Chapitre 3 - Adieu Okmyzmo

Une porte grinçante s'ouvrit sur une pièce étroite, sombre et en désordre.
Mabaïka y avança en chassant la poussière de sa petite main, jusqu'à une fenêtre aux volets fermés qu'elle ouvrit en grand, remplissant la pièce de lumière et d'air frais.

Elle se laissa s'effondrer sur son lit, la tête dans un véritable oreiller, cette fois.
Cette pièce lui rappela à quel point elle était seule. Personne ne l'avait attendue hier, s'inquiétant qu'elle ne rentre pas. Personne ne lui faisait la morale parce qu'elle avait encore trop lu jusqu'à s'écrouler de fatigue.
Personne ne prenait soin d'elle.

Il n'y avait que, sur sa petite table de chevet en bois frêle, une image de deux fées souriantes tenant un nourrisson dans leurs bras. L'homme, au visage presque rectangulaire et avec une fine moustache, portait le côté de la tête de l'enfant, tandis que la femme au sourire radieux et aux yeux trop pleins de joie tenait le bassin, emmitouflé dans un tissu blanc, afin de cacher les moignons qui lui servaient de jambes.

Cette image, Mabaïka ne pouvait pas la voir, puisqu'elle l'avait tourné face cachée sur son meuble, tant cela lui faisait mal.
Elle n'avait pas compté les années qui s'étaient écoulées depuis la mort de ses parents.
Ça n'avait pas été un accident dramatique leur coûtant la vie, ni même une guerre ou une attaque d'un quelconque peuple belliqueux; le destin était bien trop cruel pour lui laisser un coupable à haïr, ou une vengeance à mener.

Non, ils étaient juste morts de maladie. Pas même une épidémie effroyable fauchant des vies par milliers, non, juste un maladie normale, qui était tombé sur ce couple, sans que quiconque puisse faire quoi que ce soit.
La petite Mabaïka, qui était déjà timide avant ces événements, s'était alors encore plus enfermée et tournée vers elle-même.

Cette réclusion ne l'aida absolument pas quand elle fut mise en orphelinat, pour qu'elle puisse habiter quelque part et aller à l'école. Les autres enfants se moquaient de cette petite fée timide et peureuse à qui il manquait les jambes. Ils la surnommaient Mabaïka la macabre, ou simplement Makabra, et ce nom sonnait dans leur bouche comme une insulte contre elle.
Elle qui était tournée vers elle-même et vers les livres. Vers les histoires, les contes, les mythes, les légendes de tout les peuples d'Okmyzmo, pour s'échapper de ce monde de souffrance vers ses propres univers imaginaires et merveilleux.

Une pensée la traversa. Était-ce pour cette raison qu'elle s'était fixée, depuis quelques temps, à ce voyage vers le Monde des Ombres ?
Le berceau des Ténèbres pouvait-il être un endroit moins sombre qu'Okmyzmo ?

Mais, au final, qu'en avait-elle à faire qu'un autre monde existe ou non ? Cela ne ramènerait pas ses parents, et cela ne soignerait pas non plus les douleurs de ce monde-ci, si ?
Y aller pour échapper à ses souffrances, ne serait-ce pas une sorte de fuite ? Fuir ses peurs plutôt que de les affronter en face ?

Mabaïka chassa toutes ces questions de son esprit. Elle voulait juste vivre avec son passé derrière elle, et écrire ce qui lui restait à voir, faire ce qu'elle voulait.
Et, ce qu'elle voulait en ce moment, c'était aller sur ces terres de Légendes, un point c'est tout.

Après s'être assez reposée pour rattraper ses heures de sommeil, la fée commença à rassembler ses affaires et à faire ses bagages. C'était décidé : elle irait à la poursuite de ses chimères, à la chasse aux rêves.

Elle ne se retourna même pas en fermant la porte, ne voulant plus jamais revoir cette pièce miteuse de sa vie.
Déployant encore une fois ses splendides ailes grises, elle plana en tenant un gros sac plein à craquer à bout de bras.

Depuis en haut, Okmyzmo était tout bonnement splendide. Mabaïka vivait dans la région dite "verte" de l'île principale, dotée de dizaines de types de forêts différentes, toutes plus riches et diverses que les autres. Le soleil se reflétait sur les feuilles grasses, miroitant mille et un reflets sur les sols fleuris des clairières, et de nombreuses sources d'eau pure jaillissaient ça et là.

Cette végétation luxuriante se profilait jusqu'aux côtes, comme si la ville portuaire avait été construite entre les arbres pour ne pas détruire ce précieux sanctuaire sacré.

Très peu de bateaux proposaient un voyage vers l'île noire, puisqu'on disait que peu en revenaient.
En même temps, si peu y allaient, il était normal que peu en reviennent. Mabaïka n'avait aucun chiffre sous la main pour démonter ou confirmer ces rumeurs qui n'existaient de toutes façons que pour dissuader les gens de s'y rendre.
Un but assez vain dans le cas de la fée, puisqu'elle était plus que déterminée.
Si son passé se trouvait dans les villes de l'île centrale, son avenir se dirigeait droit vers les Ténèbres.

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