Chapitre 27 : Sentiers - Izïa
Pdv de Justine :
01/07/2024, 12h30, maison de Justine, Cap des Maures
Je descendis quelques instants dans le jardin pour observer rapidement la piscine, dont l'eau miroitait sous le soleil de midi. La chaleur faisait vibrer l'air autour de moi, et je sentais déjà une fine pellicule de sueur s'accrocher à ma peau. En une marche rapide, je remontai au niveau des voitures garées un peu plus haut avec les sept rugbymen, le souffle encore court.
Je jetai un coup d'œil à travers la vitre du véhicule de Louis et, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis Togo, allongé sur la banquette arrière, entrain de somnoler, sa respiration paisible créant de petites buées contre la vitre. Un rapide toque sur la portière réveilla mon très cher husky qui, en me reconnaissant, bondit hors de la voiture, tout frétillant.
- Togo, smettila di dormire, andiamo da Mattéo !
(Nda : Togo, arrête de dormir, on va chez Mattéo !)
Le chien se redressa et retroussa ses babines en une sorte de sourire animal, ses yeux pétillants d'excitation. Nous nous mîmes en route, avançant dans une chaleur qui alourdissait chaque pas. L'air sentait le pin chauffé par le soleil, avec un arrière-goût salé, presque brûlant. Je sentais sous mes pieds les cailloux craquer, et la poussière ocre recouvrait nos chaussures d'un léger voile.
Nous marchâmes quelques mètres le long de la route puis, j'écartai une branche d'un buisson pour découvrir un chemin à travers le maquis.
Les joueurs me regardèrent l'air intrigué et se baissèrent un par un pour s'engouffrer dans la brèche.
Nous avançâmes encore d'environ une dizaine de mètres avant de déboucher sur une piste qui descendait en direction de la plage encore masquée par les arbres.
Togo commençait à japper en sentant se rapprocher la maison de Mattéo.
Je lui fis les gros yeux mais son excitation redoubla. Il galopait à présent sur la piste de terre, évitant les trous béants et les monticules de pierres. Et nous courions derrière lui, manquant de nous tordre les chevilles ou de tomber à la renverse.
Cela faisait maintenant une dizaine de minutes que nous descendions la piste de terre battue à pleine vitesse lorsque le sol redevint à peu près plat.
La piste se séparait en deux autres voies. Une large menant à la plage de Cala d'Orzu et une autre bifurquant vers la droite au bout de laquelle on apercevait le toit d'une maison.
Nous continuâmes d'avancer en direction du bâtiment sous les aboiements maintenant constant de Togo.
- Piano Togo, piano !
(Calme toi Togo, calme toi)
Mon chien s'arrêta d'aboyer mais ne se calma pas pour autant. Il couru vers Nicolas et commença à sauter à côté de lui pour jouer, manquant plusieurs fois de le griffer.
Louis rigola devant la scène. Il essaya de caressé Togo mais passa proche de se faire croquer les doigts.
- Basta Togo !
(Nda : Ça suffit Togo !)
Le husky retomba sur ses quatre pattes et baissa la tête tout penaud. Il trotta dans ma direction et me lécha la main pour me montrer qu'il était désolé.
Damian me regarda, mi-intrigué, mi-admiratif.
- Tu parles italien ?
- Oui, couramment. Une partie de ma famille est italienne alors je dois savoir m'adapter à toutes situations. Et toi ?
- Oula, moi je connais qu'un seul truc en italien.
- Dit toujours...
- Vaffanculo !
- Tu sais dire "Va te faire foutre !"?
Et je partie dans un grand éclat de rire.
- Bien sûr que oui. Et toi, tu connais pas d'autres insultes ?
- J'en connais mais surtout des insultes venant de Naples. Ma famille est napolitaine.
- Vas y !
- OK. Alors, on a..." Si' na chiavica !". Ça veut dire "T'es qu'une ordure !". Ou alors "Scassacazz" pour dire "Casse-couille" mais les italiens qui ne viennent pas de Naples ne comprennent pas ces insultes.
- C'est trop marrant !
- Et encore, j'en connais aussi une en basque.
- J't'écoute.
- Asto pitoa.
- Tu sais dire "Bite d'âne"!
Et ce fut à lui de partir dans un grand fou rire tandis que je toquais à la porte de Mattéo.
Pdv de Louis :
J'avais remarqué Justine et Damian rire ensemble. La tête de notre ostéopathe était rejetée en arrière et ses cheveux châtains luisaient au soleil.
Mon cœur se serra en voyant mon coéquipier côté de celle que j'aimais et la jalousie créa une boule dans mon ventre.
Mais je faisais confiance à Damian, sa petite amie, Enola, était à Bordeaux et il n'allait pas la tromper pour notre ostéopathe. Enfin, j'espèrai.
Nous vîmes enfin l'entièreté de la maison. C'était un bâtiment en pierre de taille, percé par de large fenêtre et aux murs recouverts en partie de plantes grimpantes. À côté, il était construit une cabane de pêcheur décorée d'un drapeau pirate, de peintures vives rappelant la mer et de plusieurs planches de surf.
Le long de l'allée étaient trois énormes pick-up dont la couleur avait disparu sous une énorme couche de poussière.
Nous étions tous rassembler devant la porte de la maison lorsqu'un jeune homme ouvrit.
- Justine !
- Mattéo !
Et ils se prirent dans les bras.
Mattéo nous fit signe de passer par le jardin et nous nous retrouvâmes à seulement quelques pas de la mer, sur une minuscule crique sur laquelle étaient accoster des bateaux aménagée avec une table et des chaises en plastique blanc.
Mattéo nous rejoint. De ce que j'avais compris, il était le cousin de Baptiste mais ne lui ressemblait absolument pas. Ses cheveux étaient noirs jais, sa peau brune, bronzée par le soleil, ses iris marrons foncés presque noirs et des tâches de rousseurs sur ses pommettes.
- Bonghjornu Justine. Comment va tu ?
(Nda : Bonghjornu veut dire Bonjour en corse)
- Ça va et toi ?
- Pour l'instant, tout va bien.
Son regard se posa sur notre numéro dix et il s'exclama.
- Matthieu ! Baptiste ne m'avais pas prévenu que tu étais là.
- Ouais ouais. Salut.
- Toujours aussi chiant à ce que je vois.
Il regarda Justine, Justine le regarda et ils éclatèrent de rire.
- Bon Juju. Tu me présente tes potes ?
- Avec plaisir !
Louis, Nicolas, Damian, Maxime, Cameron et Marko.
Mattéo nous serra la main un par un fermement avec ses doigts calleux. Il avait l'air nous dire implicitement "Ici, vous êtes chez moi et c'est moi qui décide.". Il semblait plus jeune que nous mais avait l'air sûr de lui. Très sûr de lui.
Il se tourna vers Justine.
- Vous avez mangé ?
- Pas encore.
- Tant mieux, je vous invite. J'ai les poissons que Ange m'a donné parce que Baptiste allait réparé sa moto.
- T'abuse. C'est même pas toi qui l'a réparé et tu récup' des trucs.
- C'est mon super pouvoir !
Il fit un clin d'œil à Justine qui rougis et s'engouffra dans sa maison pour aller chercher les dits poissons.
Je n'avais pas été le seul à remarquer ce signe et Maxime se tourna vers Juju.
- C'est ton copain ?
Elle rougis de plus belle et commença à jouer avec ses doigts comme pour éviter notre regard.
- Disons que quand mon ancien copain m'a quitté, j'avais quinze ans.
Son regard se voila légèrement au souvenir d'Alexandre.
Elle repris.
- J'étais un peu seule alors, lorsque j'ai rencontré Mattéo, on a un peu flirter sans vraiment se mettre ensemble malgré les nombreuses tentatives de Baptiste.
Mattéo revint pile à ce moment là, les bras chargé d'une plaque de polystyrène chargée de deux gros poissons et un saladier rempli d'une salade.
Il alluma rapidement un barbecue et y posa les poissons puis ramena des chaises pour que nous puissions nous asseoir autour de la table.
J'épiai le moindre de ses mouvements en redoutant un rapprochement entre lui et Justine.
La jalousie que j'avais ressenti pour Damian s'envola, remplacée par celle que j'éprouvais envers Mattéo.
Après, je comprendrai que Justine préfère le corse à moi. Il était bien plus beau et avait l'air d'avoir bien moins de problèmes que moi, me dis-je tandis que mes doigts se posaient sur les fines cicatrices qui balisaient mes bras.
Pourquoi Justine voudrait-elle sortir avec moi ?
Elle était l'océan, puissant et sans peur, et j'étais une épave perdue au fin fond des abysses.
Mon corps tressaillit lorsque je vis Mattéo et Justine côte à côte, le bras du brun sur ses épaules. Puis lorsque j'aperçu un regard complice.
Nicolas l'avait remarqué et me souriait tristement.
Mattéo se redressa et sortit les poissons du feu.
Les discussions furent bien vite remplacées par le cliquetis incessant des couverts contre les assiettes.
Soudain, la voix teinté d'accent du jeune corse brisa le silence.
- Justine vous a raconté pourquoi j'étais la seule personne au monde à avoir accès à Cala d'Orzu en voiture ?
Marko lui répondit immédiatement.
- Non. Pourquoi ?
- Je vais laisser la parole à ma chère Justina qui va tout vous raconter !
Ma jalousie augmenta encore. En plus de se poser à côté d'elle et de mettre son bras sur ses épaules, il lui donnait des surnoms ! "Justina" en plus ! C'était ridicule !
Juju pris la parole.
- Tout c'est passé il y a un an. J'étais en Corse avec mon ancien copain et l'équipe de Bobigny dans la maison de mes grands-parents quand il y a eu un énorme orage avec beaucoup de vent, d'éclairs et de vagues. Le matin, on se réveille tous et on voit qu'il y a plein d'arbres qui sont tombés sur la piste.
J'appelle Mattéo qui était ici et lui demande dans quel état c'est chez lui.
Il me dit que ça va. On discute un peu et une idée diabolique germe dans nos têtes.
Le regard joueur de Justine rencontre celui de Mattéo.
Justine reprend.
- Notre idée incroyable était très simple. À cause de la tempête et des vagues, des rochers s'étaient retrouvés au fond de la mer et avaient modifiés les courants et rendu impossible l'accès à la plage de Cala d'Orzu. Plus aucun touriste ne pouvait arriver en bateau.
À cause de la tempête et du vent, la paillote "Chez Francis" avait été en partie détruite et abandonné. Plus aucun touriste ne pouvait se restaurer.
Et enfin, à cause de la tempête et de la foudre, une partie des arbres avaient été déracinés. Et c'était ça le plus important.
Avec nos potes de Bobigny, des corses du coins et Mattéo, on a coupé quelques arbustes et on a créé deux énormes barrières camouflées avec les morceaux de bois pour empêcher les gens d'utiliser la piste. Et enfin, Mattéo a acheté des énormes chaînes et des gros cadenas pour bloquer les barrières. Et on était les seuls à avoir les clés.
Après avoir scellé l'accès terrestre, on c'est occupé de l'accès maritime en poussant des rochers pour créer un chenal qui longe le terrain de Mattéo et on est les seuls à savoir le prendre.
Et depuis cet orage, Mattéo et moi on est les seuls à avoir accès à Cala d'Orzu par la terre et par la mer.
Nous nous regardâmes épatés par l'ingéniosité et la fourberie des deux personnes devant nous. Mattéo demanda à Justine.
- D'ailleurs, puisqu'on parle de tes potes de Bobigny et de ton ancien copain, dis-moi Justine, il va comment Alexandre ?
L'expression de Justine se figea, ses couverts tombèrent de ses mains et tintèrent contre l'assiette. Les larmes se rassemblèrent à la commissure des ses paupières.
Mattéo commença à s'inquiéter.
- Ça va Justine ? Il y a un problème avec Alexandre ?
Tout le monde la fixa. Tout le monde sauf moi : je savais déjà la fin de cette histoire.
- Mattéo... Tu sais qu'Alexandre était malade...
- Oui. Alors, sa chimiothérapie a marché ?
- Mattéo...
- Quoi ?
La voix du corse monta dans les aiguës sous le stress.
- Alexandre est mort.
L'information tomba comme ça. Les yeux de Mattéo se remplirent de larmes tout comme ceux de Matthieu.
- Dis pas n'importe quoi Justina. Il n'est pas mort Alex', c'est une blague. Pas vrai ?
- Il est mort, Mattéo. Mort. Le 22 juin de cette année. Le jour après les demi-finales du Top 14.
Tous les joueurs de rugby, à part Cameron qui n'était pas là, commencèrent à comprendre pourquoi elle était partie en urgence.
- Je suis allée à Paris, et le soir même, il est mort.
Une larme glissa sur le joue de Mattéo. Il s'adressa à Matthieu.
- Tu le savais ?
- Non. Et à vrai dire, je m'en fiche un peu.
- Tu t'en fiche !? Mais c'était le copain de ta cousine putain ! En plus, il t'aimait bien et toi tu dis que tu t'en fout de sa mort ! T'as vraiment aucun respect !
- Je l'avais pas vu depuis cinq ans donc oui, maintenant, je m'en fiche un peu !
Le visage de Mattéo se contracta de colère. Il se leva brusquement, tapa sur la table et pointa son doigt calleux vers Matthieu.
- Tu ne reviendras pas chez moi avant de t'être excusé, compris !
Puis le jeune corse se tourna vers Justine et la pris dans ses bras.
- Toutes mes condoléances.
Le murmure du brun troublant le silence gênant qui c'était installé.
Sans un bruit, nous remontâmes la piste en direction de chez Justine.
Même Togo, d'habitude si énergique, semblait vouloir respecter la tristesse de sa maîtresse.
Je m'approchai de Justine qui marchait en tête et observai son visage sur lequel s'étalaient des sillons de larmes sèches.
Sans un mot, je lui pris la main comme pour la rassurer et elle se laissa faire. S'abandonnant à mon contact.
Ses yeux croisèrent les miens et elle me remercia du regard. Serrant un peu plus fort ma paume de sa main froide.
Nous remontâmes comme ça, juste elle et moi, et lorsque nous arrivâmes devant le portail, elle s'approcha de moi et me dit : "Merci Louis. Merci de tout cœur".
Puis elle alla voir Matthieu, le toisa du regard pendant un long moment et, avant même qu'elle eu le temps de se retourner, il l'enlaça.
- Je suis désolé Justine. Je sais que tu aimais bien Alexandre et je n'aurai pas dû parler de lui comme ça. Excuse moi.
- Je t'excuse Matthieu.
Et ils restèrent comme ça tandis que nous rentrions dans la maison.
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Et voilà le 27ème chapitre.
Qu'avez vous pensés de :
- la piste ?
- les insultes en italien et en napolitain ?
- la rencontre avec Mattéo ?
- la jalousie de Louis ?
- la tristesse de Mattéo envers la mort d'Alexandre ?
- la dispute en Mattéo et Matthieu ?
- la fin ?
J'espère que cela vous a plu et je vous souhaite une bonne journée/soirée.
(2378 mots)
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