3. L'expansive

- Salut ?

Chacun resta silencieux quelques secondes. Puis, soudain, comme poussés d'un même élan, ils commencèrent à réagir.

Tann exhiba d'un geste agressif la lame qu'il portait sur lui en permanence. C'était une belle dague, la seule arme d'ailleurs qu'il accepta d'utiliser.

Gustave eut un mouvement de recul, puis, sa surprise passée, il se mit en position de combat, prêt à se défendre s'il le fallait.

L'inconnue, quant à elle, devant cet accueil si peu chaleureux, s'empressa de lever les mains en l'air avec un sourire innocent. Elle n'avait décidément pas beaucoup de chance, aujourd'hui.

Seul Esr n'avait pas bougé. Il restait immobile, tandis que les trois autres attendaient inconsciemment une décision de sa part.

Il avança d'un pas. Doucement, sans se dépêcher. Il releva la tête vers la jeune femme.

- Bonjour, lui répondit-il. Enchanté.

Comme un signal, Tann rangea son arme, non sans continuer de fixer d'un œil mauvais l'inconnue. Cette dernière soupira. Elle se laissa tomber dans un fauteuil proche, pas le moins gênée du monde. Elle semblait éreintée. Étonnant, me diriez vous. Ce n'est pas comme si elle venait d'escalader un immeuble de cinq étages.

- Je m'appelle Aure, se présenta-t-elle dans un souffle.

Une fois la peur passée, elle ne sembla éprouver aucun malaise, ni dû au fait qu'elle venait d'entrer chez eux par la fenêtre, ni des armes qu'ils tenaient prêtes à servir. Elle ne s'excusa pas, ne s'enfuit pas, ne se trouva pas de prétexte et ne paniqua pas. Elle resta assise en lorgnant sur les pommes, que Tann adorait.

Aure était un femme de vingt-cinq ou trente ans, au visage harmonieux. Sa peau était bronzée et douce. Elle avait de courts cheveux noirs et frisés, qui encadraient son visage du haut de sa nuque jusqu'à son menton, formant autour de sa tête un épais casque sombre. Un beau nez grec rajoutait du caractère à son visage expressif. Ses yeux vifs d'un brun tendre captaient chaque geste, chaque mouvement.

Elle observait sans manière, avec une curiosité non cachée, tout ce qui se passait autour d'elle. Ses lèvres formaient un large sourire qui révélait ses grandes dents trop serrées. Malgré la situation, elle gardait une expression de totale assurance. On aurait presque pu croire à une farce, une blague quelconque qui l'eut fait beaucoup rire.

Elle était svelte et forte, ce qui n'était pas vraiment étonnant au vu de l'escalade à laquelle elle venait de se livrer. Elle portait une sorte de bombers de tissus noir, sous lequel dépassait un débardeur multicolore, ainsi qu'un large pantalon rouge bordeaux. Elle avait aussi un sac, à la fois grand et difforme, d'un vert passe-partout, qu'elle tenait sur son épaule. Et puis, surtout, ce qui attirait l'œil dès qu'on y prêtait attention, c'était cette ceinture où étaient, de chaque côté, accrochés deux pistolets.

Comme vous avez pu le comprendre, Aure ne s'embarrassait pas de complexes, de soucis ou quoi que ce soit qui eut pu l'embêter. Franche, elle n'avait pas la langue dans sa poche, et disait tout ce qu'elle pensait, à défaut de penser tout ce qu'elle disait. Elle arborait de tout temps un sourire, en éternelle positive. Elle préférait rire de tout plutôt que pleurer. Bien qu'il lui arrivait, parfois, rarement, de pleurer.

Car telle était l'expansive.

Esr se mit face à elle, assis de l'autre côté de la table basse.

- Et qu'est-ce qui t'amène jusqu'ici ? questionna-t-il.

Elle jeta un coup d'œil aux deux autres, qui étaient restés légèrement en arrière. Elle s'étonna :

- Alors, c'est le p'tit gars qui parle pour vous ?

Oups, sujet sensible. Au vu du regard meurtrier que lui envoya le dit "p'tit gars", elle préféra lever les mains bien haut et s'exclamer :

- Ok, me tuez pas, je retire ce que j'ai dit !

Esr maugréa quelque chose dans sa barbe - enfin, pas littéralement, puisque sa pilosité faciale se résumait à deux sombres sourcils - et attendit une réponse de mauvaise humeur.

Aure soupira.

- Disons... Il y avait des gens pas gentils qui ne devaient pas me rattraper, conta-t-elle d'une voix maternelle.

Esr marqua une pause. Ses yeux s'écartèrent et clignèrent plusieurs fois. Il se retourna vers un Tann prêt à exploser de rire. Il n'y croyait même pas. A ce niveau là, ce n'était plus une maladresse, mais un crime de lèse-majesté. Il regarda de nouveau Aure, le visage sombre. Celle-ci se mordit la lèvre, consciente d'avoir fait une bêtise, et pas pourtant peu fière.

Alors Esr laissa cours à sa colère et envoya valser les pommes à terre.

- Mais c'est qu'elle se fout de ma gueule ! rugit-il, en se levant d'un bond.

Une fois cet acte de violence inédit consommé, Esr se rassit et tenta de se calmer. Il préférait éviter de perdre son sang froid. Derrière lui, Tann à deux doigts de s'étouffer de rire ne l'aidait pas beaucoup. De son côté, Gustave regardait avec désarroi les pommes, et semblait consciencieux du gâchis qu'engendrait ce geste. Et Aure, quant à elle, s'était, par prudence, muée en statue, et essayait par tous les moyens de faire disparaître le sourire naissant qui ne demandait qu'à venir orner son visage.

Le garçon, au bout de plusieurs longues secondes de contrôle de soi, articula du bout des lèvres, la mâchoire encore serrée par la rage :

- J'ai dix-neuf ans...

Son interlocutrice lui envoya un regard abasourdi.

- Sérieux ? Et moi qui hésitais à t'en donner douze...

- Et donc, maintenant que tu as affaire à un adulte capable de comprendre une situation complexe, peux-tu répondre à ma question ? s'enquit Esr, qui commençait à s'impatienter.

- Enfin, d'un point de vue parfaitement légal, tu n'es pas vraiment un adulte... Non, mais t'as raison, je la ferme, ajouta-t-elle devant le sourire peu rassurant qu'il abordait.

Mais elle n'avait pas tord, puisque la majorité Mîinoise s'établissait à vingt ans, bien qu'un grand nombre de droits étaient accordés à partir de seize. Petit détail qui signifiait pourtant qu'Esr était malgré lui un enfant aux yeux de la loi. Enfin, la loi, ce n'est pas comme s'il la respectait d'aucune manière. Il était censé ?

Mais revenons à nos moutons, ou plus précisément au récit d'Aure :

- Alors... Bah, il y a, comme je l'ai dit, des gens qui cherchent plus ou moins à me tuer. J'avais pas eu de problèmes depuis presque huit mois, mais faut croire qu'ils m'ont retrouvée. J'aurais pu facilement me débarrasser d'eux, mais c'est comme les fourmis, ces trucs-là : plus t'en décimes, plus ils reviennent en masse. Alors je me suis dit que je ferais mieux de fuir, et j'ai escaladé c't'immeuble.

Elle marqua une pause, avant de continuer en jetant un coup d'œil au petit teigneux qui lui faisait face :

- C'était pas forcément une idée géniale...

Elle poussa un soupir. Elle n'avait plus vraiment envie de rire, chose étrange chez elle.

- Et me voilà sans toit, sans travail et sans personne vers qui me tourner... précisa-t-elle tout bas, comme pour elle-même. Enfin, c'est pas comme si c'était la première fois ! s'exclama-t-elle en se redressant, s'efforçant de sourire. Je m'en remettrai. Je m'en suis toujours remise.

A quel prix... finit-elle mentalement. Malgré tout, elle s'obligeait à rester positive. Sa vie venait de partir en fumée ? Eh bien, il ne manquerait plus qu'elle se donne en spectacle devant ces respectables inconnus et ce gamin.

Esr tiqua sur un passage.

- Tu dis que tu aurais pu facilement t'en débarrasser ? demanda-t-il.

Tann lui lança un regard déconcerté.

- Et c'est tout ce que tu retiens ? s'insurgea-t-il.

Son ami balaya sa remarque d'un geste de la main et reporta son attention sur Aure. Cette dernière acquiesça, étonnée par cette question. Elle ne comprenait pas son but.

- Mais, continua-t-il, ce sont pourtant des professionnels engagés pour te tuer, non ?

Une nouvelle fois, la jeune femme hocha la tête.

- Enfin, professionnels... ajouta-t-elle, j'ai du mal à y croire. A trois contre moi, ils tombent comme des mouches ! Non, si c'est ça, être un professionnel, j'ai trouvé ma nouvelle voie !

Esr eut un sourire satisfait.

- C'est exactement ce que je comptais te proposer, déclara-t-il, une lueur amusée dans les yeux.

Aure ouvrit de grands yeux. Elle avait peur de mal comprendre sa proposition.

- V... Vraiment ? Tu me proposes de m'engager, juste comme ça ?

- Exactement.

- Pas de dragon, rien ?

Tann soupira.

- Mais qu'est-ce que vous avez tous, avec vos dragons ? pesta-t-il.

- C'est quand même vraiment simple, remarqua Aure.

  Sean acquiesça d'un vif mouvement de la tête, ravi d'avoir quelqu'un qui partageait son opinion. Esr sourit - légèrement, n'allez pas vous faire d'idées - et sortit le même contrat qu'avec Gustave et le posa devant lui.

- Avant de t'engager, il faut quand même que je connaisse tes compétences. Alors ? demanda-t-il à Aure en se servant un verre de lait.

Je ne l'avais pas précisé, mais Esr était un grand fan de lait. "Ça fait grandir", aurait assuré Tann avant de se prendre un estoc de sa part. Je ne jugerai pas cette remarque, je tiens à mon estomac.

  Aure prit un air de fierté contenue, et saisit les deux pistolets qu'elle portait à sa ceinture. Je dois sans doute préciser, que, ce genre d'engins étant chers et rares, les seuls à en avoir étaient ceux... Qui savaient s'en servir et qui s'en servaient. C'étaient deux très belles armes, à la fois différentes et complémentaires, dans des tons de violets et de marrons. Elles ne ressemblaient pas à vos petit revolvers, noirs, sobres. Elles étaient grandes, à l'engrenage complexe et découvert, plutôt lourdes.

  Et puis, ce n'étaient pas de banals automatiques, non ; c'étaient des énergétiques. Ce terme ne vous dit rien ? Encore une fois, c'est à moi d'expliquer, j'imagine. Ce sont toutes sortes d'armes à feu, qui, n'existant à ce qu'il me semble que sur Mîi, transforment l'énergie de l'utilisateur et l'envoient sous forme d'une force. En plus clair, pas besoin de balle, juste de vitalité.

- Voilà Maxi et Xima, les présenta joyeusement Aure. Et si j'ai plus d'énergie, il me reste toujours Lee Fan Le Redoutable.

En même temps qu'elle parlait, elle passa la main dans son dos et en ressortit... Rien. Sa paume semblait totalement vide. Et pourtant, elle tenait bien un pistolet à plomb. Il était tout simplement parfaitement invisible.

Esr, sans qu'il l'eut avoué, était légèrement impressionné.

- Et tu peux tirer combien de coups de suite avec les énergétiques ? questionna-t-il, tout de même un peu septique.

- Oh... trois cents, quatre cents quand je suis en forme.

 Il faillit s'étouffer avec une gorgée de lactel.

- Pardon ?! s'exclama-t-il, déconcerté. Mais un humain normal a du mal à atteindre soixante-dix !

La jeune femme hocha la tête.

- Je me suis beaucoup entraîner, argumenta-t-elle.

Les yeux d'Esr se mirent à briller.

- Je veux voir ça !

Tann l'arrêta d'une main :

- Les voisins ont déjà porté plainte plusieurs fois pour tapage...

- Oh, répondit-il, déçu.

Aure en profita pour rajouter :

- Je suis aussi assez bonne dans le maniement des armes blanches, mais... Disons que c'est compliqué.

Esr ne fit pas spécialement attention à cette remarque et lui tendit le contrat et un stylo.

- Je vous en prie, madame... Bienvenue chez nous !


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Girls just wanna have fun...

Me revoilà, de nouveau ! ;)

Je me demandais : Est-ce que vous faites attention aux musiques que je mets en média ? Je fais en sorte à ce qu'elles soient en rapport avec l'action qui se déroule ou, plus précisément, avec le personnage présenté :) Et celle-là correspond pas mal à Aure >w<

Aure, d'ailleurs... Voilà qui devrait augmenter un peu la cadence et la quantité de réflexions idiotes ! (J'espère, en tous cas...)

J'ai un peu du mal à me rendre compte : ce chapitre arrive à être drôle ou est trop lourd ?

Avec la NDA j'atteins les 2000 mots... Et je n'ai pas mis tout ce que je voulais dans ce chapitre :( C'est pas trop long, je ne vous perds ni ne vous saoule trop (un peu, c'est normal ;)) ?


Bye~~~

Schnoll

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