Part III - 16
°2022°
Beomgyu:
Yeonjun ?
19h05
Yeonjun:
Oui ?
19h06
Beomgyu
Où est-ce que tu habites ?
19h07
Yeonjun :
Pourquoi tu veux savoir ça ?
19h07
Beomgyu :
Il fait froid dehors, sous la pluie, je n'ai aucun endroit où allez.
19h08
Beomgyu:
Je suis tombé de vélo, ça fait mal.
19h08
Beomgyu
J'ai affreusement mal, Hyung.
19h09
Yeonjun :
Où es-tu ?
19h09
Yeonjun écorcha sa paume quand ses pieds glissèrent dans l'eau de pluie, manquant de le faire chuter. Il se rattrapa de justesse et, n'ayant que faire de cette blessure sans gravité, ne s'arrêta pas.
Il courait contre le vent et la pluie, un imperméable à la main tandis que lui n'était vêtu que de son tee-shirt et son jogging. Il n'avait pas prit le temps de se changer, jugeant qu'il serait trempé de toute façon, et aucun parapluie n'aurait pu survivre plus de cinq minutes sous la tempête. Son unique vêtement de pluie il le gardait précieusement pour la personne qu'il s'en allait chercher.
La position de Beomgyu se trouvait à dix bonnes minutes à pied, moins s'il courait assez vite, encore moins si le plus jeune faisait de même de son côté. Yeonjun plissait des yeux pour observer le paysage sombre et embrouillé, cherchant une silhouette grelottante face à lui.
Le froid mordait ses bras à mesure que les gouttes s'y heurtaient, ses vêtements lui collaient à la peau et sa touffe de cheveux lui couvrait le regard, mais il ne lui viendrait pas à l'idée de se plaindre, encore moins quand il distingua enfin Beomgyu.
Un soupir de soulagement se libéra de ses poumons, le jeune homme avançait vers lui en titubant, son vélo traîné à ses côtés, son étui à guitare dans le dos et le corps trempé. On devinait les déchirures que la chute avait infligé à ses vêtements, ainsi que le sang des égratignures, mais tout de ce qui sauta aux yeux de Yeonjun fut l'immence sourire que son vieil ami lui présentait.
- Faire du vélo dans la tempête c'est pas une bonne idée, lâcha Beomgyu, quand ils furent l'un en face de l'autre.
Un éclair hurla dans le ciel et fit refléter sa lueur enragé sur leurs visage, dévoilant une teinte pâles et des larmes qui reposaient encore au coin de ses yeux. Yeonjun grimaça et déposa l'imperméable sur les épaules du plus jeune. Il était évidemment curieux du pourquoi de cette situation, mais savait que le moment n'était pas approprié aux questions.
- Ton vélo est foutu, laisse-le là et monte sur mon dos, ordonna-t-il.
- Je peux marcher.
- C'est pas une proposition, monte sur mon dos.
Beomgyu obéi, lorsqu'il déposa le vélo sur le bas côté Yeonjun constata qu'il boitait un peu. Son jean était déchiré et imprégné de sang au niveau de son genou, raison de plus pour le porter jusqu'à chez lui.
Le trajet retour fut plus long et plus difficile à cause de sa nouvelle charge, mais il supporta chaque pas qui claquait dans les flaques d'eau. Leurs vêtements à tout les deux leur collaient à la peau, l'imperméable ne servait pas à grand chose mais Yeonjun insista pour que son cadet l'enfile malgré tout.
Il eu l'impression d'avoir marché des heures interminables quand enfin son immeuble lui apparut, il tapa le code d'entré et entreprit de grimper les six étages sans déloger Beomgyu de son dos. Son appartement régnait tout en haut du bâtiment, seul à cet étage qui n'en était pas vraiment un. Une petite pièce construite pour faire office de grenier, mais que le propriétaire avait transformé en logement tout juste habitable, qu'il louait à bas prix.
C'était lugubre, poussiéreux et souvent humide, mais Yeonjun s'en contentait. Il aimait la solitude du lieux, le prix abordable, et surtout son accès privilégié au toit de l'immeuble.
Quand il pénétra la pièce il constata que la tempête avait fait sauter les plombs, l'endroit n'était plus éclairé que par la grande fenêtre qui laissait passer la brève lumière des éclairs.
- C'est moche chez toi, commenta Beomgyu, qui avançait dans la pièce d'un pas hésitant, et boiteux.
- Je sais.
- Il n'y a pas de frigo ? Ni même de plaques pour la cuisson ? Tu manges comment au juste ?
Tout en sortant quelques bougies et allumettes d'un tiroir, Yeonjun désigna du doigt les piles de nouilles instantanées qui reposaient entassé près de sa bouilloire.
Derrière les mèches brunes trempé qui lui dévoraient le visage, on devinait l'expression perplexe que Beomgyu affichait.
- Ne me dis pas que tu ne manges que ça ?
Yeonjun alluma quelques bougies qui offraient à la pièce une atmosphère plus confortable, ou plus lugubre encore. Puis ouvrit un autre tiroir pour saisir sa trousse de soin.
- La plupart du temps je mange dans des magasins, ou je commande parfois. Maintenant assis-toi que je te soigne.
Beomgyu ne semblait pas convaincu, à travers ses yeux la lueur d'une triste émotion faisait une timide apparition. Il le prenait en pitié, Yeonjun le devinait, quiconque verrait sa condition de vie aurait ce même regard peiné.
- Je veux prendre une douche avant, t'as de l'eau chaude ? Ou au moins une salle de bain ?
- Le ballon d'eau chaude n'est pas très grand alors n'y reste pas longtemps, répondit-il en désignant la porte dressé à côté de son lit.
Puis il offrit un pull et un pantalon à Beomgyu, qui ne perdit pas une seconde pour plonger entre les bras d'un bon jet d'eau chaude.
Yeonjun soupira, sans vraiment savoir pourquoi, sans pouvoir déterminer s'il s'agissait d'un souffle soulagé ou dépité.
Peut-être un mélange des deux. Une part de lui se rassurait d'avoir pu être présent pour son jeune ami, mais une autre se désolait de lui présenter le quotidien qui était réellement le sien.
De le décevoir en dévoilant ce qu'était réellement devenu Choi Yeonjun.
Il entreprit de se changer, certain du désagréable rhume qui lui rendrait visite après s'être trempé ainsi. Mais alors qu'il hésitait sur le gilet le plus chaud entre ses deux préférés, une chanson qu'il ne connaissait pas résonna dans la pièce. Il posa le regard sur l'origine du bruit et découvrit le portable de Beomgyu, déposé sur le meuble de l'entrée à côté de son étui à guitare écorché.
L'écran était fissuré, remplie de gouttelettes, c'est à se demander comment il fonctionnait encore. Mais ce détail n'interpella pas Yeonjun, c'est sur le nom affiché qu'il se focalisait.
Taehyun.
Il attrapa l'objet et le regarda sonner, accompagné d'une chanson au rythme d'un Jazz entraînant. Puis l'écran s'éteignit, ayant atteint la limite de ses sonneries.
Yeonjun soupira, mais quand il voulu poser le téléphone celui-ci sonna de nouveau. Taehyun appelait encore.
Et, pourtant bien conscient qu'il ne s'agissait pas de la meilleures des idées, il décrocha.
- Beomgyu où est-ce que tu es passé ?! Tes parents ont appelé à la maison ! Si tu as fugué pourquoi t'es pas venu ? Il y a une vrai tempête dehors, ne me dis pas que tu es sous...
- Taehyun c'est moi, Yeonjun.
La voix se figea dans un hocquet, un sursaut, et Yeonjun ne pu retenir son sourire à l'entente du petit bruit si caractéristique que produisait le jeune homme.
L'entendre après si longtemps fit monter des brumes de nostalgie qui lui envahissaient le crâne. Il en oublia presque tout ce qu'il voudrait reprocher à Taehyun, tout ce pourquoi il pourrait le détester, tout ce qui l'exasperait tellement chez lui.
Soudainement, alors qu'il n'avait entendu que sa voix à travers un téléphone brisé, les bons souvenirs affublaient. Yeonjun se rappela l'affection qu'il avait pour ce garçon.
- Beomgyu est chez moi, il va bien, dit-il.
- Ah.
Il leva les yeux au ciel face à cette réponse sèche. Ça y est, l'agacement le gagnait, un agacement que seul Taehyun était capable de créer chez lui, qui faisait grimper au coin de sa lèvre un rictus qui n'avait pas traversé son visage depuis cinq ans.
Quand il était au lycée Yeonjun disait souvent qu'il n'y avait que deux personnes dans ce monde qu'il pouvait à la fois haïr et aimer à en mourir. L'un avait son prénom affiché sur le téléphone qu'il tenait en main, et le second était le garçon à qui appartenait ce téléphone.
Beomgyu et Taehyun avaient toujours été doué pour le faire exploser. Chacun d'une manière bien singulière, et Yeonjun ne pouvait pas nier qu'il en était un peu coupable parfois. Bien sûr les disputes n'avaient jamais rien de bien violentes, seulement leur manière d'interagir, leur manière bien à eux d'être amis.
Mais il n'y avait qu'avec ces deux-là qu'il pouvait s'énerver. Kai était le genre de personne à qui on ne pouvait jamais rien reprocher, le genre d'ami parfait qui ne produisait que des sourires autour de lui. Quant à Soobin, et bien même quand il lui faisait mal à en crever Yeonjun était incapable de le détester.
- Taehyun, est-ce qu'on peut parler un peu ? Demanda-t-il, s'efforçant d'avoir un ton bien plus calme que ne prévoyait son cœur battant.
- Non.
- Pourquoi ?
- Je l'ai déjà dit il y a cinq ans.
Sa mâchoire se serra, de même que ses doigts autour du téléphone amoché.
- C'est faux, t'as absolument rien dit, tu n'as jamais expliqué.
- Yeonjun je... Au revoir.
- Attend !
Il avait presque crié, si bien qu'il imaginait son interlocuteur sursauter à l'autre bout du fil. Mais ça avait suffit à le retenir, il entendait toujours la respiration du plus jeune, peut-être tout aussi rapide que la sienne.
- Taehyun, il faut vraiment qu'on discute. J'ai...
Yeonjun baissa le regard sur sa main, ou plutôt les veines apparentes qu'on devinait à travers sa peau. Puis il s'en alla observer la fleur violette sur le rebord de sa fenêtre, qui gigotait dans le vent et baissait la tête sous la pluie. Malgré les agressions des intempéries elle restait solide sur ses racines, provocante par sa tenacité.
- ... J'ai vraiment besoin de toi, termina-t-il.
Il n'aurait jamais cru dire ça un jour, lui qui avait été si fier, un poil orgueilleux, toujours dans le paraître d'une stature fière et d'une confiance sans faille.
Et il aurait encore moins cru que, quand il admettrait sa faiblesse, Taehyun lui raccrocherait au nez.
Bien que la déception lui serra la poitrine il ne devait pas s'en étonner, ce geste confirmait seulement qu'après tout ce temps le jeune homme ne désirait pas mettre fin à la distance qu'il avait instauré. Taehyun ne voulait plus voir Yeonjun, il ne voulait plus lui parler, il y a cinq ans il le lui avait déjà affirmé droit dans les yeux.
C'était douloureux de s'en rappeler, d'admettre avoir perdu celui parmi les quatre qu'il s'était le plus démené à protéger. Certes, peut-être s'y était-il mal prit, Soobin, Beomgyu et Kai lui répétaient sans cesse qu'il ne savait pas y faire avec Taehyun, et il s'était montré assez idiot pour croire que c'était eux qui se trompaient.
Dans un soupir irritant il reposa le téléphone et enfila le premier gilet venu. L'eau ne coulait plus dans la salle de bain, alors il attendit dans une patience immobile que Beomgyu en sorte.
Les minutes passèrent, il le devinait prenant tout son temps pour se sécher, pour se vêtir, mais surtout pour perdre son regard dans le miroir tandis qu'il se coiffait.
Il n'avait décidément pas grandement changé depuis l'époque où ils étaient amis, toujours préoccupé par son apparence et l'image qu'il renvoyait aux autres. Yeonjun ne pouvait pas l'en blâmer, à l'époque il faisait pareil.
Mais aujourd'hui les artifices ne l'intéressaient plus, il n'avait pas l'argent pour s'entretenir correctement et n'en voyait plus l'intérêt. Il n'était plus le petit prince du lycée, il n'y avait plus aucune foule pour l'admirer, plus aucune assemblé qui se laissait envoûter, plus personne pour l'élever trop haut.
Et il n'avait jamais su dire si cette nouvelle solitude le soulageait, ou l'angoissait.
- Même ta salle de bain est nul, comment tu fais pour vivre là-dedans ? S'exclama Beomgyu quand, enfin, il daigna le rejoindre.
Yeonjun ignora sa remarqua et l'invita à s'assoir sur le matelas. Sa trousse de soin n'était pas très étoffé, mais c'était suffisant pour les égratignures causé par une chute. Après avoir remonté un peu le pantalon il appliqua du désinfectant sur les plaies qui décoraient les jambes du garçon aux traits étouffé sous des grimaces d'inconfort.
Puis, dans un soucie de sincérité, il déclara :
- Taehyun a appelé.
Beomgyu leva un sourcil et chercha son portable du regard. Il voulu se lever pour s'en saisir mais Yeonjun le maintient assit, il comptait bien nettoyer et panser la plus microscopique plaie du plus jeune avant de le laisser faire quoi que ce soit.
- Tu as décroché ? Demanda le blessé.
- Ouais.
- Il était pas content, n'est-ce pas ?
- Il m'a raccroché au nez.
Alors qu'il pensait être reprimendé pour avoir répondu au téléphone d'un autre sans autorisation, Yeonjun fut surpris d'entendre le rire sincère que Beomgyu mêla à sa réponse:
- C'est parce-que je lui ai dit de ne surtout pas parler aux inconnus, et il est un gentil garçon très obéissant.
En passant outre la petite pique que le mot "inconnu" plantait directement dans sa poitrine, Yeonjun s'autorisa un sourire. Puis il entreprit de remonter les manches du pull pour soigner les blessures des bras et des coudes.
La peau du jeune homme avait été plus méchamment égratigné qu'il ne le pensait, surtout sur le côté droit de son corps, et il était satisfait que Beomgyu ne fasse preuve d'aucune pudeur, qu'importe le morceau de tissu soulevé pour atteindre les plaie.
Quand enfin il ne lui restait pour travail que le visage, il souleva les mèches brunes encore humides et appliqua un coton chargé de désinfectant sur une joue griffé. Yeonjun sentait le regard de son "patient", il voyait ses lèvres qui s'ouvraient et se refermaient dans de minuscules petits sauts, et soupira face à ce manège ridicule.
- Qu'est-ce que tu veux me dire ?
Beomgyu sursauta puis, à mesure que les éclats du trouble ternissaient son visage, avoua:
- C'est juste que... ça me rend un peu triste de te voir vivre dans un tel endroit. Au lycée tout te souriait, tu étais le plus beau, le plus populaire, le plus intelligent, t'avais à peine besoin de réviser pour avoir des bonnes notes et il te suffisait d'un sourire pour faire tomber la terre entière. Tu étais parfait, ta vie semblait parfaite, je t'admirais tellement. Alors je me demande... Qu'est-ce qui a mal tourné ?
"Je vous ai perdu, voilà ce qui à tout brisé" avait envie de répondre Yeonjun, mais il s'abstient de justesse.
Sans eux il n'y avait plus aucune raison de maintenir l'image glorieuse de Choi Yeonjun, il n'y avait plus aucun sens à la polir et la surélever. Il aimait son succès et les regards à l'époque, mais il ne fallait pas oublier qu'à la toute base il s'était placé sur le trône afin d'attirer l'attention de quatre personnes bien particulière.
Il s'était construit cette image parfaite et irréelle pour eux, pour les retrouver, mais il avait fait l'erreur de ne pas s'en détacher une fois son but atteint.
Était-ce ce qui avait tout gâché ? Était-ce de sa faute s'ils n'avaient pas réussi à maintenir leur amitié ? Parce-qu'il avait été incapable de lâcher ce masque d'élève populaire qu'il s'était gravé ?
Il n'y avait pas que cela, évidement, les raisons de leur mésentente s'étaient faites nombreuses et pendant longtemps Yeonjun était persuadé n'avoir jamais rien fait de mal. Mais aujourd'hui, alors que la brèche se rouvrait et que tout les souvenirs le heurtaient, il devait bien admettre qu'il avait lui aussi sa part d'erreur.
Quand il voyait son sang couler, ce liquide violet qui n'avait rien de naturel, il se disait que quelque-chose, ou quelqu'un, le punissait.
- Bravo pour ton diplôme, murmura Beomgyu.
- Pourquoi tu me dis ça ?
- Parce-que tu m'as ignoré, lors de ton dernier jour au lycée. Je voulais te féliciter, comme si ça allait tout arranger, mais quand tu as détourné le regard j'ai compris que tout était fini.
Les doigts de Yeonjun se crispèrent aux bords du pansement qu'il déposait tout juste sur la joue du plus jeune. Une sécheresse atroce envahissait sa gorge, le poid des remords qui se rappelaient à lui.
- Je suis désolé, souffla-t-il.
- Juste pour ça ? Où pour tout le reste ?
- Je suis désolé pour tout.
Il appliqua le pansement d'une lenteur toute particulière, avec une délicatesse dont rarement il avait fait preuve, en particulier vis à vis de ce garçon. Il ne parvenait plus à penser, il perdait son regard sur le visage de cet ancien ami. Il perdait ses doigts contre une peau abîmé, le coeur coupable comme s'il était le vent qui l'avait poussé de son vélo, le sol qui l'avait érafflé, ou alors la raison de sa fuite parmi la tempête.
Désolé, ce mot ne lui semblait pas suffisant, mais il n'en trouvait pas d'assez puissant pour décrire cette déchirure dans sa poitrine, pour extérioriser ses tourments et ses remords. Tout ce qu'il trouva à faire était de recoiffer les cheveux de Beomgyu, leur donner une apparence inutilement belle à l'orée de la nuit. Puis il lui proposa de prendre du repos mérité après toute ces émotions.
Il n'y avait qu'un lit dans la pièce, mais cela ne dérangeait aucun des deux. Ce n'était pas la première fois qu'ils dormaient ensemble, au lycée ils faisaient souvent des soirées les uns chez les autres et étaient bien obligé de partager un même espace de sommeil.
Une fois ils s'étaient même endormi à cinq dans le même lit, sous un caprice de Kai qui trouvait amusant de passer une nuit les uns contre les autres. Et puisqu'aucun d'entre eux n'était capable de refuser quoi que ce soit au plus jeune de la bande, ils avaient joué à un Tetris humain pour que chacun y trouve du confort.
À se souvenir Yeonjun ne cacha pas son sourire alors qu'il remontait l'épaisse couverture sur leurs deux corps, que l'absence de chauffage rendait tremblant.
La tempête paraissait avoir craché ses pires démons, le tonnerre ne grondait plus et l'absence des éclairs offraient aux bougies la chance de briller plus encore dans la pièce. Seule la pluie de cessait pas, le désagrément que ses claquements promettaient augmentait la sensation de confort sous des draps que leurs corps réchauffaient.
Yeonjun fixa le plafond poussiéreux, il admirait les lueurs dansantes que les bougies renvoyaient, les ombres qui valsaient avec la lumière. Au cliquetis de sa petite horloge il devina qu'une bonne dizaine de minutes s'étaient écoulé quand il sentit des bras timides s'enrouler autour de son torse.
- Tu crois qu'on arriverait à redevenir amis ? Murmura Beomgyu, le visage pressé contre son épaule.
- Moi j'en ai envie, tu en as envie ?
Un nouveau silence s'imposa. Animé par les enfantillages de la pluie bruyante, les secondes tombèrent une à une, d'une lenteur que l'horloge elle-même ne saurait expliquer.
Le temps que les mots du plus jeune se forment sur sa langue, peut-être le temps qu'il trouve le courage de les chuchoter dans la nuit.
- Je crois que de vous quatre c'est à toi que j'en ai le plus voulu. Je t'ai détesté à un point que tu ne peux même pas imaginer, Yeonjun.
Tout en parlant Beomgyu se serrait davantage à son aîné, une attitude affectueuse qui entrait en contradiction avec ses paroles.
- Au lycée je voulais être numéro un dans votre cœur à tous, mais surtout dans le tien parce-que je t'admirais tellement, continua-t-il. Mais toi ton numéro un c'était Soobin, parce-que tu en étais amoureux, et ça je le comprend. Mais tu préférais aussi Taehyun et Kai à moi, et ça c'était plus douloureux.
- Je vais finir par croire que tu étais amoureux de moi, lâcha Yeonjun, sur le ton d'un humour qui n'avait pas vraiment sa place ici.
Beomgyu releva le visage pour lui laisser voir le rictus dégouté que la lueur des bougie rendait plus laid encore.
- Ça jamais de la vie, rien que l'idée me donne la nausée. Tu nous images toi et moi en couple ? Berk.
Leurs rire se mêlèrent à cette idée, ils n'auraient jamais pu se supporter plus de quelques-jours si, par le plus grand des malheurs, la même flèche de l'amour les avait transpercé. L'un d'eux aurait fini par étrangler l'autre, où ils se seraient étranglé mutuellement, quel que soit l'issue elle aurait été mauvaise.
Boemgyu se laissa retomber sur le matelas et reprit cette position qui, pourtant, aurait pu porter à confusion sur leur relation. Mais ça ne leur paraissait pas étrange d'être aussi proche, malgré le temps, malgré les vagues de non-dits et de reproches qui les reliaient, il y avait entre eux quelque-chose de bien plus puissant que tout les nuages noirs.
Qu'importe les années, ils savaient l'un comme l'autre qu'ils ne seraient jamais vraiment mal à l'aise ensemble. Tout les deux mais également avec les trois autres, ils détenaient les plus grands secrets des uns et des autres, ils se connaissaient comme personne.
Le fruit de toute les confidences faites au lycée, par des messages qui défilaient parfois des nuits entières.
Ils s'étaient, après tout, fait promesse de sincérité.
- Je suis désolé, j'ai jamais voulu faire de classement entre vous, je vous aimais tous tellement, confia Yeonjun, dont le regard restait perdu dans les ombres dansantes sur son plafond.
- Mais Soobin plus ?
- Pas plus, différemment.
Il sentit Beomgyu hocher la tête contre son épaules, puis devina son regard sur lui.
Ce n'est qu'après une minute entière que Yeonjun le sentit détourner les yeux, mais alors qu'il pensait que le sommeil viendrait bientôt les chercher, son camarade attrapa sa main et la tira afin que son bras sois parfaitement tendu à la lueur des bougies. Puis il murmura:
- Je t'en ai voulu, mais j'en voulais aussi à Soobin parce-qu'il s'ouvrait à toi, Kai et Taehyun, alors qu'avec moi il riait juste. J'avais l'impression qu'il ne me faisait pas confiance, qu'à ses yeux je n'étais pas digne d'être un confident.
- Soobin s'amusait avec toi comme avec personne d'autre, tu étais le seul à libérer cette part si enjoué de lui. Avec toi il souriait comme jamais il ne le faisait avec moi, Kai ou Taehyun, rétorqua Yeonjun.
Les doigts de Beomgyu se baladaient sur sa main, étudiaient ses doigts, ses ongles, chacune de ses articulations. Puis ils descendirent sur sa paume et s'arrêtèrent sur l'écorchures qu'il s'était faite plus tôt.
Avec l'eau de pluie le peu de sang écoulé s'était perdu sur la route, et l'obscurité effaçait la couleur des petits résidus reclus au coin de sa peau arraché.
On voyait quelques taches sombres, mais impossible de constater la couleur. Bien heureusement, puisque Yeonjun ne voulait pas tout de suite faire part à ses amis de son sang devenu aussi violet que les fleurs aperçu au Magic Island, la dernière fois qu'ils s'y étaient rendu.
- J'en voulais à Kai parce-qu'il était si doux et attentionné avec vous tous, il s'investissait tellement auprès de vous, mais très peu avec moi, continua Beomgyu, dont la voix tremblait peu à peu.
- Kai était focalisé sur notre relation à moi et Soobin, et il était toujours très inquiet pour la santé de Taehyun. Il était attentionné envers toi, seulement c'était d'une autre manière, peut-être pas aussi voyante mais très sincère. Kai t'aimais beaucoup, il était le premier à rire à chacune de tes blagues.
Les doigts bougeaient sur la blessure, en traçaient la forme déchiré, et au fil des caresses Yeonjun sentit une chaleur piquante qui se rependait sur sa peau. Il en grimaça mais ne retira pas de cette prise, bien conscient de ce qu'il se passait.
- Je vous en ai voulu à tout les trois mais jamais à Taehyun, parce-que j'essayais pas d'être aussi proche de lui que de vous. Je l'observais en retrait, dès qu'on discutait je me disais qu'il était le garçon parfait pour moi, pourtant je ne faisais rien, je voulais attendre qu'il oublie Jungwon. Mais aujourd'hui on est si proche lui et moi, à l'époque si j'avais été plus investi à son égard je n'aurais peut-être pas eu cette sensation d'exclusion. Peut-être... Que les regards et l'attention que je n'avais pas avec vous je les aurais eu de lui.
Beomgyu fit une dernière pression sur la blessure puis la lâcha.
- Je n'avais pas l'amour de mon père, et je ne voulais pas tout de suite essayer d'avoir celui de Taehyun. Alors j'ai cherché à être trop aimé par vous trois, je me suis fait mal tout seul à espérer des trucs que je n'aurais jamais, c'est là mon erreur, termina-t-il.
Peu étonné mais tout de même ébranlé parce-qu'il entendait, Yeonjun observait la paume de sa main désormais si lisse qu'on aurait jamais pu penser qu'elle fut blessé deux secondes plus tôt.
Beomgyu venait d'user de son don offert par le Magic Island pour le soigner, tout en dévoilant les point noirs qui lui restaient que le coeur depuis tout ce temps. Il leur avait autrefois fait la remarque de son exclusion, mais jamais dans ces détails-là, jamais en exprimant à quel point il étaient jaloux des relations des autres.
Envieux au point de ne jamais voir ce qu'il avait déjà, ou justement aurait pu avoir en agissant.
Mais Yeonjun ne pouvait pas le blâmer, il ne pouvait pas lui affirmer haut et fort qu'il se trompait totalement, que ses ressentis n'étaient pas réels. Plus il y pensait et plus les souvenirs le désolaient. Il se rendait bien compte que, qu'importe la combinaison avec laquelle il se trouvait, Beomgyu avait toujours des raisons de croire qu'il était "de trop".
- Tu n'es pas le seul fautif, tu as raison quand tu disais que je n'avais d'yeux que pour Soobin, avoua-t-il, le coeur serré. Et quand je ne le regardais pas lui, je surveillais Taehyun, où je chouchoutais Kai. Je suis le plus vieux de la bande, celui qui s'est démené à nous réunir, et je ne me suis même pas bien occupé de toi. Quand tu l'as fait comprendre à l'époque je me voilais la face parce-qu'on s'amusait souvent tout les deux, mais maintenant je comprend que je n'étais pas présent comme j'aurais dû l'être. Je suis désolé.
Beomgyu se redressa, laissant ainsi leurs regards se rencontrer. Et alors que c'est un visage attristé ou fade qu'il s'attendait à voir, Yeonjun fut surpris du sourire resplendissant qui apparu sous ses yeux.
- Alors rachètes-toi, et Laisse-moi squatter cet appartement pourri quelques jours. Je ne te laisse pas le choix de toute façon, même si tu veux me mettre dehors je m'accrocherais aux murs, déclara le plus jeune.
Son sourire grandissait, la fierté face à son propre petit jeu, face à une victoire qu'il s'était octroyé tout seul. Et Yeonjun ne parvient pas à retenir son rire alors qu'il caressait le visage de ce vieil ami, cueillant des larmes chaudes sur le bout de ses doigts.
- T'as vraiment pas changé, murmura-t-il.
Puis il attira Beomgyu contre lui et l'enferma dans une forte étreinte. Il le sentit trembler contre lui, pleurer contre lui, et se mit alors à le bercer avec une tendresse dont il n'avait sûrement jamais fait preuve à son égard.
Il le serrait dans ses bras avec l'espoir que, cette fois, il ne le perdrait pas.
Peut-être la vie était-elle en train de lui donner une seconde chance, si tel était le cas alors Yeonjun comptait bien se battre pour garder les quelques miettes de bonheur que son funeste destin lui permettait de posséder.
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