Part II - 12

°2017°

Beomgyu observait ses pieds raclant l'herbe impeccablement tondue, dont la verdure soupoudré de rosé tâchait le bout de ses basket blanches. Le vent faisait voler ses cheveux et la veste de son uniforme, il faisait de plus en plus chaud mais le temps restait couvert, lourd et humide. Le printemps approchait mais l'hiver semblait avoir des difficultés à céder sa place, à l'aube l'air restait glaciale.

Un regard sur sa montre, il constata qu'il devait patienter encore deux heures avant son premier cours de la journée. Pourquoi donc s'était-il levé si tôt ? Alors même qu'il avait veillé si tard ? Il était bien loin des huit heures de sommeil recommandé, de plus ses yeux piquaient pour avoir été confronté à la lumière d'un écran toute la nuit. Son cerveau lui semblait pâteux, ses jambes molles et son corps doté d'une lourdeur qu'il peinait à trainer.
Et pourtant, alors qu'il aurait pu grappiller quelques heures de sommeil supplémentaires, le voilà se baladant dans le terrain de foot de l'école alors que le soleil se levait à peine.

Il avait passé la soirée à jouer à un jeu vidéo avec Yeonjun, pour une fois ils avaient terminé avant le couvre-feu et il avait pu regagner sa chambre. Mais, plutôt que de plonger sous sa chaude couverture et fermer les yeux, c'est sur son téléphone qu'il avait passé sa nuit.
Sur une seule application, une seule messagerie, animé par une conversation sans fin avec ses quatre amis.

Aucun d'entre eux n'avait dormi, sûrement auraient-ils bien des difficultés à se réveiller. Mais Beomgyu, lui, avait somnolé une à deux heures avant de se diriger vers les douches, puis au réfectoire, pour enfin arriver à cette balade matinale.
Il n'avait pas sommeil, pas après la discussion qu'il avait eut avec les garçons.

Ils avaient parlé de leurs familles, un sujet déjà plus d'une fois survolé, mais tellement approfondi cette nuit qu'ils avaient le sentiment de se connaître mieux encore.

Yeonjun avait évoqué ses parents propriétaires d'une ferme, un couple à la gentillesse sans limite mais si insouciant que ça en devenait handicapant. Ils n'avaient jamais remarqué que leur fils était harcelé en primaire et au collège, ils vivaient avec l'impression que le monde était pailleté de bienveillance, et seraient prêt à tout les sacrifices pour leur unique enfant. Yeonjun affirmait qu'il les aimait à un point inimaginable, qu'autrefois il leur en avait un peu voulu leur naïveté, mais qu'aujourd'hui il ferait tout pour la conserver.

Taehyun y avait vu une similitude avec son père, qui malgré son âge avancé concervait une attitude et une mentalité d'enfant. Sa mère, qui était pourtant une femme sérieuse et responsable, se laissait contaminer par son mari au point de devenir parfois encore plus immature que lui. Sa soeur agissait, quant à elle, comme si elle était l'adulte de la maison, avec assurance et une manie bien à elle de vouloir toujours attirer l'attention. Néanmoins avec son petit-frère elle pouvait se montrer très protectrice. Il l'admirait beaucoup et ne parlait d'elle qu'en bien.
Ce qui irritait un peu Beomgyu, ainsi que Yeonjun, Soobin et Kai. Tout les quatre étaient d'accord pour dire que Eunbi avait des paroles et des actes qui rabaissaient Taehyun. À leurs yeux ce n'était pas normal qu'il ai si peur de lui faire honte.

Ensuite ce fut au tour de Soobin de s'exprimer à propos de ses parents. Il n'en avait jamais vraiment parlé auparavant, sa mère étant professeure dans l'école il voulait éviter à ses amis d'avoir une image autre que professionnel.
Il venait d'une famille très stricte et conservatrice, ses parents étaient très attaché aux traditions ainsi qu'à l'image qu'ils renvoyaient aux autres. Ils élevaient leurs fils dans le respect de leurs valeurs, mettaient un point d'honneur à le voir construire un bon avenir, et faisaient tout pour qu'il puisse se fondre dans la masse même s'il était "particulier".
Soobin leur avait confié que durant son enfance ses parents avaient remarqué que quelque-chose clochait lui, et les médecins insistaient toujours pour effectuer des tests plus approfondie. Mais le couple Choi refusaient constamment, ils ne voulaient aucun diagnostic, ils ne voulaient pas que leur fils soit officiellement considéré comme différent.

Ils craignaient que Soobin soit atteint d'une certaine forme d'autisme, et refusaient l'éventualité que ça se sache.

Son histoire les avait tous ému, même s'ils avaient évidemment constater que leur ami ne s'intégrait pas forcément dans le lot, ils n'avaient pas imaginé de telles explications. Mais à leurs yeux ça ne changeait rien, même s'il avait été diagnostiqué, même s'il était un jour diagnostiqué d'un quelconque trouble, Soobin resterait Soobin.

L'émotion avait déjà envahi leur discussion, mais elle monta à son comble lorsque Kai leur raconta sa propre histoire. Beomgyu n'avait pas pu retenir ses larmes à mesure que les messages de son ami apparaissaient sur son téléphone, au point qu'il n'y voyait presque plus rien.
Kai leur parlait de son père et de sa mère, un couple passionné par l'aventure qui avait voyagé de pays en pays, se découvrant à mesure qu'ils visitaient le monde. Ils avaient d'abord donné naissance à une petite fille, nommé Léa, mais cette nouvelle responsabilité de parent ne les avait pas empêché de poursuivre leur passion. Puis vient Kai, quand ils étaient à Hawaï, et pour finir Bahiyyih, lors d'un séjour en Corée. Le couple et leurs trois enfants déménageaient sans cesse de pays en pays, de ville en ville, puis décidèrent un jour de venir s'installer en Corée.
Et là survient un incident, une tragédie comme le disait Kai, qui sépara la famille. Sa mère s'en alla avec Léa, et lui resta avec son père et sa petite-soeur, il retournèrent faire le tour du monde tout les trois, pour s'éloigner.
Et surtout pour oublier.

C'est le regard brouillé et un sanglots coincé dans la gorge, que Beomgyu termina par parler de sa famille. Tout comme Soobin, lui aussi avait grandi dans un milieu stricte, mais il n'y avait pas cette étincelle de bienveillance dont son aîné avait droit. Sa mère était une femme timide, renfermé, qui peinait à imposer sa voix et ses opinions, en particulier contre son mari, qui dominait la maison d'un ton fort et dur. Il était employé de bureau, un métier fatiguant et qui ne lui rapportait par d'autre satisfaction sinon son salaire tout juste correct. C'est pourtant vers des études de droit qu'il s'était dirigé, ayant l'ambition de devenir un grand procureur. Mais il avait connu un échec cuisant, suivit de dizaine d'autres dans tout les domaines auxquelles il s'essayait. Frustré, son ambition il l'a déposait sur les épaules de Beomgyu, ayant grand espoir pour qu'il soit couronné de victoire, qu'il obtienne le niveau social et la richesse qui lui étaient passé sous le nez.
Voilà pourquoi, quand son fils lui avait fait part de sa passion pour la musique et de son envie de devenir artiste, toute la rage contenu en lui avait explosé et brisé la guitare qui décorait sa chambre d'enfant. Depuis Beomgyu n'avait plus jamais reparlé de son rêve, il essayait de travailler dur à l'école et rendre son père fier, une résolution qui échouait à chaque notre insuffisante.

Mais au fond, tout au fond de lui, il y avait des centaines d'oeuvre qui n'attendaient que d'être composées.

Il attrapa son téléphone et remonta les messages envoyés en pleine nuit, puis ne parvient pas à retenir son sourire face à son passage préféré.

















Kai :
Mais tu as toujours envie de devenir musicien ?
04h13

Beomgyu :
Bien sûr, je ne vis que pour la musique.
04h14

Yeonjun :
Alors fais-le !
04h15

Beomgyu :
Mon père ne le permettra jamais.
04h15

Soobin :
Tu n'as pas à réaliser ses rêves, les tiens doivent passer en priorité.
04h16

Taehyun :
Mon père dit toujours qu'il n'y a pas pire chose qu'un parent qui dirige la vie de son enfant, il insiste pour que ma soeur et moi fassions nos propres choix.
04h16

Yeonjun :
Ton père est tellement différent des hommes coréens de son âge, je veux le rencontrer Taehyun !
04h17

Beomgyu :
Moi je veux qu'il m'adopte ! Je vais me ramèner chez toi avec des papiers d'adoption et le supplier.
04h18

Taehyun :
T'auras même pas besoin de le supplier, il signera sans réfléchir.
04h18



























Ses lèvres étirées dans le plus grandiose des sourires, Beomgyu se laissa tomber dans l'herbe. Peut-être allait-il tâcher son uniforme, ou du moins le mouiller, mais il s'en fichait.
Il observa le ciel sombre qui, petit à petit, se laissair envahir par la timide lumière du matin. Ses yeux demandaient à se fermer, profiter des fraîches petites brises dans le calme d'une sieste improvisé. Mais, pour une raison qu'il ne saurait définir, ses paupières refusaient de s'abaisser. Le bonheur contenu dans sa poitrine gonflait à mesure qu'il pensait à ses amis, qu'il se ressassait le long échange de cette nuit.

Beomgyu ne s'était jamais sentit aussi "rempli" que depuis qu'il les avait rencontré.

Les quatre garçons étaient tous aussi différent les uns que les autres, chacun avec leurs qualités et leurs défauts. Mais l'attachement qu'il leur portait, lui, était bien similaire.

Puissant. Intense. Profond.

Obsessionnel.

Dans un sursaut, le corps de Beomgyu se redressa. Il n'avait pas entendu de bruit l'ayant ramené à la réalité, ni même n'avait soudain réalisé quelque-chose qui l'arrachait à son calme.

Non, cet affreux frisson qui lui léchait subitement le dos venait d'une impression soudaine, si brûlante qu'il se figea.

Il se sentait observé.

Où, plutôt, il était observé.

Ses yeux ne pouvaient désormais plus quitter la silhouette d'une femme posté contre le bâtiment de la piscine. Il ne discernait pas bien son visage, elle semblait comme nuageuse et flou, mais il était bien certain qu'elle l'observait.
Elle souriait et ses lèvres se mouvaient, comme si elle chantait.

Beomgyu fut incapable du moindre mouvement alors que cette femme maintenait son regard sur lui, il frissonnait tellement que tout son corps en était secoué, et des perles de sueur caressaient sa peau.

Et, pourtant, il ne ressentait aucune peur.

"Tu es le fantômes de l'école ?" Eut-il envie de murmurer.

Mais à peine sa bouche ouverte pour parler qu'une douleur vive frappa son épaule, similaire à la pulsion d'une épée planté dans sa chaire.
Il poussa un cri en saisissant l'objet de sa souffrance, l'effet se calma à la seconde même où ses doigts effleuraient sa peau.

Sans vérifier que son épaule n'était pas blessé, ni même jeter un regard à la place où se tenait la femme, Beomgyu attrapa son sac et fila le plus loin possible. Il traversa le terrain de foot à une vitesse jamais atteintes par ses jambes, l'esprit aussi embrouillé que ses yeux. Des larmes stagnaient au creux de ses cils, il ne saurait même pas expliquer cette soudaine envie de pleurer.

Ce n'était pas la peur, il en était persuadé, cette femme qu'il avait vu n'était pas terrifiante.

Seulement, il se sentait ému.

- Hyung ?

Sa course se stoppa net alors que, essouflé et transpirant dans son uniforme négligé, il manqua de percuter un garçon.
À cause de l'élan, Beomgyu serait tombé si le nouveau venu ne le rattrapa pas de justesse. Son souffle mit quelques secondes à trouver la paix, ses idées eurent bien du mal à obtenir un peu de clarté. Et ce n'est qu'à l'instant où il leva la tête que le calme le gagna, puisque son regard s'enfonça profondément dans celui de Kai.

- Oh c'est toi, tu m'as fait peur. Qu'est-ce que tu fais ici si tôt ? Demanda-t-il, quand il fut certain que sa voix n'était plus tremblante.

Son jeune ami le détailla de haut en bas, à la recherche de ce qui pourrait clocher chez son aîné. Puis, sûrement rassuré de constater aucune anormalité, il se vêtit d'un doux sourire.

- J'aime bien venir à l'aube, le lycée est calme et c'est agréable. Et toi, où est-ce que tu courais comme ça ?

Beomgyu tenta de donner une forme à sa tenue et ses cheveux ébouriffés par la course, réticent à expliquer ce qu'il lui était arrivé. Mais il y avait au fond des yeux de Kai un tel appel à la confidence, qu'il répondit:

- Nul part, je... Fuyais.

- Fuir qui ?

- Tu vas avoir peur si je te le dis.

- Peur ? Répéta Kai.

Sur ses traits flottaient confusion et doute, des émotions que seulement cinq secondes de réflexion chassèrent, pour les remplacer par de l'hésitation terrifié.

- C'est à propos de cette histoire de fantôme ? Demanda-t-il.

Beomgyu hocha la tête, et constata que le visage de son ami devenait livide. Tout ce qui se reliait aux fantômes lui faisaient peur, il leur avait plus d'une fois expliqué qu'il n'y avait rien de plus effrayant à ses yeux que la mort et les revenants.

- J'étais sur le terrain de foot et il était appuyé contre le bâtiment de la piscine. Il me regardait... Où plutôt elle me regardait.

De tout ses amis Kai était bien le dernier à qui il aurait dû parler de ça, mais Beomgyu n'avait que lui sous la main et il avait besoin d'évoquer ce phénomène. Il ne pouvait pas attendre le début des cours pour en parler avec Heeseung, qui était trop terre à terre pour le prendre au sérieux.

- Tu es sur que c'était un fantôme ? Peut-être était-ce juste une élèves matinale, supposa Kai.

- C'était pas un humain, j'en suis sûr.

- T'as raison, maintenant j'ai peur.

Sur ces mots le plus jeune croisa les bras sur son torse, comme pour se protéger, et jeta de vif coups d'oeil autour de lui.
Beomgyu s'en voulait de s'être confié à lui, alors il tenta de le rassurer:

- Elle n'avait pas l'air méchante, elle me regardait juste et... Elle souriait.

- C'est encore plus effrayant.

- C'était pas un mauvais sourire, vraiment pas. J'avais même l'impression qu'elle parlait, ou plutôt qu'elle chantait.

Ces paroles eurent l'effet inverse que celui espéré, puisque le visage du plus jeune devient soudainement si pâle qu'il se confondait avec celui du fantôme.

- Hier Soobin-hyung a entendu une fille chanter quand on était dans le jardin intérieur.

Sur cette information tremblante de Kai, le corps de Beomgyu fut de nouveau étiré dans un frisson glacial.
Le jardin et les bâtiments de sport se trouvaient à proximité, séparé seulement par un mur. Cela ne pouvait être qu'une coïncidence, mais quelque-chose au fond de lui restait persuadé que ça n'en était pas une.

Cette femme qui le regardait était la même que Soobin avait entendu chanter.

Les rumeurs sur un fantôme dans l'école étaient donc vrai.

- J'aime pas ça, changeons de sujet. Les cours commence dans plus d'une heure, ça te dis qu'on aille dans un café en ville ? Demanda Kai, d'une voix si forte qu'on devinait son besoin urgent d'éloigner cette histoire.

Beomgyu hocha la tête, lui aussi voulait arrêter de penser à cette femme, il voulait chasser toute les images de films d'horreur qui lui venait en tête.

Et pourtant, alors qu'il marchait au côté de Kai et que la conversation fusait facilement, comme toujours entre eux deux, il n'arrivait pas la chasser de son esprit.

Il essayait d'imaginer son visage, sans succès, et frottait son épaule avec tant d'acharnement qu'elle en devenait brûlante.











































Kai:
Vous avez vu les infos ? À propos de la station Ttukseom ?
17h48

Beomgyu :
Ouais, il paraît que le métro est bloqué.
17h48

Soobin:
Kai c'est pas le métro pour rentrer chez toi ?
17h48

Kai:
Si, je suis bloqué dedans avec ma sœur. On en a pour une heure d'attente.
17h49

Yeonjun :
Qu'est-ce qu'il se passe ?
17h50

Taehyun :
Le temps est orageux alors il y a un phénomène météorologique bizarre au niveau de la station Ttukseom. Le métro qui s'y rendait est bloqué le temps que tout soit sécurisé.
17h51

Beomgyu:
Sur les réseaux des gens y étaient et disent avoir vu comme un gros nuage noir
17h52

Yeonjun :
C'est flippant.
17h52

Kai :
En attendant c'est surtout embêtant, je serais pas chez moi avant au moins deux heures.
17h53

Yeonjun :
Il y a souvent des problèmes au niveau de cette station, il y a un mois un métro à détaillé là-bas.
17h54

Taehyun :
Et il y a deux mois un chien s'est jeté sur la voie, comme s'il voulait se suicider.
17h54

Beomgyu :
Ce n'est peut-être pas qu'à l'école qu'il y a des fantômes.
17h55

Kai:
Hyung, on a dit qu'on parlait plus de choses effrayantes.
17h56
























Un coup de tonerre déchira le ciel, si puissant que Taehyun failli laisser tomber son téléphone. Il frissonna et ressera sa veste autour de son torse. Un virulent orage ne tarderait pas à frapper sur la ville, le temps était si lourd qu'il devenait écrasant, et une chaleur moite se mêlait à quelques brises de froid suffisante pour tomber malade.
Le printemps arrivait, les journée se rallongeaient, mais les nuages sombres habillaient le ciel, si bien qu'on croirait la nuit prête à tomber.

Taehyun n'aimait pas cette période orageuse, lui qui était resté plus longtemps au lycée pour travailler à la bibliothèque était incapable de se concentrer sous les grondement du ciel. Son cours du soir ne commençait que dans plus d'une heure, il se baladait alors entre les murs désert de l'établissement.

Avec la météo extérieur et les longs couloirs inhabité, il aurait presque l'impression d'avoir plongé dans un film apocalyptique.

D'être le seul humain restant sur la planète.

Ce n'était pas agréable. Pire encore, un malaise étreignait ses bras frémissant.
Il avait presque envie d'annuler son cours du soir pour rentrer chez lui, se poser auprès de la présence réconfortante de sa famille, et fermer les yeux au son de leurs voix.

Mais, à défaut de son père et sa mère, c'est une toute autre personne qui croisa sa route.

Une personne qui n'avait ni la douceur ni la bienveillance d'un parent, et vers qui il se sentit pourtant attiré comme un papillon de nuit à une aveuglante lumière.

- Salut, dit-il, en pénétrant une salle de classe.

Au fil de sa balade il avait atteint des secteurs que les plus jeunes lycéens comme lui n'étaient pas censé fréquenter. Seul les troisièmes et derniers année avaient cours dans cette partie de l'établissement.

Et en passant devant la salle il n'avait pas pu ignorer le garçon affalé sur une table, sa tignasse jaune flottant dans les courant d'air créé par les fenêtres ouvertes.

Un autre coup de tonerre résonna, mais Taehyun ne sursauta pas, ni même ne fut saisit d'un frisson. Puisque le regard de Yeonjun s'ouvrait sur lui, il ne craignait plus rien.

- Tient, le petit Kang qui vient me parler dans l'enceinte du lycée, c'est une première.

Quelque-peu vexé par le sourire ironique servit par son aîné, Taehyun se figea au pas de la porte. Le regard accusateurs faisait monter le rouge à ses joues, mais il essaya tant bien que mal de ne pas laisser voir son embarras en levant le menton.

- T'es tout seul ici, j'ai dit qu'on pouvait se parler si personne ne nous voyait, lâcha-t-il, avec l'air le plus détaché possible.

- Et qui te dis que j'attend pas quelqu'un ? Répliqua Yeonjun.

Il s'était redressé et s'appuyait avec nonchalance contre le dossier de sa chaise, l'attitude ainsi que la position qu'on associait sans mal au prince du lycée. Son petit air supérieur, son aura hypnotisante et cet air sournois attrayant, tout les ingrédients réuni pour rappeler qu'il dominait toute l'école.

Néanmoins, Taehyun avait beau être plus jeune et frêle que lui, il faisait partie des rares personnes que cette attitude n'impressionnait pas. Il connaissait suffisamment Yeonjun pour savoir que cette image n'était qu'un rôle brillamment exécuté, mais que derrière le masque se cachait une toute autre personne.

- Tu n'attend personne, tu te caches, affirma-t-il, en osant enfin approcher.

Le rictus de Yeonjun se transforma en véritable sourire amusé. De puissante, l'expression de son visage se laissa envahir de douceur.

- Bien vu, j'avais envie d'être un peu seul, Avoua-t-il.

- Je te dérange ?

- Non, reste avec moi.

Sur cette demande, qui ressemblait bien plus à un ordre, Yeonjun tira le bras de Taehyun pour le forcer à prendre place sur la table. Puis, dans un soupir d'aise, il se servit de ses jambes comme d'un oreiller.
Le première année ne fit aucun commentaire sur leur nouvelle position, il accepta d'être "utilisé" par son aîné. Il s'en alla même caresser ses cheveux, mais Yeonjun lui attrapa la main et la serra dans la sienne.

Ils restèrent ainsi tout les deux durant de longues minutes, profitant du silence de la pièce et du lycée presque vide, un calme seulement dérangé par les lointains coups de tonnerre.
Taehyun ferma les yeux, pour une fois il ne le fit pas dans le but de pénétrer la magie mais dans une simple optique de repos. Il aimait quand Yeonjun et lui partageait ce genre d'instant paisible, dans une complicité qu'eux seuls parvenaient à saisir. Leurs disputes étaient courantes, les mésententes nombreuses, leurs taquineries quotidienne, et leurs différences bien plus nombreuses que leurs ressemblances. Mais ils avaient quelque-chose, un lien particulier, qui les raccrochait toujours l'un à l'autre, qui les réconciliait sans un pardon.

De tout leur groupe ils étaient les seuls à avoir nécessairement besoin d'instant de solitude. Et, aussi étrange soit-il, depuis qu'ils se connaissaient ils aimaient être seuls à deux.

Malheureusement, leurs vieux démons les rattrapaient toujours. Même s'ils étaient complice, les barrages de compréhension persistaient, et une querelle éclatait toujours.

- Tiens, prend une bouchée.

Taehyun soupira quand il sentit sous son nez la texture douce et l'odeur sucré d'une brioche. Depuis quelques secondes déjà il avait deviné que le calme était fini, alors que le bruit de plastique lui était venu aux oreilles.
Il avait gardé les yeux clos en percevant Yeonjun déballer la brioche, avait serré les paupières en l'entendant mâcher un morceau, et redonnait de la clarté à sa vision maintenant que cette proposition (ou cet ordre) le heurtait.

- Pas de ça, répondit-il, en écartant la sucrerie du bout des doigts.

Un haut-le-cœur soulevait son estomac, mais il ne saurait dire si c'était à cause de la brioche ou du regard agacé que Yeonjun lui lançait.

- T'es chiant, clama le plus vieux.

- Tu l'es encore plus.

Yeonjun leva les yeux au ciel, puis fourra sa nourriture d'un seul coup dans sa bouche, la machant si brusquement que des miettes lui tombaient sur le menton. Il s'était redressé, éloignant ainsi sa tête des jambes de son ami, et posait ses yeux irrité contre la fenêtre.
C'est comme s'il boudait, et à cette vision Taehyun soupira.

Il avança sa main, effleura le menton de son ami et retira, une à une, les petites miettes qui s'y accrochaient.

- Je pense à changer ma couleur de cheveux. Entre le bleu et le rose qu'est-ce qui m'irait le mieux ? Demanda Yeonjun, sans un regard, ni même un geste pour éloigné la main posé sur sa peau.

- Le noir.

- Sérieusement Taehyun.

- Je suis sérieux, j'aimerais te voir avec ta couleur naturelle.

L'ombre d'un sourire flotta sur les lèvres de Yeonjun, à l'instant même où un éclair lui éclairait le visage.

- Un jour peut-être, quand je serais un adulte avec un travail sérieux qui impose une coiffure sérieuse. Tant que je suis jeune je profite, et je me colore la tête, répondit-il.

Taehyun hocha la tête, et à l'instant où il laissa retomber sa main, son aîné la reprit dans la sienne.
Ils se disputaient souvent, mais jamais longtemps, toujours leurs réconciliations se faisaidnt sur fond de demandes ou de conseils qu'ils ne se donnaient qu'entre eux.

Car, dès qu'une difficulté approchait, c'est l'un vers l'autre qu'ils se tournaient.

- Bleu, lâcha Taehyun.

Puis, après une courte pause durant laquelle son ami s'était décidé à le regarder de nouveau, il enchaîna:

- Je veux te voir avec les cheveux bleu.

- D'accord, je ferais du bleu, repondit Yeonjun, dont le visage se laissait enfin envahir par ce sourire en attente.

Ils restèrent immobile de nombreuses minutes, à observer les éclairs qui brisaient le ciel et le paysage assombri par le temps. Puis arriva le moment pour Taehyun de s'en allez, s'il ne voulait pas être en retard à son cours du soir, et Yeonjun décida de rejoindre sa chambre dans l'internat.
Ils traversèrent les couloirs ensemble, certain de ne croiser personne à cette heure-ci, et discutaient de leur journée respective.

Mais, alors qu'ils atteignaient bientôt l'escalier qui menait en dehors du bâtiment, Yeonjun se figea. Son regard s'accrocha à une salle de classe dont la porte était resté ouverte, et qui laissait échapper le son d'un crayon frotté contre une surface lisse.
Taehyun suivit le regard de son aîné et fut surpris de découvrir Soobin, qui dessinait sur le tableau qu'habituellement seuls les professeurs utilisaient. Ils ne semblaient pas les avoir vu, son regard pensif suivait les traits qu'il traçait.

- Hyung, qu'est-ce que tu fais ici ? Demanda-t-il, en passant la porte.

Le troisième année sursauta et le crayon lui échappa des mains. Le rouge lui monta au joue alors qu'il clignait plusieurs fois des yeux, comme pour s'éloigner du monde des rêveries pour replonger dans la réalité.

- J'ai été puni, je dois nettoyer la classe avant de partir, expliqua-t-il.

- C'est comme ça que tu nettoies ?

Taehyun désignait le dessin qui envahissait la majeur partie du tableau, une immence porte entouré de symboles et autres images aux styles divers.
À peine eut-il posé ses yeux dessus qu'il ressentit un sentiment familier, le poussant à inspecter l'oeuvre minutieusement.

- Pourquoi tu as été puni ? Demanda Yeonjun.

- J'avais un devoir à rendre lundi mais j'ai oublié de le faire, donc la professeure m'a donné jusqu'à aujourd'hui, mais je l'ai oublié chez moi.

L'ainé du trio lâcha un rire attendrit face à cette explication, puis approcha Soobin pour refaire son noeud de cravate bancal. Le troisième année ne semblait même pas d'être rendu compte de l'aspect informe qu'avait son habit, c'est avec un sourire gêné qu'il laissa son ami lui offrir un air plus présentable.

Taehyun, quant à lui, ne prêta plus attention aux deux garçons. Il ne vit pas le regard remplit de tendresse que Yeonjun posait sur Soobin, ou le rouge qui envahissait les joues de ce dernier. Il fixait le dessin, la porte, et sentait des frissons picorer ses bras.

- C'est quoi ?

Les deux plus vieux sursautèrent quand il posa sa question, arraché à leur petit monde. Mais encore une fois Taehyun ne le remarqua pas, il entendit seulement la réponse de Soobin.

- C'est rien de spécial. J'ai rêvé de cette porte, alors je la dessine.

Il hocha la tête, puis effleura les contours du dessin. Cette porte ne ressemblait pas à n'importe quelle porte, il était certain de l'avoir déjà vu, de la connaître, de pouvoir même deviner ce qui se cachait derrière.
Mais alors qu'il allait mettre le doigt sur une réponse, Yeonjun lui fit remarquer le temps qui passait et le retard qui se profilait. Il dû alors s'en allez sans avoir pu déterminer d'où cette porte lui était si familière.

Sans avoir pu comprendre qu'elle menait dans un endroit magique, en dehors du temps et de la réalité.

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