mon coin, je préfère. Et puis comme ça, t'auras plus besoin de jouer les baby-sitter avec moi et tu pourras profiter de tes potes.
Je ne sais même plus ce que je dis, c'est le cadet de mes soucis. Quand encore hier j'aurais pêté les plombs en me traitant d'imbécile pour tout gâcher avec lui, désormais je prie intérieurement pour qu'il m'en veuille et me foute la paix, m'arrachant ainsi le choix de désirer faire partie de sa vie, et donc de la possibilité de me tromper à son sujet. Mais ça ne m'empêche pas de m'en vouloir d'avance pour mon comportement acerbe, que je regrette déjà.
- Parce que c'est comme ça que tu le prends ?
Il maintien sa clope en l'air, sans plus en inspirer les composants toxiques. Il n'y fait même plus gaffe, toute son attention est centrée sur ma personne, ce qui me dérange d'autant plus. Incapable de répondre, je baisse la tête. Mon coeur cogne douloureusement contre ma cage thoracique, résultat de tout ce que je rumine intérieurement. Et tout à coup, le remords s'empare de moi, aussi brutal qu'un tsunami. Je le déçois.
Je le déçois et c'est pour ça que je ne veux pas traîner avec lui. Il est sympathique, jovial et intéressant, mais il est trop cool pour moi. Sa nature passionné veut apprendre à me connaître, savoir ce que je cache d'intéressant en moi, ce qui me flatte, mais le problème est qu'il n'y a rien, rien à part de la tristesse constante. Sauf que lui, il a quelque-chose de marquant. Et si je le déçois, je vais me décevoir encore plus de moi-même. Autant ne pas s'aventurer sur ce terrain-là.
Comment est-ce que ça se fait, d'ailleurs, que quelqu'un nous touche comme ça alors qu'on ne le connaît que depuis trois jours, quand d'autres n'arrivent même pas à attiser notre curiosité ne serait-ce qu'un peu, même après plusieurs années ? Qu'est-ce qui fait qu'on va parler à une personne juste une fois, et se dire directement : "lui, il me plaît bien, j'aimerais beaucoup être son ami" ? Qu'on se met immédiatement à ne plus voir le temps passer en sa présence, qu'on a l'impression de l'avoir connu depuis toujours, tant on sent un lien fort avec eux ?
On a rien fait d'hyper passionnant, pourtant, hier.
Il arque un sourcil, attendant que je réponde. Mais y'a rien à répliquer à ça, en fait. Qu'il le veuille ou non, la conversation doit s'arrêter là, car je ne peux pas lui faire part de mes raisons. Il ne comprendrait pas, et je n'en serais que d'autant plus ridicule. Le mieux pour nous est de cohabiter de façon distante durant ces deux mois, en évitant à tout prix de tisser la moindre amitié. Ainsi, notre incompatibilité risquera moins de gâcher l'atmosphère qui j'espère, sera le plus paisible possible pour ma mère. Jamais je ne me le pardonnerai si je faisais mal tourner son été avec mes problèmes futiles.
Il inspire, se met debout à son tour et écrase sa cigarette au sol avant de se planter devant moi, bras croisés, pour me jauger du regard.
- Tu penses que c'est par pitié que j'ai traîné avec toi ? Pour faire plaisir à ta mère ? il insiste. Ou quelle autre connerie ?
Je hausse des épaules. Il lève les yeux au ciel, puis les plisse dans ma direction, avançant sa lèvre inférieure à la manière dont le ferait un enfant contrarié. Il semble chercher comment me prendre, avant de répliquer d'un ton exaspéré :
- Pourquoi tout compliquer, comme ça ? Tu crois vraiment que je perds mon temps à me poser des questions, moi ? J'ai envie de passer du temps avec toi, je passe du temps avec toi. Point barre. J'ai bien compris que c'était dur pour toi de d'adapter, mais depuis le début je ne fais que de faire passer tes besoins avant tout le reste, afin que tu te sentes accepté et en sécurité. Mais rien ne te va, alors je t'avoue que je sais plus quoi faire, là.
Son air intrigué me perturbe. Je me mords la lèvre, coupable.
- Je te veux pas te mal, tu sais, Illyas, fait-il d'une voix plus douce.
- Ok.
Je me sens impertinent. Le silence s'installe entre nous, et on reste à se fixer sans un mot, moi coincé par mon mal-être, lui ne sachant pas quoi me dire de plus pour me prouver la véracité de ses propos.
Je plante mes yeux dans les siens, essayant de lui faire comprendre à travers mon regard tout mon repentir d'être ainsi.
- Désolé, fais-je, je suis pas facile comme mec..
À son tour d'hausser des épaules, et d'ensuite me sourire, comme pour me signifier que ce n'est rien, d'une manière rassurante qui me détend aussitôt. T'en fais pas pour ça, je comprends, semble-t-il me dire. Puis, il annonce :
- Bon, je vais te laisser, alors, si c'est ce dont tu as besoin. À toute !
Il me fait signe de la main, et je ne peux empêcher mes lèvres de s'étirer dans sa direction alors qu'il s'éloigne de moi, pensant que ce n'est qu'un moindre mal, et que désormais je n'aurai plus le poids de sa présence sur les épaules.
_x.
Je reste longtemps au bord de ce lac, à réfléchir. A penser à lui et à son comportement.
Et tout à coup, ça me frappe. Je sais enfin pourquoi je me suis senti si bien avec lui, en plus de son côté amical et attentionné. En fait, c'est plutôt simple, désormais : ce n'est pas quelqu'un du lycée, de mon quotidien. Avec lui, je suis blanc de toute erreur, de toute mauvaise réputation, de tout passé. Il me juge en fonction de ce qu'il voit de moi, et non de ce qu'il croit savoir. Avec lui, je suis juste un adolescent comme les autres, qui se contentait de passer du bon temps avec un nouveau compagnon. Quand j'étais avec lui, son insouciance et sa légèreté ont déteint sur moi, je découvrais une autre facette de moi. Peut-être qu'il me trouvait un peu bizarre et trop timide, mais c'était déjà beaucoup mieux que les jugements auxquels j'ai le droit tous les jours à l'école.
Je me suis juste senti bien, quand on a oublié nos préjugés l'un sur l'autre et échangé sur nos lectures, dans ce fast food. Je n'avais pas à sans cesse avoir peur de son jugement si je faisais ceci ou cela, si je disais quelque-chose de travers. Je n'étais pas le pauvre mec qui ne prononce jamais rien, qui se laisse marcher dessus et dont aucune famille d'accueil n'a voulu, celui qui est trop doux, trop délicat, trop.. féminin - ce qui est absolument stupide, au passage, puisque ce genre de critères ne devraient pas être genrés. Sans parler du fait que, j'ai rarement connu des personnes avec une mentalité comme la sienne, si ce n'est jamais.
Sauf que, en dehors des avertissements de Lori, j'ai trop peur de ce qui peut arriver si je passe trop de temps avec lui. Je sais à quel point je suis influençable et à quel point je m'accroche vite aux gens, et je serais très bien capable de lui accorder bien plus d'importance qu'il ne devrait avoir, sous prétexte qu'il m'a offert un peu de son temps et de son attention. La veille, j'ai entrevu une personnalité qui me plaisait, mais ça aurait été comme de jouer avec le feu de continuer sur cette voie. Car s'il y a bien une chose que j'ai apprise de tout ce qui m'est arrivé dans ma vie, c'est que tout est éphémère, je ne peux me permettre de prendre quoi que ce soit pour acquis. Tout finit toujours par me filer entre les doigts, surtout ce qui compte. Alors t'as ceux qui l'acceptent et cessent de donner de l'importance aux choses, et les autres qui peuvent pas s'empêcher de s'attacher quand même, comme moi, parce qu'on est beaucoup trop émotifs et sensibles.
Et j'apprécie beaucoup trop ce que j'ai ressenti hier grâce à Cody pour prendre ce risque.
~
wesh mes petites planches de surf !
(hum hum. pourquoi je fais ça déjà ? si ça se trouve ça fait rire personne. bref, je m'en fous au pire.)
aïe, aïe, aïe. ça semblait enfin partir du bon pied, entre illyas et cody, mais le souvenir des traumatismes du premier sont trop forts pour qu'il puisse lui accorder une chance.. lori n'a aucune conscience de sa boulette T^T
sinon, on en apprend davantage sur la trahison qu'a subit illyas durant l'année scolaire, houhou.. quelles sont vos théories sur ce qu'il a pu se passer ? comment pensez-vous que cody va réagir face à ce comportement très changeant de la part d'illyas ? que pensez-vous de ce dernier, malgré son côté girouette et indécis, dirigé par sa peur ?
je suis un peu moyennement satisfaite de ce chapitre pour être honnête, mais tout de même j'ai hâte d'avoir vos avis dessus !
kissouilles les geennnns <3
n'oubliez pas de voter si l'histoire vous a plu, et à la semaine pro pour la suite hehe.
mon insta : _supernovagabonde_
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