Part III - 26
°2022°
Le feu dansait tout autour de lui, dans cette forêt au bois sec, ces végétaux craquelés et ce ciel orageux. Les flammes dévoraient tout sur leur passage, ne laissant derrière elles que mort et désolation.
Et lui il courait. Il courait pour échapper à l'incendie. Il courait sans savoir où se rendre. Il courait dans ce paradis métamorphosé en enfer. Il courait pour sa vie.
Soobin.
Quelqu'un l'appela, il se retourna sans s'arrêter. Il ne voyait rien, la fumée brûlait ses yeux.
Soobin
Il connaissait cette voix. Elle était suppliante, agonisante, elle l'appelait lui.
Soobin
Quelqu'un avait besoin d'aide. Quelqu'un avait besoin de son aide. Mais il ne voyait rien, il ne savait pas d'où venait le cri, il ne savait pas quel chemin emprunter.
Soobin.
Et puis les flammes grandissaient, elles envahissaient l'herbe jaunie à ses pieds. Elles grimpaient sur son corps, le faisant hurler.
Où es-tu ? Où es-tu ? Où es-tu ?
Le feu les engloutit, lui et la forêt toute entière.
Soobin s'éveilla en sursaut, la main plaqué contre sa bouche pâteuse pour s'empêcher de hurler. Sa gorge était sèche, son corps brûlant, il avait encore l'impression de sentir le feu tout autour de lui. Pourtant il n'était ni dans une forêt, ni au coeur d'un incendie. Il était chez lui, dans sa maison, dans sa chambre, et tout allait bien.
Non, tout n'allait pas bien.
Il tremblait à n'en plus finir, il pleurait, son coeur palpitait, et en lui grandissait une émotion qu'il n'avait pas ressentit depuis longtemps:
La peur dans sa forme la plus pure.
Elle figeait son coeur dans ce lit trempé de sueur, elle glaçait ses veines et écrasait sa poitrine. Il avait mal partout, il avait envie de vomir, et, plus que tout, il avait l'affreuse impression que quelque-chose d'horribles allait se produire.
"C'est comme avant, comme au lycée. Comme... Les cauchemars que je faisais à l'époque" pensa-t-il.
Terrorisé, il parvient tout de même à se faire violence et attrapa son téléphone. Ses doigts eurent bien du mal à taper le code, puis à trouver un contact en particulier, encore plus à l'appeler.
Il rapportal'objet à son oreille, attendit quelques sonneries, avant de tomber sur la messagerie.
"Si tu fais des cauchemars n'hésite pas à m'appeler"
Soobin sentit un sanglot faire sauter sa gorge, alors qu'il tentait un second appel. Puis un troisième, un quatrième... Sans jamais aboutir à une réponse.
"Même s'il est trois heure du matin, je te jure que je répondrais"
Kai lui avait promit. Alors pourquoi est-ce qu'il ne répondait pas ?
- Bordel... Putain, putain, putain...
Il se mit à tousser, les larmes roulaient sur ses joues et il avait beau les essuyer elles revenaient par centaine. Elles coulaient jusqu'à ses lèvres et lui faisaient part de leur goût salé. Il avait peur, il avait mal, il avait besoin d'aide.
Il avait besoin de quelqu'un réponde au téléphone.
- Allô ? Soobin ?
Les sanglots redoublèrent, quand enfin une voix s'invita dans son oreille. Cette fois il n'était pas tombé sur la messagerie, malgré qu'il soit deux heures du matin, quelqu'un avait répondu à son appel.
Pas Kai. Non, dans le tumulte de sa peur Soobin avait décidé de composer un autre numéro. Et ce numéro-là, cette fois, avait répondu après seulement deux sonneries.
- Yeonjun...
- Pourquoi tu m'appelles à cette heure-là ? Il se passe quelque-chose ? Tu... Attend une seconde, tu pleures ?
Il voulait nier, mais son souffle déjanté et ses sanglots résonnaient dans toute la pièce. Il pleurait comme un enfant, il se sentit presque stupide. Que devait-il dire ? Que pouvait-il expliquer ? Avec Kai ça aurait été plus simple, il savait déjà pour ses cauchemars.
Mais Yeonjun... Bon sang, pourquoi avait-il appelé Yeonjun ?
- Soobin, qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que qu'il se passe ? Putain Soobin, tu me fais peur !
- J'ai...
Peut-être devrait-il racrocher ? C'était débile, d'appeler quelqu'un au beau milieu de la nuit pour une raison aussi stupide.
Mais il n'y parvient pas. De toute façon, Yeonjun ne le laisserait pas mettre fin à cet appel.
- J'ai fait un cauchemar...
Il y eu un silence. De quelques secondes seulement. Et Soobin cru un instant que le garçon allait soupirer et faire taire l'appel pour replonger dans les bras de Morphée.
Mais ce serait mal connaître Choi Yeonjun. Ce garçon qui remuait ciel et terre pour eux, qui serait prêt à tout pour les voir sourire, pour chasser leurs démons et leurs terreurs.
- Et... Quel genre de cauchemar ?
- Terrifiant.
- Mais encore ? Qu'est-ce qu'il s'y passait ? Qu'est-ce que tu voyais ? Qu'est-ce qui t'as fait si peur ?
- C'est comme au lycée.
- Comme au lycée ?
- Les mêmes cauchemars qu'au lycée... Kai m'a dit de l'appeler si je faisais un cauchemar... Mais il ne décroche pas...
- Soobin, qu'as-tu besoin que je fasse ?
- Je sais pas
- Si je reste au téléphone avec toi tout le reste de la nuit, ça ira mieux ?
- Je sais pas.
- Tu veux... que je vienne jusqu'à chez toi ?
- Je sais pas...
- Ou tu préfères venir jusqu'à chez moi ?
- Je peux ?
- Bien sur que tu peux !
Bien sûr qu'il pouvait, et Soobin le savait. Il savait mieux que personne tout ce que Choi Yeonjun était capable de faire pour lui, il savait qu'il ne le laisserait jamais tomber, qu'il serait toujours là, qu'il était prêt à tout supporter pour lui.
Il savait, à quel pour Yeonjun l'aimait.
Et il savait qu'il n'était pas digne de cet amour, qu'il ne le méritait pas, qu'il n'était bon qu'à le blesser et le faire pleurer.
Et que malgré tout, Yeonjun ne cesserait jamais de l'aimer.
Yeonjun
Tu me dis quand tu seras arrivé en bas de l'immeuble.
03h05
Soobin:
Oui
03h06
Yeonjun:
Fais attention sur la route
03h06
Soobin:
Oui
03h07
- Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Yeonjun, en regardant Beomgyu enfiler ses chaussures.
Ce dernier avait semblé dormir durant toute la durée de l'appel, et ce malgré son ton de voix qu'il n'avait pas réussi à concerver bas. Yeonjun avait paniqué en entendant les reniflements et sanglots que poussait Soobin à l'autre bout du fil, il s'était redressé dans son lit, affolé, sans faire attention au garçon qui dormait à côté de lui. Mais Beomgyu n'avait pas bougé, il n'avait pas semblé éveillé, jusqu'au moment de raccrocher.
- Soobin arrive non ? Alors je m'en vais, répondit-il.
À peine le téléphone coupé qu'il s'était levé, avait enfilé un gros pull sur son tee-shirt de pyjama et saisissait ses baskets.
Yeonjun sentit son coeur manquer un battement, ils étaient au beau milieu de la nuit et il venait de convier Soobin dans son minable appartement. Beomgyu avait-il ressentit cela comme une invitation à déguerpir ? À les laisser tranquille ? Ce n'était absolument pas ce qu'il voulait, Yeonjun avait mit un point d'honneur à ce que son ami n'ai plus jamais l'impression d'être de trop. Il n'était pas là cinquième roue d'un quelconque carrosse, il était Choi Beomgyu, son adorable et précieux petit frère.
- Tu ne vas tout de même pas sortir à cette heure-ci ? S'exclama-t-il, en attrapant le plus jeune par le bras.
- T'inquiète, je vais allez finir ma nuit chez Taehyun.
- Mais...
- Pas de mais, aucun membre de la famille Kang ne me mettra dehors, je sais où se trouve la clé de la porte d'entré et je suis le bienvenu là-bas n'importe quand. Ne t'inquiètes pas pour moi.
Yeonjun resserra sa prise sur le bras de Beomgyu. Il s'attendait à entendre un frémissement triste derrière la voix du garçon, il s'attendait à voir la tristesse dans ses yeux, aussi fut-il surpris que celui-ci se tourna vers lui avec un grand sourire.
- Bon sang Yeonjun, Ne fais pas cette tête, ça ne me dérange pas du tout ! Ce qui me dérangerait serait de rester ici à tenir la chandelle, je déteste tenir la chandelle. Soobin et toi vous avez besoin de parler seul à seul. Moi je vais allez squatter le lit de Kang Taehyun, et crois-moi c'est bien loin d'être une contrainte.
- Mais...
- Shhh, tais-toi, pas un mot, et arrête de me regarder comme ça. Je ne pars pas car je me sens rejeté ou je ne sais quoi, je pars car vous avez besoin d'être juste tout les deux. C'est révolu, le temps où je me sentais seul. Là je vais chez Taehyun.
Avec délicatesse, Beomgyu retira la main qui enfermait son bras. Puis, avec une même tendresse, passa ses doigts dans les cheveux décoiffés de Yeonjun. Comme pour le réconforter, ou pour le rendre plus beau, qu'importe, ce simple geste réchauffa son coeur.
- J'y vais, ne t'inquiètes pas pour moi.
- Hum.
- Je t'aime énormément, Hyung.
- Moi aussi Beomgyu, je t'aime énormément.
Soobin:
Je suis arrivé
03h21
Yeonjun sursauta, lorsque la vibration de son téléphone résonna dans la pièce. Il jeta maladroitement la poussière qu'il avait amassé avec son vieux balais sur le balcon, remit quelques affaires en place et poussa un tas de babioles sous le lit au moment de saisir son portable.
Beomgyu à peine parti qu'il s'était prit d'une pulsion à nettoyer et ranger au maximum, ayant soudainement prit conscience de l'endroit lugubre dans lequel il allait accueillir Soobin. Mais il avait beau laver, il avait beau essayer d'organiser, son appartement concerverait toujours l'apparence d'un vieux taudis. Et le plus désespérant était de constater que sa propre allure s'associait tristement à son habitat, lorsqu'il passa devant le miroir et observa son corps il se trouva pitoyable. Vêtu d'un simple short et d'un débardeur, il pouvait voir la finesse de ses jambes et la perte musculaire de ses bras. Son visage était pâle, fatigué, et ses cheveux aussi ternes que secs. Lui qui avait autrefois tant embêté Taehyun pour des questions de santé, il n'était même pas capable de prendre soin de la sienne.
Jusqu'ici ça ne l'avait pas dérangé, il était trop occupé à survivre pour s'inquièter d'être beau. Mais soudainement son état lui sautait aux yeux, sa vie et son physique le rendait pitoyable, et ce n'était pas une image qu'il voulait montrer à Soobin. Il ne voulait pas lire la pitié dans ses yeux. Mais que pouvait-il faire de plus ? Il ne pouvait pas cacher cette existence misérable qu'il s'efforçait de mener.
Il enfila un vieux pull qui trainait sur une chaise, après s'être assuré que l'odeur ne soit pas alarmante, et s'apprêta à descendre son miteux immeuble pour rejoindre son "ami". Mais à peine eut-il posé une main sur la poignée de porte que la sonnette d'entrée résonna, et lorsqu'il ouvrit le battant il fut surpris de découvrir que Soobin se trouvait déjà derrière.
- J'ai croisé Beomgyu... Il m'a expliqué comment monter jusqu'à chez toi, se justifia le garçon, d'une voix basse pour ne pas éveillé les voisins du dessous.
Il n'avait même pas prit la peine de retirer son pyjama, seulement d'enfiler un manteau et des baskets. Il devait avoir une drôle d'allure vêtu ainsi dans la rue, les quelques travailleurs de nuit ou fêtards d'après minuit avaient dû lui porter de drôles de regards. Mais Soobin ne faisait pas attention aux regards des autres, ça faisait bien longtemps qu'il avait apprit à ignorer, lui qui avait toujours été perçu comme étrange.
Et c'est une qualité que Yeonjun admirait chez lui.
Sa voix était comme bloqué lorsqu'il l'invita à entrer, il eu presque envie de fermer les yeux lorsque ceux de Soobin se posèrent sur ce trou sous un toit d'immeuble qui lui servait d'appartement. Le garçon avisa les murs marrons, la charpente observable sur le plafond, le vieux matelas posé au sol, les maigres accessoires de cuisine, les réserve de nouilles instantanées et les piles d'habits maladroitement rangé dans un coin. Il y avait le mélange de ses affaires et de celles de Beomgyu, ce qui rendait l'endroit plus désordonné encore.
Soobin avança doucement dans la pièce, sans un mot, le visage tourné de droite à gauche. Puis son regard se figea sur la fenêtre qui donnait sur le toit, sur la fleur violette qui bougeait lentement avec le vent, et le ciel sombre de la nuit.
- Tu dois avoir une belle vue d'ici, déclara-t-il, finalement.
- Tu veux allez dehors un peu ? Demanda Yeonjun.
- Oui, mais... désolé mais est-ce que tu pourrais éviter de fumer ?
- Oui, bien sûr, comme tu veux.
Les couleurs de la nuit éclairaient ce toit plat sur lequel ils avancèrent, il y avait une petite brise à peine désagréable et Yeonjun se remercia intérieurement pour avoir enfilé un pull. les lumières des bâtiments offraient une vue presque magique, au loin on pouvait entendre des voix ou de la musique s'élèver dans cette ville qui ne dormait jamais, mais de là où ils se trouvaient l'atmosphère restait majoritairement silencieuse.
Ils se penchèrent à la rambarde, le regard sur l'horizon et la rétine dérangé par le lampadaire à la lumière sautante juste en dessous. Yeonjun faisait tourner sa langue dans sa bouche, grignotait ses lèvres et triturait ses doigts. Il sentait le manque d'une cigarette.
- J'ai rêvé de Magic Island. Elle brûlait. Je ne me rappelle plus du reste. Je sais juste qu'elle brûlait. Et... En me réveillant j'étais terrifié, murmura Soobin.
Son visage était tourné vers le ciel, comme s'il s'adressait plus au étoiles caché derrière les nuages qu'à son voisin.
Yeonjun suivit son regard, se sentant honteux de constater qu'il avait presque oublié la raison pour laquelle il avait convié Soobin.
- Je faisais des cauchemars au lycées, beaucoup de cauchemars, continua le garçon.
- Tu l'avais évoqué une fois, je m'en souviens. Mais je ne pensais pas que ça avait tant d'importance et que... Ça te mettais dans des états pareils.
Il se rappelait vaguement de quelques messages où était évoqué des cauchemars à répétition, mais il n'y avait jamais eu beaucoup plus d'explication, ça lui paraissait secondaire, presque insignifiant.
Soudainement il regrettait de ne pas s'y être interressé davantage.
- Je ne me souviens jamais vraiment de ces cauchemars, j'ai un peu d'images en tête, quelques flash, mais rien de vraiment concret... Mais il y a les émotions, elles sont si forte et... J'ai toujours si peur en me réveillant.
Les mains de Soobin se crispaient sur la rambarde, à mesure que sa voix se fissurait.
- Nous sommes tout les cinq dans ces cauchemars, toujours, et je crois qu'à chaque fois ça tourne mal. J'ai l'impression... Que ces cauchemars ont toujours été là pour me dire qu'il va nous arriver un malheur.
Il se mettait à trembler, sur son visage les émotions tiraient sa peau et faisaient briller ses yeux. Le voir ainsi, démuni, effrayé, fragile, provoqua une douleur si intense dans la poitrine de Yeonjun qu'il ne pu s'empêcher de déposer sa main sur la sienne.
- Tout ira bien. Quel que soit les problèmes ou les monstres que nous réserve le futur, on combattra ensemble.
Il n'était même pas sûr de croire en ces propres paroles. Quels dangers leur réservait le futur ? Étaient-ils vraiment assez fort ? Il repensa à son sang violacé, à sa discussion avec Taehyun, je a la mort qui levait peu à peu un nuage noir autour de son destin, et à la fleur sur le rebord de sa fenêtre. Soobin ignorait une partie de tout ça, il ignorait que ses cauchemars et mauvais pressentiments n'étaient pas dû à son imagination, qu'un orage se préparait lentement au-dessus de leurs têtes.
Non, Yeonjun n'était pas certain de s'en sortir.
- On survivra ensemble, affirma-t-il pourtant.
Soudainement, il lui sembla que le ciel s'était éclaircit. La nuit n'en finissait pas encore, le soleil était bien loin de se lever, mais c'est comme si les nuages du mauvais temps se dissipaient peu à peu. Sous leurs yeux ébahis, les étoiles leur apparurent, brillantes par milliard sur cette étendu vaste et merveilleuse.
La magie frémissait autour d'eux, levaient les poils de leurs bras et faisait s'élever un drôle de sentiment dans leurs poitrine. La main de Yeonjun se mit doucement à trembler contre le dos de celle de l'autre garçon. Il sentait son regard sur lui, tandis qu'il maintenait le sien auprès des étoiles.
- Yeonjun, murmura Soobin.
- hum ?
- Je n'ai jamais eu pitié de toi.
Son coeur se serra, il eu presque envie de rire.
Si, il faisait pitié, il le savait, il n'y avait pas plus pitoyable que lui. Son physique, son mode de vie, son habitat, tout était pitoyable.
- Dans la forêt à notre rencontre, au lycée, et aujourd'hui. Tu ne me fais pas pitié... je t'admire, continua Soobin.
- Qu'est-ce qu'il y a à admirer ?
- Tu es fort.
- Je ne le suis pas tant que ça.
- Tu surmontes toujours tout, tu te relèves dès que la vie te fait tomber, tu affirmes haut et fort ce que tu penses, ce que tu ressens... tu es entier, tu es toi, et tu n'as pas peur de l'être. Je t'admire tellement.
- Soobin, je ne suis pas aussi fort que je ne veux le faire paraître.
Le paysage lui sembla devenir flou peu à peu, et il dû faire un effort surhumain pour retenir les larmes qui s'accumulaient aux coins de ses yeux.
- J'ai... Toujours été le plus fragile d'entre nous. Lorsque nous nous sommes rencontré pour la première fois, à Magic Island, j'avais tellement peur, j'étais si faible, si pathétique... C'est grace à vous, pour vous, que je voulais être fort. Sans vous je ne serais rien.
Un sourire pathétique se traça sur son visage, il sentait toujours les yeux brûlant de Soobin sur lui mais refusait de les confronter.
S'il le regardait, alors il se mettrait à pleurer pour de bon.
- C'est toi qui m'a dit que j'avais une couronne sur la tête, c'est pour ça que je garde le menton haut, pour ne jamais la faire tomber.
Ça faisait bien longtemps qu'il avait l'impression de l'avoir perdu, cette couronne. Mais il gardait la tête haute, au cas où.
Au cas où quoi ? Ça il ne le savait pas vraiment.
Pendant cinq ans il avait gardé la tête haute, pour ne pas se noyer.
- Avant Magic Island je croyais être un monstre, c'est comme ça que les autres enfants m'appelaient à l'école. J'étais pauvre, mal habillé, je puais les animaux de fermes et les plats préparés par ma mère n'étaient pas aussi beau que ceux des autres. C'était mon surnom "le monstre". La nuit où j'ai été transporté à Magic Island je me souviens m'être regardé dans mon miroir et m'être répéta cela: je suis un monstre.
En fait, peut-être qu'au fond il savait pourquoi il gardait la tête haute.
Peut-être qu'au fond il espérait un jour la revoir, cette couronne sur sa tête.
Peut-être qu'au fond avait-il toujours espérer que Soobin lui fasse de nouveau ressentir cela.
Qu'un jour, il arrêterait d'attendre le courage de l'autre pour que son amour ne soit plus un fardeau douloureux qui ne quittait jamais son coeur.
- Mais quand je suis revenu je n'étais plus un monstre, j'étais un garçon particulier qui avait rencontré d'autres garçons particuliers. J'étais devenu un prince, parce-que tu as fait de moi ce prince. C'est là que j'ai commencé à t'aimer. Mais... Tu le sais déjà.
Ils se rapprochaient d'une limite, s'immisçaient dans une conversation qu'ils s'étaient silencieusement promi de ne plus jamais évoqué. Depuis cette journée au parc, où Yeonjun avait évoqué ses sentiments, depuis qu'il avait affirmé qu'ils ne le quitteraient jamais mais qu'il supporterait l'absence de réciprocité, ils avaient agit comme si rien ne s'était jamais déroulé entre eux.
Enfin, pas totalement. Disons qu'ils avaient agit comme si leur histoire ne s'était pas terminé de la pire des façon.
- La nuit avant Magic Island... J'avais entendu mon père et ma mère parler de moi dans le salon, confia Soobin, à son tour.
Ils n'avaient jamais complètement évoqué les raisons qui les avaient mené à Magic Island. Tout les cinq ils savaient plus ou moins, mais les souvenirs étaient trop douloureux pour être évoqué haut et fort.
Or, aujourd'hui ils le faisaient tout les deux. Main dans la main, sous les étoiles.
Yeonjun la sentait de plus en plus forte, la magie.
- Nous étions allez voir un médecin dans la journée, à la suite d'une convocation de ma professeure d'école. Tout ces adultes n'arrêtaient pas de dire que j'étais "spécial". Et pas dans le bon sens du terme, dans leur voix ça sonnait comme s'ils disaient que j'étais stupide, continua Soobin.
Il tremblait. Ils tremblaient tout les deux.
- Mon père n'arrêtait pas de dire que tout ces gens ce trompaient, que j'étais parfaitement normal, je ne pouvais pas ne pas être parfaitement normal. Et ma mère pleurait, entre deux sanglots elle répétait qu'elle m'aimait... Mais qu'elle avait tellement honte d'avoir un enfant comme moi.
Yeonjun laissa échapper une larme, les sanglots s'accumulaient si fort dans sa gorge qu'il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer.
- Je suis allez dans mon lit, sous ma couverture, et j'ai bouché mes oreilles. J'ai prié dans l'obscurité pour ne plus entendre leurs voix et leurs pleurs.
Soobin pleurait aussi, il le sentait, ça faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pas pleuré ensemble. L'un comme l'autre, ils savaient ce qui se cachait vraiment derrière leurs paroles, les messages qu'ils se transmettaient l'un à l'autre, les bouts de leur histoire qu'ils laissaient sous-entendre.
"Tu as fait de moi quelqu'un de fort, je t'aimerais toujours et j'ai besoin de toi" semblait dire l'histoire de Yeonjun.
"J'aimerais pouvoir être auprès de toi. Mais j'ai trop à perdre" semblait dire celle de Soobin.
- Je me suis tellement battu pour qu'ils soient fier de moi, j'ai peur de les décevoir. J'ai peur de ce que je suis, de ma personnalité et de mes pensées, de mon cerveau qui ne fonctionne pas comme celui des autres, des sentiments que je ne contrôle pas... J'ai peur, de ma propre anormalité. J'ai peur... De moi-même.
Ce que Yeonjun aimait chez Soobin, c'est qu'il se fichait du regard des autres, il avait apprit à ignorer leurs mots et leurs avis sur sa différence.
Mais ce qu'il n'aimait pas en revanche, c'est que Soobin ne se fichait pas du regard de ses parents, de leurs mots et de leurs avis. S'il ne cherchait pas à entrer dans le moule du monde, et bien il essayait tant bien que mal de rentrer dans celui que son père et sa mère forgeaient pour lui.
- C'est stupide hein ? D'avoir peur de choses comme ça.
- J'ai peur d'être haï, rejeté, moqué... J'ai peur de ne pas être aimé. Si tu es stupide à cause de tes peurs, alors moi aussi, déclara Yeonjun, en déposant sa tête sur l'épaule du garçon qu'il aimait.
Son coeur battait si fort, ses larmes caressaient ses joues creuses, entre deux mots il avait sentir le hocquet des sanglots faire tressaillir sa gorge. Il avait tellement mal, et en même temps il se sentait tellement bien. Il voudrait pouvoir plonger dans les bras de Soobin, enfouir sa tête dans son cou, respirer son odeur et oublier que le monde tournait autour d'eux. Il voudrait se perdre avec lui, pour lui, à tout jamais.
Mais alors que son corps esquissait un début de mouvement, un murmure figea son coeur exalté:
- J'ai peur... De t'aimer, avoua Soobin.
Étrangement, les étoiles semblèrent briller davantage.
Et derrière eux, une nouvelle fleur poussa. Et une autre, et encore une autre.
Puis elles se multiplièrent, jusqu'à recouvrir le béton craquelé du toit de ce vieil immeuble.
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