Chapitre 1
- Gaëlle, lèves-toi, sinon tu seras punis en revenant de l'école ce soir! me cria ma mère d'accueil, Julie, du bas des escaliers.
- Je suis debout depuis au moins 20 minutes! criai-je, de ma chambre.
- J'm'en fout, dépêches-toi!
Je grognai tout en finissant de mettre mon uniforme d'école et de faire mon lit. C'était une vraie prison cette place.
Pour faire petit, j'avais été placée en famille d'accueil parce que mes parents n'étaient pas capable de s'occuper de moi. J'avais été placée la première fois, j'avais 8 mois. Et j'ai fait quatre autres familles d'accueil ensuite.
Julie était la dernière. Veuve depuis quelques années, pas d'enfants biologiques, elle "vouait" sa vie aux enfants dont les parents ne voulaient d'eux qu'à temps partiel. Mais la réalité était tout autre. Elle ne les aimait pas vraiment.
C'était une femme dans le début quarantaine, grande, aux longs cheveux noirs et plats. Ses yeux reflétait la couleur de ses cheveux. Sombres comme la nuit.
Nous vivions dans un petit semi-détaché, quelque part dans l'ouest du Québec. C'était une place correct. Pas une étoile, mais pas cinq non-plus. Nous avions déménagés là elle et moi parce que je voulais m'éloigner le plus possible de ma famille biologique. Ces gens ne m'apportaient que du trouble.
J'étais arrivée chez Julie quand j'avais huit ans. Et là, j'avais presque 17 ans. Un an et trois mois et j'allais pouvoir déguerpir de là! C'était mon rêve. Elle me menait la vie dure depuis quelques mois parce que j'étais "sa dernière jeune", comme elle le disait si bien. La protection de la jeunesse de la région avait refusée sa candidature. Elle allait donc prendre sa "retraite" de mère d'accueil quand j'allais être majeure.
- Gaëlle, si tu descends pas tout de suite, tu n'auras pas le droit de louer de livres à la bibliothèque cette semaine!
Je grognai davantage. Je détestais quand elle me menaçait de la sorte. Je descendis donc en vitesse grand V.
- Est-ce que tu t'es brossée les dents au moins? me dit-elle, presque hargneuse.
- Non. Mais j'ai tout ce qu'il me faut à l'école, répondis-je, sans lui jeter un regard.
J'enfilai mes souliers rapidement, je pris mon sac d'école turquoise et sortie de la maison avant même qu'elle n'ait pu ajouter quelque chose.
Je me demandais parfois si j'étais née dans la bonne génération. Je n'avais pas de téléphone cellulaire, pas de tablette ni d'ordinateur à la maison. Tout ce que j'avais, c'était la bibliothèque, à 45 minutes de marche de chez moi, où j'allais une fois par semaine. Je préférais de loin les livres aux machines. Au moins, quand je lisais, j'étais certaine de ne pas manquer de batterie, si je l'échappais, l'écran ne se brisait pas et peu de chance qu'il y ait une mise à jour défectueuse. Et j'adorais l'odeur des livres. Surtout les vieux livres. Parce que en plus de raconter l'histoire écrite, ils renferment l'histoire de centaines de personnes. Et j'aimais m'imaginer les gens qui les avaient tenus avant moi. Je n'étais vraiment pas née dans la bonne génération.
Heureusement que j'étais levée avant que Julie ne m'avertisse car, au moment où je mettais mon pied à l'arrêt d'autobus, celui-ci était là, prêt à me prendre. Toujours pile à l'heure!
Le système d'autobus était différent d'une région à l'autre. Ici, les plus vieux devaient aller s'asseoir en arrière. Et j'en faisais partie. Mais le chauffeur m'aimait bien, alors je m'assoyais à milieu. L'arrière m'avait toujours donné la nausée.
Je n'avais pas de frère et soeur. Enfant unique. Mais ça n'avait rien de joyeux. Je détestais ça. Tout simplement parce que j'avais personne à qui parler. Les jeunes à l'école ne voulaient pas me parler. Pour eux, j'étais trop bizarre. La fille qui se dépêche de manger pour aller à la bibliothèque. La même qui n'étudiait jamais, mais qui était toujours première de classe. La seule qui grognait lorsqu'il y avait un congé. Non, pour les autres, je n'étais pas normale.
Je n'avais pas non plus de meilleure amie. En fait, je n'avais pas d'ami point. Mes seuls copains se trouvaient dans mes bouquins. Au moins, avec eux, j'étais sure d'avoir quelque chose d'intéressant à apprendre!
Donc, je prenais l'autobus et m'assoyais toujours au milieu. Le chauffeur m'appréciait bien parce que j'étais la seule à le remercier. Et que lorsque certains élèves s'étaient amusés à lui faire de mauvaises blagues, j'étais toujours là pour l'aider à ramasser les dégâts.
Le jour où ma vie à changée était un lundi. Parce que tout le monde sait que lundi, c'est la journée la plus merdique de la semaine. Mais comme je n'étais pas comme les autres, la plus grande chose du monde m'arriva un lundi.
La journée avait commencée de façon relativement lente. J'avais mathématiques pour commencer et le professeur m'avait envoyée à la bibliothèque pour la simple raison qu'il me croyait trop forte pour le niveau de classe que j'étais. Hors, il n'y avait pas plus haut. Mais la raison était aussi que j'avais une mémoire photographique. Et que j'étais autodidacte. J'apprenais tout en regardant. Les professeurs s'étaient entendus pour que je passe mon secondaire le plus rapidement possible. Et comme à chaque histoire, il y a un mais. Julie ne voulait pas que je saute d'années. J'étais donc prise à aller en cours pour apprendre des choses que je savais déjà.Heureusement, j'avais certains professeurs qui étaient pour ma cause. Ils me faisaient donc faire des travaux pour les étudiants de l'Université. Grandiose, n'est-ce pas?
Malheureusement, Julie a fini par s'en rendre compte et a ordonné que ça s'arrête. Et je vous jure, quand elle ordonnait, vous étiez mieux d'obéir, sinon, vous alliez goûter à son caractère. Et il avait vraiment mauvais goût. J'ai donc dû arrêter. Et je passais tout mon temps à la bibliothèque. Ça ne me déplaisait pas... mais parfois, c'était long.
La bibliothécaire m'aimait bien elle aussi. elle s'arrangeait donc pour que j'aie toujours un nouveau livre sous la main. Et pas n'importe quoi. Que du fantastique.
Donc, la journée commençait vraiment lentement. J'étais arrivée à l'école à 7h45, comme tous les matins. J'étais allée me présenter à mon cours et moins de cinq minutes plus tard, j'étais dans mon antre. 1h15 à regarder l'horloge en espérant que j'allais bientôt pouvoir partir. C'était tellement long que ça m'en avait donné la migraine. Quand enfin la cloche sonna, ce fut un soulagement. Je me levai et me dirigeai vers mon casier, afin de prendre mes cahiers pour mon prochain cours. J'avais musique. J'adorais ça. C'était d'ailleurs la seule matière où je pouvais rester sans que je m'ennuie. Le seul point désagréable était les autres élèves. Ils n'étaient pas super avec moi.
Je me rendis donc à mon cours de musique.
- Alors, la chouchou, t'as enfin trouvé une place où tu n'es pas bonne? me cria une fille aux longs cheveux blonds.
C'était Clarisse. La fille populaire de l'école. La capitaine des meneuses de claques de l'école. La fille qui avait tous les gars dans sa poche. La fille qui avait déjà sa voiture. Bref, c'était Clarisse. Elle et moi avions une longue histoire ensembles. Dès le moment où elle m'avait vue, elle s'était appliquer à me pourrir la vie. Sans jeu de mots. Elle me faisait des croches-pieds. Elle me poussait dans les corridors. Renversait tout son plateau de cafétéria sur moi à l'heure du repas du midi. Elle ne manquait jamais une occasion de me tomber dessus. Et pourtant, je ne lui avait rien fait. Jamais.
Elle avait deux acolytes. Sarah, grande, cheveux noirs et yeux marrons. On ne l'entendait jamais. Mais il y avait une rumeur comme quoi elle était les oreilles de Clarisse. Ça expliquerait pourquoi cette fille sait toujours tout. Et il y avait Jasmine. La fille la plus idiote qui n'existe pas. Blonde, yeux bleus, de taille moyenne, elle était vraiment belle. Mais elle n'était pas très brillante. Elle avait déjà demandé à notre prof d'histoire, en secondaire 2, si Jésus avait été dans un camp de concentration. Ça vous donne une idée?
- Bien sûr Clarisse. C'est pour ça que M. Dubois tient à ce que je joue une pièce complète de piano ce matin, répondis-je au tac-au-tac.
Elle eut un reniflement de dédain. Elle n'était pas mauvaise non plus. Pour de vrai. Elle avait aussi un talent en musique. Mais, sans me vanter, j'étais meilleure. Elle alla s'asseoir à sa place, ses deux chiens de compagnie avec elle.
Plus la journée avançait, plus j'avais mal à la tête. Et il sembla que Clarisse le remarqua, car elle fut plus qu'un poids. Jusqu'à ce que j'éclate. C'était le midi et j'étais à la cafétéria. Assez grande, celle-ci pouvait accueillir jusqu'à 900 personnes. Il y avait donc toujours de la place. Et il fallait toujours que Clarisse se place derrière moi, juste avant d'aller s'installer à l'autre bout de la salle, tout près des immenses fenêtre qui donnaient une vue directe sur les terrains de basket ball.
- Alors, l'étrange, on est encore toute seule? Pourquoi tu vas pas rejoindre tes amis, hein?
Jasmine eu un rire idiot. Je la regardai et roulai des yeux.
- Ah oui c'est vrai, tu n'en as pas!!! ajouta-t-elle en riant vraiment fort. Dis-moi, qu'est-ce que ça fait d'être la risée de tout le monde? Ça fait quoi de pas être aimée par ses propres parents? Allez, dis moi tout!
Plus elle parlait, moins je l'entendais. Ma migraine prenait le dessus.
- Tu ne réponds pas? D'habitude tu ne te gènes pas!
La douleur devenait vraiment intense. Je fermai les yeux un instant et quand je les rouvris, je fus éblouie. Je voyais de la couleur autour de mes camarades. Clarisse avait une magnifique couleur lilas. De la même couleur que ses yeux. Jasmine était d'un vert foncé et Sarah était entourée d'or.
Je n'eu pas le temps de dire quoi que ce soit qu'une plainte de douleur sortie de ma bouche. Ma tête allait exploser. Je me levai, en poussant Clarisse, qui était sur mon chemin, et tentai de partir. Mais ce fut trop pour ma tête. Une immense vague de douleur me fit m'effondrer sur le sol, sous le regard terrifié de tous les élèves, y compris Clarisse.
........................................................................................................................
Gaëlle venait de tomber face première sur le sol. Elle était devenue toute pâle d'un coup et elle avait essayé de me pousser de son chemin avant de tomber. Les élèves commençèrent à se rassembler autour d'elle. Je regardai Sarah. Elle sut tout de suite ce que je voulais.
- Ok, tout le monde dégage! Clarisse a besoin de place pour amener Gaëlle à l'infirmerie! cria-t-elle d'une voix forte.
Quelques élèves me regardèrent, peu certains de ce qu'elle venait de dire. Parce que tout le monde savait que la relation que nous avions était loin d'être amicale. Tous ceux qui s'étaient approchés s'éloignèrent pour me laisser de la place. Je mis mon bras droit sous ses genoux et l'autre sous ses bras pour avoir une meilleure prise et me dirigeai vers l'infirmerie de l'école. Je sentais une chaleur anormale sortir du corps de Gaëlle. En quelques minutes, suivie de Sarah et Jasmine, j'étais rendue. L'infirmière était déjà là à m'attendre.
- Que lui est-il arrivé cette fois? demanda-t-elle.
Je la regardai, surprise.
- Heu... elle s'est juste effondrée, répondis-je, en fronçant des sourcils. Vous voulez dire qu'elle vient ici souvent?
Elle me regarda. Elle n'avait pas l'air certaine de ce qu'elle devait dire ou non. Mais elle choisit de parler.
- Oui. Elle passe presque autant de temps ici qu'en cours. C'est la quatrième fois en une semaine qu'elle est ici... Mais c'est bien la première fois qu'elle arrive inconsciente, dit-elle, tout en s'occupant de Gaëlle.
Elle l'installa sur un lit qu'il y avait dans le fond de la pièce, pour être certaine que personne ne la dérange.
- Savez-vous pourquoi elle vient ici souvent? demanda Sarah, inquiète.
- Oh, si seulement vous saviez, mes petites.
La femme qui se tenait devant nous venait de prendre un air totalement désolé. Elle parut soudainement plus vieille. Ses cheveux grisonnants ainsi que ses yeux verts parurent vraiment ternes. Comme si ce qui arrivait à notre camarade était vraiment grave. Ce fut Jasmine qui posa la question.
- Pourquoi vient-elle souvent ici, madame?
L'infirmière nous regarda de nouveau, comme si elle nous auscultait. Encore une fois, elle choisit de nous parler. Elle prit trois chaises près de son bureau et s'assied sur l'une d'entre elles et nous somma de faire pareille. Je pris place sur un coin du lit et laissa mes deux amies utiliser les sièges.
- Gaëlle n'a pas eut une vie facile. Vous le savez. Vous vous en moquez souvent. Elle a fait plusieurs familles d'accueils. Et celle chez qui elle est en ce moment n'est pas extraordinaire. Gaëlle est déjà venue ici, avec un mal de crâne intense. Je ne sais pas pourquoi, mais elle m'a laissée l'examiner. Elle avait une bosse énorme derrière la tête. Et quand je lui ai demandé ce qui était arrivé, elle s'est mise à pleurer. Sa mère d'accueil la bat. Elle avait été violée par son grand-père l'année dernière. Depuis près de 10 ans cette femme et cet homme sévissent. Elle est chanceuse, parce que ici, elle peut se reposer. Et comme je connais son dossier médical par coeur, je peux lui fournir les mêmes soins ou presque que si elle était à l'hôpital. Si cette petite survie jusqu'à ses 18 ans, nous serons chanceux. Elle n'a rien pour l'aider. Elle a une santé fragile, une famille qui ne l'aime pas et vit chez une femme qui l'utilise comme une esclave et qui n'hésite pas à frapper. Et elle n'a aucune amie. Personne à qui se confier, autre que moi.
Elle nous regarda avec un soudain regard intense.
- J'ose espérer que jamais vous n'utiliserez ces informations pour lui faire du mal. Je peux lire en vous. Je sais que ce que vous faites n'est pas vrai. Vous le faites pour d'autres raisons. Mais je veux que ça cesse. Elle a assez souffert.
Elle se leva et parti, comme si de rien était. Elle avait raison. Nous devions arrêter ce que nous faisions. Même si on nous avait demandé de continuer. En plus, elle avait le droit de savoir. De tout savoir.
- Jasmine, Sarah, on passe à la partie 2 de notre mission.
- Oui, chef. Mais, comment allons-nous procéder? demanda Jasmine.
- Nous allons devoir y aller doucement. Mais nous commençons par changer notre comportement à son égard. Dès aujourd'hui. Nous la défendrons dès que quelqu'un voudra s'en prendre à elle. Sarah, tu iras voir notre prof de mathématiques, M. Al'tant. Dis lui que nous passons à la phase 2. Jasmine, tu iras voir notre prof de musique, M. Dubois. Dis-lui qu'il est temps d'accélérer les choses. Il est temps qu'elle se libère. Moi je vais voir mon père. Il sera le mieux placé pour la soutenir.
- Mais pourquoi ton père? Je croyais qu'il la détestait? demanda Sarah.
- Bien sûr que non! Vous pensez vraiment que nous étions les seules à jouer un jeu? Mon père aurait dû être acteur!
Les filles me regardèrent, les yeux grands.
- Mais pourquoi dis-tu qu'il est celui qui sera le mieux placé pour la soutenir? me demanda Jasmine.
- Pour la simple raison que nous sommes soeurs.
Jasmine mit ses mains devant sa bouche.
- Et quand est-ce avais-tu l'intention de nous le dire? demanda Sarah, septique.
- Mon père m'avait interdit de le faire. Et la Directrice aussi.
Les filles semblèrent comprendre. Je regardai ma soeur. Elle venait de prendre possession de son bien le plus grand, sa magie. Et ce, bien plus tôt que prévu.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top