Chapitre 29 : Calvi - Izïa

Pdv de Justine :

03/07/2024, 05h12, maison de Justine, Corse

La première sensation que je ressentis à ce réveil brutal était la chaleur. Une chaleur brûlante qui faisait suer ma peau.
Je fermai les yeux pour me concentrer sur ma respiration rapide, trop rapide.

- Calme toi Justine, calme toi. C'est juste un cauchemar. Rien de plus, rien de moins...

Mon cœur se serrait jusqu'à me faire mal et mes mains tremblaient légèrement.
Mon cauchemar avait été rapide et j'avais vite repris le contrôle de mon sommeil en changeant le cours du rêve et en me forçant à me réveiller. J'avais entendu dire qu'on appelait cela faire un rêve lucide, pour moi c'était juste un rêve normal.
Mon cerveau commençait à reprendre peu à peu le contrôle sur ma peur primaire et naturelle qui était apparu à cause de mon mauvais rêve. Mais, dans ma chambre, j'étouffais.
J'éprouvai le besoin de sortir.
Je me glissai silencieusement hors du lit en veillant à ne pas réveiller Louis qui dormait.
Mes pieds nus se refroidissèrent au contact du vieux carrelage brun de la pièce.
J'ouvris doucement la porte grinçante et m'extirpai de la chambre. Je traversai le couloir, silencieuse comme un fantôme, et me retrouvai dans la pièce principale encore plongée dans l'obscurité.
Je me penchai et attrapai une fine couverture polaire que je plaçai sur mes épaules et mes bras découverts par les manches courtes de mon t-shirt.
Je poussai la baie vitrée et sortie sur la terrasse.
La maison se dressait au milieu du maquis avec le grand jardin et la piscine. Elle était tournée vers le Sud de la Corse : vers Propriano, Sartène et Bonifacio.
La mer s'avançait dans une petite baie, celle de Cala d'Orzu, et on voyait au loin, dans la pénombre, les vagues lécher le rivage.
Mes poumons se remplirent doucement de l'air encore frais de l'aube tandis que je vis les premiers rayons du soleil apparaître derrière les montagnes escarpées et encore sauvages ici.
Les premières lumières du jour miroitèrent sur la mer, la transformant en or liquide.
La douce chaleur caressa la peau de mes bras, puis celle de mon visage. Tout autour de moi, la nature se réveillais : les oiseaux, les insectes, les chiens des voisins, les chats à moitié sauvages.
Le vent se leva et apporta l'odeur saline des embruns et profonde des chênes lièges et des pins parasols.
Les souvenirs liés à ces lieux me revinrent par vagues. Mes arrivées par avions à Ajaccio, les vacances d'été passées avec mes grands-parents  et mon petit frère, les rencontres avec Mattéo, Baptiste et Anne-Faye, les pizzas sur la plage de Mare e Sol devant le coucher de soleil, les nuits étoilées en camping sauvage avec mes parents...
Même si j'étais née à Paris, même si j'avais voyagé aux quatre coins du monde, la Corse fera toujours partie de ma vie. C'était ici que je me sentais vivante, plus vivante que nulle part ailleurs.
L'Île de Beauté était la gardienne de mes souvenirs. C'était le dernier endroit où nous, les gars de Bobigny, Alexandre et moi, nous étions retrouvés pour la dernière fois tous ensemble.
C'était un endroit spécial qui m'aidait à oublier le vide de mon cœur dû à sa perte.
Une rafale de vent me secoua de la tête aux pieds et je compris que c'était le moment de tourner la page, de me tourner vers l'avenir et de ne pas rester bloqué dans le passé.
Le souffle d'air emporta les dernières traces de mes anciens sentiments pour Alexandre, les dernières douleurs dû à sa mort, ne laissant que les bons souvenirs.
J'étais libérée de ma culpabilité, de ma tristesse et de tout ce qui m'entravaient.
Prête à faire face à la vérité qui me taraudait depuis un moment et que j'étais lasse de repousser : mon amour pour Louis.
Un sourire naquit sur mon visage rien que d'y penser.
C'était une vérité que j'avais eu du mal à m'avouer mais maintenant, il n'y avait plus aucun doute.
Mais même avec cette certitude personnelle, qu'en était-il de lui ? Peut-être qu'il ne m'aimait pas. Ou peut-être qu'il était déjà amoureux de quelqu'un.
Je secouai la tête en tentant de chasser ses questions de ma tête et continuai de regarder le paysage prendre vie sous la lumière du soleil, la terre ocre s'envolant dans le vent et les pierres de granite rose prenant une teinte rougeâtre.
J'entendis des pas derrière moi et le glissement de la baie vitrée mais ne me retournai pas.
Louis vint se poser à côté de moi en s'appuyant sur la rembarde de la terrasse en hauteur.

- Tu vas bien ?

Sa voix était un peu rauque à cause du réveil.

- Ça va. Et toi ? Bien dormi ?

Il se tourna vers moi.

- Ça allait. Tu t'es réveillé tôt ce matin. T'as fait un cauchemar ?

Moi qui croyais qu'il dormait lorsque j'avais quitté la chambre. Je m'étais bien trompée !

- Un petit. C'était supportable.

Il retourna son visage vers l'horizon.

- Tu veux que je t'avoue un truc ?

- OK, vas-y.

Il pris une grande inspiration.

- Grenoble me manque. Enfin même pas Grenoble mais les montagnes me manquent. La neige, le ski... Mes parents, mon frère...
C'est ce qui me manque le plus quand je suis à Bordeaux. Et comme je m'entraîne toujours, je n'ai jamais le temps de les voir.

Je levai mes yeux vers lui.

- Alors pourquoi tu es parti en vacances avec nous ? Tu aurais pu partir dans les Alpes, voir ta famille et tes amis.

- Peut-être... Mais je sens que ces vacances vont être parfaites ici. Et puis ça me fait plaisir de voir un endroit que tu aimes bien.

Ses paroles firent légèrement rougir mes joues.

- Tu n'es pas le seul auquel la famille manque, je te l'assure. Ça fait près de deux moi que je n'ai pas vu mes parents et mon petit frère. Et j'aurai pas d'occasion de les voir avant septembre parce que mes parents vont partir en Polynésie Française et que mon frère part en stage de handball pendant le mois d'août. C'est la première fois qu'on est autant séparer.

Louis pose sa main sur la mienne en signe de réconfort.
Je changeai rapidement de sujet.

- Il est six heures du matin et je connais une super boulangerie pour acheter le nécessaire au petit-déj'. Comme les autres dorment, ça te dit qu'on y aille tous les deux ?

- Avec plaisir !

Soudain, un bruit de klaxon retentit dans l'atmosphère.
Je courrai en contournant la maison suivie de Louis.
Arrivée devant la grille du jardin, je montai la légère pente et me retrouvait en face de Mattéo, ses cheveux noirs secoués par le vent.
Il était accoudé à l'un de ses trois pick-up défoncé, plein de terre sèche, de poussière et de boue.

- Salut Justina !

Il accentuait le "u" en le remplaçant par un "ou".

- Salut Mattéo ! Qu'est ce que tu fais là ?

- Je t'apporte des véhicules de ce nom. Tes espèces de voitures de continentaux te serviront à rien ici.

- Merci ! C'est super gentil !

- De rien. Je descends te monter le deuxième. Et, si tu veux, je peux emmener Togo chez Pierre pour qu'il aille voir la meute de chien.

- Avec plaisir. Je m'habille et je te l'amène.

Je sentais le regard froid de Louis dans mon dos. Il fixait Mattéo avec un mélange de méchanceté et d'exaspération dans ses beaux yeux bruns.

Le corse reparti en courant en direction de la piste de terre pour aller chercher l'autre 4x4 tandis que Louis et moi rentrions dans la maison.

Nous nous retrouvâmes dans la chambre où nous avions passé la nuit et je m'enfermai dans la salle de bain pour m'habiller : un débardeur blanc rayé de noir, un bermuda bleu marine et une paire de tongs.

Je sortis de la salle de bain et traversai silencieusement le couloir pour ne pas réveiller les autres garçons qui dormaient encore dans la chambre d'à côté et rejoignis Louis dans le salon.

Il portait un simple t-shirt blanc, un short noir et des sandales brunes.

Il se retourna vers moi.

Pdv de Louis :

Elle était en face de moi, les yeux encore cernés de la nuit difficile, son regard timide et ses cheveux châtains coincés derrière les oreilles.
Son débardeur laissait entrevoir ses bras musclés et, lorsqu'elle avançait devant moi, j'aperçus le haut de son tatouage de faucon remontant sur sa nuque et les plumes du bout ailes dépassant de sous le tissu au niveau de ses épaules bronzées et dessinées par les années de karaté.

Togo se leva du coin du salon dans lequel il était prostré et suivi sa maîtresse jusqu'à dehors.
Mattéo était assis nonchalamment sur le capot du pick-up et sauta pour prendre Justine dans ses bras.

- Je pars pour quelques jours.

- Tu me ramène Togo vivant OK ? Pas de bêtises.

- Promis Justina.

- Aller. Part.

Mon cœur se serra quand les bras de Mattéo trainèrent encore quelques instants sur les épaules de Justine.
Puis il s'installa derrière le volant, le chien monta dans la benne et ils partirent.

Le visage de Justine se tourna vers moi. Elle grimpa dans l'un des deux autres pick-up de Mattéo et m'invita à faire de même. Elle démarra le moteur. Le véhicule roulait sur la route du Cap des Maures, au loin on apercevait Ajaccio.
Justine tourna à droite et nous nous retrouvèrent sur la route sinueuse qui longeait la côte.
Les vagues s'écrasaient sur les rochers en contre-bas et projetaient de l'écume dans l'air, les mouettes se laissaient porter par le vent. Sur les flancs des montagnes du massif corse, quelques chèvres et cochons se baladaient.
Justine appuya sur la radio et lança Chérie FM en rigolant.

- Depuis que je suis petite, c'est la seule radio que j'écoute en Corse. Ça me rappelle quand j'y étais avec mes grands-parents et qu'on revenait de la plage.

Son sourire s'agrandit et ses doigts battèrent le tempo sur le volant.

- Tu connais beaucoup de gens ici ? Demandai-je

- Oui. Enfin, pas énormément mais un peu quand même. Déjà, il y a Mattéo et Baptiste. Puis les parents de Baptiste : Jean-Baptiste et Magalie, mon amie canadienne Anne-Faye et sa mère Katherine, Pierre qui s'occupe des vignes de Jean-Baptiste, Ange qui est berger à Coti Chiavari, Evelyne et Bernard qui sont des amis de mes grands-parents et Antonio qui a une auberge dans la montagne.

- Ça fait beaucoup quand même !

- Ça va. Mais même si je vais en Corse depuis ma naissance et que j'ai des amis ici, je serai toujours considéré comme un continentaux.

Ses yeux restaient fixés sur la route abîmée et elle ouvra les fenêtres du pick-up pour laisser passer un peu d'air.
Le paysage défilait au rythme des virages.
Après une trentaine de minutes de route, nous arrivions à l'abord d'un petit village et Justine se garra sur une des places du parking de la boulangerie.
Il était seulement 7h du matin mais une queue de quelques personnes s'étirait le long des vitrines qui présentaient les pâtisseries et viennoiseries.

- Cette boulangerie c'est la meilleure du coin ! Et en plus elle est à côté du Ruppione.

Je me souvenais qu'elle avait parlé de cette plage pas plus tard qu'hier mais impossible de m'en rappeler la particularité.

- Qu'est-ce qu'il y a de spécial au Ruppione ?

- C'est une super plage où l'on a pied sur plus de 50m, où les vagues sont parfaites pour surfer et, en plus la paillote sur la plage est super bonne. On ira pendant la semaine si tu veux. Le seul problème c'est que les jours de vents, la plage devient extrêmement dangereuse à cause des vagues et qu'elle est réservée à ce moment par les surfeurs.

Elle semblait connaître à la perfection cet endroit.

Après avoir acheté quatre baguettes, huit pains au chocolat, une tarte aux pommes pour ce soir un paquet de beignets au brucciu, nous remontâmes dans le pick-up en direction de la maison.

Sur le trajet du retour, je l'écoutai un moment raconter des petites anecdotes sur ses souvenirs en Corse avant de me faire la réflexion :

- En fait, toi en Corse c'est comme moi à la Réunion. Tu connais tout comme ta poche.

- T'es déjà allé a la Réunion ?

- Oui. J'y vais une fois tout les deux parce que mes grands-parents habitent là-bas. Ma mère, qui est réunionnaise, est partie en France pour ses études mais mes grands-parents sont restés là-bas.

Elle hocha la tête et se tut. Son regard toujours fixé pour repérer les potentielles voitures qui pourraient arriver en face.

Le trajet dura une trentaine de minutes et nous arrivâmes finalement vers 7h40 à la maison, les bras chargés du petit déjeuner.
Nous entrâmes dans le salon quand nous vîmes la totalité des rugbymen regroupés autour de Nicolas assis sur une chaise en train de fixer son téléphone.

Marko redressa la tête et s'exclama joyeusement.

- Simon et Clémentine sont à Porticcio juste à côté !
On va tous ce soir en boîte !
Ça va être génial !

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Et voilà le 29ème chapitre !

Désolée pour l'attente mais j'avais une tonne de travail.
À propos de ça, je risque de mettre un peu de temps à poster le prochain chapitre car j'ai mon premier brevet blanc cette semaine puis une compétition de karaté.
Je m'en excuse d'avance.

Sinon, qu'avez-vous pensé :

- du cauchemar de Justine ?

- de l'acceptation de la mort d'Alexandre et de Justine qui se rend compte de ses profonds sentiments pour Louis ?

- de la jalousie de Louis envers Mattéo ?

- de la route pour aller à la boulangerie ?

- du retour avec les deux personnages, Simon et Clémentine, qui sont annoncés ?

D'ailleurs, d'après vous, qui sont-ils et quels rôles vont-ils jouer dans les prochains chapitres ?

J'espère que ce chapitre vous a plu.

Bonne journée/soirée !

(2310 mots)

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