Chapitre 22

— Tu es sûr que tu ne vas pas trop te fatiguer à faire autant d'heures, Kookie ? Je te rappelle que quand tu es au Diamond...

— Hyung, tu as pris les cachets de Wang Yibo pour ton anémie ?

— Oui, oui. Mais toi...

    Les mains de Jungkook s'agrippent à ses épaules pour le rallonger sur le canapé de leur chambre d'hôtel.

— Hyung, arrête de t'inquiéter pour moi et repose-toi, bordel de merde !

— Yah ! Surveille ta bouche !

— Et toi, ne bouge pas de ce canapé, aujourd'hui.

— Aiya... Voilà que je me fais donner des ordres, maintenant...

    La porte claque. Bien entendu, le Lion D'acier ne pouvait pas faire dans la simplicité. D'un luxe moderne aux lignes épurées, la suite qu'il a loué pour eux est digne d'un prince de Dubaï. Zhan soupire. En plus d'être seul, il n'a aucune affaire pour s'occuper. Devoir rester ici toute la journée sans rien faire...

    Il se redresse lentement pour ne pas se déclencher de vertiges et s'assoit, son téléphone en main. Onze heures. Cela fait deux heures que son patron les a déposés ici et l'ennui le ronge déjà. Au final, il n'est pas handicapé, quelle raison concrète le maintient sur place si ce n'est la volonté de son patron ? Se sentir inutile l'insupporte. Son travail lui plaît et ne le fatigue pas, pourquoi ne pourrait-il pas s'y rendre ? Toute cette histoire est absurde.

    Toujours vigilant, il se lève et part enfiler un costume bleu marine. Un taxi réservé pour plus de sécurité et la journée s'annonce meilleure. La chambre quittée, il retrouve déjà sa gaieté.

    Des cernes jusqu'au fond des pommettes et les yeux légèrement gonflés, Jungkook plaisante derrière le bar de la terrasse chic du club avec ses collègues. La plupart n'étant jamais présents durant ses horaires nocturnes, J-Kay ne leur est donc pas familier – pas en personne, du moins. C'est une bonne chose. Cet effet de nouveauté fait le plus grand bien à Jungkook, il peut enfin se montrer lui-même. Un vent de fraîcheur pour repartir à zéro, au moins quelque part. Tous les moyens sont valables pour chasser la nuit dernière de son esprit. Ce moment reste gravé en lui au fer rouge.

— Jungkook, je peux te voir deux minutes ? l'interpelle Tae.

    Dans la gigantesque salle assombrie du club, Jungkook se sent mal à l'aise. Cet endroit lui laisse une étrange sensation amère, de jour. Tae se plante devant lui, l'air préoccupé.

— Je voudrais te parler de ce qu'il s'est passé cette nuit...

— Non ! Non, non !

    Les mains brandies, Jungkook recule d'un pas nerveux. Tae le regarde, confus et à la fois affecté. Son ami semble traumatisé. Se sachant pauvre en culture psychologique – mais ne croyant pas non plus à toutes ces fabulations de possessions démoniaques –, il n'ose pas s'avancer dans ses propos ni même émettre d'hypothèses ou soulever de questions. D'un autre côté, il ne peut pas non plus rester sans rien faire, son état est réellement inquiétant. Tout ce temps, son barman vivait des choses terribles sans qu'il ne soit au courant. Il y a des raisons d'être quelque peu perturbé lorsqu'on vit de tels troubles. Lui, n'a cessé de le juger, de l'opprimer pour ses préférences sexuelles. À quel point se sent-il coupable, aujourd'hui ?

— Est-ce que... est-ce que tu sais à quoi c'est dû ?

— Non. Enfin, oui, j'en ai une idée mais je ne suis pas sûr. Je ne veux juste plus que ça arrive, articule Jungkook en serrant les dents, les doigts agrippés à ses propres bras. Plus jamais... Jamais.

— Je peux faire quelque chose pour toi ?

— M'occuper l'esprit d'une bonne manière.

    Pressé de clore cette discussion, il se dirige vers la porte. Tae le retient par le poignet. Sa main glisse dans la sienne par inadvertance, une douceur qui surprend Jungkook. Une tendresse, presque, si elle avait été volontaire.

— Si tu as besoin d'une oreille attentive, je suis là.

    Oreille attentive ? S'il voulait parler, son frère serait son premier choix, comme toujours. D'un autre côté, il ne désire pas lui rajouter davantage de problèmes, pas en ce moment. Zhan en a assez fait pour lui. Mais comment Taehyung pourrait-il comprendre ou même entrevoir les rouages de son esprit, quand lui-même ne s'en sort pas ? En réalité, qui que soit son interlocuteur, s'adresser à un mur serait tout aussi efficace.

— Je sais que tu te dis que ça ne servirait à rien, mais crois-moi, garder les choses pour soi fait toujours du mal. En vidant son sac ou en pleurant sur l'épaule d'un proche, on partage sa douleur.

    Proche ? Sont-ils proches ?

— Dans ce cas, quel est l'intérêt de la partager si c'est pour rendre l'autre personne mal ?

— Dans une relation sincère, tout est un réciproque. Confier sa douleur à quelqu'un permet de l'alléger, parce qu'on porte à deux. Et même lorsqu'il n'y a rien à faire, on n'est plus seul pour la regarder en face.

    Les yeux de Jungkook s'agrandissent. Kim Taehyung n'a peut-être pas les moyens de comprendre, mais sa compassion est réelle et entend sa souffrance. Peut-être serait-il cette personne qui fait la différence dans ce monde gris ? Parmi le commun des mortels, certains humains se distinguent. A travers la chaleur de son cœur, Taehyung, lui, rayonne.

    Son regard s'attarde sur le dessin de son gracieux visage ; sur ce sourire que son patron lui offre, dans l'espoir, sans doute, d'en recevoir un en retour. Tae aussi semble quelqu'un d'autre lorsque le soleil brille. Lorsque J-Kay est absent. Ses sentiments à son égard paraissent différents. C'est presque s'il voyait en lui des couleurs nouvelles, pleines de promesses. Une affection tout autre ; caresse réconfortante sur sa sensibilité à fleur de peau.

    Jungkook glisse ses doigts un peu plus dans les siens et les serre. Sa nervosité s'efface.

— J'ai compris, Hyung... sourit-il. Merci.

    Des nuages sombres s'amoncèlent dans le ciel. Un taxi arrive et se gare en double file, le convalescent pénètre dans la bijouterie.

— Bonjour, Jooin ?

— Monsieur Xiao ?! s'affole le jeune garde. Q-que faites-vous ici ?!

— Rester chez moi était une torture, ricane Zhan.

— Monsieur Xiao, ajoute Jinwoo, c'est vraiment imprudent d'être venu. Vous avez besoin de repos...

    Zhan part s'installer sur sa chaise, déjà essoufflé.

— Ça va, qui y-t-il de mal à rester assis ici ou chez moi ? Aller, détendez-vous !

    Les deux hommes échangent un regard inquiet à propos de la réaction de leur maître. Jinwoo remonte dans l'espoir de pouvoir le harponner à la pause de sa réunion d'affaires. Malgré sa faiblesse corporelle, Zhan est heureux d'être revenu à sa place.

    L'heure s'écoule sans encombre et deux femmes – sûrement sœurs – accaparent l'attention de Jooin, l'équipe présente étant formée à gérer l'avant de la boutique.

    Un client en costume, jeune blond élégant à fière allure, pénètre dans la salle. Il s'attarde davantage sur les fresques d'or qui longent les murs pourpres et les ornements ocres du mobilier que sur les bijoux exposés en vitrine. Zhan l'aperçoit au loin en train de tourner en rond. Jooin affairé à la caisse avec l'une des femmes tout en endurant le discours séducteur de sa sœur, il prend l'initiative d'accueillir le trentenaire. Après tout, ne peut-il pas au moins lui offrir un café pour patienter ? C'est la moindre des choses dans ce genre d'endroit.

— Monsieur ? Puis-je vous inviter à vous assoir en attendant que l'on ne s'occupe de vous ?

    L'œil du blond se met à pétiller. Il dévisage l'artiste avec une fascination très singulière, durant quelques secondes.

— En fait, je souhaitais rencontrer celui qui a succédé à mon oncle en tant que créateur, sourit-il.

— Oh ! Eh bien, vous l'avez devant vous, même si je n'ai pas la présomption de m'accorder ce titre.

— Humble, j'apprécie. Mon oncle est décédé, voyez-vous, d'où votre présence ici.

— Toutes mes excuses, déclare Zhan en se courbant.

— Aucun souci, le rassure le client, toujours joyeux. Pouvez-vous me montrer vos talents ? J'aime beaucoup l'art et j'adorais regarder mon oncle. Sauf si, bien sûr, je vous fais perdre votre temps...

— Pas du tout ! Je vous en prie, suivez-moi. Vous pourrez découvrir les dernières tendances de la maison.

    Le sourire de l'homme s'élargit. Il ôte sa chevalière sertie d'une sorte de gros rubis et la fourre dans sa poche. Durant les explications de Zhan sur leurs nouvelles gammes, il se contente de hocher la tête, par-dessus de son épaule. Ses narines expertes se dilatent, hument le parfum ensorcelant qui émane naturellement de son sang, à travers sa peau. Promesse de délices.

— Je vous remercie d'avoir pris ce temps pour moi, dit-il en joignant ses paumes. Si vous le permettez, j'aimerais repasser avec un bijou pour discuter avec vous de la manière de le modifier.

    N'y voyant aucun inconvénient, Zhan lui recommande de s'entretenir également avec leur véritable orfèvre et le raccompagne à la sortie. Une sueur froide le fait vaciller. Il se retient contre la vitre de la porte.

— Ça ne va pas ? s'enquiert le client en le soutenant par le bras.

— Si, tout va bien, veuillez m'excuser... souffle Zhan en puisant dans ses maigres ressources pour se tenir debout.

    L'homme disparaît dès l'ouverture de l'ascenseur. La voix qui retentit dans la boutique fait bondir Zhan.

— Vous vous foutez de moi ?!

    Il déglutit. En bien mauvaise posture dans son état actuel pour s'opposer à son patron – littéralement hors de lui –, Zhan s'en retourne à son atelier en s'aidant des murs. La main de Yibo emprisonne son avant-bras avec fermeté.

— Xiao Zhan, est-ce que vous aimez me provoquer ? Ou est-ce que vous cherchez à...

    Du coin de l'œil, il repère les deux clientes, toujours engluées à leur prince charmant. Il entraîne son employé dans l'ascenseur avec une brutalité à laquelle ce dernier n'était pas préparé.

— Vous me faites mal, s'écrie Zhan en faisant de son mieux pour le suivre.

    Les portes closes, Yibo écrase le bouton d'arrêt avec force. Il s'avance vers son artiste, pressé contre le grand miroir. L'une de ses mains se plaque sur la glace, près de sa tête. Il le foudroie d'un regard noir.

— Dites-moi si vous cherchez ma mort ou la vôtre.

— P-pardon ?

— Vous êtes toujours désolé pour tout, mais allez-vous vous excuser pour me causer tant d'ennuis ?! Cessez d'agir comme si vous pouviez tout contrôler ! Si même moi je ne peux pas le faire, alors qu'en est-il de vous !?

    Zhan frémit, pétrifié sur place. Ses jambes flagellent, en pleine lutte pour ne pas s'écrouler.

— Arrêtez de vous prendre pour ce que vous n'êtes pas, lance Yibo en s'approchant de son visage, vous n'êtes pas capable de gérer la situation ! Vous vous croyez au-dessus de tout sur votre petit nuage, mais vous n'êtes rien !

    Profondément blessé, Zhan réagit d'instinct. Sa paume s'imprime d'elle-même sur la joue de son patron. Lorsqu'il réalise son acte, il se couvre la bouche, horrifié. Tous deux gardent un silence interdit.

— Je... excusez-moi ! Je...

    La main de Yibo se referme sur son cou. Personne, à l'exception de son père, n'avait encore osé porter la main sur lui. Il vient murmurer quelques mots à son oreille.

— Le moindre affront envers moi est toujours châtié. Pour un tel geste, savez-vous ce que vous mériteriez ?

    Les yeux de Zhan s'embrument. Il se voit déjà passé à tabac ou enfermé dans une cellule pour le restant de ses jours.

— Je... Pardonnez-moi !

    Aussi près de son cou, le parfum naturel de son sang sous les pores de sa peau envoûte Yibo. Son corps s'enflamme. Il se retient de resserrer ses doigts autour de sa gorge. Ce n'est pas le moment de perdre le contrôle. Mais un genre particulier de punition lui brûle les lèvres. Un châtiment bien plus obscène que ce que son employé est sûrement en train de s'imaginer. Devrait-il utiliser cette menace contre lui ?

— Que comptez-vous faire pour vous faire pardonner, Xiao Zhan ?

— Dites-moi ! Je ferai tout ! balbutie l'accusé, larmoyant.

— Tout ?

    Yibo ricane.

— On ne dit pas ce genre de choses lorsqu'on ne peut pas les assumer...

— Q-que voulez-vous dire ?

— Je veux dire...

    Son bas-ventre s'embrase. Il ne peut résister davantage.

    Il glisse son genou entre ses jambes et presse sa cuisse contre son intimité avec un regard dévorant. Sa main remonte le long de son cou pour s'emparer de sa mâchoire et ses lèvres se rapprochent des siennes.

— Maintenant, redites-moi que vous êtes prêt à tout...

  

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N/A

A votre avis, que va-t-il se passer ? Quelle sera la punition pour Zhan ? XO...

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