Chapitre 24
Au sommet de l'un des plus hauts buildings de Gangnam, une fête bat son plein, sur une immense terrasse. Raffinement et champagne coulent à flots. À l'écart de la foule, dans sa longue robe moulante, une splendide trentenaire à la crinière de feu s'adonne à une dégustation bien singulière avec quelques milords et autres millionnaires distingués de tous horizons. Leurs visages s'éclairent dès que leurs narines expertes hument l'effluve délicieuse du liquide vermeil qui oscille dans leurs flûtes. Tels de grands œnologues, ils félicitent leur hôte pour sa précieuse trouvaille.
— Madame Wilson, révélez-nous sa provenance, vous nous tenez tous en haleine, supplie l'un des bourgeois.
Le regard de la jeune femme s'assombrit d'une satisfaction sournoise.
— Vous connaissez la règle, ici, monsieur Saeteng. Tout ce que je peux vous dire...
Un homme – au respect de subordonné – accourt vers elle pour lui chuchoter quelques mots à l'oreille. Elle émet aussitôt un petit gloussement élégant, à sa parfaite effigie, puis poursuit sa phrase.
— Tout ce que je peux vous dire est que ce sang d'or est plus près que vous ne l'imaginez, réplique-elle avec fierté. Je vous prie de m'excuser un instant.
Elle s'écarte et s'empare sans douceur du smartphone que son vigile lui tend. Sa moue badine s'efface pour laisser place à son vrai visage.
— Sungwoo, dis-moi qu'il les a laissés sans surveillance ? ... Bien, et il ne sera pas présent ?
Délectée, elle ferme les yeux et savoure sa victoire.
— Parfait. Avant de nous attaquer au plat de résistance, utilisons ce que Wang Yibo nous offre. Montrons-lui qu'il n'est plus le maître de cette ville. À la fermeture, envoie une équipe au Diamond.
Dès le début de soirée, le club est en effervescence. Et plus il y a d'agitation, plus il devient difficile pour Jungkook de garder le contrôle. La même idée le travaille sans cesse : il n'est pas fait pour ce milieu. Mais contrairement à il y a quelques jours, à présent, il a la ferme envie de persévérer afin de conserver sa place auprès de Taehyung, son nouvel et unique ami. Pour lui, il veut s'acharner et trouve la force de se battre dans cet univers trop agressif.
Il retire sa chemise pour rester dans son tee-shirt en V blanc, et dévoile le tracé de ses muscles.
— J-Kay ! Mon grand ! Ça roule ?
— Ça roule ! lance-t-il au client en tentant d'imiter la décontraction naturelle de son alter.
Les clients défilent, le rythme augmente. Les habitués et leurs bavardages lui ôtent sa rapidité. Et Taehyung ne manque pas de lui faire remarquer. Avec douceur, cette fois.
— Tu te sens fatigué ?
— Non, ça va, pourquoi ?
— Je te trouve moins... réactif, on va dire.
— Ah... pardon. Je n'arrive pas à me concentrer, les gens me parlent, j'ai du mal à faire abstraction.
Tae fronce un sourcil. Depuis quand le fait de discuter est-il une source de déconcentration ? Pour son serveur fétiche, d'autant plus. Blablater et flirter tout en soutirant la monnaie de la clientèle est un don inné chez lui. La confusion de son barman provient sans doute des derniers évènements, même si, au fond, de plus en plus d'incohérences le font tiquer. Après une petite tape amicale dans le dos, le jeune patron repart accueillir un nouveau groupe au deuxième carré VIP.
— Table six ! Amène ça ! s'écrie une barmaid à son collègue.
Jungkook attrape les deux seaux de glace qui supportent les énormes magnums et se creuse un chemin parmi la foule. Leur poids est conséquent, mais rien ne plaît plus à la clientèle féminine que d'admirer les muscles délicieux de ses bras saillir sous l'effort. Leurs yeux lèchent sa peau fraîche, perlant des gouttes d'eau froide qui ruissellent le long du métal. Lorsqu'il aperçoit le groupe de la table six, Jungkook se fige sur place. Comment ce numéro a-t-il pu sortir de son esprit ?
— Bichon ! s'écrie Jin Cheongwoo en voyant son barman préféré franchir la corde de velours rouge. C'est pour moi que tu es aussi sexy, ce soir ?
Le concerné dépose les deux seaux sur la table au centre du canapé en arc en cercle et sourit, mal à l'aise. Quand il se penche pour allumer les bougies magiques, une main atterrit sur son postérieur. Il grince des dents.
Comment diable J-Kay peut-il aimer un tel traitement ?
Parce que ce sont eux qui sont à mes pieds. C'est moi qui joue avec eux, pas l'inverse.
Un jeu qui consiste donc à laisser des inconnus toucher son corps de leurs doigts sales.
En son antre, J-Kay lève les yeux au ciel.
— Il vous faut autre chose ?
— Ouais, toi.
Cheongwoo l'attrape à la taille et le fait basculer sur ses genoux. D'ordinaire, c'est J-Kay qui s'avachit de lui-même sur ce quarantenaire vicieux, il se voit donc mal le repousser maintenant alors qu'il est celui qui vient le provoquer habituellement. Pour ce type, ces gestes ne sont qu'une banale routine.
— Regarde ça, ton tee-shirt mouillé est devenu transparent ! se réjouit le client en baladant ses mains sur son torse humide.
Crispé sur ses genoux, Jungkook demeure silencieux. Les autres contemplent le spectacle, rieurs. En ce moment, il n'est qu'un vulgaire morceau de viande. J-Kay est incompréhensible, ces actes le dégoûtent. Il se détache des bras de Cheongwoo et se lève.
— Dis, tu es devenu bizarre, ces derniers temps, s'exclame l'habitué. Tu es plus...
— Il fait plus sa salope ! renchérit l'un de ses camarades.
Cheongwoo s'esclaffe tout en rattrapant son poignet. Il le tire à nouveau afin de le faire tomber sur lui. Jungkook se redresse et se retrouve à cheval autour de ses cuisses, plaqué contre son ventre. Lorsque les mains du vieux pervers parcourent le creux de ses reins, il frémit. J-Kay sait gérer ce genre de choses. Il maîtrise l'art et la manière d'imposer les limites et se faire respecter grâce à une langueur experte, plus aguicheuse que vexante. Mais lui, ne connaît rien de ce jeu. Il ne contrôle rien. Jusqu'où les clients ont-ils le droit d'aller ? Comment peut-il le rejeter sans heurter son égo de mâle et le pousser à se plaindre au patron ? Il ne tient pas à décevoir Taehyung à cause de son changement de comportement – sa lenteur lui a déjà valu une remarque – ou pire, subir à nouveau ses reproches. Si J-Kay se fiche des sermons, pour sa part une simple tension avec son ami le rendrait malade. Leur relation ne peut pas se détériorer, pas si tôt. S'il est toujours ici, c'est pour ses talents à exploser les recettes, les choses ont été claires.
La bouche de l'autre se rapproche de son oreille.
— Je sais pas ce qui t'arrive pour que tu sois aussi sage en ce moment, mais je dois t'avouer que te voir tout prude et timide... ça m'excite un max.
Le pervers lève son bassin afin de lui faire sentir son érection proéminente. Jungkook ouvre un regard écarquillé et bondit du canapé.
— Jungkook ! Table huit ! s'écrie Taehyung depuis le cordon.
L'interpellé se rue vers la sortie du carré sans prêter gare à son patron. Surpris, ce dernier le freine d'une main à l'épaule et le dévisage.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Rien. Rien du tout.
— Attends ! La huit !
En pleine confusion, Jungkook se trompe de chemin par deux fois avant de se diriger enfin vers la bonne table. Les éclats de rire de la six attirent l'attention de Tae. La manière dont le groupe d'habitués suit son barman du regard le fait froncer un sourcil.
La bijouterie ferme tard, ce soir. La réunion d'affaires de son boss traînant en longueur, Zhan s'endort à moitié sur son bureau, déjà soigneusement rangé. Les portes s'ouvrent, mais il ne perçoit pas de suite leur battement. Malgré l'heure avancée, Jooin reconnaît et reçoit avec courtoisie le visiteur grâce à sa parenté avec son défunt oncle et, à sa demande, fait venir le créateur de la maison. L'esprit encore brumeux, Zhan se dirige vers lui.
— Monsieur Woo, je ne m'attendais pas à vous revoir aujourd'hui, murmure-t-il, ensommeillé.
— Je dois quitter Séoul demain, j'ai dû faire vite, explique le client en déposant au creux de sa paume une étrange et volumineuse bague en or. Ah ! excusez-moi, j'ai laissé ma mallette dans la voiture, je reviens.
Zhan examine l'objet et sa gemme rouge vif sous les lumières dorées des lustres cristallins du plafond. Les portes battent à nouveau, un bruit sourd le pousse à lever la tête. Jooin est au sol après avoir pris un K.O du « client » et les deux gardes à l'entrée viennent de prendre une balle dans la tête, permettant ainsi à trois autres individus en civil de pénétrer dans la boutique.
Horrifié, Zhan fait quelques pas en arrière et fixe l'ascenseur. Avant qu'il ne puisse s'y réfugier, il sera trop tard.
— Suivez-nous gentiment et il ne vous arrivera rien, susurre Woo d'une voix mielleuse qui ne duperait personne.
Ne rien lui arriver ? Ce type le prend-t-il pour un idiot ? Affolé, il cherche une issue tout en reculant vers un petit couloir qu'il n'avait jusque-là jamais exploré. Espoir. La cage d'escalier. Il peut rejoindre l'étage. L'adrénaline pulse dans ses veines. Lorsque les intrus réalisent son objectif, ils s'élancent en sa direction et Zhan se rue sur la porte. Son cœur bat à tout rompre. Il grimpe les marches quatre à quatre et finit par atteindre le premier, mais à peine ouvre-t-il la porte que Woo s'agrippe à sa veste. Il se contorsionne pour retirer ses manches et abandonne son vêtement entre ses mains pour se libérer, mais dès qu'il franchit le seuil, l'autre se jette sur son dos et l'aplatit au sol. Zhan monopolise alors toute ses forces pour hurler le nom de son patron avant qu'une paume lui couvre la bouche (trop tard). L'instant d'après, le bureau s'ouvre.
Le corps à moitié tiré vers l'entrée des escaliers et Woo le maintenant à plat ventre, Zhan lève un regard terrifié vers Yibo. Implacable, le Lion D'acier dégaine aussitôt son arme avant même que celles des intrus ne se braquent en sa direction. Les balles sifflent, les deux hommes roulent dans l'escalier. L'une d'entre elles frôle la tête de Zhan pour perforer celle de son ravisseur. Le sang gicle sur son visage, le pétrifie sur place.
Yibo accourt, bien vite rejoint par Taesoo et les vigiles de l'étage. Il dégage le cadavre de son dos et l'attire à lui. En le sentant trembler, sous le choc, il entre dans une colère noire.
— Maître, nous n'avons rien vu à la caméra...
— C'est une blague ?!
— Elle a sûrement été trafiquée...
— Trafiquée ?! Je vous paie pourquoi, putain ! Vous voulez tous mourir ?!
Réprimant quelques désirs meurtriers, il pénètre dans son bureau pour déposer Zhan sur son canapé, sous les yeux ébahis des quatre hommes d'affaires avec qui il s'entretenait.
— Sortez.
— Monsieur Wang, nous sommes venus de Busan pour...
— J'ai dit, sortez !
Personne ne demande son reste, la pièce se vide en quelques secondes. Avant de claquer la porte, Yibo foudroie son équipe d'un œil noir.
— Je vais trouver le responsable de cette intrusion. Quelqu'un paiera pour ça, soyez-en sûr.
Une fois assis à côté de Zhan, il examine son visage, ses cheveux et ses vêtements maculés de sang. Il le récupère dans ses bras et blottit sa tête dans son cou.
— Cette nuit, vous resterez avec moi.
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N/A
J'espère que plus d'armys découvriront cette histoire, il y en a si peu pour le moment ;-; je souhaite lier nos fandoms <3
Cœurs et chocolat sur vous !
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