Chapitre 23 - It's a long way up when you hit the ground
Mercredi 11 janvier
Je suis enfermée dans mon bureau depuis plus de quatre heures maintenant et je n'ai pas relevé une seule fois la tête de mes dossiers. J'enchaine les mails aux clients, les analyses de marché et les propositions commerciales sans m'accorder une seconde de répit. Mon travail m'aide à oublier le trou béant qui orne mon cœur et me permet de ne pas sombrer définitivement. Peut-être n'est-ce pas la bonne solution, peut-être devrais-je plutôt m'ouvrir à ceux qui m'entourent mais actuellement, je ne sais rien faire d'autre que me tuer à la tâche.
Certains de mes collègues m'ont fait des réflexions plus moins désagréables, me reprochant de m'isoler et de ne plus rien partager avec eux. Je les comprends, je ne leur adresse pratiquement plus la parole à part pour leur dire bonjour ou au revoir et je ne mange plus avec eux. Je ne mange même plus du tout. Mais pour ma défense, je n'arrive tout simplement plus à faire semblant. J'ai fait semblant toute ma vie, je fais semblant tous les soirs, laissez-moi au moins m'enfermer tranquillement dans mon bureau toute la journée !
J'ai officiellement barricadé mon cœur derrière un mur de pierre il y a exactement neuf jours. Il était en train de mourir dans d'atroces souffrances alors j'ai utilisé mes dernières forces pour le ramasser, le vider de tout sentiment et l'ensevelir sous une montagne de barrières hermétiques. Depuis, je travaille la journée et je souris faussement le soir. Je passe mes semaines à ignorer les sursauts de mon organe vital en convalescence lorsque mes yeux se posent sur Ethan au détour des couloirs. Et pour l'instant, je parviens plutôt bien à faire illusion.
Quand Ethan m'a supplié de lui revenir, j'ai paniqué. Cette simple demande a tout détruit sur son passage. Au plus profond de moi, je voulais lui appartenir à nouveau. J'ai aimé la sensation de ses mots possessifs flottant autour de moi et cherchant à m'envelopper dans sa bulle qui me manque tant. Mais je ne pouvais pas. Je n'avais pas le droit de me trahir de la sorte. Si je dois retrouver Ethan, je le veux entièrement, pleinement et tout à moi. Je ne veux pas être le secret, la femme cachée qui attend dans l'ombre que son homme lui offre quelques pauvres moments volés par-ci, par là.
Ce soir-là, je lui ai donc définitivement tourné le dos. Et je me suis un peu perdue moi-même mais c'était le prix à payer pour que je puisse encore me regarder dans une glace. Gabriel se tenait à mes côtés et il n'avait aucune idée de la scène qui se jouait sous ses yeux. Il a seulement compris que j'étais au plus mal et sur le chemin du retour il m'a demandé ce qu'il se passait. J'ai baragouiné une excuse pitoyable lui expliquant qu'Ethan était un patron tortionnaire et que je ne me sentais pas très bien. Adorable comme toujours, il ne m'a pas posé plus de questions et il s'est contenté de me caresser furtivement la cuisse pendant tout le trajet. Son toucher me brûlait mais je n'ai rien dit.
J'ai eu toute la peine du monde à m'extraire de sa voiture et à regagner mon appartement. Je savais que j'avais pris la bonne décision mais au fond de moi, il ne restait plus rien. Plus d'envie, plus d'espoir, plus de lumière. Alors, pour la première fois de ma vie, je me suis dirigée vers ma salle de bain et j'ai entamé une boite de somnifère. Il fallait que je dorme et si possible que je me réveille dans un autre monde. J'ai donc déposé une petite pilule dans la paume de ma main et je l'ai avalée.
J'ai dormi treize heures d'affilée. Ma nuit a été noire et sans rêve. Comme mon cœur. Mon réveil m'a sorti de cet état de léthargie et j'ai dû affronter mon corps engourdi ainsi que mon esprit embrumé au petit matin. Bizarrement, je ne me sentais ni reposée ni apaisée. Je ne ressentais rien à part un immense vide. J'avais simplement l'impression de continuellement tomber plus bas, plus loin, plus fort. Tant bien que mal, je me suis redressée et j'ai posé les pieds sur mon parquet gelé. Des flashs ont pris possession de cerveau et une sensation inhumaine de déchirement a parcouru mon corps tout entier. Je voulais me réveiller de ce cauchemar mais malheureusement, je ne pouvais pas. J'étais condamnée à le revivre encore et encore.
Telle une automate, je me suis fait violence pour rejoindre ma salle de bain et me préparer. Quand je suis arrivée dans ma cuisine pour boire un thé, mon regard a immédiatement été attiré par une feuille blanche posée en évidence sur ma table. J'ai découvert l'écriture ronde et le grand cœur de Gabriel, illustré par ces quelques mots :
Ma jolie Candice,
J'ai rapidement jeté un œil à ta voiture et j'ai bien l'impression que les bougies d'allumage sont fichues. Je m'occupe de la faire réparer. Je te laisse mes clés, prends la mienne pour aller au boulot. Ne t'inquiètes pas pour moi, je rentre en bus.
S'il te plait, appelle-moi demain matin, je m'inquiète pour toi. Tu n'étais vraiment pas bien ce soir.
Je t'embrasse,
Gabriel.
Une larme silencieuse a roulé le long de ma joue. Cet homme si attentionné se soucie tellement de moi qu'il est prêt à tout pour me rendre la vie plus douce. Je ne le mérite pas. J'ai donc rassemblé tout mon courage avant de lui téléphoner pour le rassurer. Je suis ensuite allée travailler comme si de rien n'était et nous voilà neuf jours plus tard.
Heureusement pour moi, j'ai réussi à me faire une raison et à me relever. Je ne vais pas vous mentir, j'ai encore mal bien sûr, notamment à chaque fois que je croise Ethan mais c'est mieux ainsi. Je n'aurais jamais supporté de n'être que sa maitresse. Depuis que je l'ai éconduit, Ethan s'est cloitré derrière son masque froid et distant. Son visage est illisible et il ne m'a pas prononcé un seul mot. Il s'est complètement renfermé et même son rictus arrogant si agaçant a totalement disparu. En un mot, j'ai retrouvé le patron glacial des premiers jours.
Cette constatation me fait mal car je réalise tous les dégâts que notre égarement a provoqués. Ces derniers temps, même s'il était rongé par un mal silencieux dont j'ignore tout, j'avais bien remarqué qu'Ethan s'était ouvert. Il paraissait plus détendu, plus chaleureux et surtout plus naturel. Mais ce temps est révolu.
Nos seuls contacts se résument à de simples mails professionnels que nous nous adressons par la force des choses. Marina ne reprenant le travail que la semaine prochaine, je suis dans l'obligation de gérer ses dossiers et notamment le dossier Dior qu'elle suit en collaboration avec notre supérieur. A chaque fois que ma boite mail m'informe de l'arrivée d'un message de mon patron, mon cœur fait un bond incontrôlé, comme s'il attendait de lire des excuses ou des explications. Mais les rares mots contenus dans ses messages ne m'apportent pas la paix tant espérée. Alors je m'en contente et je me recentre sur le seul homme qui a été là pour moi ces dernières semaines.
Gabriel et moi avons mis en place une sorte de routine rassurante et prévisible. Nous nous voyons en général deux fois par semaine puis le samedi. Quelques fois, je le rejoins chez lui après le travail, d'autres fois il passe me voir en sortant d'un chantier. Nous passons la soirée ensemble, Gabriel se fait souvent à manger et ensuite, nous nous installons devant un film auquel je ne m'intéresse pas. Nous n'avons passé aucune nuit ensemble, nous nous en tenons à de chastes et furtifs baisers qui semblent lui suffire pour le moment.
Notre relation est douce, plate et confortable. Je ne sais toujours pas si je dois le considérer comme mon petit-ami et mon cœur bien trop abimé ne bat plus vraiment. Je me noie dans un brouillard épais et je n'arrive pas à avoir les idées claires. Au fond de moi, je sais que j'ai réellement peur de n'être plus jamais capable de ressentir des frissons auprès d'un autre homme qu'Ethan...
Cependant, je refuse catégoriquement cette fatalité. En attendant, je laisse Gabriel prendre soin de moi sans rien lui promettre en échange. Les premiers temps ont été salvateurs et je l'en remercie du fond du cœur. Mais depuis quelques jours, je me débats secrètement avec une culpabilité sans fin qui grossit de jour en jour. Et si j'agissais de la pire des façons envers lui ? J'ai le sentiment de l'utiliser pour me guérir d'Ethan et de le bercer d'illusions. Cette idée me blesse profondément car je ne suis pas ce genre de fille et je ne veux surtout pas le devenir. Alors, je me rassure comme je peux en me disant que je lui offre tout ce qu'il me reste.
Il est maintenant plus de 13h30 et l'étage est complètement désert. Tous mes collègues sont partis déjeuner et moi, je suis restée confinée dans mon bureau. Les mots dansent sous mes yeux et je ne parviens plus à rester concentrée. Je lutte tant bien que mal pour garder l'esprit vif mais je n'ai plus aucune force pour me venir en aide. Même si je dors un peu plus, mes nuits sont agitées, entrecoupées et courtes. Je ne saurais expliquer pourquoi mais la simple idée d'enchainer des bouchées pour me nourrir me rend malade. Je ne supporte plus aucun goût ni aucun poids sur mon estomac. Alors que je sens que mon corps est en train de me lâcher, je sors un petit bout de pain de mon sac. C'est un des rares aliments que je tolère encore. Je mâchouille difficilement ma seule source d'énergie de la journée et me remets au travail.
L'après-midi passe très vite. Après mon petit coup de mou, j'ai réussi à me replonger dans mes dossiers et j'ai laissé filer les heures tout en étant très productive. La sonnerie de mon téléphone me coupe de ma bulle studieuse et mon visage se détend en un petit sourire quand j'aperçois le prénom de Gabriel.
-Allo ?
-Bonjour ma jolie Candice, comment vas-tu ? me demande-t-il d'une voix enjouée.
-Très bien et toi ?
Mon ton, quant à lui, est plutôt morne mais il ne s'en formalise pas. Il connait mes démons et m'accepte telle que je suis.
-Ça ira mieux quand je te tiendrai dans mes bras ce soir. Si le cœur t'en dit, je te propose de passer un moment chez moi et on grignotera un bout tous les deux. Et n'essaie même pas de me dire que tu n'as pas faim parce que lorsque tu auras goûté à ma soupe, tu me supplieras de te resservir !
Je ricane quelques instants à la simple idée qu'il tente de me mettre à l'aise du mieux qu'il le peut. L'autre soir, il m'a avoué qu'il n'aimait pas vraiment les soupes et qu'il n'en mangeait jamais mais quand je lui ai vaguement expliqué que c'est un des seuls plats que je tolère en ce moment, il n'a pas insisté. Il a simplement gardé cette information précieusement dans un coin de sa tête.
-Tu es adorable. Je te rejoindrai avec plaisir ce soir.
Nous continuons de discuter quelques minutes et je ne peux pas ignorer le sourire dans sa voix qui brille jusque dans mon bureau. Après cet agréable moment passé au téléphone avec Gabriel, je me remets au travail. Cependant, mon esprit divague et se perd dans de récents souvenirs. Ma meilleure amie est passée à l'improviste lundi soir pour me rendre visite et elle a été surprise quand Gabriel lui a ouvert la porte. Ses yeux taquins brillaient de malice et elle a tout de suite compris que les choses étaient devenues un petit plus concrètes entre nous. Si vous aviez-vous le regard plein de sous-entendus et le sourire éclatant qu'elle m'a lancé ! Le lendemain matin, elle m'a téléphoné et nous avons longuement discuté au téléphone. Je lui ai bien expliqué que je ne sais pas où cette histoire va me mener et qu'à part quelques sages baisers, nous n'avons rien partagé d'autre mais elle n'a pas semblé vouloir m'écouter. Elle s'est extasiée de longues minutes sur le fait que nous étions « trop mignons tous les deux ensemble » et est restée focalisée sur le regard heureux de Gabriel.
A bien y réfléchir, je crois ne m'être jamais sentie aussi ennuyée d'avoir ce genre de discussion avec Cassiopée. Elle a fait fit de mes réticences et a balayé d'un revers de main mes doutes concernant mes sentiments envers le cousin de son petit-ami. Selon elle, je me prends beaucoup trop la tête et je devrais foncer tête baissée dans cette relation qui ne peut m'apporter qu'un immense bonheur. Quand je lui ai demandé pourquoi je ne ressentais pas encore cet immense bonheur qu'elle semble me promettre, elle a laissé un petit silence s'installer puis m'a répondu que je faisais la difficile, que je devrais accepter ce que Gabriel me propose et arrêter de demander la lune. Je ne vous cache pas que sa réponse m'a abasourdie.
Mais aujourd'hui, je me demande si elle n'a pas tout simplement raison. Je recherche effectivement l'impossible puisque tout ce que je veux, c'est de vibrer dans les bras du seul homme qui m'est inaccessible. J'attends que Gabriel m'offre ce qu'Ethan ne peut pas m'offrir mais c'est une grosse erreur. Je dois définitivement faire le deuil d'une relation à moitié entamée qui n'aboutira jamais afin d'être capable d'avancer à nouveau dans ma vie sentimentale.
Le point positif de ma pseudo-relation avec Gabriel, c'est qu'elle m'a permis de retrouver ma meilleure amie. Depuis le jour de l'an, nous nous appelons plus souvent et nous avons même prévu une nouvelle sortie shopping samedi, chose que nous n'avons pas fait depuis plus d'un mois et demie ! Petit à petit, je me reconnecte avec mon quotidien et le sentiment si déchirant de solitude qui m'habitait ces dernières semaines me quitte progressivement.
Un discret tintement m'informant de l'arrivée d'un nouveau mail me sort de ma rêverie. Avec appréhension, je l'ouvre et une grande déception s'empare de moi quand je lis les rares mots froids et distants qu'il m'a écrits.
Dossier Dior : l'offre doit être envoyée ce soir au plus tard. Faire le nécessaire svp.
Quel gâchis ! Après tous ces moments intenses que nous avons partagés, nous en sommes réduits à communiquer par écrans interposés et à nous en tenir à des sujets professionnels. Tout en me prenant la tête dans les mains, je libère un soupir silencieux. J'ai de plus en plus de mal à accepter que les choses se soient terminées sans une explication claire et plausible entre nous.
J'enchaine les heures de travail sur ce dossier pour parvenir à finaliser l'offre dans les temps. Mon estomac vide entame une rébellion et diffuse une affreuse sensation de faim qui me tiraille les entrailles mais la simple idée de croquer dans un sandwich me révulse. Je vide donc la petite bouteille d'eau posée sur mon bureau puis je me replonge dans mon travail, ignorant par la même occasion toutes les alertes que mon corps tente désespérément de m'envoyer.
Mes collègues quittent leur poste les uns après les autres alors que je reste irrémédiablement enfermée dans mon bureau à essayer de mettre un point final à l'offre que mon supérieur m'a froidement demandée plus tôt. Il est environ 18h30 lorsque je relis avec satisfaction mon document. Je l'envoie par mail à Ethan afin qu'il puisse le transmettre à notre client. J'attends quelques instants pour voir s'il me demande d'y apporter des modifications et en profite pour consulter mon téléphone. Je réalise que le temps de rentrer chez moi me changer et de repartir chez Gabriel, je serai en retard. Je prends alors quelques minutes pour le prévenir par message et consulte à nouveau ma boite mail. Aucun nouveau message de la part d'Ethan.
Je me lève donc afin de rassembler mes affaires et de rentrer chez moi au plus vite. Je me dépêche de fourrer mon téléphone dans mon sac à main et d'enfiler mon écharpe quand un violent vertige me cloue sur place. Je relève la tête et tente de planter mon regard sur l'étagère en face de moi mais mes yeux sont incapables de se fixer sur quoi que ce soit. Les objets commencent à virevolter autour de moi et mon cerveau complètement dépassé ne parvient pas à reprendre les rênes. Une angoissante sensation m'opprime la poitrine, je sens les battements de mon cœur résonner dans mes oreilles et mon sang pulse si fort dans mes tempes qu'il assourdit encore plus mes pensées. Je ne distingue plus rien autour de moi, je vois tout beaucoup trop flou ou beaucoup trop loin ou beaucoup trop près, je ne sais plus. J'esquisse un geste pour me retenir à quelque chose mais mon bureau semble trop éloigné et ma main retombe le long de mon flanc. Une effrayante impression m'envahit, je manque tout à coup d'oxygène et mes oreilles bourdonnent, je n'entends plus rien, pas même mon cœur. Peut-être ne bat-il plus ?
Une monumentale bouffée de chaleur se diffuse maintenant violemment dans mon corps tout entier, infiltrant ainsi chacune de mes cellules pour me faire perdre un peu plus pied à chaque seconde qui passe. Je ne distingue plus que des ombres m'entourant, je ne comprends pas ce qui m'arrive et j'ai l'impression de plonger la tête la première dans un tunnel sombre et étroit dont je ne distingue pas le bout. Je tombe lourdement au sol mais je ne ressens aucune douleur, aucune sensation. Je sais juste que ma tête tourne de plus en plus vite et qu'il fait noir. Très noir.
Mon sang bourdonne de plus en plus fort dans mes oreilles et je ne sais pas combien de temps je reste ainsi, couchée à même le sol sans parvenir à reprendre le contrôle de mon corps. Dix secondes ? Cinq minutes ? Une heure ? Je n'en ai aucune idée. Tout ce que je sais c'est que j'ai l'impression de glisser, de partir puis de m'éteindre.
Soudain, je sens une grande main se poser sur mon visage et tapoter légèrement ma joue. La chaleur qui irradiait mon corps jusqu'à maintenant me quitte brutalement pour laisser place à une armée de frissons bien décidés à dominer ma peau. Mon esprit totalement embrumé tente de se frayer un chemin vers la lumière mais mon corps vide de toute énergie ne lui facilite pas la tâche. Tandis que mes paupières papillonnent doucement, mon esprit lutte du mieux qu'il peut pour se réveiller et ainsi quitter cet espèce d'entre-deux où seuls mon cœur affolé et ma respiration endormie tourbillonnent autour de moi. Je crois qu'un bras musclé se positionne délicatement derrière ma nuque et j'ai l'impression que quelque chose caresse mes cheveux. Cette douceur me ramène petit à petit à moi et mes yeux s'ouvrent enfin.
Devant moi, un mur noir et brumeux m'empêche de percevoir ce qui m'entoure. Je ne sens plus mon corps, je n'ai plus conscience de mes membres engourdis et une profonde panique s'empare de moi. Je veux me débattre, je veux hurler mais je suis prisonnière de mon propre corps. Mais petit à petit, la lumière revient et je me reconnecte avec la réalité.
Ce qui me frappe instantanément, c'est le souffle saccadé et le visage affolé d'Ethan qui me tient fermement. Il s'est accroupi à ma hauteur et son bras gauche est positionné sous ma nuque, ses doigts se perdant frénétiquement dans mes cheveux bouclés. Sa main droite, quant à elle, caresse nerveusement ma joue et mes yeux ne peuvent plus se détacher des siens tant leur intensité est saisissante. Ils me transmettent toute l'inquiétude qu'il ressent en cet instant et j'ai égoïstement envie de rester emmitouflée dans ses bras pour toujours.
-Putain Candice, dis-moi que tu vas bien ?!
Je n'ai pas entendu le son de sa voix depuis neuf longues journées et je ne peux m'empêcher de savourer ce moment. C'est comme si j'avais été privée de mon dessert préféré pendant une trop longue période et qu'on m'autorisait à nouveau à le goûter. C'est exquis ! Cependant son visage fermé et ses traits tendus me ramène rapidement sur terre. Voyant que je ne réponds pas, Ethan se penche un peu plus vers moi et nous sommes maintenant dangereusement proches. Refoulant tous mes désirs, je ferme les yeux une seconde seulement puis je le repousse doucement en posant mes mains sur ses bras.
Surpris par ma réaction, la main d'Ethan resserre un instant sa prise dans mes cheveux avant de plaquer mon visage contre son torse, afin de me garder au plus près de lui. Malgré moi, je ferme les yeux et me délecte de son odeur suave si virile qui envahit tous mes sens. Bon sang que cet homme me manque ! Tandis que je respire de plus en plus fort afin de profiter au maximum de lui, Ethan baisse la tête et plaque sa joue contre la mienne avant de murmurer à mon oreille pendant que ses lèvres humides frôlent ma peau :
-Qu'est-ce qu'il s'est passé Candice ? Tu vas bien ?
Sa voix est posée mais je distingue facilement toute l'angoisse qui l'habite. Mon cœur éperdu fait des bonds à la simple idée qu'il s'inquiète pour moi.
-Je vais bien, ne t'en fais pas. C'était juste un... un petit coup de mou, rien de plus.
Ma voix tremblote et j'ai du mal à maitriser les trémolos qui obstruent mon timbre. J'aimerais me bercer d'illusions en me faisant croire que mon malaise en est le seul responsable mais je ne peux pas nier la présence d'Ethan qui me fait perdre tous mes moyens. Quand je sens que mon corps a retrouvé un semblant de vitalité et que le désir commence à se frayer un chemin menaçant dans mes veines, j'ignore les incessants appels de mon cœur en détresse et repousse Ethan. Je ne lui montre pas le mal que ce simple geste provoque en moi et je me redresse tandis qu'il me prend fermement la main pour me guider.
Nous nous tenons désormais tous les deux debout au centre de mon bureau et je ne remarque que maintenant que le contenu de mon sac à main est éparpillé à mes pieds, partout autour de nous. Ethan ne me lâche pas du regard et mon cœur commence à cogner beaucoup trop fort dans ma poitrine au moment où son pouce se met à caresser le dos de ma main. Ma peau se recouvre instantanément de frissons sous son passage et mon ventre se noue si fort que je me demande comment je vais bien pouvoir lui résister.
-Je...je... j'ai entendu un énorme bruit et puis plus rien... j'ai couru voir ce qu'il se passait et...je... je t'ai trouvé là, par terre, inanimée.
Mon cœur manque de se décrocher de ma poitrine pour s'envoler vers les étoiles quand je l'observe me couver du regard avec anxiété. J'ai l'impression qu'il a eu peur pour moi bien sûr, mais surtout qu'il a maintenant peur que je lui échappe. Il passe sa main gauche dans ses cheveux tout en les tirant nerveusement mais sa main droite ne lâche toujours pas la mienne. Pourtant, malgré toutes les sensations vertigineuses que le simple contact de sa peau contre la mienne déclenche, je me sens vidée de toutes mes forces et mes jambes peinent à me soutenir. Ethan le remarque et il me guide immédiatement vers ma chaise, me laissant m'assoir tout en s'agenouillant devant moi. Il libère alors ma main et une atroce sensation de manque m'envahit. Sans attendre, il pose maintenant ses deux paumes sur mes cuisses et je réprime le frémissement qui tente de pulser dans tout mon système nerveux. Je ne dois pas oublier l'impasse dans laquelle nous sommes mais bon sang, que c'est difficile quand je le vois si beau et si près de moi !
-Tu es toute pâle Candice... Que t'arrive-t-il ? Tu veux manger un truc ? Attends, bouge pas...
Avant même que j'ai le temps de l'arrêter, il se met à fouiller la poche arrière de son pantalon et en ressort un bonbon. Je ne peux m'empêcher de sourire en le voyant arborer cette sucrerie enfantine. Il plante son regard dans le mien mais le détourne aussitôt, subitement gêné.
-Je sais, c'est con mais c'est le seul truc sucré que j'ai sous la main, marmonne-t-il tout en rougissant légèrement.
Je le trouve tellement adorable en cet instant que je ne peux m'empêcher de poser ma main sur sa joue et de caresser furtivement sa peau lisse. Sa barbe rugueuse me manque mais sentir la chaleur de son corps si près du mien me fait oublier ma petite déception. Surpris par mon initiative, le corps d'Ethan se raidit un instant mais il se reprend vite et passe brusquement sa main droite dans mes cheveux pour les agripper fermement. Son regard plein d'espoir me rappelle immédiatement tout ce qui nous sépare et je retire précipitamment ma main, comme si j'étais en train de me bruler dans les flammes de l'enfer. Ethan soupire et baisse le regard, comprenant instantanément que mon moment d'égarement est terminé. Il me tend alors le bonbon et une agréable sensation sucrée et citronnée tapisse mon palais.
Malgré ma fébrilité, je me force à me reprendre, j'ai bien trop conscience que notre proximité est dangereuse. De ma main gauche, je repousse ses doigts toujours accrochés à ma chevelure. Vaincu, Ethan baisse les yeux et me laisse l'éloigner de moi. Je vois son beau visage se renfrogner quand il enfonce ses poings dans ses poches. Le cœur serré d'avoir encore et toujours à être raisonnable, je me lève et ne laisse rien transparaitre. Je rassemble rapidement mes affaires éparpillées au sol et les fourre dans mon sac à main avant de quitter cette pièce où bien trop de choses pourraient se passer.
Au moment où je passe le seuil de mon bureau, je me retourne et aperçois Ethan debout au milieu de la pièce. Il reste immobile, le visage fermé et le regard intensément vrillé au mien. Ses yeux me supplient de rester et de lui accorder une nouvelle chance et même si mon cœur et mon corps me hurlent de me fondre en lui, ma raison me rappelle que je ne pourrai jamais supporter d'être son second choix. C'est ainsi que pour la énième fois depuis plusieurs semaines, mon cœur se fissure un peu plus lorsque, la gorge nouée, je lui lance :
-Merci de ton aide, Ethan.
Je n'attends pas qu'il me réponde et pars sans me retourner. A chaque pas qui m'éloigne de lui, je sens mon ventre se tordre un peu plus sous la déception et la frustration. Je refoule des larmes amères et mon esprit en surchauffe se met à m'assaillir de questions. Mais pourquoi a-t-il fallu que je tombe sous le charme cet homme interdit ? Et pourquoi je n'arrive pas à l'oublier malgré toutes les attentions de Gabriel ? Et surtout, pourquoi ne me laisse-t-il pas partir alors qu'il le seul responsable du gouffre qui nous sépare ?
J'use de mes dernières forces mentales et physiques pour me rendre chez Gabriel et après avoir réussi à avaler la moitié d'un bol de soupe, je m'écroule sur son canapé et m'endors pendant qu'il fait la vaisselle. Alors que je sombre pour rejoindre les bras de Morphée, je n'entends plus que la voix d'Ethan qui résonne délicieusement en boucle dans ma tête alors que Gabriel est toujours en train de me parler depuis sa cuisine. Mon esprit se met cruellement à imaginer un monde soyeux où rien ne me séparerait d'Ethan et je me laisse envelopper par ce leurre. Quelques heures plus tard, la désillusion n'en est que plus brutale au moment où j'ouvre les yeux et que mon regard se pose sur Gabriel.
Cela fait déjà huit jours qu'Ethan m'a porté secours après mon malaise et depuis, beaucoup de choses ont changé. Il ne m'ignore plus, il m'adresse même parfois la parole et surtout j'ai retrouvé son petit rictus si séduisant. Il a enfin décidé de déposer son armure d'acier à ses pieds et il me laisse à nouveau lire son visage avec délectation. Même s'il essaie de paraitre indifférent, je remarque bien que son regard est légèrement plus étincelant.
J'ai également plusieurs fois surpris Ethan en train de m'observer à mon insu. Il reste toujours à bonne distance mais le regard brûlant qu'il pose irrémédiablement sur moi me réchauffe le corps tout entier. Je n'ai pas besoin de capter ses pupilles, je sais qu'il est là et qu'il m'emmitoufle inexorablement dans la chaleur invisible de ses prunelles. Alors je ferme furtivement les yeux et le cœur battant, je savoure cette sensation unique que seuls lui et moi ressentons. Cette connexion qui nous engloutit petit à petit me fait autant peur qu'elle m'exalte. Je ne l'échangerai pour rien au monde car ce lien unique qui m'unit à Ethan est la seule chose qui nous reste mais je dois bien avouer que c'est ce même lien qui m'empêche d'avancer et que je dois obligatoirement le rompre si je veux un jour l'oublier définitivement. Pour l'instant, malgré ma volonté et ma détermination, je n'en ai pas été capable. En sa présence, mon cœur continue de s'emballer, ma respiration de s'accélérer, mon ventre de se nouer et mes résolutions de flancher imperceptiblement chaque jour un peu plus.
La sonnerie de mon téléphone me sort de ma rêverie. Je relève le nez de mes dossiers et jette un coup d'œil à mon horloge. Il est 13h50 et Gabriel vient de m'envoyer un message pour me prévenir qu'il m'attend à l'entrée de la soierie. J'attrape les clés que je dois lui rendre et quitte mon bureau pour le rejoindre. Quand j'arrive devant les portes de mon entreprise, un beau soleil brille dans le ciel. Je me recroqueville dans mon manteau en sentant l'air frais s'infiltrer dans ma peau mais je profite de cet agréable moment, moi qui suis bien trop habituée à la lumière artificielle de mon bureau ces derniers temps.
-Bonjour ma jolie Candice, me susurre Gabriel tout en se penchant pour me déposer un léger baiser sur la tempe.
La douceur de cet homme me bouleversera toujours...
-Tiens, voici tes clés. Et encore désolée de les avoir oubliées dans mon sac à main.
-Ca m'a permis de te venir te voler un baiser alors je ne vais pas m'en plaindre !
Je rougis tandis que certains de mes collègues passent à côté de moi pour rejoindre leur poste. Notre pause touche bientôt à sa fin et je ne vais pas pouvoir m'éterniser ici. Alors que nous discutons encore une minute, un courant électrique me parcourt des pieds à la tête en moins d'une seconde et je comprends tout de suite. Mes yeux scrutent les alentours à sa recherche et je n'écoute déjà plus Gabriel qui se tient toujours face à moi. Mes prunelles se posent enfin sur Ethan qui quitte sa voiture et s'avance maintenant d'un pas décidé vers nous, la mine totalement fermée. Son regard plein d'avertissement pèse sur moi et je me sens tout à coup extrêmement mal à l'aise. Voyant que je ne lui prête plus aucune attention, Gabriel se rapproche maintenant de moi alors qu'Ethan me garde toujours prisonnière de lui. Gabriel tourne brièvement sa tête dans la direction de mon supérieur puis repose ses yeux sur moi tout en positionnant possessivement sa main sur ma nuque. Sa prise se fait plus ferme que d'habitude et son geste m'interpelle. A contrecœur je déconnecte mes pupilles de celles d'Ethan et je plante mon regard interrogateur dans celui de Gabriel. Je réalise alors que nous nous tenons si proches que son torse est pratiquement collé au mien et cette attitude ne lui ressemble pas. Il ne m'a jamais voulu si exclusivement et j'en reste légèrement abasourdie. J'entends les pas courroucés d'Ethan qui s'approche de nous et au moment où il arrive presque à notre hauteur, Gabriel se penche et dépose avidement ses lèvres sur les miennes.
Son baiser est soudain, légèrement brusque et plus appuyé qu'à l'accoutumée. Ses lèvres se montrent sous un nouveau jour, plus voraces et affamées. Pour la première fois depuis que nous nous fréquentons, sa langue s'infiltre dans ma bouche pour venir s'enrouler maladroitement à la mienne.
-A l'avenir, veuillez éviter ce genre de démonstration sur votre lieu de travail mademoiselle Dumin.
Immédiatement, je pose mes deux mains sur les bras de Gabriel pour le repousser et je décale ma tête. Une désagréable sensation s'est infiltrée dans mes veines, le regard accusateur d'Ethan s'est gravé dans ma chair alors que le désir que je lis dans celui de Gabriel me tord le ventre. Mes collègues continuent d'affluer à nos côtés pour reprendre le travail et je n'ai pas le temps de tergiverser trop longtemps à propos de ce qui vient juste de se passer. Gabriel se penche pour me déposer un nouveau baiser sur les lèvres mais je me raidis et recule pour l'éviter. Immédiatement, Gabriel fronce les sourcils et m'interroge du regard.
-Excuse-moi mais... ça me gêne de me donner en spectacle devant mes collègues. Je n'ai pas l'habitude, je suis plutôt réservée tu sais.
J'essaie de l'amadouer afin de ne pas le brusquer et même s'il acquiesce en souriant, je sens bien que ma réaction l'a quelque peu renfrogné. Mais je suis bien obligée d'avouer que la simple idée d'avoir accepté un baiser de Gabriel sous les yeux d'Ethan me vrille les entrailles. Même si mon attitude est complètement injustifiée, je ne peux pas m'empêcher d'avoir le sentiment d'avoir trahi Ethan. Ma pauvre Candice, c'est lui qui te ment et te manipule en te cachant l'existence de sa femme et toi tu culpabilises pour un pauvre baiser avec ton... « petit-ami » ? Tu ne lui dois absolument rien !
Je rejoins mon bureau alors que la voix de ma raison tente toujours de faire taire ma culpabilité mal placée. Quand j'arrive au second étage, je vois Ethan faire les cent pas devant l'entrée de mon bureau. Son visage est sombre, ses poings blanchis et son corps tout entier est tendu. Lorsqu'il entend que je m'approche de lui, il pivote brusquement et ses iris noirs de colère me lancent des éclairs. Il ne perd alors pas une seconde pour réduire la distance nous séparant et se plante devant moi, me surplombant de toute sa magnificence. Un mélange détonant de désir et de gêne s'empare de moi et je redoute alors le moindre mot qui va passer la barrière de ses lèvres délicieuses. Mon cœur bat la chamade, je n'ose pas respirer tant j'appréhende les secondes qui virevoltent autour de nous et je me mets à triturer nerveusement mes doigts sans m'en rendre compte.
La voix rauque si électrisante de mon patron claque dans l'air et je me liquéfie sur place quand son ton froid et cassant s'abat sur moi.
-Prenez vos affaires et rejoignez-moi en bas dans cinq minutes. Nous partons dans les locaux de Dior.
Il tourne les talons et disparaît dans l'ascenseur. Je sors de ma transe et me dépêche de rassembler mes affaires et mon dossier avant de regagner le rez-de-chaussée. Mon ventre est si noué et mes jambes tremblent si fort que je peine à avancer correctement. Je repère la voiture d'Ethan garée devant la porte d'entrée et je me hâte de m'engouffrer dans le véhicule. Le silence nous entourant pendant tout le trajet est pesant et angoissant. A plusieurs reprises, je prends mon courage à deux mains et pose mon regard sur le visage soucieux et torturé d'Ethan. La fatigue déforme toujours ses traits mais ce qui me frappe instantanément, c'est la colère qui a pris possession de tout son être. Son corps tout entier est raide, comme s'il se préparait à attaquer ou qu'il cherchait par tous les moyens à se maitriser pour ne pas exploser.
J'ai le droit de fréquenter qui je veux. Alors pourquoi est-ce que je me sens si mal ?
Notre rendez-vous se passe très bien, comme à son habitude Ethan joue au patron parfait et aucun de nos collaborateurs ne peut s'imaginer une seule seconde que nous nous tenons tous deux dangereusement au bord d'un précipice destructeur. En revanche, une fois que nous reprenons la route pour rentrer, l'atmosphère se charge à nouveau d'électricité. Ethan garde les yeux rivés sur la route et ses iris noirs ne daignent même pas me porter la moindre attention. Il roule vite mais sa mâchoire contractée à l'extrême ne me pousse pas à briser la glace. Une colossale boule d'angoisse s'est logée au plus profond de mon estomac et je tente de toutes mes forces de paraitre indifférente à ce gouffre effrayant qui nous sépare constamment.
Les secondes passent comme des heures et le silence qui nous oppresse commence à me rendre folle. J'ai envie de secouer Ethan et de lui demander pourquoi il se comporte ainsi avec moi, soufflant le chaud et le froid suivant ses envies. J'aimerais savoir pourquoi il me jette sa froideur au visage depuis qu'il a vu Gabriel m'embrasser alors que je n'ai aucune leçon à recevoir de lui. Je voudrais crier, hurler même et l'enlacer si fort que sa colère disparaitra à tout jamais. Mais je ne fais rien parce qu'au-delà de la confrontation, je redoute surtout ses réponses. Je reste donc immobile, recroquevillée sur mon siège, le cœur au bord au bord des lèvres et le corps si tendu que j'ai mal dans chaque parcelle de ma peau.
Quand nous arrivons sur le parking de la soierie, je remarque qu'Ethan se gare tout au fond du parking, sur le côté du bâtiment. Il éteint le moteur de son véhicule et garde les yeux rivés droits devant lui, perdus au fin fond de pensées torturées. Immédiatement, je pose ma main sur la poignée afin de m'extraire au plus vite de cet enfer mais Ethan verrouille avec précipitation les portières, anéantissant ainsi instantanément mon mince espoir d'éviter une confrontation. Essayant maladroitement de maitriser l'exaspération qui se fraye un chemin dans mes veines, je me tourne vers Ethan et lui demande, la mâchoire serrée :
-Ouvre-moi.
Quand mes paroles l'atteignent, il pivote brusquement la tête pour enfoncer ses pupilles assassines dans les miennes. J'ai l'impression qu'il attendait que je prenne la parole pour lancer les hostilités. Et nous y voilà.
-Tu t'es bien foutu de ma gueule, hein ? me lance-t-il dans un rire cynique et vide.
Je sais exactement à quoi il fait allusion et ma colère commence à prendre possession de moi. Sans plus réfléchir, je défais ma ceinture et approche inconsciemment mon corps du sien tout en agitant convulsivement mon doigt sous son nez.
-Alors là, Ethan, un conseil : ne t'engage pas sur ce terrain miné. Je n'ai aucun compte à te rendre et tu n'as absolument pas le droit de me faire le moindre reproche. Maintenant, ouvre cette portière !
Je fais de mon mieux pour ne pas m'emporter mais je sais pertinemment que je ne pourrai pas me maitriser très longtemps. Je vois la respiration d'Ethan s'accélérer et son regard noir et plein de reproches transperce mon âme. Son visage fermé s'approche encore un petit plus près du mien.
-Et dire que pendant tout ce temps, je me prenais la tête pour rien ! Tu n'as pas perdu de temps pour passer à autre chose apparemment. Il laisse planer un lourd silence quelques secondes puis reprend. Quand je pense à tes belles leçons de moral... Tu me fais bien rire !
-De nous deux, Ethan, ce n'est pas moi qui ai tout gâché. Ce n'est pas moi qui suis mariée et ce n'est pas moi qui rejoignais quelqu'un d'autre le soir quand on se fréquentait. A l'époque, j'étais entièrement libre et prête à me consacrer à toi d'une manière ou d'une autre, mais ce temps est révolu. Tu as tout détruit et j'essaie juste de me relever comme je peux.
Je scrute frénétiquement le tableau de bord à la recherche d'une issue de secours tout en retenant les quelques larmes qui tentent de perler au coin de mes yeux. Le visage d'Ethan se tient dangereusement près du mien et je peux maintenant distinguer une lueur poignante de culpabilité traverser ses beaux iris. Au moment où j'appuie avec soulagement sur le bouton pour déverrouiller les portes, j'ignore avec douleur tout ce que ses reproches provoquent en moi. Le cœur martelant ma poitrine, je quitte le regard dévastateur d'Ethan et ouvre ma portière mais Ethan agrippe instinctivement mon bras gauche et me tire jusqu'à lui.
Mon cœur se décroche immédiatement de ma poitrine et se met à flotter fébrilement autour de nous. Il ne tient qu'à Ethan de l'exploser violemment au sol ou de le capturer délicatement pour le garder précieusement tout contre lui. Suspendue à ses lèvres, je retiens ma respiration. Sa main gauche se pose alors avec la plus grande délicatesse sur ma joue et son pouce se met à effleurer lentement ma pommette. Sa douceur me désarme immédiatement et mon corps s'affaisse légèrement, l'autorisant ainsi à m'approcher plus que de raison. Je ne peux m'empêcher de fixer avidement ses belles lèvres charnues lorsqu'elles s'entrouvrent pour m'asséner le coup de grâce.
-Je ne veux plus jamais revoir ça. Plus jamais, tu m'entends ? murmure-t-il les yeux fermés.
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