Chapitre 35: Mai (14)
Valiammée se réveilla en sursaut au son des hurlements. Les battements de son coeur et l'odeur de la magie bleue suffirent à lui remettre les idées en place en un fragment de seconde.
Elle eut à peine le temps de se lever que Vénérios et Lysandre entrèrent dans sa chambre comme deux ouragans.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? s'inquiéta-t-elle.
- Solen nous attaque, répondit Lysandre. On est en train d'organiser toute la défense de la cité. Il faut te garder en sécurité.
Ils attaquaient déjà ? Leur éclaireur n'avait été éliminé par l'ange que quelques heures auparavant...
Valiammée, qui dormait dans le sous-sol du palais, ne pouvait absolument pas voir l'état de l'extérieur. Elle espérait que les combats ne seraient pas trop violents.
- Quand est-ce qu'ils sont arrivés ?
- Miranda a senti les premières traces il y a vingt minutes, admit Vénérios, et ensuite...
- Vingt minutes ? Pourquoi vous ne venez me voir que maintenant ?
Valiammée se rendit compte, en voyant la surprise et la gêne se peindre sur le visage de ses camarades, que c'était la première fois qu'elle haussait la voix sur eux.
Et, quand auparavant elle s'en serait immédiatement excusée, elle n'en avait désormais plus aucune envie.
Elle était la reine. Ils auraient dû la réveiller dès les premiers signes.
- Où sont les autres ? s'assura Valiammée.
- Miranda et Ténèbres sont avec Ariane sur le toit et vérifient qu'aucun mage bleu ne s'approche trop du palais, dit Lysandre. Anthropa et Adan sont à l'étage supérieur en train de gérer la distribution des pierres auprès des magiciens de la réserve.
- Et Hui ? Brimari ? Gyalan ?
- Ils sont partis combattre.
Pour Hui et Brimari, d'accord, mais Gyalan ? Soit il était totalement inconscient, soit il avait un plan saugrenu pour s'assurer qu'il n'allait pas y passer. Il aurait dû rester au palais avec elle.
Valiammée, qui avait la fâcheuse tendance de dormir toute habillée, récupéra une cape qui trainait en boule au bord de son lit et l'enfila pour compléter sa tenue.
Elle n'avait pas encore l'habitude du confort d'avoir une chambre pour elle seule. Ni de celui de ne manquer de rien, même si elle ne vivait pas non plus dans l'opulence. Utiliser son armoire ? C'était presque contre-intuitif à ses yeux.
- On y va, décréta-t-elle.
- Valiammée... tenta Vénérios.
- Il est hors de question que tu ailles combattre, annonça Lysandre.
Il allait lui falloir un peu plus d'arguments que ça, surtout que son objectif n'avait jamais été de foncer tête baissée dans les affrontements. Elle connaissait bien son rôle dans cette guerre.
- On peut au moins aider à la distribution des pierres, non ? répliqua Valiammée. Je ne sais pas comment les autres s'en sortent, mais ils ne devraient pas être contre un peu d'aide.
- Bien, concéda Lysandre. Reste entre nous deux, d'accord ?
Il ne lui laissa pas le temps d'approuver ou de refuser et sortit de sa chambre. Valiammée le suivit aussi vite, Vénérios sur les talons. Ce dernier resta juste derrière d'elle, ce qu'elle supposa d'abord comme une précaution peu nécessaire, jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'il avait des choses à lui dire.
- Désolé, Lysandre est un peu à cran, chuchota-t-il. Il a peur que Solen te prenne pour cible parce que tu es la reine.
- Ils ne peuvent pas le savoir, argua Valiammée, je ne suis là que depuis quelques jours. S'ils cherchent le dirigeant, ils ne vont pas penser que c'est moi mais toujours l'ancien.
De toute manière, vu comme elle était habillée avec sa vieille chemise, son pantalon poussiéreux et sa cape froissée, sans parler de ses cheveux pas brossés, elle voyait difficilement comment on pouvait la prendre pour la reine. Elle avait au mieux l'air d'une incompétente.
Si de cette façon elle évitait Solen, Valiammée ne s'en plaignait pas. Même si elle doutait qu'ils atteignent le palais avec toute la sécurité qui y avait été installée.
- Je pense aussi, admit Vénérios, mais tu le connais, il s'imagine toujours le pire.
- Tout ira bien, assura Valiammée, et je sais me défendre.
Vénérios se contenta d'une simple hochement de tête que Valiammée aperçut dans sa vision périphérique. Il lui accordait toujours sa confiance aveugle, ce qu'elle appréciait. Pour Lysandre, c'était plus difficile, sachant qu'elle se reposait entièrement sur lui jusqu'à il y a peu. Voir la dynamique s'inverser devait le déstabiliser plus qu'autre chose.
Ils quittèrent le sous-sol du palais au pas de course. Si au départ, Valiammée n'entendit que leurs semelles sur les marches, puis dans le couloir, elle repéra bien vite d'autres sons mêlés à des éclats de voix en provenance de l'étage supérieur.
L'agencement du palais, quelque peu étrange, les obligèrent à remonter au premier étage avant de pouvoir regagner le rez-de-chaussée et son entrée par le seul passage qui existait. Ces mêmes escaliers symétriques que Valiammée, Gyalan, Brimari, Herin et Anthropa avaient emprunté le jour de la prise de pouvoir.
La porte ouverte, les bruits furent bien plus vifs. Valiammée, qui s'était réveillée seulement quelques minutes plus tôt, se sentit presque agressée quand tout lui sauta au visage.
La large pièce plongée dans la pénombre – même si nombre de flammes colorées étaient brandies dans les airs par ceux qui n'avaient besoin que d'un seul bras – était emplie de magiciens qui s'agitaient comme dans une fourmilière. Les fenêtres avaient été barricadées plus que de raison à la hâte et plusieurs personnes posaient des sortilèges dessus.
Valiammée repéra bien vite Anthropa, Adan et Nyma, qui distribuaient les pierres à tour de bras tout en s'assurant que les porteurs les saisissaient sans risques.
Le départ de Nyma pour Galinée, prévu quelques heures plus tard, aux premières lueurs du soleil, allait être fortement retardé.
Lysandre, Valiammée et Vénérios descendirent les marches deux à deux. Si au départ, au milieu de l'agitation, personne ne les repéra, cela changea bien vite quand la Madrigane leva les bras et les couvrit de lumière pour améliorer la visibilité de ceux qui se trouvaient aux alentours.
Beaucoup de têtes se tournèrent vers elle pour la détailler, interrompant leurs mouvements un court instant, étonnamment rassurés. Valiammée tira de cette constatation un certain réconfort.
Les derniers jours avaient été un changement de taille pour Caméone et ses habitants, mais ils devaient comprendre, maintenant que la véritable offensive de Solen commençait, que tout cela était définitivement leur meilleure chance de survie.
S'ils gagnaient cet affrontement, plus personne ne douterait d'elle et des autres.
Anthropa se redressa comme un piquet quand Valiammée entra dans son champ de vision.
- Vous êtes là, vous trois. On est un peu pris de court, mais on fait avec, déclara-t-elle. Vous venez nous aider ?
- Oui, confirma Valiammée. Qu'est-ce qu'on peut faire ?
- Distribuer les pierres. Elles sont rangées dans des caisses par courant, alors mettez vous devant une qui n'est pas du votre. Ensuite, vérifiez juste que la personne qui la saisit s'y prend correctement. Tout le monde n'a pas eu d'entraînement.
Comme Valiammée l'anticipa, tandis que Vénérios partait de son côté vers une caisse remplie d'émeraudes, Lysandre resta à ses côtés alors qu'elle s'approchait des améthystes. Il refusait de la lâcher d'une semelle.
Tous les deux s'attelèrent à la tâche dans un silence pesant, jusqu'à ce que le Phébéien ne se décide à le briser.
- Désolé de ne pas t'avoir réveillée immédiatement.
Valiammée hésita à lui dire que ce n'était pas grave, par réflexe, mais se retint avant. À vrai dire, elle lui en voulait un peu, à lui et aux autres. Ils cherchaient à la garder en sécurité, soit, mais ça ne signifiait pas qu'ils devaient également la maintenir à l'écart de cette façon.
Même si tout était encore brusque pour tout le monde, elle y compris, il fallait que ses camarades intègrent qu'elle avait des responsabilités et qu'ils ne pouvaient pas les occulter.
- On sera tous mieux préparés la prochaine fois, répondit Valiammée.
- Je l'espère...
Nyma, qui les écoutait parler d'une oreille, se rapprocha d'eux en contournant sa caisse d'aigues-marines presque vide.
- Après le soldat éliminé d'hier, je pensais qu'on aurait sans doute deux jours devant nous, annonça-t-elle. Solen eux-mêmes ont dû comprendre que quelque chose se tramait et qu'ils devaient se dépêcher s'ils ne voulaient pas voir la situation leur filer entre les doigts.
- Ils devaient observer Caméone de près, supposa Lysandre.
- Ça, je ne suis pas sûre, mais en tout cas ils savent repérer les déviances. Depuis le temps qu'ils sont sur le continent, ils connaissent nos comportements habituels.
Valiammée tendit une pierre à une femme aux courts cheveux blonds, tout en lui expliquant comment la saisir. Elle eut un peu de mal, mais y parvint tout de même. Lysandre s'occupa de la personne suivante dans la file éparse.
- Qu'est-ce que tu en penses, toi ? demanda la Madrigane à Nyma. Solen vont envoyer toutes leurs forces, ou alors c'est un second repérage à plus grande échelle ?
- Je penche pour la seconde option, avoua Nyma. Ils auraient tort de nous sous-estimer.
Valiammée acquiesça. S'ils résistaient à l'attaque, il faudrait se préparer à la suivante, en espérant qu'elle serait la dernière. Les forces de Solen ne pouvaient pas être inépuisables.
Après une longue demi-heure de distribution, où le nombre de magiciens venant chercher une pierre ne fit que décroître – tout comme leurs stocks, dont certains étaient vides –, Valiammée se demanda où en était la situation à l'extérieur. Elle sentait toujours autant de magie bleue lui chatouiller le nez, mais pas à proximité directe du palais, ce qui ne la rassurait qu'à moitié. Quant aux hurlements, ils s'étaient tus depuis longtemps.
Soit les gens qui les poussaient s'étaient cachés, soit ils combattaient, soit ils étaient morts.
La porte d'entrée s'ouvrit et une haute figure la traversa au pas de course, la respiration hachée. Valiammée eut au départ du mal à le reconnaître tant son allure était à l'antithèse de celle qu'il arborait actuellement.
Gyalan Cartaris était couvert de sang.
- Nous sommes en train de faire le ménage, annonça-t-il d'une voix forte. Pour le moment, il y a plus de pertes chez eux que chez nous.
Plusieurs soupirs de soulagement retentirent aux quatre coins de l'entrée. Ce ne serait pas une victoire écrasante, mais c'était la première fois en neuf ans qu'Eole parvenait à véritablement les repousser.
Gyalan se rapprocha de Valiammée dès qu'il la repéra. Il passa une main dans ses cheveux d'habitude soigneusement peignés, désormais désordonnés et collés à son crâne par endroits.
- Que s'est-il passé ? s'inquiéta Valiammée. Tout ce sang, vous êtes blessé ? Et les autres ?
- Ce n'est pas le mien, répondit le général. Brimari et Hui vont bien, ils sont encore dehors.
Pas son sang ? Vu la quantité qui imbibait son uniforme et constellait sa peau, c'était comme si quelqu'un lui en avait projeté un seau sans aucun état d'âme.
- Qu'est-ce que vous avez fait ? insista-t-elle.
- Très simple. Anthropa nous a dit que toucher la pierre sans que le corps y soit préparé pouvait être fatal. Brimari, Hui et moi-même avons donc saisi l'occasion pour tester cela.
Anthropa, mi-horrifiée mi-fascinée, se rapprocha pour obtenir plus de détails.
- Vous avez touché des ennemis de votre courant en ayant votre pierre ? Ce qui veut dire...
- Ils ont explosé, confirma Gyalan.
Anthropa cligna des yeux à plusieurs reprises. Elle ne s'était certainement pas attendue à ce que quelqu'un se serve de cet avertissement ainsi. Valiammée, elle, en resta sidérée. Les images que lui renvoyaient présentement son cerveau la dégoutaient au plus haut point.
- Alors c'est pour ça que vous êtes couvert de sang, dit platement Anthropa.
- Oui. J'avais dit que ce n'était pas le mien.
Valiammée retira sa cape et la lui tendit pour qu'il s'essuie au mieux. Gyalan secoua la tête en accordant à peine un regard au morceau de tissus sombre.
- Ne t'embête pas, ça ne va pas changer grand chose. Remets-la.
Bon, dans ce cas... Valiammée la ramena autour de ses épaules.
- Des estimations sur combien de temps va encore durer l'affrontement ? demanda Nyma. Quelle proportion de Solen on a exterminé, combien il en reste, et si nos forces seront suffisantes ?
- Il semble que les trois quarts de leurs mages bleus sont morts, répliqua Gyalan. Les pierres sont extrêmement efficaces, aussi bien pour défendre que pour attaquer. Mes Maîtres Magiciens, ceux des souterrains d'Astras et de Caméone ont établi des stratégies entre eux. Pour le temps, je n'en ai aucune idée. Comme d'habitude, le problème, ce sont les magiciens volants. Je ne peux pas sacrifier tous mes anges aujourd'hui et les arcs ne sont pas suffisants.
- Et les boucliers ? s'assura Anthropa. Ça doit bloquer les attaques provenant du ciel.
- Une bonne barrière, oui, mais la défense uniquement ne va nous amener nulle part. Il faut se débarrasser d'eux.
Gyalan expliqua que les Maîtres Magiciens ne pouvaient pas être aussi efficaces sur ce terrain, puisque voler était plus dangereux qu'autre chose. Or, depuis le sol, viser des êtres en mouvement était particulièrement complexe, surtout quand il y avait bien d'autres choses à gérer à côté. Selon la description qu'il fournit des affrontements, ceux qui étaient morts avaient été tués pendant qu'ils projetaient des flammes vers le sol. Les magiciens s'étaient arrangés pour que, pendant que l'un levait un bouclier, l'autre tirait un rayon de magie le plus puissant possible au travers du feu. De cette façon, les mages bleus ne pouvaient pas se défendre, puisqu'ils ne voyaient rien venir.
Cela donna une idée à Valiammée. Elle se tourna vers Anthropa.
- Le sceptre que tu m'as fait confectionner, il est toujours dans la forge ?
- Non, il est dans le palais, répondit Anthropa, on s'attaquait aux finitions. Pourquoi ? Tu n'ambitionnes quand même pas d'aller combattre ?
- Tu m'as fait une arme pour les attaques de longue portée, non ? Autant la tester.
Lysandre, pas déterminé du tout à ce qu'elle se mette dans quelque danger que ce soit, ne dit rien, mais son expression était suffisante pour comprendre le fond de sa pensée. Vénérios posa une main sur son épaule en faisant remarquer que ça pourrait, justement, être une bonne idée.
- Miranda, Ténèbres et Ariane sont sur le toit, c'est ça ? vérifia Gyalan.
- Oui, confirma Adan.
- Nous sommes donc neuf pour assurer la sécurité de Valiammée, en plus de tous ceux qui surveillent le palais, ce qui est amplement suffisant. Allons-y.
Valiammée était presque surprise que son idée soit aussi vite acceptée – même si Lysandre n'en était pas ravi. Anthropa leur demanda de ne pas l'attendre et d'aller sur le toit. Elle irait chercher le sceptre et les y retrouverait.
Adan prit la tête du groupe pour les mener à destination. Valiammée admettait que même si elle avait retenu beaucoup de couloirs, le palais restait encore un gigantesque labyrinthe à ses yeux.
Les escaliers s'enchaînèrent les uns après les autres, et ce jusqu'à ce qu'ils atteignent une trappe entrouverte, d'où Valiammée put distinguer les voix de Ariane et de Miranda. La tête de Ténèbres perça au travers quand il entendit le bruit de leur arrivée.
- Vous avez besoin de quelque chose ? demanda-t-il.
- On vient aider à éliminer les magiciens en hauteur, expliqua Valiammée.
- D'accord. Je descends l'échelle, attendez.
Il leur demanda de s'écarter, puis jeta un enchevêtrement de cordes dans le couloir, fixée au niveau de la trappe par une quantité astronomique de clous. C'était... Rudimentaire.
Lysandre monta le premier, suivi par Nyma, puis Valiammée, Vénérios, et enfin Gyalan qui laissa des traces de sang sur l'épaisse corde. Au moins, elle ne céda sous le poids de personne.
Ils se retrouvèrent sur le toit plat, sous le ciel constellé d'étoiles, tandis que des flashs de magie apparaissaient à divers points à travers cité. Il y avait de nombreuses flammes, qu'elles soient de magie bleue ou naturelles, qui répandaient une fumée sombre dans l'air, même si celui qui entourait le palais était relativement pur, quoi que lourd.
Beaucoup de boucliers s'élevaient au dessus des rues. Les bruits ambiants alternaient entre sifflements, explosions ténues et éclats de voix dont les paroles étaient impossibles à discerner.
Valiammée se sentait presque dans une bulle, ici. Elle savait que cet endroit était à l'origine un espace d'observation des étoiles aménagé pour les astronomes. Les dirigeants d'avant la guerre aimaient beaucoup la physique.
Ariane les salua, imitée par Miranda, qui était accroupie dans un cercle de concentration pour analyser toutes les énergies à proximité. Elle faisait en sorte que le palais reste en sécurité.
Ils jetèrent des regards surpris vers Gyalan en se rendant compte qu'il était couvert de sang, mais ne posèrent pas de question. Judicieux.
- Nous ne sommes pas trop exposés, ici ? s'inquiéta Lysandre.
- J'ai lancé un sortilège d'illusion, expliqua Ténèbres en désignant le livre de magie sous son bras. Il n'est pas parfait, mais ça a l'air de fonctionner.
Voilà donc d'où provenait l'impression de lourdeur que Valiammée avait sentie. De la magie noire.
- Vous n'avez pas d'arcs ? s'étonna Ariane. Vous comptez vous y prendre comment ?
- Anthropa est partie chercher le sceptre de Valiammée, répondit Vénérios. Elle ne devrait pas trop tarder à nous rejoindre.
Valiammée leur expliqua son idée d'attaques longue portée pour se débarrasser des mages bleus volants. Ariane acquiesça, tout en ajoutant que c'était une bonne idée, puisqu'elle avait essayé de faire de même avec des pics de verre, mais n'arrivait pas à les projeter avec suffisamment de force vers les ennemis, qui étaient tout de même éloignés de leur position.
- Avec le sceptre ça sera beaucoup plus simple, confirma Adan. Elle ne risquera pas ne se blesser, contrairement à toi.
- Je peux également participer, fit remarquer Miranda. Nous sommes deux avec un sceptre.
- Je préfère que tu poursuives ton analyse des énergies, on ne sait jamais, objecta Gyalan. Tu es notre première ligne de défense.
- C'est vrai, mais je proposais au cas où.
- Restons-en à Valiammée pour le moment.
Miranda hocha la tête et garda sa position. Son cercle de concentration était la seule source de lumière à proximité.
- Si on en élimine suffisamment dans les airs, ils vont définitivement perdre l'avantage et les derniers partiront pour sauver leur peau, déclara Nyma.
- Espérons, parce que j'aimerais pouvoir rapidement me changer, maugréa Gyalan.
Des bruits de pas précipités retentirent dans le couloir en contrebas. Anthropa, essoufflée, grimpa l'échelle de corde, le sceptre sous le bras. En la voyant quelque peu en difficultés dans sa manœuvre, Vénérios vint l'aider en récupérant l'arme et en la tendant à Valiammée. Ensuite, il hissa Anthropa à leurs côtés et Ténèbres s'occupa de remonter l'échelle.
- Un mage bleu se rapproche, annonça Miranda en désignant un point à l'est de leur position.
Eh bien, c'était l'occasion rêvée pour Valiammée de tester son arme. Elle raffermit sa prise dessus et la dirigea là où l'ennemi allait apparaître.
Le métal argenté, contrairement à la fois précédente, avait été poli, si bien qu'elle y voyait sa réflexion déformée. Des pierres qu'elles ne reconnaissait pas, mélange de bleu et de violet, avaient également été collées au milieu du manche dans un dégradé. Des veines de verre serpentaient entre et s'étendaient jusqu'à la large lune qui se trouvait à l'extrémité.
- Il est presque fini, lui dit Anthropa tandis qu'elle se mettait en position. Pour le verre, tu peux remercier Ariane.
- C'est quoi, comme pierres ?
- De la fluorite, mais c'est juste pour décorer.
Valiammée concentra sa magie et, quand elle la fit transiter par le métal, constata avec surprise que les veines de verre s'illuminèrent de sa lueur grise. Il lui sembla que le sceptre entier prenait vie.
Une sphère se forma entre les pointes de la lune, là où le verre avait dirigé toute la magie.
Miranda se redressa.
- Cent cinquante mètres. L'ennemi est rapide.
- Il va vouloir concentrer toutes ses forces sur le palais, marmonna Nyma. Ils ont fait ça aussi, à Astras.
Valiammée inspira. Elle ne savait absolument pas la quantité de magie qu'elle faisait passer dans le sceptre, alors tout serait fait à l'approximation.
Elle repéra facilement l'ennemi, dont la cape aux arabesques argentées claquait dans le vent. Il évita les flèches et autres sortilèges qui furent projetés dans sa direction.
Vu sa vitesse, il serait sur eux dans une poignée de secondes.
Valiammée tira.
Le sifflement de sa magie lui fit mal aux oreilles. Elle qui voulut au départ lancer un rayon continu pour s'assurer que son tir faisait mouche s'interrompit presque immédiatement quand la force la projeta violemment en arrière. Lysandre la rattrapa avant qu'elle ne s'étale de tout son long sur Gyalan et Ténèbres.
La magie entra en collision avec l'ennemi dans une explosion étonnamment sonore. Valiammée, sonnée, ne vit pas grand chose de plus.
- Ça va ? s'inquiéta Lysandre.
Il l'aida à se redresser. Le sceptre vibrait entre les mains de Valiammée et le métal s'était considérablement refroidi. Elle acquiesça.
- Oui. Ça tire un peu sur les muscles, mais c'est rien comparé à d'habitude.
Elle jeta un regard vers l'horizon : plus personne. Il lui semblait même que les jets de flammes s'étaient par endroits stoppés.
- Il est mort ? s'assura-t-elle.
- Il l'a pris de plein fouet, acquiesça Ariane. Je l'ai vu tomber. Impossible de survivre à ça.
Un de moins. Valiammée se tourna vers Miranda.
- Il y a d'autres mages bleus à proximité ?
- Quelques uns, acquiesça la prêtresse. Tu veux leur emplacement ?
- S'il te plaît.
Plutôt que de lui expliquer oralement, Miranda se releva et posa une main sur le poignet découvert de son amie. Un flot d'informations traversa Valiammée, qui n'eut aucun mal à se repérer au travers. Elle remerciait ses instincts d'élue pour ça.
Cinq points abstraits, qui s'apparentaient plus à des sensations, se dessinèrent dans son esprit. Deux à droite. Un à gauche. Deux juste devant.
Valiammée redressa son sceptre et laissa Miranda la guider. Lysandre posa ses mains sur ses épaules pour qu'elle conserve son équilibre.
Cette fois, quand elle tira, le rayon de magie resta continu. Là encore, elle toucha sa cible de plein fouet. Puis la suivante. Et celle d'après. L'association de ses capacités avec celles de Miranda lui donnaient une précision impressionnante.
- J'ai l'impression qu'ils s'en vont, remarqua Ténèbres. Les combats s'interrompent.
- La magie bleue s'estompe, confirma Miranda.
- S'ils n'étaient pas décidés à partir avant, l'intervention de Valiammée a dû finir de les convaincre, répliqua Gyalan.
Caméone avait dès le début pris le dessus, et si Solen avait voulu passer outre en se reposant sur ses mages aériens, maintenant qu'ils n'étaient plus à l'abri, les rapports s'étaient complètement inversés. S'ils ne voulaient pas gâcher le reste de leurs troupes pour rien, ils n'avaient d'autre choix que de battre en retraite.
- Ils vont revenir, dit Nyma. Jamais ils ne s'arrêteront sur une défaite.
- Non, mais peut-être sur deux, répondit Anthropa.
- Attendons déjà de voir l'état de nos troupes.
Miranda dissipa son cercle de concentration et Valiammée abaissa son sceptre. Pour le moment, tout ce qui importait était cette victoire.
- Rentrons, proposa Gyalan. Nous allons avoir beaucoup à faire dans les heures qui suivent.
Il n'attendit pas la réponse de quiconque et lança l'échelle pour redescendre dans le couloir, bien vite suivi par les autres. Ariane, puis Vénérios, puis Ténèbres, puis Adan.
Quand ce fut au tour d'Anthropa, Miranda la retint par le bras avant qu'elle ne puisse s'agripper à l'échelle.
- Est-ce que ça va ?
Anthropa fronça les sourcils.
- Aussi bien que quelqu'un qui vient de participer à une bataille. Pourquoi ?
- Je sens les énergies, et... Tu n'as pas l'air dans ton assiette.
- J'ai peu dormi les derniers jours, c'est rien.
- Tu devrais demander à Brimari de t'ausculter.
- Ce n'est pas nécessaire, je ne vais pas la déranger pour si peu.
Miranda serra davantage son bras. Quelque chose la chiffonait sans trop que les autres ne comprennent pourquoi.
- Anthropa. Vraiment.
- Si tu insistes... soupira la sorcière. Je verrai tout à l'heure, quand les choses se seront calmées.
Miranda la lâcha et Anthropa put cette fois descendre l'échelle. Valiammée échangea un regard confus avec Lysandre, mais le Phébéien se contenta de hausser les épaules pour signifier qu'il ne saisissait pas plus qu'elle la situation.
Voilà qui était étrange. Miranda n'avait jamais réagi ainsi par le passé. Valiammée espérait que cela ne cachait rien de grave...
Avant de regagner le couloir à son tour, la Madrigane se retourna pour faire face à la cité. Au loin, les flashs lumineux de la magie avaient complètement cessé, tout comme les éclats de voix.
Le calme retomba bien vite sur Caméone. Tout du moins en apparence.
(Hello ! Petit message pas très important, c'est juste pour dire que selon mes estimations actuelles, Madrigane aura 42 chapitres, peut-être un peu plus. À la semaine prochaine !)
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