5. Tout ce qu'ils sont et ne seront jamais
Il y avait l'enfant, assis au milieu d'un nid de feuilles mortes et d'herbe dorée, vêtu de haillons et les cheveux emmêlés, la peau assombrie par la terre qui s'y était accrochée, les jambes griffées par les branches et les pieds nus écorchés, laissant derrière eux une traînée rouge sur le sol impitoyable. Il y avait l'enfant, si seul, si misérable, et il y avait l'homme en face de lui, figé là sur son chemin par cette créature que même Dieu ne saurait aimer, laissée à mourir dans les bois sombres de la jetée aux Ancolies. Deux grands yeux pâles, deux grands yeux endurcis par une vie mauvaise qui de l'enfant avait fait le début d'un monstre, comme tant d'autres avant lui forgé par la douleur qui était née et avait grandi à ses côtés. Pour la première fois alors dans ces yeux noyés par l'envie terrible de vivre, Magnolia n'y vit qu'un reflet de l'enfant qu'il avait été. Terrible, terrible d'imaginer qu'un autre vivait portant sur son corps les mêmes marques que lui, que son coeur déjà se fracturait, petits morceaux d'étoiles sans lendemain.
Le vent balaya les robes lourdes de Magnolia, celles qui brodées de fils d'or et d'argent semblèrent soudain fardeau sur ses épaules frêles, les épaules qui un jour avaient porté les mêmes haillons que cet enfant perdu.
"Es-tu encore humain ? Demanda l'homme, qui sur le garçon posa le regard de celui qui avait pesé ses mots et qui savait mieux que cela.
– Peu importe ce que je suis... Ils ne voulaient quand même pas de moi." Répondit l'enfant qui n'en était plus vraiment un sans hésiter un seul instant.
Ah, et que pouvait dire Magnolia à cela, lui qui mieux que personne connaissait la cruelle solitude qui accompagnait ceux qui étaient comme eux. Il se pencha vers l'enfant comme pour mieux l'observer, de ses cheveux qui sous la saleté reflétaient l'éclat du soleil à ses joues creusées par la faim, de ses poignets faméliques à ses clavicules saillantes. Oui, c'était un enfant comme lui, infortuné et son avenir déjà tout tracé.
"Comment t'appelles-tu ? Soupira-t-il, las déjà de l'injustice qui semblait peser sur eux, de ce combat perdu d'avance qu'ils ne pouvaient s'empêcher de mener.
– Shahi."
Il se releva, tremblant, et Magnolia vers lui tendit ses bras vêtus de soieries et de perles si précieuses. À lui il l'amena et sur sa hanche l'enfant vint se blottir, si maigre, si léger dans ses bras et pourtant comme parfait. Shahi, les yeux vifs du faucon qui lui avait donné son nom et le coeur ingénu, Shahi qui posa sa tête dans le creux de son épaule et ferma les yeux, attrapant dans son poing une mèche de cheveux soyeuse au parfum d'abricot. Shahi. Plus tard, assagi et endeuillé par les années, Magnolia rira jaune de ce destin qui aimait tant se jouer d'eux, pleurant pour son enfant tant aimé. Plus tard, un autre enfant un peu trop semblable verra ce garçon chéri et brûlera d'une jalousie affamée, laissant derrière lui un incendie sans fin. Plus tard encore un troisième petit garçon aimé du malheur amènera un coeur pur au manoir hanté par la mémoire de ce qui n'est plus, si jeune, si innocent. Le pendentif d'or et d'âmes contre le coeur de Magnolia s'assombrit.
Dans ses bras, Shahi sourit.
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