Chapitre 8

Léna mit quelques instants pour revenir à elle. Tout ce qu'elle venait de vivre semblait sortir d'un rêve. Ou plutôt d'un cauchemar. Elle pensait avoir enfin sorti la tête de l'eau. De s'être enfin redressée face au monde, d'avoir tourné la page avec l'aide de Dark. Mais Léna s'aperçut que tout ceci n'était qu'illusion. Elle s'était entêté dans un mensonge. Et la vie s'était empressé de la ramener à la réalité. Elle tourna la tête, et son regard se posa sur la chose difforme qui se trouvait étendue à côté d'elle. Léna mit un peu de temps pour s'apercevoir qu'il s'agissait de Dark. Elle se souvint vaguement le voir foncé sur Vanessa et s'éclater contre le mur. Le pauvre, il a dû se faire très mal... Elle essaya de focaliser son esprit sur le garçon pour éviter de repenser à ce qu'elle venait de vivre. De revivre pour être exacte. Stop ! Léna ferma les yeux très fort, jusqu'à se faire mal. Et les larmes, ses fidèles compagnes, recommencèrent à couler le long de ses joues. Léna pleura doucement, sans bruit, la tête entre les genous.
Les toilettes étaient désertes. Comme si inconsciemment, les gens évitaient de s'y rendre. Comme s'ils respectaient le besoin de solitude de la jeune fille. Celle-ci, d'ailleurs, se leva et se dirigea vers le miroir. Quand Léna aperçut son reflet dans la glace, elle eut un hoquet de surprise. Elle avait le cou en sang. La morsure de la Rousse se détachait nettement sur sa peau blafarde. Soudain, Léna fut prise de vertiges, et des images tourbillonnèrent dans sa tête. La jeune fille se rattrapa sur le rebord du lavabo et lutta contre l'assaut de ses souvenirs. Elle tomba à genoux, gémissante. Et ce fut trop. Elle s'évanouit.

Dark ne savait pas trop où il était. Une douleur sourde bourdonnait sur le haut de sa tête. Je vais avoir une de ces bosses... C'est en se disant ça qu'il se souvint des événements qui venaient de se dérouler. Il ouvrit les yeux et se redressa d'un coup. Il fut d'abord pris de vertige à cause de la spontanéité de son acte. Il cligna des yeux plusieurs fois pour chasser les points lumineux qui dansaient devant ses prunelles. Regardant autour de lui, il vérifia que la Rousse était bien partie. Mais ses yeux ne rencontrèrent pas la touffe rousse de la femme. À la place, ce fut des cheveux bruns étalés sur le sol que trouva le regard du garçon. Reconnaissant Aube, le garçon rampa jusqu'à la jeune fille, et découvrit qu'elle dormait. Sa respiration était calme. Elle allait bien. Dark poussa un soupir de soulagement. Il se releva, et comme la jeune fille quelques instants plus tôt, il croisa son reflet dans la glace. Il avait vraiment mauvaise mine. Déviant un peu son regard, il aperçut la cabine dans laquelle il avait découvert Aube et la Rousse. Des images lui revinrent en tête. Son cœur s'emballa. Il se força à se calmer. Puis, reprenant courage, il prit une serviette, l'humidifia, et tout doucement, entreprit de nettoyer le cou ensanglanté d'Aube. Quand il eut fini, Dark retira sa veste et la déposa sur la jeune fille toujours endormie. Délicatement, il la souleva du sol et quitta les toilettes, quitta le Salon, quitta se cauchemar.

*

Léna ouvrit très lentement les yeux. Et contrairement à ce qu'elle attendait, elle ne fut pas éblouie par la lumière des toilettes. À la place, c'est une douce pénombre et un lit moelleux qui accueillirent la jeune fille. Savourant cet instant quelques secondes encore, Léna observa les environs. Ses yeux s'habituèrent à l'obscurité et elle découvrit qu'elle était dans une chambre. Mais pas dans la sienne. Celle dans laquelle Léna se trouvait possédait une grande baie vitrée, laissant les lumières de la ville éclairée faiblement la pièce. Une forme sombre se découpait sur cette baie. Une forme humanoïde assise et pensive. Sans bruit Léna se leva et s'approcha de la silhouette. Elle aperçut enfin le visage perdu dans le paysage de Dark. Doucement, pour ne pas effrayer le jeune homme, Léna vint placer sa main sur l'épaule de celui-ci. Le garçon sursauta tout de même et tourna la tête. Il vit Léna, un sourire apaisé sur les lèvres. Alors sans mots, lui aussi se mit à sourire. Il détourna la tête et perdit son regard dans les rues encombré de voitures situé en bas de l'immeuble. Léna s'assit aux côtés du garçon et posa sa tête sur son épaule. Elle ferma les yeux, respirant l'odeur réconfortante de son ami. Oui, de mon seul et unique peut être, mais de mon ami. Ils restèrent longtemps ainsi, tous les deux, à méditer sur ce qui s'était passé. Serrés l'un contre l'autre, savourant le fait de savoir l'autre près de soi. Ils restèrent longtemps ainsi, attendant que l'autre parle.
Ce fut Dark qui brisa le silence.

"- Pourquoi ne m'as-tu jamais rien dit ?
- Je n'ai jamais rien dit à personne, jamais.
- Qui est-elle ?
- Elle se nomme Vanessa.
- Et ...?"

Dark ne tenait plus. Il voulait savoir. Il en tremblait même. Léna, sentant l'état fébrile de son ami, décida pour la première fois de sa vie de mettre des mots sur ce qui la rongeait depuis des années. Mettre des mots sur son traumatisme.

"- Elle s'appelle Vanessa. Nous nous suivions depuis toutes petites. Nous allions dans les mêmes écoles, nous étions dans les mêmes classes. Nous avons même été amies. Mais rentré au lycée, nous nous sommes éloigné. Je l'avais peu à peu oublié. Je mettais fait d'autres amies. J'étais heureuse. Mais Vanessa, elle, ne m'oublia pas. Elle pensait tellement à moi qu'elle en fit une obsession. Et un jour, elle vint me voir. Moi, j'étais contente de lui reparler. Je pensais que nous pourrions redevenir amies. Je pensais pouvoir la présenter à mes nouvelles amies. Mais Vanessa m'attira dans un coin de la cour, à l'abri des regards. Et elle me ...."

La voix de Léna se brisa. Elle ne parvenait pas à dire ce mot. Dark resta silencieux. Il entendit les faibles sanglots de Léna. Il se retourna vers la jeune fille. Et il vit qu'elle pleurait. Ses larmes reflétaient les lumières de la ville. Dark décida de dire le mot à la place de Léna.

"- Elle te viola.
- ...oui. Terrifiée, je me laissai faire. Je ne dis rien à personne. J'avais compris que Vanessa était devenue folle. À cause de moi. Et je m'en voulais. Alors je la laissais faire. Chaque jour elle venait, m'entrainait dans ce coin de la cour et laissait libre cours à ses pulsions. Peu à peu, je perdis mes amies. Je ne voulais pas les entrainer dans la folie de Vanessa. Mais un jour, quelqu'un fut témoin des horreurs que m'infligeait Vanessa. Le proviseur fut prévenu. Une enquête policière fut ouverte. On me questionna longtemps. Jamais je n'ai avoué ce que Vanessa m'avait fait. Un procès fut ouvert, et Vanessa fut envoyée dans un centre psychiatrique. Mais mon père ne supporta pas cette affaire. Il partit un soir sans rien dire à personne. Jamais je ne le revis. Ma mère et moi déménageâmes dans une nouvelle ville. J'allai dans une nouvelle école. Mais jamais je ne pus oublier tout ça. Je me suis refermée sur moi même. Je ne laissais personne s'approcher de moi. J'avais peur de leur faire du mal. Et je me suis tournée vers Internet. Je devins AubeDesTemps. Et je devins quelqu'un d'autre. Quelqu'un que tout le monde aimait, mais qu'il ne pouvait toucher. AubeDesTemps me sauva. Mais il arriva un moment où je ne pouvais plus supporter cette vie. Alors j'ai pensé y mettre fin. Mais c'est là que tu apparus dans ma vie. Et tu ma sauva, tout comme AubeDesTemps avant toi. Et la suite tu la connais. Je croyais que Vanessa était encore enfermée, loin de moi. Mais apparemment, elle a terminer son séjour. Et mon cauchemar va recommencer..."

Léna s'arrêta de parler. Elle repris son souffle à travers ses larmes. Elle se sentait... libérée. Elle avait enfin mis des mots sur tout ce qu'elle vivait depuis maintenant plusieurs années. Elle sentait qu'elle avait fait un pas. Un grand pas. Vers quoi, elle ne le savait pas. Ce qui était sûr, c'est qu'elle était prête à changer. Elle regarda Dark, dont le visage exprimait une intense réflexion. Soudain il releva la tête. Dans ses yeux brillait une lueur de défi.

"- Non, rien ne recommencera, dit-il d'une voix forte. Je ne la laisserais pas te faire du mal. Je te protégerais. Je te le promets."

Léna se laissa aller contre le torse du jeune homme et laissa libre cours à ses pleurs. Dark la prit dans ses bras et lui caressa les cheveux. Tu n'es plus seule maintenant. Je suis là. Et je ne te laisserais pas.

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