iii. j-2 // illyas

I feel the ground

Je sens le sol

Hard to walk again

Dur de continuer à marcher

You taugh me how to fly

Tu m'as enseigner comment voler

You drop my hand

Avant de lâcher ma main

~
tw : 🍺/🪦 (mentions) ; 😱
~


Quand j'ai appris la nouvelle, je l'ai regardée, bouche bée, empli de stupeur. Mon père veut reprendre contact avec moi ? Après toutes ces années d'ignorance ? Je n'arrivais pas à y croire. Pendant un temps, la réalité refusait de s'imposer à moi, c'est comme si mes oreilles avaient bel et bien entendu, mais que l'information refusait de monter à mon cerveau. Puis, elle s'imposa à moi, avec l'horreur que cela impliquait, et tous les sentiments contradictoires qu'elle évoquait en moi. Je me retrouvai tout à coup déchiré entre tristesse, colère, curiosité, frustration, rancune, peur, haine, besoin d'amour.

Une sueur froide qui n'avait rien à voir avec la chaleur ambiante coulait le long de mon front. Je posai une main sur mes poumons, manquant soudainement d'air. Oh non. Pas encore une crise d'angoisse !

July, en voyant ma réaction, se précipita vers moi, et entoura mes épaules de ses bras en me murmurant des paroles rassurantes, que je n'entendais pas. J'étais dans ma bulle, mon monde à moi de pensées horribles et effrayantes, un monde où plus rien n'était beau, où aucune petite lumière ne pouvait filtrer à travers les ténèbres.

- Concentres-toi sur quelque-chose de rassurant et de précis, me conseilla ma mère adoptive. Reprends le contrôle de ta respiration. Tout va bien se passer.

J'essayai d'obtempérer, mais les larmes se mirent à couler le long de mes joues, les sanglots n'aidant pas à ma cause. Je tentai de diriger toutes mes pensées sur mon principal pilier : July et Lori. La générosité et la tendresse de l'une, l'affection et la bienveillance de l'autre. Sur le bel été tranquille que je m'apprêtais à passer.

J'attendis encore un long moment pour retrouver tous mes esprits, je continuais mes exercices de respiration jusqu'à ce que je me sente mieux. J'inspirai un grand coup, expire.

- Ça va mieux ? me demanda ma mère.

- Oui oui. Désolé.

Elle me caressa la joue avec un air concerné, m'affirmant que ce n'était rien. Mais je savais que ça ne l'était pas tant que ça.

Je me blottis contre elle, en quête de sa présence bienfaitrice. Elle passa une main dans mes cheveux, me répétant à quel point elle m'aimais et à quel point j'étais courageux. Puis, elle s'écarta de moi, et plongea son regard marron concerné dans le mien.

- Qu'est- ce qui s'est passé, exactement ? je la questionnai en m'asseyant sur le canapé.

Elle me rejoignit, et expliqua :

- Il a juste appelé ton assistante sociale, pour lui dire qu'il voudrait te revoir. Comme tu le sais, il ne s'est jamais vraiment remis de la mort de ta mère, et il a toujours été beaucoup trop douloureux pour lui de rester avec toi, car tu la lui rappelais trop. Mais désormais, il voudrait se racheter auprès d'elle et de toi, et ça le bouffe.

Je fronçai les sourcils, soucieux. C'est toujours dur de s'entendre rappeler que ton père ne veut pas de toi car il a l'impression de voir le fantôme de celle qu'il aimait, et pire, la raison pour laquelle elle n'est plus là.

Je me suis massé les temps, ayant besoin de quelques secondes pour assimiler.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Eh bien..

Elle m'a scruté longuement, semblant hésiter à tout me dire, sans doute par peur que je ne puisse supporter la vérité dans son entièreté.

- S'il te plait, j'ai besoin de savoir.

Elle a soupiré, puis s'est résignée à continuer :

- Il s'est réfugié dans l'alcool, Illyas. Et voilà pourquoi c'est si compliqué : ta psychologue est effrayée à l'idée que cela vous fasse plus de mal qu'autre-chose, à l'un comme à l'autre. Bien sûr, on ne peut pas empêcher un père de voir son fils s'il en a envie, mais nous sommes tombés tous ensemble d'accord sur un point : il doit se reprendre en main et aller dans une cure de désintoxication, et il te verra seulement si toi tu le veux. La décision t'appartient entièrement, tu n'es obligé de rien.

Mes yeux se perdirent dans le vide, sans réussir à admettre intérieurement que tout ceci était la réalité. J'avais la sensation de louper quelques-chose.

J'ai froncé des sourcils.

- Il m'a abandonné pendant toutes ces années ! je m'écriai soudain. Et c'est seulement maintenant qu'il revient, mais pas parce que je lui manque, juste pour apaiser sa conscience ! Je ne suis pas son fils, juste le souvenir de ma mère à ses yeux !

- Ne le juge pas si vite, s'il te plaît..

Sa voix se brisa à la fin de sa phrase. Surpris, je lui ai demandé :

- Pourquoi ?

Elle s'est mordu la lèvre, puis soupira.

- Je sais ce que c'est, de perdre quelqu'un qu'on aime. C'est une douleur qui ne guérit jamais vraiment, et tout te ramène à elle. Alors avoir un élément qui le fait de la manière le plus explicite et la plus brutale possible, même sans le vouloir, au quotidien..

J'écarquillai les yeux en entendant ses paroles empreintes de tristesse. C'est pour ça qu'elle est seule ? Imbécile comme je suis, je ne me suis jamais posé la question.

- Comment ça ?

- Je te raconterai peut-être un jour, ce n'est pas le sujet. En attendant, réfléchis à ce que je t'ai dit.

J'ai hoché la tête, sidéré par tout ce que je venais d'apprendre. Elle se lèva et déposa un baiser sur mon front, me tapotant une dernière fois l'épaule avant de filer à la cuisine se chercher un verre d'eau, et sans doute au passage retrouver ses esprits et essuyer les larmes qui n'attendaient que d'être loin de moi pour couler.

Je suis une charge. Une douleur. Une raison quotidien de se faire du soucis. Qu'est-ce que j'en apporte, de belles choses, à mes proches !

Je filai dans ma chambre, ayant besoin d'un peu de solitude, et j'ai pleuré un long moment sur mes pertes, et sur les malheurs de celle que je considère comme ma seule famille. Pendant tout ce temps, elle a pris soin de moi le mieux qu'elle pouvait, toujours avec le sourire.. Mais combien de problèmes a-t-elle été obligée de mettre de côté par ma faute ?

_x.

Le lendemain, je dors beaucoup plus longtemps que d'habitude, et pas seulement pour profiter du début des vacances. Je préfère rester au lit et ne voir personne, être juste en tête à tête avec mes rêves, pour ne pas répandre de mauvaises ondes partout où je vais.

Je me sens mal pour et à cause de mon père, pour ma mère, pour July, pour Lori qui est toujours à se demander comment je tiens le coup, pour moi et ma vie merdique.

Je suis triste, j'ai envie de pleurer, mais je n'y arrive même pas. Je me sens si faible, si inutile, pire encore, comme un boulet, un malheur dans la vie de tout le monde, et ce sentiment persiste en moi, aussi venimeux que le pire des poisons.

J'attrape mon téléphone sur ma table de nuit, et écris un message pour Lori :

Moi : Coucou, désolé de te déranger alors que tu es sans doute occupée à faire tes valises et tout, mais j'ai fait une crise d'angoisse hier, c'est juste pour te prévenir. J'espère que tu vas bien.

C'est un accord entre nous : elle me laisse mon intimité car elle sait que je n'aime pas me confier, mais en échange je dois un minimum l'avertir quand quelque-chose ne va pas, et surtout si c'est trop dur à supporter pour moi. Elle a toujours peur que je tombe au fond du trou.. Mais je pense que, si ça avait dû arriver, il y a longtemps que ça se serait déjà produit..

Elle me répond dans la minute qui suit :

Lori : Ah bon ? ça faisait pas mal de temps que c'était pas arrivé.. Il s'est passé quoi ?

Moi : Je sais pas vraiment, c'est arrivé comme ça, c'est tout.

Pour l'instant, je ne peux me résoudre à lui dire. Je ne veux pas qu'elle m'influence dans ma décision - même indirectement, car ce n'est pas son genre. Et surtout, je voudrais le faire en face. Mais bon, pour ça, il va falloir attendre qu'elle rentre...

Nous discutons ensuite de sujets divers et variés, ce qui m'apaise un peu, malgré les mauvaises pensées qui continuent de hanter mon crâne, et je finis par rejoindre July quand ma meilleure amie m'annonce qu'elle doit me laisser pour commencer à organiser son voyage, en sachant qu'elle part le lendemain.

Je m'assois au comptoir de la cuisine, pas encore entièrement réveillé, et ma mère adoptive me souhaite le bonjour en m'embrassant sur la joue.

- Comment tu vas ? me demande-t-elle en s'installant à côté de moi, son café à la main.

- Comme quelqu'un qui vient d'apprendre que son père qui pouvait pas voir en face son fils à cause du fait qui lui rappelait tous ses démons a changé d'avis à son sujet. Et comme quelqu'un qui vient d'apprendre que celle qu'il considère comme sa mère souffre depuis des années sans qu'il s'en soit rendu compte égoïste comme il est.

Elle pose sa tête et me regarde, sidérée par ma vision des choses.

- Oh mon Illyas.. C'est vraiment comme ça que tu interprètes les évènements ? Je sais que revoir ton père après avoir grandi sans lui sera une épreuve très difficile, mais tu ne crois pas que ça te fera du bien ? De savoir qu'il se soucie assez de toi pour prendre de tes nouvelles ? Et que je te corrige tout de suite : tu n'es un fardeau pour personne, mon chéri. Pour personne. Je ne t'ai jamais parlé de cette histoire parce que c'était trop difficile pour moi d'y faire face, mais m'occuper de toi m'a énormément aidée. Cela m'a donné une raison de me battre, d'être forte, et jamais je ne te remercierai assez pour ça. Tu es mon rayon de soleil.

À ces derniers mots, mes yeux se sont humidifiés, tout comme les siens.

- Toi aussi, tu m'as tellement apporté, je dis.

Elle me sourit tendrement, et je lui rends la pareille. Je saisis, désormais, la raison pour laquelle elle me comprend si bien. Elle aussi, elle sait ce qu'être abandonné veut dire, de tout perdre.

Son regard se sèche, et j'inspire avant de la questionner :

- Que s'est-il passé ? Si c'est pas indiscret.

Ses pupilles se perdent dans le vide.

- Ne le sois pas. Tu sais, ça commence à dater, ça fait plus de cinq ans. C'était un peu avant que tu viennes habiter ici, tu étais en sixième.

- Ah..

Mon incapacité à la consoler me ronge. Je voudrais prononcer quelque-chose d'intelligent pour lui remonter le moral, mais je suis si nul avec les mots.

Je pose mon menton sur mon poing, réfléchissant. Elle déclare :

- Ce que je veux que tu comprennes, c'est que parfois la douleur nous pousse à faire de choses horribles. On se renferme sur soi-même, on se comporte n'importe comment avec les gens, on les repousse tous par peur de souffrir. Moi aussi, j'ai dû laisser tomber des personnes que j'aimais plus que tout, car je ne pouvais pas les voir sans m'attendre à le retrouver aussi, et c'était beaucoup trop dur à supporter, d'être déçu à chaque fois, car je ne pouvais m'empêcher d'espérer quand même, même en sachant l'impitoyable réalité. Pour moi, ce sont des amis que j'avais en commun avec cette personne que j'ai perdue, avec qui j'ai coupé les ponts après sa mort.

Je fixe dans le vide, essayant d'assembler les quelques pièces du puzzle qu'elle me donne depuis hier.

- Pardon si c'est indiscret... C'était qui exactement pour toi ?

- L'un de nos meilleurs amis. C'est beaucoup plus compliqué que ça en a l'air, mais il s'est passé des choses un peu avant qu'il ne nous quitte, qui font que je n'ai plus jamais réussi à être avec le reste de notre petite bande comme avant.. Absolument tout me ramenait à ces traumatismes, et je n'ai pas eu le choix que de couper les ponts pour préserver ma santé mentale, bien que je n'en avais aucune envie.

Je soupire, et je me sens bête de ma réaction de la veille. Mais la peur m'étouffe tout de même. Suis-je vraiment sûr que tout se passera bien ? Je décide de lui demander son point de vue à elle, me servant de son expérience pour faire un parallèle avec ma situation et les sentiments que doit avoir mon père, afin de mieux les comprendre.

- Et ils te manquent ?

- Bien sûr. J'irai même jusqu'à dire que ça a été la décision la plus dure de toute ma vie, et même si je sais que je n'avais pas le choix, au fond je ne cesserai jamais de regretter, de me dire que j'ai fait une grave erreur..

- Et maintenant, tu crois que tu serais prête à les retrouver ?

- Je ne sais pas. Je voudrais tellement, mais je ne sais pas si je pourrais tenir le coup. Et surtout si ils le voudraient, ou en seront capables. Mais d'un autre côté, j'ai tellement besoin d'eux, de me souvenir..

- Comme mon père avec moi.

- Oui.

Je me perds dans mes élucubrations. Je frissonne quand une idée folle me vient. Ce n'est déjà pas mon genre de prendre des décisions sur un coup de tête... Pourtant, la curiosité l'emporte, et je pèse le pour et le contre, ne sachant pas ce que cela va me coûter. Avoir un père qui m'aime, c'est ce dont je rêve depuis toujours. Qu'est-ce que cela me coûte d'essayer ? Au pire, si ça ne marche pas, je serai fixé, non ? Mais, et si cela me brisait ?

Puis, je me décide de lui faire part de mes réflexions, histoire d'avoir son avis sur le sujet :

- Pourquoi on essaye pas tous les deux ? Tu tentes de passer du temps avec ton amie cet été, pendant ce temps mon père fait sa cure, et après c'est mon tour. Et comme ça on se soutient l'un et l'autre pendant ce temps. Puis, je crois que ça m'aiderait de ne pas être le seul à traverser ça..

Elle relève la tête dans ma direction en entendant mes mots, absolument surprise par ce que je viens de dire. Moi-même, je n'arrive pas à croire en ce que je suis en train de faire.

Elle plaque une main contre sa bouche. Et si c'était une mauvaise idée ? Mais au lieu d'être horrifiée, elle me fait le sourire le plus attendri qui soit.

- Tu as raison, elle me répond, il est temps que chacun d'entre nous prenne du recul par rapport à tout ça. Ça fait beaucoup trop temps qu'on se laisse bouffer par nos problèmes dans notre coin, sans se faire aider, et surtout en les repoussant sans cesse. Ton père, toi, comme moi. Il est temps d'affronter tout ça, que ça nous plaise ou non, même si ça sera douloureux, afin de devenir plus forts.

Elle sirote son café, un air déterminé sur le visage. Rien que pour ça, je suis un peu plus convaincu par l'idée folle que je viens d'avoir. Mais malgré tout, le doute me prend déjà, attendant dans l'ombre son heure pour attaquer sans pitié, comme à son habitude..

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