Chapitre 23

— Miss Granger ?

Hermione resta silencieuse et le professeur passa à quelqu'un d'autre. En effet, elle avait beau être de retour à Poudlard, elle n'en avait pas pour autant plus l'envie de participer aux cours et que ses bonnes réponses favorisent Serpentard...

Le reste du cours de Défense Contre les Forces du Mal se passa sans qu'elle n'ait à répondre à une seule question, mais ses nouveaux camarades s'en sortirent haut la main malgré tout, ce qui l'étonna.
Lorsque la cloche sonna dix heures, les élèves se ruèrent dehors et Hermione fut presque la première à se retrouver dans le couloir. Cela faisait maintenant cinq jours qu'elle était de retour à l'école, elle avait passé le week-end à réfléchir, notamment sur ses retrouvailles avec Rogue qui avaient été si étranges, puis les cours avaient repris, et la matinée de mercredi touchait à sa fin.
Elle n'avait d'ailleurs pas revu le sombre professeur qui se remettait de ses blessures chez lui sans mettre le nez dehors, pas même pour les repas, remplacé à table par son remplaçant, le professeur Schelem, un homme d'une cinquantaine d'années, rond comme une bille, mais très gentil.

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Quand la fin des cours de la matinée fut annoncée, les élèves avaient environ vingt minutes avant le déjeuner. Hermione remonta donc dans sa chambre pour déposer ses affaires de classe de la matinée et prendre celles de l'après-midi, puis elle décida de s'isoler un peu et s'installa sur un balcon qui donnait sur le stade de Quidditch.

Un livre ouvert sur les genoux, elle avait laissé divaguer son esprit dans le paysage quand Rogue s'approcha discrètement. Comme il s'en était douté, elle ne le sentit pas et il eut tout le loisir de l'observer. Lui aussi avait repensé à ces quelques minutes qu'ils avaient passées dans le bureau de McGonagall, samedi dernier. Il ne regrettait pas de l'avoir prise dans ses bras, tutoyée et même embrassée, non, au contraire, car il avait profité de sa convalescence pour réfléchir et il en avait rapidement conclu que la Gryffondor avait réussi à fendre la solide carapace qu'il s'était forgée au fil des années.
Serrant sa main droite sur le pommeau de sa canne, il serra les mâchoires et s'avança. Hermione l'entendit alors et se retourna un peu vivement. Quand elle reconnut Rogue, son visage s'illumina et elle se redressa.

— Bonjour, Miss Granger, dit-il en se plantant à quelques mètres d'elle.
— Bonjour, professeur, vous avez l'air d'aller mieux, répondit la jeune femme en souriant.
— Oui, je commence à pouvoir sortir pour me balader sans que ce ne soit une corvée...
— Je suis contente, alors... J'ai eut très peur pour vous, quand vous avez débarqué dans mon salon, dit-elle en s'approchant du bord du balcon. Vous voulez me dire ce qu'il s'est passé ?

Rogue la regarda puis baissa le nez et souffla.

— Faire comme si de rien n'était n'est pas une chose aisée, dit-il alors en regardant vers le stade.

Hermione haussa un sourcil, étonnée, puis regarda le sol une seconde avant de hocher la tête.

— Pourquoi ? demanda-t-elle alors.
— Pourquoi j'ai fait ça ? demanda Rogue en s'asseyant près d'elle avec une grimace douloureuse. Pourquoi je t'ai prise dans mes bras et embrassée ?

Hermione se mordit la lèvre.

— Je ne sais pas... reprit le sombre professeur. J'ai trouvé ça... normal...
— Moi aussi, avoua alors la brunette. Je... Tu comprends qu'on ne peut rien faire, n'est-ce pas ? demanda-t-elle alors après un soupir. Nous avons les mains liées, nous sommes trop exposés...
— Oui, Hermione, je sais, répondit Rogue. Je risque ma place et ma carrière, et toi, ton futur, mais il est indéniable que nous avons un lien, toi et moi.
— Impossible à nier, puisque c'est ma faute.

La jeune femme se leva soudain et fit face au professeur qui la regarda.

— C'est moi qui t'ai forcé à me parler, dit-elle en croisant les bras. Je suis allée bien au-delà de ce que le règlement du collège m'autorisait à faire, mais tu as ta part de responsabilités dans l'histoire. Nous sommes tous les deux fautifs de ce qui nous arrive aujourd'hui. Nous devons assumer.

Rogue hocha la tête. Des discussions d'élèves se firent alors entendre et il se leva. Hermione se rassit sur le balcon en ramenant sa cape sur ses jambes et Rogue s'appuya sur sa canne. Les élèves apparurent alors et s'approchèrent de lui en le reconnaissant.

— Oh, professeur ! dirent-ils presque d'une même voix. C'est cool de vous voir enfin ! Vous avez l'air d'aller bien !
— Oui, beaucoup mieux, répondit Rogue en se détournant, non sans jeter un regard à Hermione.

La jeune femme lui adressa un sourire pincé puis elle soupira par le nez et Rogue s'éloigna avec les jeunes sorciers qui semblaient très contents de le revoir après cinq semaines d'absence...

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Le samedi suivant, les élèves quittèrent Poudlard pour rentrer passer les fêtes de fin d'année dans leurs familles. Comme elle n'avait pas demandé à Ron et Harry s'ils allaient chez les Weasley ou pas, et qu'elle n'avait pas envie de leur imposer sa présence, ce qui rendrait très certainement les choses difficilement gérables, Hermione décida de demeurer au château, avec la trentaine d'élèves qui restait aussi.

Profitant du silence presque angoissant de la Bibliothèque en ce samedi après-midi, l'ancienne Gryffondor entendit très clairement le pas claudiquant de son compagnon et elle le regarda venir à elle sans se soucier de Madame Pince, planquée derrière son journal, d'où montait un fin filet de fumée grisâtre.

— Auriez-vous décidé de braver les interdits, professeur ? demanda Hermione à voix basse.
— Non, mais j'ai une bonne nouvelle pour toi, répondit Rogue en s'asseyant.

Hermione haussa les sourcils, surprise qu'il la tutoie alors qu'un membre du personnel enseignant était présent.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda la jeune femme, un peu perdue.
— La Directrice nous a autorisés à nous "voir" pendant les vacances, répondit Rogue. Bien sûr, il nous faudra rester prudents, mais je crois que je l'ai tellement agacée qu'elle a fini par céder...

Hermione se mordit les lèvres. Elle secoua alors la tête et regarda son livre.

— Cela ne te fait pas plaisir, on dirait... dit alors Rogue.
— Si, bien sûr que si, mais je m'en veux de t'avoir mis en porte-à-faux avec la Directrice...
— Je suis un grand garçon, ma chérie, je ne me laisse pas faire, tu le sais...

La jeune femme était tellement inquiète et tendue que le surnom affectueux dont la gratifia Rogue ne la fit même pas frémir.

— Je vois, dit-il en se redressant. Tu as visiblement besoin de réfléchir encore un peu, fais-moi savoir quand tu y verras plus clair.

Le ton était sec et Hermione jura quand il quitta la chaise. Elle se leva alors et le suivit. Elle le rattrapa dans le couloir et l'entraîna dans un renfoncement ayant autrefois abrité une armure.

— Écoute-moi, dit-elle en lui tenant le bras. Ce n'est pas que je ne veux pas, d'accord ? Je suis très fière, oui, c'est le mot, d'avoir réussi à rendre la chauve-souris de cachots plus humaine, mais tout ça me fait peur, Severus. Je suis consciente que j'ai été très... rentre-dedans avec toi, mais je ne pouvais pas supporter de te voir aussi triste !
— Je l'ai toujours été, Hermione ! répondit Rogue. Tu ne t'en es rendue compte que parce que tu es désormais à Serpentard et que tu es liée à moi en tant qu'élève, et aussi parce que tu as visiblement un peu d'empathie, mais ce n'est pas ta faute si je me suis ouvert à toi, si nous nous sommes rapprochés, et si aujourd'hui, nous risquons tous les deux notre place dans ce château. Si je n'avais pas voulu te parler, si je n'avais pas eu envie de me sortir de cette spirale infernale dans laquelle je vis depuis la mort de ma Lily, je t'aurais repoussée ! Je...

Il se tut et inspira. Hermione passa sa langue sur ses lèvres. Elle prit la main libre de Rogue dans la sienne et il baissa les yeux vers elle.

— Tu sais quoi ? dit-elle en le regardant. On va faire comme si c'était la première fois.
— La première fois ?
— On va faire comme si on se rencontrait pour la première fois, expliqua la jeune femme. On va profiter des deux semaines de vacances où il y a bien moins de monde dans le châteaubpour faire connaissance, comme si on était deux amis. Nous avons fait les choses à l'envers, Severus, et ça va trop vite pour moi. Est-ce que tu comprends ?

Rogue pinça les lèvres puis hocha lentement la tête.

— Oui, dit-il. Je comprends. Et je comprends que tu aies peur de te lier à un homme comme moi, au passé si tortueux, au cœur si balafré. Je suis d'accord. Et je sais déjà ce que nous allons faire pour que personne ne commence à poser les questions qui dérangent.
— Ah ? Quoi donc ?
— Je dois en parler avec la Directrice, d'abord, répondit Rogue.

Il se pencha et l'embrassa brièvement.

— Je t'enverrais un message pour te dire.

Il tourna alors les talons et s'en alla en claudiquant. Un peu perdue, Hermione grimaça puis haussa les épaules et retourna dans la Bibliothèque. Elle n'avait aucune idée de ce qui venait de se passer dans la tête de son compagnon, mais il était suffisamment intelligent pour avoir déniché quelque chose qui leur permettrait d'être ensemble d'une manière ou d'une autre sans pour autant éveiller les soupçons des autres élèves ou des professeurs. Et le tout avec la bénédiction de McGonagall.

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