Part II - 15
°2017°
Dans un premier temps, Magic Island accueillit les cinq garçons comme autrefois.
Ils arpentaient les longues étendues d'herbes, admiraient les paysages féeriques, reniflaient les effluves printanières qui flottaient jusqu'à leurs narines et se laissaient envahir par un sentiment hors contrôle, intense et brûlant: Celui d'être ici chez eux.
Les arbres se balançaient lentement contre le ciel, tandis que les prairies accueillaient leur marche et, bientôt, leur course.
Tout les cinq, sourires aux lèvres, ils accelèrent le pas. Yeonjun fut le premier à s'élancer sur une colline verdoyante, les bras étendus et le corps tournoyant sur lui-même. Beomgyu le suivit de près, puis Kai dans un rire éclatant. Taehyun sauta sur le dos de Soobin et tout les deux rattrapèrent leurs amis quelques secondes plus tard. Les cinq garçons se laissèrent tomber au sol, leurs yeux tournés vers le crépuscule étoilé. Ainsi immobile et silencieux, ils avaient l'impression d'entendre le souffle du monde entier, de ressentir chaque braise de magie qui flottait dans l'air et d'être capable d'apercevoir l'univers.
D'être là où il fallait.
- Ne restons pas allongé, visitons cet endroit ! Qui sait quand nous reviendrons ! S'exclama Yeonjun
Le jeune homme s'était déjà levé, son regard parcourait l'horizon et ses yeux s'illuminèrent lorsqu'ils se posèrent sur les arbres. Il n'attendit pas la réponse de ses amis, déjà son corps s'élançait vers la forêt sombre, comme si elle l'appelait.
Soobin et Kai ne tardèrent pas à le suivre, clamant au plus âgé de la bande de ne pas se perdre dans cette immensité magique qu'ils n'avaient pas encore exploré de long en large.
Beomgyu tapa ses vêtements afin d'en retirer les nuages de terres qui s'y accrochaient, puis il se tourna vers Taehyun qui n'avait même pas daigné lever la tête. Il regardait le ciel, seul son oeil gauche était ouvert.
- Tu ne viens pas ?
- Allez vous amuser sans moi, je vais rester un peu ici. La magie est si forte que je peux voir le passé des étoiles et des constellations.
Beomgyu leva les yeux vers l'étendu pointillé de lumière. Il ne voyait qu'un ciel étoilé, là où son ami savourait un spectacle des plus majestueux. Il enviait son oeil magique, capable de traverser le temps et l'espace, et observa ses propres mains.
Taehyun lui avait dit qu'il était capable de soigner, que c'était son don offert par Magic Island, mais il ne s'y était encore jamais essayé. Il imaginait mal une blessure naître dans un si bel endroit, cette magie était inutile dans la représentation même de la paix.
C'est sur cette pensée qu'il se mit à marcher, en quête d'exploration, sans se rendre compte de l'éclosion des fleurs multicolores sous ses pieds.
Dans un premier temps, Magic Island accueillit les cinq garçons comme autrefois.
Le passé se répétait, les paysage verdoyant laissaient place aux coeurs apaisés et les liens venaient panser les douleurs.
Les cinq garçons pouvaient sourire, rire et s'aimer comme autrefois.
Ou plus fort encore.
Soobin avait couru si vite qu'il en avait oublié de regarder autour de lui, le voilà désormais ayant perdu la trace de Yeonjun et Kai. Il déambulait dans la forêt, soudainement frappé par l'atmosphère glaçante qui y régnait. En était-il ainsi la première fois qu'ils étaient venu ? Il ne s'en souvenait pas, il se rappelait d'avoir eu un peu peur avant d'y pénétrer, mais les pleurs qu'il avait suivit à l'époque surpassaient toute rétention.
Tout ce qu'il avait voulu, c'était trouver cette personne qui versait son chagrin entre les feuillages épais.
Tout ce dont il se souvenait, c'est de la tendresse infinie qui avait jailli dans son coeur quand il avait rencontré Yeonjun.
Ils n'étaient alors que des gamins, l'ainé du groupe présentait une allure frêle et effrayé, bien loin de l'adolescent confiant, attirant et sauvage qu'il était devenu. Il différait tellement de l'enfant à la corne arraché qu'on pourrait penser qu'il ne s'agissait pas des mêmes.
Mais quand Yeonjun souriait, lorsqu'il était heureux et naturel, alors il redevenait cet enfant.
Soobin ne le trouvait pas si changé. En fait, il aimait la personne que son ami était devenu.
Il aimait chacun de ses amis plus que tout au monde.
Son corps se figea alors qu'un écho de nostalgie fut saisit par ses oreilles. Le son cristallin et lointain d'un chagrin, des sanglots difficilement retenus au creux d'une gorge.
Soobin suivit le bruit, n'ayant aucun doute sur l'identité de la personne qui pleurait. Il avait l'impression de revenir en arrière, des années auparavant, lorsqu'il avait pénétré la forêt sombre pour retrouver un garçon couvert de larmes et de sang.
Il courait de nouveau vers ce garçon, entre milles et un pleurs il reconnaîtrait le sien.
Aucune tristesse ne serrait plus son coeur que celle-ci.
Et comme autrefois Soobin trouva le garçon, exactement au même endroit.
En plein cœur de la forêt, dans un cercle d'arbres doucement éclairé par les étoile. Yeonjun de tenait là, le regard fixé sur une tâche dans le sol, un creux similaire à celui qu'aurait causé un éclat de feu dans les herbes. Il observait cet espace où il s'était tenu autrefois, où il avait arraché l'une des deux cornes qui poussaient sur sa tête, où il avait été rejoint par quatre garçons.
Où il avait été consolé et aimé.
- Tu pleures ? Demanda Soobin, quand il arriva auprès de son ami.
Une question stupide, mais il ne savait pas quoi dire d'autre.
- C'est l'émotion, j'ai... J'ai tellement attendu ce moment, murmura Yeonjun.
Parmi les larmes qui peuplaient son visage se mélangeaient tristesse, bonheur et d'auto-dérision. Il était le genre de garçon qui haïssait dévoiler ses émotions, qui détestait se montrer faible et sensible. Il souriait en essuyant les preuves de sa vulnérabilité, un rictus moqueur envers lui même.
Soobin s'approcha encore, il voulait le prendre dans ses bras mais ignorait comment amener le geste. Ils n'étaient plus des enfants, ce n'était plus aussi facile d'engendrer un contact aussi intime.
De nouveau il se trouva stupide, il n'avait jamais aucun mal à enlacer Kai ou Taehyun, il ne se faisait jamais ce genre de réflexion quand leurs corps touchaient le sien
Pourquoi était-ce si différent avec Yeonjun ?
- On devrait allez trouver les autres, murmura-t-il.
Son ami hocha la tête en reniflant. Mais avant que Soobin ne puisse faire un pas, une main tremblante s'accrocha à la sienne pour le retenir.
- Attend... je ne veux pas qu'ils me voient pleurer. Attendons juste quelques minutes, souffla Yeonjun.
Il accepta, puis décida d'attendre que les larmes sèches en observant le ciel. À travers les branchages on devinait tout juste l'éclat des étoiles, mais cette simple vision ravissait son cœur.
Tout était comme dans un rêve, une beauté idyllique, utopique, merveilleuse.
Irréelle.
Une brise fraîche souffla sur le corps des deux garçons, qui se rapprochèrent pour échapper à ce froid soudain. Leurs corps s'effleurèrent et, alors que Soobin allait reculer pour taire la rougeur qui brûlait ses joues, il fut prisonnier des bras chaud de Yeonjun.
Son ami l'étreignit en douceur, le visage larmoyant perdu dans son torse, et un minuscule soupir d'aise au coin des lèvres.
C'était un câlin, un simple câlin, et pourtant il ne savait plus quoi faire de son corps.
Avec les autres c'était tellement plus simple, plus naturel, il n'avait jamais besoin de réfléchir. Pourquoi était-ce si différent avec Yeonjun ?
Pourquoi perdait-il ses moyens au moindre contact ?
Perdu dans les mouvements de ses propres bras, Soobin n'eu même pas le réflexe de rendre l'étreinte qu'on lui offrait. Il ne savait pas quoi faire de ses mains, elles se déposèrent presque d'elles-mêmes dans les cheveux bleus de son aîné.
Son doigts effleura le morceau pointu de corne, et le vide remplaça la tempête de ses pensées.
Ne restait qu'une infinie tendresse dans sa poitrine, entièrement destiné à ce garçon qui pleurait contre son torse.
Une affection si forte, si intense, si envahissante, qu'il n'entendit pas le murmure qui tentait, en vain, d'atteindre son ouïe développé.
Cette voix, rauque et gluante, qui chuchotait:
"Seras-tu capable de le sauver, ou deviendras-tu la cause de sa fin ?"
Dans un premier temps, Magic Island accueillit les cinq garçons comme autrefois.
Sauf que les années avaient passé, les promesses s'étaient faites oublier, les sentiments surpassaient toute forme de rationalité.
Et quelques part dans la forêt profonde, la noirceur attendait son heure.
Yeonjun n'aimait pas pleurer, il avait honte d'être faible.
Dès que venait le picotement d'une larme il l'a retenait au plus profond de ses globes oculaires, ou courait se cacher quelque-part quand le chagrin devenait plus fort que lui.
Yeonjun n'aimait pas pleurer, surtout pas devant d'autres personnes.
Pourtant il ne devrait pas avoir peur de pleurer face à ses amis, il savait qu'aucun ne viendrait se moquer, qu'ils le reconforteraient comme ils l'avaient fait à leur toute première rencontre.
Sauf qu'il ne voulait plus être celui qu'on réconfortait. Il était le plus âgé du groupe, sur ses épaules trônait la responsabilité d'être fort, d'être celui qui protégeait la bande, celui sur qui les quatre autres devaient pouvoir s'appuyer.
Il ne devait pas être faible, s'il l'était alors ses petits-frères affirmeraient qu'ils ne pouvaient pas compter sur lui, qu'ils ne pourraient pas se cacher derrière son corps en cas de danger, ni même laisser leurs peines et leurs tourments à ses bons soins.
Il voulait être fort, pour protéger Beomgyu, Taehyun et Kai.
Et Soobin. Ou pas. Il ne savait pas.
Avec Soobin, c'était différent.
Devant lui il pouvait pleurer.
Est-ce parce-que Soobin n'avait qu'un an de moins que lui ? Non, qu'ils soient séparé par un, deux, trois, ou même quatre ans n'aurait rien changé.
Il pleurait devant Soobin, parce-qu'avec Soobin c'était différent.
Parce-qu'il voulait tout lui donner, le plus enfoui de ses sentiments, la plus cruelle de ses faiblesses.
Il voulait lui donner son corps et son âme, pour que Soobin puisse tout aimer de lui, pour qu'ils puissent se chérir jusqu'à la fin des temps. Sans artifice, sans pudeur, dans leur plus grande beauté, ainsi qu'avec leur plus vicieuse noirceur.
Quand Yeonjun atteindra ce rêve-là, alors il pourra affirmer avoir atteint son plus magnifique degré de bonheur.
"Cette corne sur ta tête, elle ressemble à une couronne".
Il ne voulait plus être un monstre, il voulait être ce prince couronné que Soobin avait été le premier à voir à travers sa laideur.
Et maintenant qu'il avait retrouvé ses précieux amis, son premier amour et cet endroit magique, rien ne pourrait l'empêcher d'atteindre un merveilleux futur.
Un frisson remonta dans son dos, une langue rèche et invisible qui léchait sa peau. Yeonjun se retourna et aperçu au loin, caché dans les feuillages, une ombre informe. Il ferma les yeux, les rouvrit, et l'ombre avait disparu.
Avait-il rêvé ? Pendant un instant il aurait pu affirmer que des yeux le regardait. Une paire d'oeils mal assorti, l'un vert et l'autre violet.
Il devait avoir rêvé. Les larmes brouillaient encore sa vision, il n'avait pas les idées claires.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda Soobin.
- Rien, juste mon imagination.
Yeonjun replongea son visage dans le torse de son ami, préférant oublier ce qu'il avait cru voir et ainsi ne pas gâcher cet incroyable moment.
Ils étaient revenu à Magic Island, hors de question qu'une ombre vienne gâcher la réalisation de son rêve. Tout allait bien, dans cet endroit rien ne pouvait mal tourner.
C'est ce qu'il se répétait, encore et encore, pour oublier qu'il avait de plus en plus froid.
Magic Island n'était plus comme autrefois.
Mais ça les cinq garçons ne pouvaient pas le savoir. Ils se fiaient aux apparences, à la verdure et aux couleurs, se laissaient berner par le souvenirs de leurs âmes tourmentées qui s'étaient réunis et aimé dans ce lieu.
Sans prendre conscience que quelque-chose manquait.
Beomgyu ne s'était pas dirigé vers la forêt, il avait suivit des aboiements.
Au départ il pensait avoir rêvé ce bruit, ayant toujours été persuadé qu'aucun animal ne vivait à Magic Island. À l'époque, tout du moins, il n'y avait que lui et ses amis.
Comme si cet endroit avait été créé pour eux seul.
Mais il y avait bien un chien, grand et poilu, qui gambadait parmi les hautes herbes.
- Hey, qu'est-ce que tu fais ici ? S'exclama-t-il.
Mais la bête ne se tourna pas vers lui, elle se mit à courir dans la direction opposé, sans cesser d'aboyer. Beomgyu suivit sa trace, essouflé mais têtu, incapable de dire pourquoi il s'acharnait à ce point.
Ce n'était qu'un chien après tout, des chiens il en voyait tout les jours dans son quartier
Et pourtant il courait. Il voulait le rattraper. Il devait le rattraper.
Beomgyu eu l'impression d'avoir traversé des kilomètre de prairies quand, enfin, son nouveau compagnon se stoppa. Il s'était assit en haut d'une colline, qui fut bien difficile à gravir.
- Tu cours vite, pourquoi tu as fui co...
Sa voix retomba au plus profond de sa gorge. Étouffé, étranglé, ses jambes ne le soutenaient plus, ses fesses heurtèrent le sol.
Il resta immobile, le regard fixe sur le chien qui avait daigné tourner son visage vers lui.
Enfin, ce qui restait de son visage.
Le chien était couvert de sang. Au loin Beomgyu n'avait pas constaté son pelage poisseux, ni les gouttes de ce liquide vital qui tâchaient l'herbe. Il manquait un oeil à l'animal, l'une des oreilles pendait presque arraché à son crâne, et sa peau était déchiré.
Il n'aboyait plus, seul de faibles jappements échappaient à sa gueule édentée.
- Ça... Doit faire si mal.
Les larmes lui montaient aux yeux, affligé par l'état affreux dans lequel son vis à vis se trouvait. Beomgyu tendit doucement la main, le bout de ses doigts tremblaient, et le chien avança le museau.
Lorsqu'ils se touchèrent, une délicate chaleur naquit, ainsi qu'un courant électrique qui traversa les deux corps.
Puis, une à une, les blessures du chien se fermérent, le sang s'évapora, son oreille se remit en place et l'oeil qu'il n'avait plus se ferma. Ne restait que des cicatrices au milieu de son pelage brun, les jappement furent remplacés par de nouveaux aboiements.
L'animal se leva, sautilla, puis se remit à courir vers l'horizon. Guérit, il courait plus vite encore, disparu bientôt du paysage.
Beomgyu ne le suivait pas, il était resté assit dans l'herbe, essouflé, épuisé, si faible qu'il n'imaginait même pas se lever. Son épaule piquait, et en la caressant il découvrit des brindilles qui y poussaient.
Un sourire se traça sur son visage. Grand, si grand, alors qu'il observait sa main.
- Taehyun avait raison, murmura-t-il.
Il voulait se lever, courir vers ses amis et leur raconter ce qu'il venait de faire. Mais ses jambes ne le soutenaient pas, alors il retomba, s'allongea, et décida de rester ici quelques minutes encore.
Les yeux clos, ses lèvres se mirent à fredonner tandis que, du bout des doigts, il s'imaginait grattant sur les cordes d'une guitare pour composer une chanson exceptionnelle.
Une œuvre qui ferait grandir la fierté et l'admiration dans tout les regards.
Magic Island n'était plus comme autrefois.
Mais ça les cinq garçons ne pouvaient pas le savoir, avec le temps ils avaient oublié les détails. Ils ne se rendirent pas compte que le vent n'était pas aussi chaud qu'autrefois, il ne voyait pas que quelque-chose les épiait dans l'ombre, observait leur amitié et imaginait milles et un scénario de fin.
Quelque-chose qui attendait des trahisons pour se nourrir et grandir.
Kai n'avait pas couru assez vite, il avait perdu Soobin et Yeonjun. Un coup d'oeil derrière lui, il constata que Beomgyu et Taehyun ne le suivaient pas.
Il était tout seul dans la forêt, au coeur même d'une lieu qu'il ne connaissait pas si bien que ça.
Ses souvenirs réunis dans son crâne, il tenta de se repérer, de trouver des paysages familiers. Mais tout se ressemblait dans une forêt, et il n'avait pas suffisamment visité celle-ci pour déceler les nuances.
Le voilà perdu, et que faisait-on lorsqu'on était perdu ?
"Il faut rester là où on est, et attendre que quelqu'un vienne nous chercher"
C'est ce que Léa, sa grande-soeur, lui avait apprit. Lorsqu'il était enfant il s'était égaré dans un magasin aux États-Unis, il avait pleuré et déambulé entre les immenses rayons. Puis un vendeur l'avait croisé et ramené à l'accueil pour retrouver ses parents mort d'inquiétude.
"Si tu te perd de nouveau ne bouge pas, ne panique pas, je viendrais te chercher", avait dit Léa.
Kai s'arrêta, le coeur lourd, bien conscient que sa soeur ne pouvait pas venir le chercher ici.
Faire demi-tour, marcher tout droit et espérer trouver la sortie, c'est tout ce qu'il pouvait faire.
Alors il marcha, comme il l'avait fait à sa première visite dans cet endroit. Peut-être que, comme autrefois, il croisera par hasard la route de l'un des quatre garçons ?
C'est au bout d'une dizaine de minutes qu'il se rendit compte qu'il ne s'était pas dirigé dans la bonne direction, qu'au lieu de revenir sur ses pas il s'était enfoncé dans la forêt sombre. Il avait atteint un endroit encore jamais visité, son pied heurta le bord d'un rail rouillé et recouvert de feuilles. Un train traversait Magic Island ? Visiblement il n'était pas venu depuis longtemps, de la mousse verte envahissait certaines parties du rail.
Alors que Kai se demanda combien d'autre étranges surprises leur réservait cet endroit, une libellule se posa sur le bout de son doigt.
- Bonjour, murmura-t-il.
Les ailes de l'insecte se mirent à frémir, comme pour le saluer en retour.
- Ou plutôt bonsoir, il est minuit passé après tout. Que fais-tu ici ?
Évidemment la libellule ne pouvait pas répondre, mais il s'amusa à l'imaginer parler. Que dirait-elle si elle était doté d'une voix ? Lui demanderait-elle de rester discuter de longues heures ? Ou l'inciterait-elle à retrouver ses amis ?
Ses ailes se secouaient avec délicatesse, elles étaient d'une blancheur épatante, aussi belles que celles des anges.
Mais, les ailes d'une libellule n'étaient-elles pas censé être transparente ?
Alors qu'il se faisait cette réflexion, un vent violent heurta son corps. Kai dû s'accroupir, alors que la bourrasque semblait se transformer en tempête. Les feuilles volèrent autour de lui, certaines branches s'arrachèrent aux arbres, et il enroula ses bras autour de sa tête pour se protéger. Il était persuadé d'être bientôt percuté par un morceau de bois, ou emporté dans la vitesse du souffle, mais tout se stoppa bientôt.
Les feuilles retombèrent, les branches s'accrochèrent aux arbres et l'air redevient calme.
Comme s'il ne s'était rien passé.
La libellule, elle, gisait aux pieds de Kai. Immobile. Morte.
Il voulu caresser ce petit corps emporté dans l'au-delà, mais à peine eût-il effleuré une aile que l'insecte disparu, remplacé par un tas de cendre encore brûlant. Comme si elle avait été rongé par le feu.
Sans réfléchir, sans chercher un sens à cet événement, Kai se leva et se mit à courir en sens inverse.
Il n'aurait pas dû s'enfoncer aussi loin dans la forêt, il aurait dû rester avec ses amis. Quand il était avec eux, rien de mauvais ne pouvait se produire.
Il aurait dû rester à l'endroit exact où il s'était perdu, attendre qu'on vienne le trouver, comme Léa lui avait dit.
Magic Island n'était plus comme autrefois.
Mais de ça, seul l'un des cinq garçons pouvait s'en rendre compte.
En haut dans le ciel, l'Étoile avait disparu.
Taehyun se redressa.
Il y avait un trou dans le ciel, un creux sombre au milieu des astres étincelants. Autrefois il y avait une étoile à cet endroit, il l'avait vu dans le passé, il y avait une étoile bien plus grande que toute les autres.
Une étoile qui semblait veiller sur eux.
Comment avait-il fait pour ne pas constaté que le ciel était si étrange, qu'il y manquait quelque-chose ?
Soudainement, il se rendit compte que l'air était plus froid qu'avant, que l'atmosphère était différente, que la magie n'était pas douce, mais électrique.
Quelque-chose clochait, était-ce dû à la disparition de cette étoile ? Taehyun avait beau réfléchir, il ne saurait pas l'affirmer, et le passé ne disait parfois pas tout. Il avait tant utilisé son pouvoir qu'il se fatiguait, il devrait attendre la prochaine fois pour éclaircir le mystère.
Il ouvrit son oeil droit, replongea dans le présent, et se rendit alors compte qu'il y avait, face à lui, une chose encore absente des minutes plus tôt.
Une porte était apparu dans l'herbe.
Cette même porte que Soobin avait dessiné sur le tableau, l'autre jour.
Taehyun se leva, effleura le bois coloré, les symboles dont il ne comprenait pas la signification. Il avait une drôle de sensation et décida d'user une dernière fois de son pouvoir.
Cette fois il ne visita pas le passé, mais fit un pas en avant, vers le futur.
Et alors, sous son regard ahuri, la porte prit feu. Les flammes étaient si grande qu'elles dévoraient le bois, se rependaient que l'herbe, rejoignaient la forêt.
Magic Island prenait feu.
- Taehyun !
Cet appel le ramena dans le présent, complément essouflé, terrorisé, alors que Soobin et Yeonjun apparaissaient à côté de lui.
- Tu utilisais ton pouvoir ? Tu as l'air fatigué, fit remarquer le premier.
- D'où elle sort cette porte ? Elle mène ou ? Demanda le second.
Sans attendre de réponse, ni émettre la moindre hésitation de sûreté, Yeonjun ouvrit le battant. Taehyun voulu l'en empêcher mais son temps de réaction fut tardif, il se sentait épuisé au point que sa voix ne sortait pas.
Derrière la porte il y avait de l'eau, une eau stagnante, perpendiculaire au sol, défiant toute loi de gravité. Similaire à celle par laquelle ils avaient rejoint cet endroit.
- C'est la sortie ? Vous croyez que Magic Island nous dit qu'il est temps de partir ?
C'était la voix de Kai, qui arrivait essoufflé derrière eux. Il semblait avoir traversé toute la forêt en courant, quelques feuilles gisaient dans ses cheveux. Il fut le premier à entrer son bras dans l'eau puis, sans hésitation, s'enfoncer dans la masse.
Taehyun trouvait qu'il y avait quelque-chose d'étrange dans le comportement de son ami, comme s'il était pressé de quitter cet endroit qu'ils avaient tant rêvé de retrouver.
Mais il resta silencieux, et observa Soobin et Yeonjun qui traversaient la porte à leur tour.
Il s'en approcha ensuite, puis figea son geste quand ses doigts effleurèrent l'eau. Il entendait des pas de course derrière lui et, en se tournant, il se rendit compte qu'ils avaient presque oublié Beomgyu.
- Vous alliez partir sans moi, clama le garçon, qui semblait plus épuisé encore que n'importe lequel d'entre eux.
- Non, c'est que...
Taehyun ne trouvait aucune excuse, il est vrai qu'ils s'apprêtaient à partir sans se rendre compte qu'il manquait l'un d'entre eux. Cet endroit les perturbait au point que leurs pensées perdaient en lucidité.
- Pardon, dit-il seulement.
- T'inquiète pas.
Sur ce murmure, Beomgyu traversa la porte, plongeant dans le mur d'eau sans une once de peur. Il était en colère, ses yeux jetaient de virulent éclair, et Taehyun se demanda s'il aurait dû dire autre-chose, essayer d'apaiser son ami, et lui faire comprendre qu'ils n'avaient aucune intention de l'abandonner ici.
Mais il n'avait jamais été doué en terme de relation. Quand les sentiments rentraient en compte, que la logique se faisait oublier derrière les émotions, trouver les bons mots devenait difficile.
Il se retourna, observa une dernière fois les longues étendues verdoyantes qui s'offraient à lui. Longtemps il avait imaginé ce que ça ferait de revenir ici, mais jamais il n'aurait pensé qu'un goût amer s'accrocherait à sa langue.
Son corps traversa enfin le mur d'eau, alors qu'il se faisait la silencieuse promesse d'essayer de vivre une bien meilleure expérience, la prochaine fois qu'il reviendrait ici.
Et aussi de découvrir pourquoi une étoile, la plus majestueuse de toute, ne brillait plus dans le ciel.
Magic Island n'était plus comme autrefois. Et les garçons le savaient, au fond d'eux ils sentaient que quelque-chose était différent.
En un clin d'oeil, ils avaient l'impression d'avoir passé une longue et épuisante journée. Pleine de frissons et de sentiments mitigés.
Perdu, ils se demandèrent: "Le bonheur d'autrefois, la chaleur de notre îles, la douceur de l'atmosphère et les caresses réconfortante du vent, n'était-ce pas simplement un rêve ?"
"...Le rêve de cinq enfants qui croyaient trouver un monde meilleur ?"
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