Chapitre 18

— Kim Taehyung ?

    Deux hommes pénètrent dans la pièce, les autres analysent le jeune inconnu sous tous les traits. Il doit s'en sortir, seul.

— Moi, c'est J-Kay.

— C'est ici qu'on devait trouver Kim Taehyung. Tu es qui, toi ?

— Un... un barman...

    En voyant l'un des types dévoiler le revolver à sa ceinture, toute sa contenance s'envole. Entre son bien-être mental ou la sécurité de Taehyung, le choix se fait en une fraction de seconde. Un éclair d'affliction le traverse, échec de sa promesse. L'instant d'après, il se sent happer vers l'arrière. Son esprit se décale. Sa tête se déboîte.

    Il apparaît.

    Son visage oublie toute crispation. Ses épaules se relâchent, son menton se relève, révélant l'éclat de malice de son regard enjôleur, celui qui fait de lui le roi de la nuit. Sa nouvelle assurance, sulfureuse, interpelle. Sa voix revêt son manteau de velours.

Le barman. Excusez-moi, je suis encore sous le coup des endorphines.

— ... Des quoi ? répète le meneur.

    Un sourire charmeur bombe les joues de J-Kay. Il fait mine de remonter sa braguette en la tirant à son maximum et referme les deux boutons de sa chemise en V. A bout de lèvres, un érotisme magnétique bande ses murmures.

— Endorphines. Sexe.

    Quelques bouches s'entrouvrent. Le chef s'éclaircit la voix.

— Il est où Kim Taehyung ?

    J-Kay soupire et lève en l'air un regard extasié.

— Vu ce qu'on a fait, je pense qu'il est reparti en boîtant...

    Un extrême embarras plane cette fois sur le groupe. Quel jeu amusant... Il promène une main lascive dans ses cheveux et désigne le meuble – où traînent encore quelques preuves – près duquel erre un dangereux fouineur. Il passe sa langue sur ses lèvres, libidineux.

— À plat ventre sur ce plan de travail, c'est là que je l'ai pris. Pile à l'endroit où tu te trouves, mon grand...

    Le concerné fait un bond en arrière et rejoint ses collègues, démotivé de ses recherches.

— Et il est parti où ?!

— Qu'est-ce que j'en sais, répond J-Kay en haussant les épaules.

    L'entretien de Tae avec le client américain lui revient en mémoire. Ce type exposait une fierté maligne tout du long ; un vrai paon réjoui. C'est après avoir échangé avec ce provocateur que son patron a pris ses jambes à son cou. Sans aucun doute quelqu'un déterminé à se venger, pour une raison quelconque. Et cette personne était bien au courant de ce qui se tramait ici. Mieux vaut tirer profit de la situation...

— Maintenant que j'y pense, y'avait un de ses amis qui le cherchait tout à l'heure, un étranger blond. Plutôt beau gosse... J'avais l'impression qu'ils étaient vachement potes. Pour tout vous dire, j'ai failli être jaloux, dit-il en croisant les bras avec une moue de diva indignée.

    Les hommes échangent une œillade perplexe.

— Putain, le con... il nous l'aurait fait à l'envers pour se barrer avec le fric ? chuchote l'un des types.

— Non... il n'aurait pas osé.

— C'est ce qu'on va voir, rétorque le meneur.

    Un dernier gorille s'attarde néanmoins dans la pièce, le plus suspicieux. Une armoire à glace tenace, du genre pas commode. Les pions les plus réfractaires sont les plus plaisants à manipuler...

    J-Kay enfile son plus beau masque de séducteur et se déhanche en sa direction, la lèvre mordue. Du bout de l'index, il redessine les abdominaux saillants de l'homme, moulés à la perfection sous son tee-shirt noir.

— Toi, tu as envie de rester avec moi... susurre-t-il en s'élevant à son oreille sur la pointe des pieds. Je suis sûr que tu en as une grosse. Rien qu'à t'imaginer en train de me défoncer contre ce mur, je bande déjà...

    Les yeux du molosse s'écarquillent. Lorsque J-Kay commence à descendre au niveau de son entrejambe, il sursaute, comme électrisé, et prend aussitôt la fuite.

    Pièce vidée. Mission réussie.

— Ha Ha ! À quel point j'adore ce jeu... fiotte d'hétéro.

    La porte bouge, Taehyung en sort, tel une petite souris.

— Ils sont... partis ?

    En le voyant aussi vulnérable, l'envie de J-Kay devient bien réelle. Sa tête tressaille.

    Tu es là pour me protéger !

    Il se prend le front dans la main en grimaçant.

    Tu es là pour mon bien ! Tu es mon protecteur !

— Putain...

— Jungkook ?

    J-Kay grommèle et ferme les yeux. Protecteur. Il est le protecteur. Son existence première est à l'origine de cette raison. Après un court silence de réflexion, il soupire. Au diable ! son égoïsme.

— Ils sont partis, mais ils reviendront certainement dans pas longtemps. J'ai vu une plaque, à côté d'un flingue. C'étaient les autorités. Lesquelles, je sais pas, mais tu ferais mieux de te tirer vite fait. Je m'occupe de la boîte, je ferai la close.

    Taehyung le dévisage, à la fois médusé et admiratif. N'écoutant que son émoi, il se jette au cou de son barman et l'étreint. Ce dernier reste interdit. Sous cet élan d'affection, Jungkook émerge à son tour, en phase active avec son gardien. Ses lèvres se pincent, ses yeux scintillent de sa tendresse habituelle.

— Merci. Merci infiniment. Tu viens de me sauver la vie.

    Sans perdre plus de temps, Taehyung quitte les lieux, laissant son barman en pleine confusion. Lui sauver la vie ?

    Il faut redescendre. La boîte va pas se gérer seule.

    Nouveau soubresaut de sa tête. Jungkook se décale vers l'arrière, simple spectateur. Malgré leurs différents, J-Kay a sauvé Taehyung. Grâce à lui, il peut se mettre à l'abri en toute tranquillité. Son cœur se réchauffe. Un petit merci se mure sur ses lèvres, un murmure.

    S'il y a quelqu'un d'idéal pour prendre maintenant la relève, c'est bien le Roi de la Nuit.

— Allons faire tourner cette foutue boutique.

   

    La pluie est froide, l'air est frais. Taehyung frissonne. Il s'engouffre dans une rue, en direction du quartier résidentiel visé. À cette heure-ci, il n'y a qu'une seule personne à qui il puisse demander de l'aide sans s'attirer de nouveaux ennuis. Son hyung bienveillant qui, il en est certain, le recevra avec bonté. S'il peut éviter d'avoir affaire à Yibo, il le fera ; du moins, il repoussera l'échéance au maximum. De toute manière, il doit trouver un lieu où se réfugier au plus vite. Chez son ami, il réfléchira mieux. Le stress a toujours engourdi son esprit.

    L'interphone grésille.

— Hyung ?

— ... Taehyung ? Qu'est-ce que tu fais là ?

— J'ai des problèmes... Je peux entrer ?

    Une tasse de café réconfortante entre les mains, Tae tente de faire le tri dans son brouillard intérieur. De faire un choix qui, celui-là, ne le mettra pas davantage dans le pétrin – si tant est qu'il puisse déjà sauver sa peau.

— Merci de m'avoir accueilli, Hyung.

— Je t'en prie, le rassure Zhan en enveloppant son corps trempé d'un plaid chaud. Tu veux quelque chose à manger ?

— À deux heures du mat', je débarque chez toi, tu ne me poses aucune question et tu me proposes à manger... Pourquoi t'es pas déjà marié, rappelle-moi ?

    Zhan émet son petit rire chantant. Il ferme le dernier bouton de sa chemise de nuit en soie grise et s'assoit en tailleur sur le tapis, face à son ami.

— Parce que j'ai un sacré énergumène à gérer, tu te souviens ?

— Aish ! Ça pour un énergumène... Je sais vraiment pas quoi penser de lui, se désole Tae. Tu sais qu'il vient de me sauver la vie quand même ?

    Trop tard, il réalise ses mots – son erreur. L'inquiétude se grave déjà sur le visage de Zhan.

— Comment ça te « sauver la vie » ?

— Je... oui, enfin...

    Zhan le fixe, soupçonneux.

— Hyung, écoute, j'ai fait un mauvais choix et... des personnes m'en veulent.

— Et tu as mêlé Jungkook à ça ?

— Non ! C'est pas ça, il m'a vu dans la merde et il a voulu m'aider. Ensuite, les types sont arrivés et... je sais pas, il est redevenu...

— ... J-Kay.

    Zhan ferme les yeux, amer, et se frotte les tempes. Pour sauver la mise à son patron, son frère a dû laisser J-Kay revenir.

— Et qui gère la boîte ?

    Penaud, Tae se frotte la nuque. Zhan tire une moue blasée ; la réponse est évidente.

— Jungkook est un gars bizarre mais...

— Il n'est pas « bizarre » ! riposte Zhan. Il ne rentre simplement pas dans les cases. Il a créé ses propres règles. Ne le juge pas si facilement juste parce qu'il est différent du reste du monde, s'il te plaît.

    Rares sont les fois où Taehyung a pu voir son hyung sur la défensive. Il hoche la tête, les lèvres pincées.

— Excuse-moi, je ne voulais pas...

    De violents coups font trembler la porte. Les garçons se lèvent d'un bond. Zhan fige un regard horrifié sur Tae qui porte une main à sa bouche.

— Ne me dis pas que... tu les as ramenés ici ?!

— Je...

    La porte se fracasse. Les deux amis s'acculent contre un mur, pétrifiés.

— Enfin on te trouve, Kim Taehyung.

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