Part III - 2

°2022°


Yeonjun:
Désolé d'avoir envoyé un message au milieu de la nuit.
Je pensais que vous auriez supprimé l'application, plus personne n'utilise cette vieille messagerie de nos jours. Alors je n'imaginais pas que vous verriez mon message.
14:05

Vu par Soobin.
14:06


































Soobin éteignit son portable et le reposa sur la table, le coeur lourd et la gorge serré. Il bu une gorgée de son soda, le froid de la boisson agressa ses dents, et il poussa un nouveau soupir.
L'horloge tournait bien trop vite, le tic tac incessant qu'elle criait semblait le narguer, et il sentait le regard agacé que la serveuse plaçait sur lui.

La pauvre, certainement aimerait-elle profiter du manque de clientèle pour prendre une petite pause. Le flux important d'étudiants en quête d'un Hamburgers était déjà passé, à quatorze heure on ne trouvait plus grand monde au cœur de ce fast food un mardi après-midi.

Soobin était là depuis une heure, il n'avait prit qu'un coca trop rapidement bu, puis un second qu'il sirotait avec lenteur. Il attendait, la serveuse aussi, voilà donc qu'entre eux s'opérait une danse de regards désolés et irrités. Il venait rarement ici, en plus il se permettait de ne rien commander d'autre qu'une boisson, de privatiser une table à deux places en affirmant être bientôt rejoint.

Plus d'une heure, l'horloge tournait toujours aussi vite, les minutes s'enchainaient et il ne recevait aucun message de celle qui le faisait patienter.
Durant toute cette heure la seule notification apparu venait d'une application de messagerie dont il avait oublié l'existence. Étrangement il était persuadé de l'avoir supprimé il y a longtemps, mais elle était comme réapparu sur son écran, comme éveillé depuis les morts, porté depuis les mots d'un garçon qu'il n'avait pas vu depuis au moins cinq années.

Soobin aurait dû être surpris, pourtant il ne l'avait pas été tant que ça. Au cours de sa courte vie s'étaient déjà présenté des événements si innatendu et choquant que plus rien ne le surprenait vraiment.
Le fait qu'une application que plus personne n'utilisait, qu'il croyait d'ailleurs totalement disparu, puisse réapparaître sur son portable semblait juste une bonne blague du destin.

Le fait que Yeonjun envoit un message après toute ces années lui donnait presque envie de rire. N'était-ce pas lui qui, justement, avait coupé tout contact dès qu'il fut diplômé ? Et même bien avant d'ailleurs ?
Il devait être vraiment désespéré pour venir prendre de leurs nouvelles, ou alors complètement bourré au beau milieu d'une soirée arrosée. Ça serait bien son genre tient, Yeonjun avait toujours été un fêtard, il avait toujours aimé savourer tout les extrêmes, agir sans retenu, gonfler son égo avec sa popularité.

Soobin avait presque envie de dire que le plus vieux était celui qui avait tout gâché. Il aimait croire en cette idée, ça le soulageait en quelque-sorte.

Il attrapa son téléphone, soupira face à l'heure, puis ouvrit sa messagerie.

Pas la vieille qui était subitement réapparu, celle que tout le monde utilisait aujourd'hui, celle avec laquelle il communiquait avec sa copine.



Soobin
Je suis arrivé
12h56

J'ai réservé une table, tu arrives bientôt ?
13h01

On avait bien rendez-vous à 12h30 ?
13h03

Arin
J'ai eu un imprévu, je serais en retard
13h11

Soobin
Tu penses arriver à quelle heure ?
13h11



Aucune réponse de la part de sa petite-amie, pas même un vu. Il ne s'inquiètait pas, avec elle c'était toujours ainsi.
Soobin n'avait jamais été quelqu'un de très ponctuel, aujourd'hui il était arrivé avec une trentaine de minutes de retard au rendez-vous, mais Arin battait largement tout ses records. Qui se ressemblent s'assemblent direz-vous, ils faisaient un couple étrangement assortis par leur manque de ponctualité. Mais si au départ cette ressemblance les amusait, désormais Soobin s'en sentait irrité.

Arin ne s'excusait jamais, trouvait toujours une raison plus ou moins valable, et agissait comme s'il avait tord de lui faire des réflexions quand il s'y osait. Ça amenait souvent à des disputes entre eux, complètement stupides et qui, pourtant, s'étendaient parfois sur la longueur.
Puis l'un offrait un "désolé", l'autre pardonnait, et tout recommençait comme dans un cycle.

Soobin soupira, encore, puis laissa ses doigts parcourir l'écran sale de son téléphone.
Par un réflexe qu'il croyait avoir perdu depuis des années, il ouvrit la vieille messagerie et appuya sur la seule conversation de groupe qui s'y trouvait. Les quatre autres participants étaient les seules personnes avec qui il parlait à l'époque, revoir leurs noms après tout ce temps provoqua une drôle de sensation sur sa poitrine.

Soobin n'avait jamais vraiment eu d'amis de son âge, aujourd'hui encore il ne possédait que des connaissances de sa fac et ne discutait réellement qu'avec sa petite-amie. Au lycée Yeonjun, Beomgyu, Taehyun et Kai consistuaient en quelque-sorte son groupe d'ami, mais leur relation se faisait si particulière qu'à les voir on ne les prendrait pas pour beaucoup plus que des connaissances qui, parfois, échangeaient un regard ou un mot.
En fait ils ne se parlaient quasiment que par message et se voyaient quelque-fois en dehors, mais ne s'adressaient presque pas la parole au lycée, seulement quand personne ne les voyait.

En y repensant bien, leur amitié à tout les cinq n'avait jamais embrassé les quadrillages de la normalité.















Yeonjun:
Désolé d'avoir envoyé un message au milieu de la nuit.
Je pensais que vous auriez supprimé l'application, plus personne n'utilise cette vieille messagerie de nos jours. Alors je n'imaginais pas que vous verriez mon message.
14:05

Vu par Soobin.
14:06

Vu par Beomgyu
14h13
















- Tu aurais dû commander pour moi.

Soobin releva la tête de son écran, croisa le regard de Arin qui prenait doucement place devant lui. Elle s'était coupé les cheveux depuis peu, elle faisait plus jeune que son âge, mais il la trouvait plus jolie ainsi.
Arin était doté d'un agréable visage, typique des normes de beauté coréenne, ni trop femme, ni trop petite-fille, mignonne en restant mature. Elle était petite, lui très grand, leur différence de taille semblait amusante à première vu, adorable même, mais Soobin n'aimait pas trop la sensation de devoir courber le dos pour rencontrer les lèvres de sa copine.

Malgré ce détail elle avait tout de la parfaite petite-amie: souriante, gentille, polie, drôle tout en sachant à quels instants le sérieux était prioritaire. Elle aimait s'amuser et faire la fête, mais jamais dans l'excès, elle se prenait d'un intérêt important pour les études et les questions d'avenir, ainsi que pour les traditions de leur pays. Ils sortaient ensemble depuis plus d'un an mais n'avait jamais rien tenté de plus que des baisers rapidement échangés, ils attendaient le mariage, comme peu le faisait encore.
Les parents de Soobin adoraient Arin, ceux d'Arin trouvaient en Soobin le gendre parfait. Ils faisaient l'un comme l'autre de bonnes études, se dirigeaient certainement vers une vie sans encombre, la relation parfaite à première vu.

À première vu.

- J'ai commandé, j'ai demandé à la serveuse d'attendre ton arrivé pour préparer le repas, souffla-t-il en reposant son portable sur la table.

- Tu m'as pris une salade ?

- Et un thé, pour ton régime.

- Parfait alors.

Arin retira sa veste et lui prit son soda afin d'en voler une gorgée. Elle se disait au régime mais volait sans cesse ce que Soobin consommait de gras ou de sucré, comme si l'appel de la malbouffe restait plus fort que l'idée d'avoir le corps maigre si populaire auprès des jeunes filles de leurs âges.
Elle se donnait simplement bonne conscience en commandant de la nourriture saine.

Soobin la laissait prendre dans son assiette, il la trouverait toujours aussi jolie avec quelques kilos en plus. Quiconque verrait Arin la qualifierait de beauté, qu'importe sont poids.

- Tu avais l'air concentré, tu regardais quoi ? Demanda-t-elle, le doigt pointé sur son portable.

- Pas grand-chose, j'ai reçu un message d'une vielle connaissance.

- Une ex ?

C'est avec plaisanterie que Arin demanda cela, il le savait puisqu'il lui avait affirmé n'avoir jamais eu d'autres copines. Elle aimait blaguer ainsi, avec l'habitude il avait apprit à ne pas se laisser décontenancer par sa franchise parfois trop ironique.

- Un gars que j'ai connu au lycée.

- Hum.

Les plats arrivèrent sur la table, c'est avec une impolitesse distingué que la serveuse les déposa. Sûrement cette pauvre jeune fille aurait dû prendre sa pause depuis plusieurs minutes déjà, avoir à servir des clients tardif la mettait visiblement en colère.
Comme prévu Arin ne grignota sa salade que du bout des lèvres, tout en charpardant les nombreuses frites qui accompagnaient le burger de Soobin. Leur repas se dégusta en silence, sans qu'aucun ne trouve ça inhabituel, comme si après presque un an de relation ils ne trouvaient déjà plus rien à se dire.

Ils ne se voyaient qu'une à deux fois par semaine, quand ils trouvaient le temps entre les cours, les révisions et les très nombreuses fois où Arin devait passer du temps avec l'une de ses amis. Ils échangeaient peu par message, seulement des banalités, et s'appelaient parfois le soir pour clamer des "je t'aime" sans réelle saveur.
À première vu ils paraissaient un couple parfait, d'autant plus par les vêtements ou accessoires assortis que la jeune fille se plaisait à acheter, mais Soobin jugeait parfois que sa relation avait quelque-chose de fade.

Il mettait ça sur le compte de tout les films, les livres ou les séries qui décrivaient l'amour comme un sentiment explosant, dévoré par la folie, la joie et les papillons agités dans l'estomac. Un sentiment qui écrasait les cœurs, déréglait l'esprit, faisait naître le désir vital de se consumer dans une ivresse d'émotion, de fondre dans les étreintes et les embrassades. Partout on parlait de l'amour comme d'une chose extraordinaire, qu'on ne vivait qu'une seule fois, qui apportait avec elle l'envie de posséder une personne et de n'avancer qu'avec sa main clouée à la nôtre.

La réalité était bien moins extravagante, bien moins folle, enflammé et irréfléchi.
Dans la vrai vie l'amour consistait à une vie bien rangé qu'on traversait à deux, sans étincelle ni paillette, juste de la tranquillité dans une société qui nous faisait comprendre que seul on était comme insuffisant.
L'amour de la vrai vie n'avait rien à voir avec la fiction, il était simplement nécessaire pour entrer dans les normes.

Soobin ne pourrait jamais dire qu'il aimait Arin comme s'aimaient les personnages d'un film ou d'un drama romantique. Il l'a trouvait jolie, elle le trouvait beau, ils s'entendaient bien, n'avaient pas de difficulté à rester l'un à côté de l'autre, ça suffisait.

- Mon père aimerait m'envoyer à l'étranger, déclara la jeune fille.

La bouchée de burger eu du mal à passer l'étape de sa gorge, elle resta un instant coincé et il l'avala de travers, avant de tousser en buvant une gorgée de son coca. Arin ria de son presque-étouffement, avant de redevenir sérieuse quand il posa sur elle un regard surpris.

- À l'étranger ?

- En Europe, à Paris ou Londres, il pense que ce serait une bonne opportunité pour moi. Ça serait pour une durée de deux ou trois ans, le temps d'obtenir mon diplôme, puis je reviendrais ici et on se marierait. D'ici là tu seras diplômé toi aussi, tu auras un travail. Qu'en penses-tu ?

Soobin ouvrit la bouche mais, ne sachant pas quoi dire, resta immobile comme un idiot.
Se marier ? Oui, il y songeait parfois, à un futur mariage, mais ça lui semblait trop tôt pour en parler. Si Arin partait pendant deux ou trois ans alors ils se marieraient après avoir été séparé longtemps, peut-être auraient-ils changé d'ici là ?

Lui non, sûrement pas, sa vie semblait comme un long fil stable, une continuité d'événements déjà préétablies. Il ne changerait pas avec le temps puisque son futur était déjà tout tracé, sa vie s'étendrait selon le bon vouloir de sa famille et des traditions.

Une vie banale, une existence comme celle de tout les autres, perdu dans la masse.

Est-ce ce qu'il désirait vraiment ?

Ça, il ne saurait le dire. Ça faisait bien longtemps qu'il avait perdu de vue ce qu'il voulait.

- Je vais donc devoir t'attendre pendant quelques années ? Demanda-t-il, une émotion cassé sur la voix.

Quelque-chose résonnait tristement en lui, mais il ne saurait dire si cela venait du départ prochain de sa petite-amie ou de l'idée de se marier d'ici trois ans, d'offrir ainsi un début et une réalité à la vie bien rangé qui l'attendait sans possibilité de retour.

- Oui, mais tu pourras venir me voir pour les vacances ou alors moi je viendrais. Et à mon retour on se mariera, on fondera une famille. C'est plutôt sympa non ? Tu vas te marier avec ton premier amour.

Il se mit à sourire, mais même ses lèvres semblèrent sentir que cette expression n'avait rien de parfaitement sincère.
Il n'était pas le premier amour de Arin, elle avait déjà eut un copain au lycée mais n'en parlait presque jamais, leur histoire s'était mal terminé. Mais elle restait persuadé d'être la première expérience amoureuse de Soobin, la première pour qui il ressentait une attirance.

Il l'a laissait croire, n'ayant jamais eu le courage de lui dire qu'autrefois son coeur s'était déjà ébranlé pour quelqu'un d'autre.

- Le départ est prévu pour quand ?

- D'ici un mois environ, le temps de finaliser les papiers, de trouver un logement et de préparer le depart. Mon père est sur le coup depuis longtemps, il ne m'en a parlé que récemment.

- D'accord.

Elle lui sourit puis empoigna son portable, tapota dessus à une vitesse admirable. Peut-être annonçait-elle à son père de ce qu'elle parlait avec Soobin, ou alors répondait-elle au message d'une de ses amis. Il ne chercha pas à savoir et fit valser son doigt sur l'écran de son propre téléphone.

Encore une fois il ouvrit la vieille messagerie, sans comprendre pourquoi ce réflexe lui revenait naturellement après tant d'années. Au lycée il n'utilisait son portable que pour se rendre sur cette application. Matin, midi et surtout le soir, il pouvait bavarder des heures et des heures avec ses amis sans prendre compte du temps qui s'écoulait et qui, parfois, le poussait à passer des nuits entières éveillés.

Comme la nuit dernière d'ailleurs. Lui qui aimait tant se coucher tôt, il n'avait pas été capable de trouver le sommeil alors que le ciel prenait sa magnifique teinte obscure, et ce sans raison apparente.

Comme si quelque-chose en lui savait que Yeonjun enverrait un message au beau milieu du sombre silence.

- Je vais devoir y allez, Hyojung m'attend pour qu'on aille en cours ensemble, clama Arin.

Soobin hocha la tête, il n'était même pas quatorze-heure trente et Arin n'avait cours qu'à dix-huit heure, mais la connaissant elle irait flâner en ville avec son amie en attendant. Lui il rentrerait chez lui et travaillerait un peu, il avait un dossier à rendre bientôt, puis attendrait de voir si sa petite-amie l'appelait dans la soirée.
Il était bien conscient que sa vie n'avait rien de palpitant, il n'avait aucun ami avec qui sortir ou même échanger des messages, mais ça lui convenait ainsi.

- D'accord, je suis content de t'avoir vu aujourd'hui.

- Moi aussi.

Il paya son repas et celui d'Arin, avec un énième sourire désolé pour la serveuse, puis ils se séparèrent après un baiser vaguement échangé devant le fast-food.

Soobin marcha avec une certaine lenteur, les bras balancées de part et d'autre de son corps, le regard porté sur le ciel dégagé malgré l'été qui touchait à sa fin. Il serrait son portable dans sa main, sans trop comprendre pourquoi il n'avait pas envie de le ranger dans sa poche.

- Souviens-toi...

Son pas marqua un arrêt et il se retourna, persuadé d'avoir entendu une voix lui parler. Elle avait semblé si proche, comme murmurante à même son oreille, ainsi fut-il surpris de ne découvrir qu'un vide derrière lui.

- ... De ce que tu as fait.

Il se tourna une nouvelle fois, encore cette voix avait semblé lui murmurer ces mots. Mais il n'y avait personne, la rue entière était déserte.

Étrangement déserte.

Un frisson le parcouru alors que les battement de son cœur s'intensifiaient. Il se sentit épié alors pourtant qu'il ne voyait autour de lui que l'absence de vie, un fait anormal dans cette rue habituellement trop fréquenté.

Il recula lentement, ramena son téléphone contre sa poitrine affolé et fit valser ses yeux partout sur les environs.

Le vent se levait, les nuages dessinaient de plus en plus de noirceur sur le ciel, il avait l'impression d'entendre des milliers de chuchotement tout autour de lui sans pour autant entendre la moindre parole.

Il avait déjà ressentit cette sensation, il y a longtemps, trop longtemps.

Son portable vibra et il se mit à courir.

Courir sans même savoir réellement ce qu'il fuyait.


































Yeonjun:
Désolé d'avoir envoyé un message au milieu de la nuit.
Je pensais que vous auriez supprimé l'application, plus personne n'utilise cette vieille messagerie de nos jours. Alors je n'imaginais pas que vous verriez mon message.
14:05

Vu par Soobin.
14:06

Vu par Beomgyu
14h13

Vu par Kai
14h33

"Kai en train d'écrire"

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