Part III - 14

°2022°

- Beomgyu ! Tu tombes bien mon grand, j'ai bien cuisiné aujourd'hui !

À peine eut-il pénétré la maison de Taehyun que Beomgyu se retrouva prit en otage par le père de famille, excité à l'idée de faire goûter ses madeleines tout juste sortie du four.
Il avait toujours été incapable de refuser quoi que ce soit à Monsieur Kang, surtout quand ça concernait des gâteaux, alors il croqua joyeusement dans une madeleine.

- C'est délicieux ! Comme toujours ! Vous devriez songer à ouvrir votre propre boutique, ça ferait un carton, s'exclama-t-il, en se servant une seconde fois sur le plateau.

- Ce n'est pas si simple de quitter mon métier pour monter ma propre entreprise, mais peut-être que quand mes enfants seront indépendant je pourrais m'y essayer.

Beomgyu rendit son sourire à l'homme en dévorant la douceur qui fondait sur sa langue, le goût sucré et la texture nuageuse faisait monter en lui l'envie de s'installer à cette table à tout jamais en se goinfrant de madeleines. L'humeur entraînante de Monsieur Kang jouait beaucoup là-dedans, l'enthousiasme et la gentillesse s'incarnait dans cet homme immature à en devenir drôle, mais toujours présent pour sa famille et ses amis. Il discutait facilement et offrait une oreille attentive à quiconque venait lui confier ses peines.

Beomgyu aurait aimé être son fils. À mesure que le goût des madeleines imprégnait sa bouche il se faisait la réflexion que son père n'avait jamais cuisiné pour lui, ni même perdu son temps à la moindre petite attention de ce genre.

- Je me disais bien que j'entendais du bruit, Hyung t'aurais dû me dire que t'étais arrivé.

Perdu dans les saveurs des gâteaux il n'avait même pas entendu Taehyun descendre les escaliers, et c'est un sourire rempli de miette qu'il afficha quand le plus jeune pénétra la cuisine.

- Je jouais les goûteurs pour ton père, ta mère et ta soeur vont adorer ces madeleines !

Beomgyu sauta de son siège et remercia Monsieur Kang, puis attrapa la main de son ami.
Ils n'avaient pas vraiment prévu de se revoir aujourd'hui, ayant déjà "travaillé" ensemble à la bibliothèque plus tôt, mais il avait trouvé l'excuse d'une difficulté avec un passage de son cours pour faire un détour chez Taehyun. La vérité étant qu'il n'avait pas envie de rentrer chez lui, il savait déjà que son père allait lui tomber dessus pour avoir passé la journée dehors.
D'ici une heure ou deux la voie serait libre dans sa propre maison, son géniteur allait toujours boire un verre avec ses collègues le vendredi soir.

Taehyun ne verrait pas d'inconvénients à ce qu'il squatte chez lui en attendant, bien au contraire puisque le plus jeune insistait toujours pour qu'il vienne se réfugier ici quand la situation le nécessitait.

Fier de son plan, Beomgyu remonta son sac à dos sur son épaule et tira la main de son ami, mais celui-ci ne suivit pas son élan. Il tourna vers lui des yeux curieux, prêt à réclamer la raison de son immobilité, mais se figea en constatant la direction de son regard.

- Papa, est-ce que...

La voix de Taehyun tremblait alors qu'il faisait face aux madeleines encore tiède, dont la délicate odeur embaumait toute la pièce.

- Je peux en prendre une ? Osa-t-il demander.

Une vague d'émotion explosa dans la poitrine de Beomgyu, une pluie d'étoiles filantes qui brûlait son souffle et étendit un grand bonheur sur ses lèvres. Mais son sourire n'aurait jamais pu être plus grand que celui de Monsieur Kang, qui fixait son fils comme une merveille extraordinaire qu'on lui déposait devant les yeux.
Il ne parvient même pas à répondre, c'est à peine s'il poussa correctement le plateau en direction de Taehyun, qui s'y servit.

Il observa d'abord longtemps la madeleine, la pressa entre ses doigts et en gratta l'un des rebords. Les secondes s'enchaînèrent avant qu'il n'ose la mener à son visage, pour se contenter d'en renifler l'odeur.
Boemgyu lui tenait toujours la main, il l'a serrait et patientait, ému que son ami prenne l'initiative de vouloir manger quelque-chose de sucré. Il lui laissa le temps nécessaire avant de réellement y goûter, et ne pu résister à l'envie de le câliner lorsque ma madeleine passa enfin la barrière de ses lèvres.

Il enroula ses bras à la taille de Taehyun et le regarda mâcher une petite bouchée, avec une lenteur particulière mais enivrante à admirer.

- C'est bon ? Murmura-t-il.

Le plus jeune hocha la tête, puis parvient à faire glisser une nouvelle miette sur sa langue.
Monsieur Kang le fixait toujours avec cette émotion déchirante, une fusion d'amour et d'espoir qui se dessinait parmit les larmes qu'on devinait au coin de ses yeux.

C'était la première fois, depuis l'époque du collège, que Taehyun goûtait l'une de ses pâtisseries.

L'homme fit mine de devoir allez au toilette et, quand ilquitta la pièce, l'écho de ses reniflement resonnèrent derrière lui.

- Je crois que t'as fait pleurer ton père, lâcha Beomgyu.

- Je crois aussi.

- C'est une bonne chose, de bonnes larmes. Allez viens.

Il tira Taehyun jusqu'à l'étage et tout deux s'installèrent au bureau, les feuilles de cours déjà éparpillés devant eux. Beomgyu essaya d'écouter ce que son ami lui expliqua, pendant une dizaine de minutes à peu près, avant d'être si perdu dans l'ennui qu'il trouva l'idée de jouer avec son stylo plus amusante.
Franchement, lui il voulait étudier la musique, créer et chanter, pourquoi fallait-il que dans son cursus on l'oblige à prendre des cours d'anglais ? Des centaines d'applications de traductions existaient, il n'aurait qu'à s'en servir.

- Tu t'en fiche, pas vrai ? Demanda Taehyun, qui se rendait tout juste compte de son discours destiné au vide.

- Un peu.

- Tu veux jouer à un jeu vidéo ?

- J'attendais que tu le proposes !

Beomgyu laissa tomber le stylo et se dirigea vers la télévision qui surplombait la chambre, l'alluma pour enclencher un jeu sur la console qu'il avait lui même offert à Taehyun à Noël. Son ami riait en le regardant faire, puis attrapa une manette et marmonna que son aîné agissait comme s'il était chez lui.

Ce qui n'était pas totalement faux, il se sentait plus confortable dans cette maison que dans la sienne.

Ils lancèrent un jeu d'aventure et s'y activèrent pendant une bonne heure sans constater le temps qui passait, les yeux fixés sur l'écran et leurs esprits perdu à travers le monde fantaisiste dans lequel ils mouvaient leurs personnages. Par moment ils se criaient dessus, quand venaient des combats ou quêtes difficiles, mais finissaient par rire de leurs propres réactions à chaque victoire ou défaite.
Quand une pause s'imposa Beomgyu fut enchanté de constater que Taehyun en profita pour terminer la madeleine qu'il grignotait jusqu'ici, et alla s'affaler sur lui.

Quelques secondes de silence volèrent autour d'eux, qu'il hésitait à briser par une conversation qu'il viendrait sûrement à regretter. Mais les mots brûlaient sa langue depuis qu'il avait pénétré la maison des Kang, s'il était venu ici ce n'était pas seulement par besoin d'échapper à son père.
Au fond, Beomgyu avait affreusement envie de parler de ce qu'il s'était passé dans l'après-midi. Il voulait évoquer ses retrouvailles avec trois visions du passé.

Il ressentait exactement la même emprise qui l'avait torturé il y a cinq ans, ce besoin presque vitale de s'accrocher à eux, même quand ça lui faisait mal. Ça avait toujours été plus fort que lui, Beomgyu avait espéré que cette amitié remplace l'amour paternel, ou même maternelle, qu'il n'avait pas.
Et c'est peut-être pour ça qu'il s'était sentit si triste à l'époque, si seul et exclu. Il voulait sans cesse leurs regards sur lui, leur amour inconditionnel, il n'en avait jamais assez.

Au final, il n'en avait même pas eu suffisamment.

Il n'était la priorité d'aucun des quatre, pas même au second plan.

Il n'avait jamais réussi à devenir le préféré.

- Dis, est-ce qu'on peut parler d'un sujet qui ne te plaît pas du tout ?

Il ne manqua pas de voir la main de Taehyun qui se crispait sur sa manette. Mais le plus jeune ne secoua pas la tête, ne fit pas le moindre signe d'un refus, alors Beomgyu continua:

- Je les ai revu cet après-midi.

Il n'arriva pas à retenir son sourire, même face au visage désormais refroidit de son ami.

- C'était pas prévu, mais sur la conversation Yeonjun a proposé d'allez manger une glace et... Je sais pas, ça m'a donné envie d'y allez.

Ça avait été plus qu'une envie, ça en devenait un besoin presque vital, comme s'il y avait été aimanté.
Beomgyu n'aimait pas trop ça, ce que ces garçons faisaient de lui. Déjà à l'époque il grimaçait de savoir à quel point son attirance à leur égard lui perçait le coeur, il se maudissait de sentir qu'il leur était si dépendant.

Il détestait ça, et il adorait ça.

Il adorait se sentir quelque-chose parmi eux, il se sentait vivre quand leurs regards se posaient sur lui.

- Tu es fâché ? Demanda-t-il face à l'absence de réaction que ses paroles engendraient.

- Non, je n'ai pas le droit de t'interdire de les voir, tu fais ce que tu veux.

Taehyun semblait sincère, derrière ses traits crispés il y avait un soupir de résignation en retenu. Et Beomgyu se redressa pour ouvrir les bras, son invitation habituelle à une étreinte que le plus jeune ne refusait jamais.
Au creux de cette proximité affective il espérait faire comprendre à Taehyun que, même s'il reprenait doucement contact avec les autres, jamais il ne le laisserait tomber.

- Tu ne voudrais vraiment pas les revoir toi aussi ? Même un tout petit instant ? Proposa-t-il, pourtant déjà bien conscient de la réponse.

- Non.

- Ils ne t'ont pas manqué ?

- Non.

- D'accord.

Un coup de vent fit trembler la fenêtre, dehors le temps devenait virulent, grondant, la pluie et les éclairs ne tarderaient pas à faire leur entrée sur scène.

- Comment ils vont ?

Beomgyu retient son rire face à cette question timide, murmuré presque pour qu'on ne l'entende pas.

"Pourquoi est-ce que tu mens Taehyun ? Bien sûr qu'ils t'ont manqué, sinon tu ne demanderais pas ça" pensa-t-il, sans oser le dire.

- Kai est toujours pareil, il a l'air heureux. Soobin n'a pas beaucoup changé, il n'a ni l'air heureux, ni malheureux. Et Yeonjun est totalement différent, il a l'air malheureux.

- Malheureux comment ?

- Éteint, je dirais.

- Comment ça ?

- Je sais pas, c'est juste... C'est compliqué à expliquer, mais si tu le voyais tu comprendrais ce que je veux dire. C'est plus le Yeonjun qu'on a connu. Il a l'air... Fragile.

Taehyun lui offrit un regard perplexe, le coin de ses lèvres légèrement redressé et un sourcil levé.

Il ne le croyait pas, évidemment, qui pourrait croire que le grand Choi Yeonjun puisse paraître vulnérable ? Beomgyu aurait sûrement la même réaction s'il ne l'avait pas vu de ses propres yeux, lui qui avait toujours placé leur aîné sur un piédestal, lui qui l'avait toujours regarder comme un exemple à suivre, une idole à admirer.

Mais il devinait que pour Taehyun ça devait être plus difficile encore à admettre. Lui et Yeonjun avaient connu une relation étroite, un peu difficile à saisir, mais fusionnelle. Ils semblaient plus proche que quiconque mais admettaient à chaque instant qu'ils ne se comprenaient pas, qu'ils n'étaient pas compatible l'un avec l'autre.
Il étaient comme deux murs qui se percutaient, qui peinaient à communiquer. Tout en s'installant naturellement l'un auprès de l'autre et en s'étudiant dans une continuité infinie.

"Je crois qu'ils se fascinent mutuellement", lui avait confié Kai, un jour.

Beomgyu ne pouvait qu'être d'accord, il y avait une complicité entre ces deux-là que ni lui, ni Kai, ni Soobin, ne parvenaient à décrire.
Et désormais que cinq années les séparaient de cette période, il devait bien avouer en avoir été plus que jaloux.

Yeonjun cherchait toujours à taquiner Taehyun, il s'amusait à le voir réagir et poussait les mésententes jusqu'à parfois allumer la flamme d'une dispute. Et en même temps il voulait prendre soin de lui plus que quiconque, jusqu'à en devenir trop insistant.

Et Taehyun rentrait dans ce jeu, dès qu'il allait mal c'est contre Yeonjun qu'il se laissait tomber. Alors même que celui-ci avait toujours été le seul parmi eux à ne pas comprendre sa maladie, à clamer haut et fort que pour guérir il "suffisait de manger".

- Fragile ? On parle bien de Choi Yeonjun ?

Beomgyu hocha la tête, mais alors qu'il voulait continuer à décrire leur aîné et essayer d'expliquer son impression, son portable vibra.
Lui et Taehyun posèrent en même temps leurs yeux dessus, peut-être tout les deux persuadé qu'il s'agissait d'un message venu d'un de leurs anciens amis, mais le nom "papa" s'afficha à l'écran.

Une grimace défigura Beomgyu, l'envie d'éteindre le portable pour ne pas voir ce que son père lui envoyait bataillait en lui contre l'obligation.

- Je crois que je vais devoir rentrer, soupira-t-il.

- Tu ne veux pas rester ? Jake, Jay et Sunghoon viennent passer la soirée ici, ils seraient content de te voir.

- Non, je les aime bien mais c'est tes amis et pas les miens, je vais pas m'incruster entre vous à chaque fois. Et puis le temps que je fasse la route à vélo mon père ne sera plus à la maison, tout ira bien.

Malgré la mine attristé de son ami Beomgyu fut bien obligé de se défaire de ses bras.
Taehyun l'accompagna jusqu'à l'entré de la maison, puis le regarda monter sur son vélo en lui répétant de faire attention en chemin, de ne pas pédaler trop vite, et surtout de lui envoyer un message une fois arrivé.

Cette réaction, à ses yeux exagéré, le fit doucement rire. Mais ça lui réchauffait le coeur, ça le faisait bouillir même.

Quand Taehyun agissait comme ça avec lui, Beomgyu avait la sensation d'être là priorité de quelqu'un.

Il s'efforça donc d'être prudent sur la route, le sourire au lèvres et la poitrine toujours agité par des vibrations de chaleur. Son esprit se perdait tellement en bonheur qu'il en oublia de regarder le garage pour s'assurer que son père était bien partie.

Le ciel s'épuisait à gronder, les nuages sombres menaçaient et Beomgyu gara son vélo dans l'allée en se réjouissant d'échapper à l'averse. La météo avait annoncé une tempête cette nuit, il constata que les maisons dans son voisinage bloquaient déjà leurs volets en vu du mauvais temps et qu'aucun des enfants bruyant du quartier ne parcourait les pelouses.
Tout le monde s'enfermait dans les cocons chauds de leurs maisons, le souhait de se maintenir en sécurité avant les cris du tonnerre.

Un sourire amer perça le coin de sa joue, Beomgyu n'avait jamais eu l'impression d'être en sécurité quand il traversait son salon.

- TU RENTRES À CETTE HEURE ?

Un hurlement venu de la cuisine l'attrapa dès qu'il passa la porte d'entrée, et il fut bien difficile de retenir la brume de jurons qui se présentait sur sa langue.

- Qu'est-ce que tu fais là papa ? Tu n'es pas avec tes collègues ? Demanda-t-il, alors que son père se précipitait à sa rencontre.

- On a annulé à cause de la tempête. Mais c'est pas la question, je peux savoir qu'est-ce que tu as foutu toute la journée !

- J'étais en cours ce matin.

- Et le reste de la journée ?

- À la bibliothèque.

- Ne me mens pas Choi Beomgyu !

Il recula d'un pas, ses réflexions tournaient en boucle afin de déterminer la trajectoire approprié d'une fuite vers sa chambre.
Encore une fois Monsieur Choi avait passé une mauvaise journée, et faute d'être capable de relativiser sur ses propres émotions, il allait se défouler sur la proie la plus facile de la maison.

Son fils.

-Si tu allais vraiment à la bibliothèque tes notes seraient pas aussi pourri ! Si tu étais vraiment un bon élève tu ne passerais pas ton temps sur ton téléphone ! Sur ton ordinateur ! Où encore sur ta foutu guitare !

- Je fais des études de musique ! Évidemment que je suis sur ma guitare !

- Des études sans avenir ! Tu sais à quel point mes collègues se moquent de moi à cause de toi !? De mon fils habillé comme un clochard qui rate sa vie !? Tout leurs fils font des études de droit, de médecine ou d'économie, je suis le seul avec un enfant raté !

- Je suis pas un raté !

- Ne me répond pas ! Putain, comment j'ai pu échoué à ce point ton éducation !?

Une lueur de mépris tellement intense brillait dans les yeux de son père que Beomgyu sentait une affreuse nausée lui tordre l'estomac. Sa poitrine brûlait de douleur, s'écrasait et des larmes s'accumulaient au coin de ses yeux.
Mais il ne pleura pas, ne hurla pas, il retient toute la rage en lui et poussa son père pour courir jusqu'à sa chambre. Évidement l'homme le suivit mais il ferma la porte juste à temps. Les coups qui tombaient dessus et les cris qui résonnaient dans toute la maison firent grandir sa frayeur.

Son père était si en colère qu'il allait brisé la porte, il en était certain.

Il briserait la porte, puis il briserait tout ce qui se trouvait dans sa chambre, puis il le briserait, lui.

Beomgyu porta sa main à sa joue, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas reçu de coup de son père, mais ce soir il savait qu'une main allait le heurter. C'était souvent comme ça quand l'homme sombrait dans des crises de colère comme celle-ci. Même s'il avait tendance à se défouler sur le mobilier plutôt que sur sa famille, parfois sa fureur dérapait jusqu'au visage de son fils unique.

Il se demanda où était sa mère, sûrement enfermé dans sa chambre où dans la salle de bain, les mains sur les oreilles, effrayé à l'idée de se mêler à ce qu'il se passait.
Quand son mari partait en crises elle intervenait parfois, mais la plupart du temps elle laissait son enfant gérer.

Elle laissait le père et le fils se déchirer.

Plus la porte tremblait sous les coups et plus Beomgyu prenait peur à l'idée d'être le prochain frappé. Il ne prit pas le temps de réfléchir et ouvrit sa fenêtre, seulement un étage le séparait du sol et ce n'était pas la première fois qu'il sautait, il savait comment ne pas se blesser.
Le vent soufflait de plus en plus fort dehors, le ciel sombre laissait présager une terrible averse et le froid lui glaçait les bras. Mais mieux valait-il l'orage du ciel que celui de son père, alors Beomgyu attrapa sa guitare rangé dans son étui, l'attacha à son dos et sauta.

Il se mit à courir vers son vélo qu'il enfourcha, puis pédala sans un regard en arrière
Sans faire attention à la route, au vent qui fouettait son visage, ni même à la pluie qui martelait le sol et lui brouillait la vu.

Il pédala à s'en détruire les jambes, la mâchoire serré et sa guitare rebondissant dans son dos. Ce n'était pas une fugue, cette fois il ne s'en allait pas dans l'espoir de revenir et d'obtenir des excuses, il s'en allait pour de bon.

Fatigué des reproches, des insultes, des coups, des colères et des hurlements. Il n'était pas le fils parfait, il n'était pas cet enfant que son père aurait aimé modeler, il n'était pas le garçon qui rendrait ses parents fière.

Beomgyu était décevant, et il le savait.

À mesure qu'il pédalait, qu'il criait contre la pluie, il se répétait en boucle à quel point il avait toujours été une déception pour son entourage.

À quel point il haïssait sa famille, à quel point sa famille le haïssait.

Beomgyu, de toute manière, il était seul, ni sa mère ni son père n'avait jamais prit le temps de véritablement l'aimer. Il avait trop longtemps cherché à leur plaire et malgré ses efforts tout ce qu'il gagnait c'était des reproches et des gifles qui faisaient rougir ses joues.

Il pédala à en perdre la sensation de ses pieds, la douleur faisait pulser ses muscles à mesure qu'au-dessus de sa tête l'orage grondait. Un coup d'éclair retentit, illuminant le paysage le temps d'une furieuse seconde, suffisante pour que Beomgyu perde l'équilibre sur son vélo.
Son corps roula sur le béton trempé, il cogna son coudes et blessa sa peau, alors que son véhicule glissait sur l'eau pour s'écraser contre un trottoir.

Et là, allongé sous la pluie qui heurtait son visage, du sang brûlant sur sa peau déchiré, et bercé dans cette impression que le temps s'était figé pour le regarder s'effondrer, tout ce qu'il trouva à faire c'est rire à gorge déployé.

Sa voix sortit d'elle même, des esclaffes puissante qui s'en allaient dans le vent, qui glissaient dans les larmes du ciel, mêlé à des sanglots pour lesquelles sa poitrine tressautait.

Il avait mal à la tête, aux bras, aux jambes, mais surtout au cœur.

Il ne savait même plus si c'était la pluie ou les larmes qui coulaient sur son visage, ou alors le sang d'une énième égratignures.

Un mélange de tout. Une bouilli de chao.

















Beomgyu:
Yeonjun ?
19h05




















Il ne saurait même pas expliquer comment il avait fait pour sortir son portable et écrire un message tellement ses mains tremblaient. Ses doigts tapotaient contre le verre brisé de l'écran et, alors qu'il aurait certainement dû envoyer un message à Taehyun, pour que les parents de celui-ci viennent le chercher en voiture, c'est sur la vieille messagerie que son instinct le guida.

D'abord parce-qu'il ne voulait pas être retrouvé par son père, et qu'il semblait évident que celui-ci viendrait d'abord le chercher chez Taehyun.

Mais aussi à cause de sa propre stupidité, de son besoin urgent de se reconnecter avec les seules personnes qui avaient réellement compté pour lui. S'en allez chercher de l'aide auprès des garçons aux yeux de qui il avait le plus envie de représenter quelque-chose.
Parce-qu'au fond qu'importe si son père le déteste, qu'importe si sa mère ferme les yeux face à lui. Au lycée Beomgyu s'était détaché de leur emprise pour se raccrocher à celle d'autres personnes. Il ne recherchait plus leur amour, mais celui de Yeonjun, Soobin, Kai et Taehyun.

Maintenant qu'il se retrouvait au fond du gouffre, avec l'impression de ne plus rien avoir, il se tournait de nouveau vers leur attention à eux.

Mais cette fois différemment, sans répéter les mêmes erreurs. Plutôt que de demander de l'amour, de chercher à être leur priorité, c'est de l'aide qu'il implorait.

Et une pointe de réconfort.

































Yeonjun:
Oui ?
19h06

Beomgyu
Où est-ce que tu habites ?
19h07

Yeonjun :
Pourquoi tu veux savoir ça ?
19h07

Beomgyu :
Il fait froid dehors, sous la pluie, je n'ai aucun endroit où allez.
19h08

Beomgyu:
Je suis tombé de vélo, ça fait mal.
19h08

Beomgyu
J'ai affreusement mal, Hyung.
19h09

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