Chapitre 1
Il relit chacun des mots apparaissant sur son écran, un à un, réfléchissant à ceux-ci, son pouce effleurant la touche Envoyer sans jamais véritablement appuyer dessus. Cela fait plusieurs fois maintenant qu'il les efface pour les écrire de nouveau, trouvant que les formulations utilisées ne retransmettent pas suffisamment ses émotions. Il n'arrive pas à trouver la tournure appropriée, la manière de dire les choses. Et cela le frustre énormément. Il n'a pas le talent d'écrivain d'Izuku, ou celui d'orateur de Katsuki. Il a du mal à dire ce qu'il a sur le cœur comme peut le faire Tsuyu, et ne parvient pas à garder son calme comme Ochako. Tout cela est bien trop compliqué. Trop longtemps a-t-il tu ses sentiments pour parvenir à les exprimer avec exactitude maintenant. Ses lèvres se pincent. Il s'apprête à mettre ses appréhensions de côté pour finalement publier ce pavé de mots, laisser à la vue de tous le contenu actuel de son cœur, lorsqu'il s'arrête net, interrompu par la voix de son frère.
« Shouto, le repas est prêt ! »
Ses paupières se plissent. Un soupir lui échappe. Il sélectionne la totalité de son texte et, sans y réfléchir davantage, supprime celui-ci avant de se lever du canapé pour se diriger vers la petite cuisine de l'appartement de Touya, de laquelle lui parvient une bonne odeur de potiron. Il le réécrira, une fois encore. Il finira par coucher sur cet écran des mots qu'il juge satisfaisant. Cela ne se fera probablement pas ce soir, comme cela ne s'est pas fait celui d'avant, ou celui d'encore avant. Mais il y parviendra.
Rangeant son téléphone dans la poche de son jean, il s'attable face à son frère qui finit de verser le contenu d'une casserole dans deux bols : une soupe de couleur orangée, de laquelle vient la fameuse odeur. Il attrape le sien, remercie l'autre garçon et se met à délicatement souffler sur son repas encore bouillant. C'est un plat simple, très simple comparé à ce qu'il avait l'habitude de trouver à table lorsqu'il vivait encore chez son père, mais il ne s'en plaint pas. La nourriture n'en demeure pas moins bonne et rassasiante et, au moins, l'ambiance est bien meilleure, ici. Ce qui, il trouve, donne un encore meilleur goût aux plats modestement préparés par son frère et lui.
« Y'a de la crème fraîche au frigo, si tu veux, l'informe celui-ci.
- Mhm. »
Soufflant sur son propre bol, Touya observe son cadet d'un air préoccupé. Voilà plusieurs jours que ce dernier ne semble pas au mieux de sa forme. Il sait qu'il se trouve parfois en proie à des chutes d'humeur, à des moments pendant lesquelles il ne se sent vraiment pas bien à cause de la période où il vivait sous le toit de leur géniteur : il sait qu'il ne se remettra pas des agissements de cette pourriture du jour au lendemain, surtout avec cette cicatrice ornant son visage. Mais il est tout de même rare pour Shouto de passer autant de temps dans un tel état. Il doit probablement y avoir autre chose. Cela fait près de trois ans qu'ils vivent sous le même toit alors il commence à le connaître, son cher petit frère qu'il n'avait pas vu depuis cinq bonnes années avant cela.
« Ca va, en ce moment ? s'enquit-il auprès du plus jeune.
- Plus ou moins, répond celui-ci en portant délicatement son bol à ses lèvres.
- Plutôt dans le plus, ou plutôt dans le moins ?
- Mmh... »
Après avoir avalé une gorgée de soupe et esquissé une grimace à cause de la chaleur trop importante émanant encore de celle-ci, Shouto repose le contenant et se lève pour se rendre au niveau du réfrigérateur qu'il ouvre afin d'en sortir le pot de crème mentionné plus tôt par son frère.
« Je ne saurais pas trop dire, soupire-t-il en regagnant sa place. Peut-être plutôt dans le moins.
- Tu veux m'en parler ?
- Je ne sais pas. Pas dans l'immédiat.
- D'accord. Hésite pas, hein. » l'encourage l'aîné dans un léger sourire que lui rend son cadet dans un hochement de tête.
A quoi cela pourrait bien lui servir de parler de son incompréhension du monde à Touya ? Ce dernier ne serait pas en mesure de lui apporter de solution. Personne ne le serait à moins d'un changement brutal au sein de la société. Certes, sur le moment, il se sentirait probablement écouté, moins seul. Mais cela ne durerait que temporairement avant que la colère et l'impuissance ne revienne s'emparer de lui.
Et puis, comme si une seule préoccupation ne suffisait pas, un autre tracas occupe également une partie de son esprit mais... Il ne s'en voit pas en parler à qui que ce soit. Il ne saurait même pas comment aborder le sujet. Alors il préfère garder le silence et ses problèmes pour lui-même, du moins pour le moment.
Le reste du repas est animé par des sujets légers ; Touya parle de son travail et Shouto de la fac. Ils discutent de leur journée, des petites choses qu'ils avaient gardé dans un coin de leur tête pour les ressortir à cet instant précis. Et puis, lorsqu'ils ont tous deux finis de manger, ils s'attèlent à la vaisselle, le plus jeune nettoyant et l'autre essuyant et rangeant les choses à leur place respective.
Tout ceci terminé, le bicolore décide de se rendre dans sa chambre, qui était originellement celle de son frère, rejetant la proposition de ce dernier de regarder quelque chose en sa compagnie. Il ne fera pas long feu. Il est fatigué de sa journée et va probablement se contenter de se glisser dans son lit pour regarder des vidéos sur son téléphone, ou continuer ce roman qu'Izuku lui a prêté. Il troque alors ses vêtements pour son pyjama, éteint la lumière pour ne laisser allumée que sa petite lampe de chevet, et va se mettre bien au chaud sous ses couvertures. En ce moment, il n'existe pas d'endroits où il se sente mieux qu'ici, coupé du monde extérieur et de ses problèmes. Il soupire avec satisfaction et aise et, serrant son oreiller contre lui, attrape son téléphone pour déverrouiller celui-ci, découvrant alors qu'un message non-lu l'attend.
Le destinataire n'est pas enregistré dans son répertoire mais avec ce qu'ils s'étaient envoyés précédemment, Shouto n'a aucun mal à savoir de qui il s'agit.
[ t'es dispo demain ? ]
Son plan-cul du moment. L'une des personnes à qui il a le moins envie de parler actuellement, après son père.
Dispo, il l'est probablement. En tout cas, il ne se souvient pas avoir quoi que ce soit de prévu. Se mordant l'intérieur de la joue, ses iris parcourent le message plusieurs fois. Concrètement, il n'a rien contre cette personne. Mais la voir est, pour lui, bien plus éreintant qu'autre chose. Les activités auxquelles ils s'adonnent deviennent peu à peu un véritable supplice de son côté. Et ce n'est pas la première fois que c'est le cas, bien loin de là. A chaque fois que Shouto se trouve un partenaire avec lequel il se met d'accord pour ne partager qu'une relation purement charnelle, il en ressort épuisé, presque dégoûté. Peut-être le fait qu'il ne ressente jamais rien à leur égard devrait lui mettre la puce à l'oreille. Pourtant, aucun d'entre eux ne possède un physique déplaisant, bien au contraire ! Le bicolore peut même les qualifier d'attirants sans aucun problème. Mais le désir ne pointe jamais le bout de son nez, lorsque vient le moment de passer à l'acte. Bien sûr, les stimulations et l'attention qu'il peut recevoir de leurs parts parviennent à l'exciter, là n'est pas le problème. Ce dernier réside autre part. Et Shouto n'arrive pas à identifier son origine. C'est sûrement pour cette raison qu'il ne garde jamais un plan-cul plus d'un mois. Pour trouver une personne qui saurait enfin lui donner envie. A quoi bon coucher avec quelqu'un que l'on ne désire pas, de toute façon ?
C'est également l'une des raisons pour lesquelles il a commencé à enchaîner les partenaires de cette façon. Parce que, aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'a jamais ressenti la moindre attirance sexuelle envers qui que ce soit. L'exploration de son corps, ses hormones, la période normalement agitée qu'est l'adolescence... Rien n'aura parvenu à allumer ce désir. Il n'éprouve aucune difficulté à se faire du bien en solitaire, pourtant. Mais lorsqu'il s'agit d'entamer la moindre danse charnelle avec quelqu'un d'autre... Pas moyen d'y arriver. Le but de ces aventures est alors un moyen pour lui de se prouver qu'il peut, comme tout le monde, ressentir cette envie si convoitée.
Pour le moment, cependant, c'est un échec cuisant.
« Je répondrai plus tard... » souffle-t-il en fermant la conversation.
Tout ce dont il a envie, là, tout de suite, c'est d'un peu de solitude. Il ne veut pas commencer la moindre discussion avec qui que ce soit, ou même faire le moindre plan pour les jours à venir. Il veut seulement se détendre, vider son esprit de toutes ces choses l'arpentant sans relâche. Parce que s'il venait à avouer maintenant à son plan-cul qu'il préfère qu'ils ne se fréquentent plus, il devrait probablement se confondre en excuses, justifications et explications. Et il n'en a clairement pas l'énergie.
Remontant sa couverture jusqu'à s'en retrouver emmitouflé de la tête aux pieds, il s'isole entièrement de l'extérieur et décide de lancer, depuis l'application YouTube, la nouvelle vidéo d'un Let's Player anglophone parvenant toujours à faire remonter son moral, lui faisant stopper le temps de quelques minutes le train bien trop rapide et chargé de ses préoccupations.
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Bonjour, bonsoir! :D
Voilà, je me mets enfin à la publication des chapitres de ce second tome de Malgré nos Différences! Il devrait y en avoir un par semaine, ou toutes les deux semaines, selon ce que ma santé me permettra!
Et ne vous en faites pas, nous reverrons notre Wonder Duo dans le prochain chapitre. ;)
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