Chapitre 1 - La bibliothèque


Un énorme fracas se fit retentir dans toute la bibliothèque, brisant totalement le silence qui faisait loi jusque là.

L'entièreté des personnes présente dans la salle de lecture se retourna en même temps, plus ou moins rapidement, vers la source du bruit, mais seuls quelques lecteurs ainsi que la gérante des lieux se levèrent pour aller voir ce qui s'était passé, après de longues secondes d'hésitation.

Des gémissements de douleur menèrent ces curieux jusqu'à un rayon d'étagères remplies de livres d'histoire, au centre duquel gisait une jeune femme effondrée par terre, essayant vainement de se relever, bloquée sous une échelle renversée.

Ils s'affairèrent pour aider la pauvre fille à se dégager de là, et furent pris de panique quand ils découvrirent que celle qu'ils avaient sauvé n'avait plus de jambes sous sa robe blanche.

« Mademoiselle, est-ce que vous allez bien ?, demanda un du groupe, alors que les autres formaient un cercle autour d'elle en s'agitant plus que de raison.

- Grmlbmm, soupira-t-elle en se relevant lentement en se tenant la tête. Ses longs cheveux noirs décoiffés par l'accident tombaient sans cesse devant son visage.

- Que s'est-il passé ?, la questionna un autre lecteur.

- J'suis tombée..., couina-t-elle en tentant de se lever. Action qui se révéla inefficace, puisqu'elle n'avait pas de jambes.
Elle soupira longuement en se laissant retomber sur le parquet de la bibliothèque.

Alors que tout le monde se pressait autour d'elle en l'assaillant de questions et d'attention, l'accidentée agitait l'index et le majeur de sa main gauche en dessinant des ronds et en marmonnant des bribes de paroles incompréhensibles.
Dans le désordre des livres effondrés par terre, des centaines de petites pierres noires et bleutées dont personne n'avait relevé la présence commencèrent à affluer en roulant vers l'estropiée, jusqu'à former deux ersatz de jambes dans la continuité de son corps.

Elle prit appui au sol et attrapa une main tendue pour finalement se lever, non sans difficulté. Elle tituba encore,  épaulée sur un des lecteurs venus pour l'aider.

Elle souffla un simple "merci", et se baissa pour ramasser ses bouquins.

« Vous êtes sûre que tout va bien, mademoiselle ?, demanda la bibliothécaire.
Vous avez dû faire une sacrée chute, ça a alerté tout le monde.

- Oh. Je... euh... je suis désolée, lui répondit-elle sans même lui adresser un regard, examinant un des livres pour savoir si elle l'avait pris avant ou s'il était juste tombé avec elle.

Son interlocutrice hésita à la laisser de nouveau seule dans le rayon, après sa première maladresse. Les autres personnes étaient parties, replongées dans leurs lectures, abandonnant l'accidentée et la bibliothécaire.

« Est-ce que... je peux vous aider ? finit-elle par demander à l'autre, qui avait du mal à porter tous les livres qu'elle avait choisi à bout de bras.

- Non, non, ça va all... »
Ses jambes d'amas de roches s'effondrèrent de nouveau, cette fois sous le poids de leur charge.
Elle jura, affalée sur sa pile de livres, et reprit un certain temps pour reformer ses membres.

La maladroite était petite, même par rapport à la bibliothécaire qui n'était déjà pas bien grande. Elle portait une simple robe blanche, sans décorations ni détails d'aucune sorte, qui descendait assez bas pour qu'on ne voie ses jambes de pierres précieuses qu'à partir de ses chevilles.
Ses grands yeux bruns reflétaient à la fois la curiosité et l'insouciance, et son visage d'un blanc presque laiteux semblait complètement innocent, entouré de sa coiffure d'ébène. Quatre tresses fines partaient de ses tempes pour tomber jusqu'à ses genoux, en faisant pendre à chacune une perle blanche, et le reste de ses cheveux ondulait comme un fleuve noir jusqu'en bas de son dos.

Au final, les deux femmes portèrent chacune une partie de la pile, jusqu'à une grande table vide où elles déposèrent ces objets de savoir.
Enfin l'accidentée se laissa s'écrouler sur sa chaise avec un profond soupir de soulagement.

« Je retourne à l'accueil, prévint la bibliothécaire. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler. Quel est votre nom, au juste ?

-Mabaïka, madame. Désolée pour l'incident.

- Ce n'est pas votre faute. Bonne chance, à l'avenir. »
Elle tourna les talons et laissa la dénommée Mabaïka à sa lecture.

Cette dernière attrapa un des grimoires pour lesquels elle était monté si haut sur son échelle.
Il avait intérêt à valoir le coup, se dit-elle en ouvrant le volumineux ouvrage.

"Encyclopédie des savoirs connus sur le Monde des Ombres."

Après la lecture distraite d'un préambule d'une vingtaine de pages précisant que l'auteur de ce pavé ne faisait que rapporter les paroles de tierces personnes qui se seraient supposément rendus au Monde des Ombres, ou connu quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui y était allé, elle commença enfin la lecture.
Le premier chapitre listait les races Maats présentes de façon certaine dans ce mystérieux royaume des Ténèbres. Il était même noté que certaines d'entre elles connaissaient des magies capables de naviguer d'un monde à un autre; et c'était exactement l'intention de Mabaïka.

Non pas qu'elle avait assez de son propre monde; Okmyzmo était un endroit fabuleux, mais trop souvent elle avait entendu parler d'autres univers entiers à explorer. Et, quand bien même elle n'avait pas fini de voir toutes les merveilles du sien, elle voulait déjà agrandir son champ des possibles et en voir toujours plus, en savoir toujours plus.

Les autres îles d'Okmyzmo, tout le monde en parlait, tout le monde savait ce que c'était. Il y avait la grande île centrale, découpée en cinq régions par les couleurs de leurs environnements : rouge, jaune, vert, bleu et gris au centre.
Autour de cette île-là étaient éparpillées d'autres terres; chacune portant également une couleur spécifique : orange, violette, blanche (l'île blanche volait au dessus de la mer), indigo, noire, etc. Et, par delà cet archipel au code-couleur, l'océan s'étendait. Parfois avec des petites terres sans plus de vies que les colonies qui s'y étaient installées.

On en avait vite fait le tour si on était motivé. Mais un nouveau monde entier à découvrir ? Avec d'autres peuples, d'autres îles -peut-être même des continents !-, ça, ça valait le coup d'être exploré !
Il y avait de nombreuses histoires courant sur le mythique Monde des Ombres, comme l'existence de monstres faits de ténèbres qui avalent la lumière, ou alors que c'était le berceau des ombres elles-mêmes.
C'étaient sans équivoque aucune les terres les plus intéressantes à explorer de tous les mondes...
Si tant était qu'elles existaient réellement.

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