Part II - 10
°2017°
Yeonjun:
Vous avez entendu la rumeur à propos du fantôme dans l'école ? Des élèves de l'internat sont plusieurs à raconter qu'ils en ont vu un.
16h45
Soobin quitta l'histoire fantastique que lui proposait son manga à la seconde où ce message s'afficha sur son téléphone. Un sourire écorcha le coin de sa lèvre, une expression commune à son visage depuis trois mois.
Un bonheur qu'il ne faisait pas l'effort de contenir et qui apparaissait dès que l'un de ses amis déposait une phrase, ou même un simple mot, sur leur conversation.
Beomgyu :
Un fantôme ? Trop bien !
16h46
Taehyun :
J'en ai entendu parler, mais les fantômes ça existent pas. Ils ont du mal voir parce-qu'ils étaient fatigué.
16h46
Il lâcha le livre qui occupait plus tôt toute son attention et saisit le portable. Une mécanique toute particulière accompagnait ses gestes, similaire à un réflexe, un enchaînement qu'il effectuait sans y penser. Dès qu'un message apparaissait, venu de Yeonjun, Beomgyu, Taehyun ou Kai, il mettait en pause n'importe quelle action pour se connecter à eux.
Qu'importe qu'il soit en cours, en révision, en pleine tâche ménagère, en train de manger ou, comme aujourd'hui, plongé dans un livre.
Son cerveau était comme programmé à faire passer ces garçons au premier plan.
Était-ce parce-qu'il n'avait jamais eu d'amis avant eux ? Était-ce à cause de cette nouvelle sensation et des nouveaux sentiments qui berçaient son coeur ? L'euphorie de la première fois qui le poussait à aspirer tout ce qu'il trouvait de paillettes en eux ?
Peut-être y avait-il de cela, mais pour Soobin ça ne suffisait pas comme explication.
Voilà trois mois qu'il était amis avec ces garçons, trois mois qu'il leur parlait tout les jours, toute les nuits, qu'il ne pensait qu'à eux à longueur de temps. Cette effervescence de nouvelles sensations aurait dû s'éteindre depuis, elle aurait dû tomber dans l'oubli de l'habitude et de la routine.
Pourtant ce n'était pas le cas, son cœur bondissait de joie rien qu'à constater leurs prénoms qui s'affichaient sur l'écran de son téléphone. Il ressentait l'envie, ou plutôt le besoin, de leur parler durant d'infinies heures, de tout leur confier et tout recevoir en retour.
Soobin
Tout le monde est fatigué à cette période de l'année, ces derniers temps je fais des rêves étranges à cause de ça.
16h47
Kai:
Hyung, tu fais encore des cauchemars ?
16h48
Soobin en train d'écrire
Son coeur retomba dans sa poitrine, ayant soudainement perdu cette envie de battre plus vite que tout.
Pourquoi avait-il parlé des cauchemars qui venaient hanter ses nuits ? Il allait gâcher l'ambiance légère de leur conversation, et surtout il détestait penser à ça.
Il avait commencé à taper un message mais se figea, hésitant.
"Dans mes cauchemar, nous...". Il n'écrivit pas la suite et effaça ces quelques mots.
Ça n'avait pas d'importance, c'étaient juste des rêves.
Yeonjun:
Cette histoire de fantôme c'est pas important, j'ai abordé le sujet sans raison spéciale.
16h49
Beomgyu :
Moi ça m'intéresse ! Pendant la nuit allons voir s'il y a vraiment un fantôme !
16h49
Kai:
Ça me fait peur, ne parlons plus de ça.
16h50
Taehyun:
Si on va dans l'école la nuit je suis certain que tu vas t'amuser à nous effrayer Beomgyu-hyung.
16h50
Beomgyu :
Absolument pas.
16h51
Yeonjun :
Bien sûr que si, on te connait.
16h52
Beomgyu :
Tu as déjà du mal à retenir ma date de naissance, alors dire que tu me connais c'est un peu exagéré.
16h53
Yeonjun :
Je me suis trompé une fois, une seule petite fois ! Et seulement d'un jour.
16h54
Beomgyu :
Un jour c'est beaucoup.
16h55
Kai:
Les gars, on se retrouve au terrain de basket après les cours ?
16h55
Taehyun:
D'accord.
16h56
Yeonjun :
Carrément.
16h56
Beomgyu:
👍
16h56
Soobin:
Pourquoi pas.
16h56
Kai:
😁
16h57
Soobin leva le visage vers le ciel grisâtre, patientant la sonnerie qui annonçait la fin des cours. Il avait terminé sa journée depuis deux heures, l'un de ses professeurs étant absent, mais n'était pas rentré chez lui car il se doutait que l'un de ses amis proposerait un rendez-vous.
C'était souvent ainsi les veilles de week-end, en semaine ils se voyaient à peine, ou lors d'une minuscule seconde au détour d'un couloir de cette gigantesque école. En fin de journée Soobin, Beomgyu et Taehyun devaient assister à des cours particuliers, Kai allait chercher sa soeur au collège, et Yeonjun trainait toujours de droite à gauche avec les étudiants de son âge.
Mais le vendredi il n'y avait pas de cours du soir, le père de Kai finissait assez tôt pour s'occuper de Bahiyyih, et les amis de Yeonjun quittaient l'internat pour passer le week-end chez leurs familles. Venait alors le moment parfait pour se retrouver tout les cinq, après une semaine entière à échanger par le biais de messages.
Ils ne se le disaient pas haut et fort, mais l'impatience que procurait cette attente dévorait leurs poitrines au point qu'ils se manquaient tout le temps.
Enfin un son strident résonna dans le lycée, la fin d'une nouvelle journée de travail acharné pour la centaine d'adolescents présent entre ces murs. À peine cette sonnerie agressa les oreilles de Soobin qu'il balança manga et portable dans son sac, avant de quitter sa table fétiche dans le murmure d'un au-revoir pour ce bois abîmé qui l'accueillait chaque jour.
Il traversa le jardin, si peu fréquenté par les élèves que personne ne prenait le temps de l'entretenir. L'herbe devenait trop haute et les plantes débordaient de leurs parterres. Soobin avait plusieurs fois pensé à apporter lui-même les soins esthétiques que cet endroit méritait, mais cette idée s'était évaporé à la seconde où elle lui effleurait l'esprit.
Il aimait bien l'aspect désordonné de cet endroit, la nature luxuriante qui reprenait peu à peu ses droits faisait monter en lui les souvenirs de la forêt et des prairies de Magic Island.
Les couloirs et les allées faites de béton qui constituaient l'école n'avaient pas ce même charme, la foule qui piétinait ces espaces d'un pas pressé détruisait l'atmosphère calme dans laquelle il s'était plongé ces deux dernières heures.
Un casque antibruit sur les oreilles, il se mêlait aux élèves bruyant qui quittaient l'établissement, rejoignit le flot conséquent et routinier dans lequel n'importe qui se perdrait. Au milieu des autres lycéens, vêtu comme eux et progressant dans la même direction, il pourrait presque croire qu'il s'intégrait à eux, qu'il était comme eux.
Il se sentait presque appartenir à ce chemin ordinaire que le monde foulait, aussi droit que tout les autres, bercé de la normalité imposé par les conventions.
Quand il se mêlait à la foule, Soobin arrivait presque à s'imaginer comme un garçon ordinaire.
Mais la vie aimait plaisanter avec lui, elle aimait lui faire croire qu'il pouvait marcher avec les autres avant de violement lui rappeler où était sa place.
Soobin ne marchait pas sur le même chemin, quoi qu'il fasse il se retrouvait toujours dans le fossé, en décalage avec les normes.
Et cette main qui arriva saisir la sienne, qui le tira hors de la masse d'élèves et le bloqua dans une fente étroite entre deux bâtiments, offra la confirmation qu'il finissait toujours par dévier sur le côté.
Lorsque son dos fut plaqué contre le mur il sentit son souffle se couper, ses membres se crisper et son cœur manquer deux ou trois battements. Cette histoire de fantôme fit irruption dans son crâne, puis ses cauchemars vinrent y mêler leur gluante terreur.
Mais toute ces mauvaises ombres firent demi-tour quand ses yeux rencontrèrent ceux du garçon qui l'avait attiré dans cet espace étroit. Il lâcha un soupir, puis retira son casque.
- Tu m'as fait peur, Yeonjun, souffla-t-il, soulagé à l'idée qu'il ne s'agissait que d'une blague de son ami.
Mais son vis à vis n'afficha pas un sourire, ni même ne laissa échapper le rire d'une plaisanterie. La gravité marquait ses traits alors qu'il pressait une doigt contre les lèvres de Soobin pour lui imposer le silence.
- Les gars de ma classe parlaient d'allez à une salle d'arcade, si je les croise ils vont me supplier de les accompagner, expliqua le dernier année. Attendons qu'il n'y ai plus personne avant d'allez au terrain de basket.
Yeonjun regardait l'entrée de cette faille qui leur servait de cachette, les élèves passaient devant sans y faire attention, sans deviner qu'il leur suffirait de passer leur tête entre les murs pour apercevoir le "prince du lycée" en compagnie d'un garçon dont personne ne se souvenait du prénom.
Mais personne ne fut éprit par un élan de curiosité soudain, trop impatient d'éloigner leurs corps des classes étouffantes.
Au plus grand bonheur des deux jeunes hommes qui n'avaient aucune envie d'être au coeur des plus vicieux ragots de l'école.
Yeonjun fixait la foule pressé, Soobin fixait Yeonjun, hypnotisé comme un papillon de nuit vers une lumière vive.
L'étroitesse de l'espace rapprochait leurs corps, mais de ça il s'en fichait, ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait à une telle proximité avec son ami. La semaine dernière il s'était endormi contre lui, alors qu'ils regardaient un film ennuyeux chez Kai.
Les doigts de Yeonjun ne quittaient pas ses lèvres, mais ça ne le dérangeait pas non plus. L'ainé de leur bande avait tendance à être trop tactile avec chacun d'entre eux, ses gestes faussement déplacé devenait une blague récurrente.
Leurs poitrines se touchaient, leurs coeurs battaient l'un contre l'autre. Soobin n'arrivait pas à penser à autre chose que cette synchronisation qui les gagnait.
Son coeur avait accéléré la cadence, celui de Yeonjun diminué la sienne, comme s'ils avaient décidé de partager les mêmes pas d'une étrange chorégraphie.
Soobin détailla le regard profond de Yeonjun, à travers lequel chaque lycéen rêvait de se perdre. Il observa ses lèvres charnu entre lesquelles pendait la paille blanche d'un jus de fruit qu'il sirotait. Il observa son visage recouvert de crèmes et d'un maquillage assez prononcé pour effacer les imperfections de l'adolescence, qu'on devinait ondulant sur sa peau. Il remarqua à quel point son uniforme était froissé, une "mode" que les élèves du lycée s'étaient mit à suivre alors que Yeonjun leur avoué qu'il ne savait juste pas repasser ses vêtements.
Puis il admira le jaune de ses cheveux. L'aspect presque fluorescent disparaissait un peu, la couleur devenait fade et Soobin aperçu une noirceur au niveau des racines.
Il attrapa une mèche du bout des doigts pour mieux constater la pousse naturelle derrière la teinte trop voyante, il essaya d'imaginer à quoi son ami ressemblerait s'il arrêtait ses colorations.
- Tu es tout rouge, je te fais tant d'effet que ça ?
La voix de Yeonjun s'éleva en un murmure, et Soobin sursauta et éloigna sa main comme si les cheveux du plus vieux l'avaient brûlé.
Il tapota ses joues et les découvrit plus tièdes qu'à l'ordinaire.
Il voudrait bien dire que c'était la proximité de leurs corps qui lui donnait chaud, mais son cœur accélérait au point que celui de son ami peinait à suivre la cadence.
Yeonjun souriait, amusé et satisfait de l'effet que ses paroles avaient créé.
- Panique pas, je plaisante. Allez viens, il n'y a plus personne et les gosses vont se plaindre de notre retard.
Sur ces mots il fourra sa briquette de jus dans la main de Soobin et quitta la cachette en premier.
Par "gosses" il voulait évidement parler de leurs trois plus jeunes amis, un surnom qu'il aimait leur donner et qui faisaient naître des rides irrités sur leurs visages. Surtout dans le cas de Beomgyu et Taehyun, qui n'aimaient pas quand Yeonjun les traitait comme des bébés. Kai, lui, riait d'être choyé par ses aînés.
Soobin regarda la briquette de jus et la secoua pour constater qu'il en restait encore la moitié, puis se précipita à la suite de Yeonjun.
- Pourquoi tu me la donnes ?
- J'en veux plus.
- J'ai l'air d'être d'une poubelle ?
Yeonjun se tourna vers lui et son sourire devient si grand qu'il effaça tout ce qui pouvait l'entourer. Il ne répondit rien, enfonçait seulement ses mains dans les poches de sa veste et marchait à reculons pour qu'ils soient face à face.
Quand cette expression lui tordait visage son masque de prince du lycée se brisait. Le charme envoûtant disparaissait, de même que le mystère séduisant, la grandeur de son allure, l'attraction de son beau visage ou ses traits étirés de malice.
Ne restait que Choi Yeonjun, le vrai Choi Yeonjun.
Quand il souriait ainsi, Soobin le trouvait magnifique.
- Les gars !
Une charge qu'il n'avait pas sentit arriver lui tomba sur le dos et il en fit tomber la briquette de jus.
Nul besoin de se retourner pour savoir qui venait de lui sauter dessus, il avait reconnu ce garçon par le ton enjoué de sa voix et cette manie qu'il avait de toujours enrouler ses bras autour de son cou.
- Tu sors de classe que maintenant Kai ? Demanda Yeonjun.
Son sourire avait disparu mais la douceur de ses traits restait intacte. Il s'était arrêté pour que les deux plus jeunes se retrouvent à sa proximité.
- Je suis resté nettoyer le tableau, expliqua le premier année, qui consentait à descendre du dos de Soobin.
Yeonjun se plaça entre eux et glissa son bras sur chacunes de leurs épaules. Ainsi ils ressemblaient à un vrai trio d'amis quittant le lycée dans la joie et la bonne humeur, et non à trois garçons d'âges différents qui ne se parlaient face à face que quand personne ne se trouvait aux alentours.
Ces moments-là étaient les préférés de Soobin, toute la semaine il les attendait avec une impatience de plus en plus vorace.
Quand il entendait le rire joyeux de Kai qui accompagnait les nouvelles du lycée que Yeonjun racontait avec entrain, il se sentait nager dans un océan de coton, si doux et chaud qu'il voudrait y rester pour toujours.
Il en oubliait le monde extérieur, plus rien n'existait à par eux.
Et c'est sûrement pour cela qu'il ne remarqua pas la jeune fille qui les observait, quelques mètres en arrière. Une brume de nostalgie recouvrait son visage et ses longs cheveux blonds décoraient les vêtements blancs qui flottaient autour de son corps sans que la moindre brise ne vienne les embrasser.
Elle se pencha et ramassa le jus de fruit que Soobin avait laissé se déverser sur le sol. On devina l'ombre d'un sourire sur ses lèvres, puis elle partit en fredonnant une berceuse dont seule sa voix connaissait le rythme.
Beomgyu :
Je suis passé à la supérette pour acheter quelques snacks.
17h10
Beomgyu :
Je compte sur vous pour être tout gentil et mignon si vous voulez que je vous en donne.
17h10
Kai:
Je suis toujours gentil et mignon.
17h11
Yeonjun :
Plutôt mourir de faim.
17h11
Vu par Taehyun.
Beomgyu rangea son téléphone dans sa poche après avoir augmenté le son de la chanson qu'il écoutait en boucle depuis quelques temps. Une ballade, habituellement il ne raffolait pas des airs calmes qui lui berçaient les tympans, il était plus friant des rythmes endiablés qui tapaient contre sa poitrine.
Pourtant, depuis un mois environs il s'était mit à n'écouter que des musiques calmes aux paroles faisant les éloges de l'amour. Heeseung s'était moqué de lui quand il avait découvert sa playlist, et Beomgyu s'était sentit obligé d'inventer une excuse stupide pour expliquer cette nouvelle passion.
"Si je veux devenir musicien je dois m'intéresser à tout type de musique. J'étudie juste ce qui est populaire en ce moment"
Rien qu'en y repensant il avait envie de se gifler.
Dans un soupir, il fit doucement balancer le sac en plastique qui pendait à sa main. Les quelques provisions qui se trouvaient à l'intérieur allaient peut-être être blessées, les chips s'écraseraient entre elles et les boissons gazeuses allaient exploser à l'ouverture. Mais il n'y pensait pas, il regardait ses pieds se placer l'un devant l'autre alors qu'il traversait un chemin de terre si souvent foulé ces dernières temps.
Voilà trois mois qu'il avait découvert cette route, qu'il l'empruntait presque tout les jours. Elle menait au terrain de basket vieillissant dans lequel il retrouvait ses amis, un lieu suffisamment caché pour être méconnu, un lieu que seulement leurs cinq corps faisaient vivre.
Ils s'y réunissaient presque tout les week-end, mais Beomgyu y allait parfois seul en semaine. Quand il avait du temps libre, quand il avait du mal à dormir la nuit et qu'il s'échappait de l'internat par la fenêtre, ou quand venait une pause entre deux cours et que son meilleur-ami l'abandonnait pour rejoindre sa petite copine.
Beomgyu aimait dire qu'il connaissait ce lieu mieux que quiconque, il était un peu devenu un habitant récurrent.
Et il adorait ça, car à chaque fois que son regard se posait sur le filet il pensait à ses amis, et il priait pour que la semaine passe plus vite et que vienne le moment ils se réunissaient tout les cinq.
Quand il arriva au terrain il constata que seul Taehyun s'y trouvait, tellement captivé par son téléphone qu'il sursauta quand son aîné le salua.
- T'as raison en disant qu'une chasse au fantôme c'est pas une bonne idée, tu vas faire un arrêt cardiaque si on croise un esprit, plaisanta-t-il, alors que le plus jeune retournait son écran contre le sol.
Beomgyu fit mine de ne pas avoir vu ce que son ami regardait, le coeur serré de constater qu'il s'était une nouvelle fois retrouvé à épier le compte Instagram de Yang Jungwon, un ami de collège de qui il était amoureux.
- J'ai juste été surpris, et puis ça existe pas les fantômes, retorqua Taehyun.
- La magie existe, alors pourquoi pas les fantômes ?
Sa question figea le garçon, qui ne tarda pas à se perdre dans ses réflexions à la recherche d'un argument imparable contre l'inexplicable. Mais les secondes passaient et il ne trouvait visiblement rien à répondre.
- Évitons juste d'évoquer les fantômes, ça fait peur à Kai, lâcha-t-il finalement.
Beomgyu ne cacha pas son sourire amusé, elles se comptaient sur les doigts d'une main les fois où l'un d'entre eux surpassait Taehyun dans un débat logique, et lui n'y était jamais parvenu jusqu'ici. Il était déjà impatient de vanter sa victoire auprès des trois autres.
Il se laissa tomber au sol au côté de son ami et ôta de son dos le lourd sac de cours qui broyait ses épaules.
Puis le silence s'installa entre eux, les secondes passèrent sans qu'ils n'échangent un mot ou un regard.
Beomgyu aimerait affirmer qu'il s'agissait de ce genre de moment calme qu'on partager entre amis, sans avoir besoin de parler et profitant simplement de la présence agréable de l'autre, mais ce serait un bien vilain mensonge.
En vérité il y avait de l'embarras pur et dur dans ce silence, la gêne qui gagnait toujours les deux garçons quand ils se retrouvaient seul l'un avec l'autre.
Beomgyu ne connaissait pas ce silence quand il se trouvait avec leurs trois autres amis. Avec Yeonjun il se chamaillait, avec Kai il parlait de tout et rien, avec Soobin il riait à n'en plus finir. Mais il n'y avait rien de tout cela avec Taehyun, juste le calme plat, l'absence de toute complicité.
Ils étaient proche pourtant, à travers les messages ils confiaent leurs vies et leurs plus grands secrets sans pudeur, ils étaient conscient qu'ils avaient le droit d'être eux-mêmes l'un avec l'autre.
Mais ils n'y pouvaient rien, une distance persistait entre eux, ils ne trouvaient rien à se dire.
Enfin si, Beomgyu aurait des centaine de choses à dire à Taehyun, il avait en tête des milliers d'approche qui feraient mouche. Mais il se les interdisait toute, car chaque scénario qui apparaissait à son esprit venait avec l'odeur exquise d'un flirt.
Or il ne fallait pas que cette ligne fragile soit franchi, il ne voulait pas mettre son ami mal à l'aise, il ne voulait pas le blesser, ni même passer pour un garçon cruel qui profitait du cœur brisé d'un autre.
Et, surtout, il ne voulait pas être rejeté.
Son attirance grandissait un peu plus chaque jour, et avec elle la distance qu'il creusait par mégarde avec l'élu de son cœur.
Beomgyu se mit à tripoter son sac en plastique rempli de sucreries. Son ventre murmurait sa faim mais il hésitait à savourer le plus petit biscuit. Il avait peur de gêner Taehyun en mangeant devant lui, il avait peur de passer pour un malpolis s'il ne lui proposait rien, il avait peur de passer pour un idiot insistant s'il lui proposait quelque-chose, un imbécile qui ne comprendrait rien à son mal-être.
Il s'était renseigné sur les troubles alimentaires, durant toute une nuit ses yeux s'étaient épuisé sur des articles et des reportages à ce sujet. Il avait l'impression de saisir un peu l'ampleur de ce problème, mais les personnes qui en parlaient disaient toujours que seul une personne atteinte d'un tel trouble pouvait comprendre ce qu'une autre ressentait.
Malgré son désir de bien faire Beomgyu craignait d'être maladroit. Taehyun n'évoquait pas souvent ce mal qui le rongeait, il ne leur faisait pas par de ses avancées ou rechutes, mais ils constataient tous que les fois où il avalait un vrai repas devant eux pouvaient se compter sur les doigts d'une main.
Et encore, souvent il mangeait parce-que Yeonjun l'y forçait. Et l'ainé de leur bande était bien le seul à ne pas émettre l'hypothèse que le premier année ne soit pas allez se faire vomir à chaque fois.
Beomgyu avait été le premier à remarquer que Taehyun ne mangeait pas, ou alors très peu. Ayant une attirance pour ce garçon dès qu'ils avaient commencé à se fréquenter, son regard allait souvent se nicher contre ses joues creuses. C'est alors qu'il remarqua que Taehyun ne piochait toujours qu'une seule fois dans les paquets de sucreries qu'ils partageaient, et il caressait ses lèvres avec la petite douceur en faisant mine de grignoter. Ainsi il avait toujours de la nourriture entre les doigts, personne ne lui en proposait davantage, il laissait planer l'illusion qu'il se réservait. Et si on ne faisait pas attention, voir qu'il ne mangeait pas était presque impossible. Les fois où ils prenaient de vrais repas tout les cinq il mélangeait et coupait sa nourriture sans jamais la mener à sa bouche, puis il monopolisait la conversation pour détourner l'attention de sa gestuelle.
Après avoir remarqué toute ces petites choses Beomgyu commençait à avoir des doutes, mais les régimes extrêmes étaient tellement courant dans leur pays qu'il n'imaginait pas que le problème soit aussi grave.
La réalité s'était heurté à son visage quand il l'avait surpris à se faire vomir.
Il en avait fait part à Yeonjun et celui-ci s'était tout de suite mit à observer le plus jeune comme un sujet de laboratoire, lui proposant plus de nourriture qu'il ne le devrait. Ses actions poussaient Taehyun à se renfermer plus encore, il voulait bien faire mais s'y prenait mal, il fallait toujours que quelqu'un intervienne pour que la situation ne dégénère pas.
Ce fut au final Soobin qui osa demander la raison pour laquelle il mangeait si peu, devançant Yeonjun et permettant ainsi que la situation soit abordé avec douceur. Même s'il était plein de bonnes intentions, l'ainé de leur bande manquait trop de tact pour qu'ils puissent le laisser prendre les devants sur des sujets délicats.
Taehyun n'avait pas tout de suite répondu, il avait fixé son sandwich aux concombres contre lequel il avait à peine pressé ses lèvres. Sa main s'était mise à trembler et Kai lui avait retiré son repas des mains, avant de le prendre dans ses bras. Un silence s'était imposé sur leur groupe, Beomgyu avait détesté ce moment, il avait détesté la tension installé, il avait détesté voir son ami soudainement si vulnérable, il avait détesté le voir étreint par un autre.
Ce jour-là Taehyun était parvenu à murmurer qu'il n'arrivait pas à manger, qu'il vomissait presque tout ce qui atteignait son estomac. Il n'avait pas tout de suite évoqué la raison, mais Beomgyu supposait que cela devait être lié à ce Jungwon dont il leur parlait souvent, son fameux premier amour.
Depuis lors ils gardaient tous le coin de leurs yeux posé sur Taehyun, ils essayaient de lui proposer des aliments qu'il arrivait à manger ou des boissons assez épaisses pour lui remplir l'estomac. La délicatesse de leurs actions semblait le toucher, parfois il arrivait à garder ce qu'ils lui donnaient.
Enfin, ce que Beomgyu, Kai et Soobin lui donnaient. Avec Yeonjun c'était une toute autre histoire.
- Vous en avez mit du temps ! S'exclama Taehyun, alors que leurs amis arrivaient enfin.
- Je devais éviter mes groupies, la vie de célébrité c'est pas facile.
Sur ces mots Yeonjun se laissa tomber entre eux, entraînant les deux autres avec lui. Beomgyu était quelque-peu déçu de cette distance que leurs trois corps créaient avec Taehyun, mais il ne fit pas de remarque.
De toute façon il ne discutait pas avec le plus jeune, ça serait étrange qu'il insiste pour rester son voisin.
Alors il vida seulement son sac au centre du groupe et observa ses goinfres d'amis se jeter sur la nourriture.
- Vous avez jusqu'à quelle heure ? Demanda Kai.
À cela il entendait l'heure à laquelle leurs parents réclameraient leurs présences à la maison. Chacun répondit qu'ils n'avaient pas de contrainte, mise à part le fait que Taehyun devait envoyer un message à son père toute les heure pour lui assurer qu'il était bien vivant.
Puis ils se tournèrent vers Beomgyu, l'inquiétude faisant frémir leurs yeux puisqu'il restait le seul à ne pas avoir donné de réponse.
Ils savaient que sa famille était stricte, qu'on ne le laissait pas trainer tard dehors, ou trainer dehors tout court. Son père surveillait constamment le moindre de ses faits et gestes, quand il voulait sortir il lui fallait une bonne excuse, où un bon mensonge.
- J'ai dit à mon père que je dormais chez Heeseung ce soir, pour préparer un devoir. Je suis donc libre toute la nuit !
Leurs cinq sourires brillèrent à l'idée de passer la nuit tous ensemble dans ce parc, à essayer de distinguer les étoiles sous une température qui échappait à la fraîcheur de l'hiver, à rire et parler comme si le monde s'arrêtait pour eux, comme si l'horloge de l'existence se brisait pour répéter ce moment à l'infinie.
Ils se levèrent, le bonheur gravé sur leurs visages et, sans qu'aucun ne hurle un top départ, ils se mirent à courir. Jusqu'à quel lieu allaient-ils ? Combien de temps s'essoufflaient-ils ? Y avait-il une ligne d'arrivé ? Y aurait-il un vainqueur quand ils décideraient de s'arrêter ?
À cela aucun des cinq garçons n'y pensaient, ils s'amusaient juste ensemble dans un parc désert, un espace qui semblait n'appartenir qu'à eux.
Quand ils fermaient les yeux et n'écoutaient que le chant de leurs rires, ils se croyaient presque de retour à Magic Island.
"Retournons là-bas, retrouvons la magie"
Cette même pensée les effleura, un même manque pour ce merveilleux endroit leur serrait la gorge.
Mais s'ils avaient levé les yeux vers le ciel, à l'instant précis où leurs esprits s'étaient synchronisé, ils auraient vu une étoiles filantes passer au-dessus de leurs tête.
Une étoiles filantes qui traçait, dans un ciel de fin d'après-midi, l'ébauche d'une brèche qu'il leur fallait trouver.
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