Chapitre 19

Enveloppée dans sa cape en laine et son bonnet sur la tête, Hermione faisait du lèche-vitrine. Exceptionnellement, McGonagall avait accédé à la demande de Rogue et lui avait donné une autorisation pour aller sur le Chemin de Traverse se changer les idées, mais uniquement le samedi ou le dimanche, de la même manière que ses camarades n'avaient le droit d'aller à Pré-au-Lard que le week-end. Le reste de la semaine, elle devait rester chez elle pour faire ses devoirs, elle avait aussi, éventuellement, le droit de sortir avec ses parents.
Et aujourd'hui, on était samedi ; la jeune femme venait de poser le pied sur l'allée marchande sorcière. Elle avait bien tenté d'y entrainer sa mère, ou à défaut, son père, mais aucun n'avait tenu à retourner dans ce bruyant supermarché à ciel ouvert où on avait l'impression d'avoir fait un saut d'un siècle dans le passé...

— Regarde, c'est le nouveau livre de Gilderoy Lockhart !

Hermione pivota. Quoi ? Lockhart avait recommencé à écrire ? La jeune femme s'approcha de la boutique de Fleury & Bott et joua des coudes pour voir la vitrine. En effet, derrière la vitre se trouvait une pile de livres d'un bleu ciel grisâtre, avec, au sommet, l'un d'eux posé verticalement.

— Qui suis-je ? lu la jeune femme. Mais... ?
—  Allons, mademoiselle, vous ne savez pas qu'il a été victime de l'une des créatures qu'il combattait ? demanda une femme près d'elle, un exemplaire du livre serré contre sa poitrine.
—  Victime ? Comment ça ? demanda Hermione. La dernière fois que je l'ai vu, il était à Poudlard et il...
—  Oui, oui, après ça, pendant l'été, il est allé au fin fond de la Patagonie et un monstre qu'il a tenté de combattre, une goule hybride des cavernes, l'a blessé et il a complètement perdu la mémoire ! C'est atroce, pauvre Gilderoy ! On dit qu'il s'en remet à peine et que ce livre est le premier qu'il écrit depuis l'accident ! Il a été dicté ! Il ne peut même plus écrire...

Hermione serra les lèvres. Elle avait, au choix, envie d'exploser de rire ou bien de tout dire à cette femme bien naïve. Elle préféra ne rien faire et haussa les épaules en se détournant. La femme lui demanda si elle allait acheter le livre, mais la brunette resta silencieuse et entra dans la boutique.

— Oh ! Mais qui voilà ! Bonjour, Miss Granger !
—  Bonjour, Monsieur Fleury, répondit Hermione, ravie de voir un visage connu.
— Mais que faites-vous sur le Chemin de Traverse, vous n'êtes plus à Poudlard ?
— Si, si, mais il y a eut un incident, il y a quelques semaines et on m'a envoyée me reposer chez moi... répondit Hermione.
— Oh, rien de grave, j'espère ?

Hermione secoua la tête. Elle demanda ensuite depuis quand le livre de Lockhart était en vente et Fleury lui répondit qu'il était arrivé la veille et qu'il avait été obligé d'en recommander dès le matin-même.

— Je le croyais à St-Mangouste depuis des années, incapable de tenir un crayon, dit Hermione.
—  Moi aussi, et je ne comprends pas pourquoi tous ces gens croient ce qu'il y a dans ces bouquins, répondit Monsieur Fleury. Je veux dire, il a été publiquement annoncé que tous ses livres n'étaient que de la poudre aux yeux et depuis l'accident à Poudlard...

Hermione haussa brièvement les sourcils. Elle demanda ensuite à l'homme ce qu'il avait comme nouveautés et il la conduisit dans un rayon un peu éloigné du brouhaha de la boutique avec toutes ces femmes plus ou moins jeunes avides d'avoir des nouvelles de leur auteur préféré.
La jeune femme demanda alors à Monsieur Fleury s'il avait des ouvrages, magazines ou documentaires, sur les Nexus et les lignes de force. L'homme parut étonné d'une telle demande et révéla qu'on ne lui posait pas la question tous les jours, mais qu'il avait néanmoins quelques ouvrages pour satisfaire la curiosité de la jeune sorcière. Il la conduisit donc vers un autre rayonnage, à l'étage de la boutique, et la laissa avec ses ouvrages satisfaire sa curiosité.

.

À Poudlard, pendant ce temps, les élèves avaient déserté les lieux, enfin une partie, et avaient filé à Pré-au-Lard faire le plein de bonbons. McGonagall, dans son bureau, préférait profiter du calme apaisant pour avancer ses corrections, mais c'était sans compter sa cheminée qui semblait avoir le hoquet...

La vieille sorcière sursauta quand les flammes de la cheminée bondirent en crachant un papier roussi. Elle soupira, effaça le trait de plume sur le parchemin devant elle, puis fit venir le papier à elle et le déplia. C'était encore une note multiple envoyée à tous les directeurs d'écoles magiques d'Europe, par le Directeur du Conseil des Écoles Magiques Européennes. Dans ce papier-ci, l'homme, un certain Nigel Fusch, Directeur de l'école de sorcellerie polonaise, annonçait à ses pairs les dernières nouvelles concernant l'affaire des Mages Nexus, comme ils se faisaient appeler.

— Voilà qu'ils ont encore manipulé un Nexus, soupira McGonagall. Il faut vraiment les arrêter avant qu'ils ne provoquent quelque chose d'irréversible, ou pire encore, l'extinction totale de la magie...

Elle posa le papier au sommet de son bureau, près des précédents, et grimaça.

— D'ailleurs, dit-elle. Où est Severus ?

.

Hermione rentra chez elle les bras chargés de livres. Pour ne pas être envahie, elle les avait loués et dès qu'elle les aurait terminés, ils repartiraient magiquement chez Fleury et Bott. Cette boutique était la seule à proposer ce service sur tout le Chemin de Traverse, et même si la location des livres revenait parfois un peu cher, c'était toujours mieux que de les acheter et ne plus les relire, ou de devoir les ramener à la bibliothèque dans les temps sous peine d'amende...

Elle était en train de retirer ses souliers quand un violent bruit se fit entendre dans le salon. Madame Granger poussa un hurlement de frayeur strident et lâcha le plat de gratin de légumes qu'elle venait de sortir du four. Hermione le rattrapa de sa baguette magique avant qu'il ne touche le sol et souffla.

— Hermione !! hurla soudain Monsieur Granger.

La jeune femme lâcha ses livres et se précipita dans le salon. Elle poussa un cri en voyant, affalé au milieu du salon, dans les débris de ce qui était autrefois une belle table basse blanche, un Severus Rogue inconscient.

— Professeur ! s'exclama-t-elle en se jetant sur lui.

Elle posa ses mains sur sa poitrine et le secoua. Elle releva alors ses mains et les regarda, le visage défait, puis elle regarda ses parents, horrifiés.

— J'appelle une ambulance, dit aussitôt sa mère.
— Non, répondit Hermione. Mon sac, va chercher mon sac, maman ! dit-elle. Dedans, il y a un sachet doré fermé par un lacet, tu le prends et tu jettes une pincée de la poudre qu'il contient dans la cheminée !
— Et ça va faire quoi ? demanda Monsieur Granger. Chérie, il... il est mort ?
— Non, pas encore, il...

Rogue gémit alors et Hermione se pencha sur lui.

— Professeur, ouvrez les yeux, c'est Hermione, regardez-moi...
— ... mione... souffla l'homme d'une voix sifflotante. J'ai... choué...
— C'est ça ? demanda soudain Madame Granger en brandissant un sachet doré de la taille d'une balle de tennis. Je fais quoi avec ?
— Ouvre-le et jette une pincée de la poudre dans les flammes. Quand elles deviennent vertes, recule.

Le cœur battant la chamade, Hermione, les mains couvertes de sang, tâchait de ne pas se laisser submerger par toutes les émotions contradictoires qu'elle éprouvait. Elle se retourna quand sa mère recula et, lorsque les flammes devinrent vertes, la jeune femme s'écria :

— St-Mangouste ! Médicomage d'urgence au 114 rue des Noisetiers ! Sorcier en détresse ! Nombreuses blessures mortelles !

La réponse ne fit pas attendre, les flammes bondirent soudain hors de la cheminée et deux Médicomages jaillirent sur le tapis en évitant Hermione. Sa mère poussa un cri de surprise et tomba en arrière dans le canapé.

— Mangemort, dit l'un des Médicomages en s'approchant.
— C'est le professeur Rogue, dit l'autre. Que fait-il ici, miss... ?
— Granger, je suis Hermione Granger, élève à Poudlard, il... Il a transplané ici il y a quelques secondes, il... soignez-le, s'il vous plait...
— Il faut qu'on l'emmène...
— Non, il... Il doit être en danger, sinon, il serait retourné à Poudlard, dit Hermione en reculant. Il... Papa, aide-les à le monter à l'étage, dans la chambre d'amis...

Monsieur Granger déglutit difficilement et opina. C'était la première fois que quelqu'un transplanait devant lui, en détruisant une partie de sa maison au passage, pis encore, deux personnes avaient jailli des flammes de la cheminée !

— Papa ! aboya soudain Hermione.

L'homme sursauta puis hocha vivement la tête et conduisit les deux Médicomages jusqu'à l'étage. Hermione se laissa alors tomber sur les genoux en regardant ses mains et sa mère se pencha vers elle. Elle lui toucha l'épaule doucement et sa fille la regarda.

— Maman... C'est...
— Viens, viens te laver les mains, ma puce...

La jeune femme hocha lentement la tête et se leva presque mécaniquement. Elle se rendit à la cuisine et sa mère lui lava consciencieusement les mains à l'eau froide avec du savon à la framboise afin de masquer l'odeur ferreuse du sang...

.

— Il va s'en tirer ?
— Oui, mais il va devoir retourner à Poudlard le plus tôt possible, dit le Médicomage. Il a besoin d'un environnement magique pour se rétablir, et de sorciers qui connaissent les sortilèges de soins.

Monsieur Granger hocha la tête. Les deux hommes en face de lui rangèrent leur matériel avant de quitter la chambre. Le père d'Hermione regarda alors le sorcier inconscient étalé dans le lit de sa chambre d'amis. Il avait un œil en coquard, une balafre en travers de la joue et la lèvre inférieure éclatée. Mais le pire était le reste de son corps car il avait le bras droit brisé en deux endroits et trois côtes fêlées, plus tout un tas de bleus, de plaies et de bosses. Les Médicomages avaient fait de leur mieux pour réduire les fractures, mais il allait mettre du temps à se remettre, même avec la magie.
Rejoignant sa femme et sa fille au rez-de-chaussée, Monsieur Granger raccompagna les Médicomages dans le salon et l'un d'eux répara la table basse d'un coup de baguette magique avant de prendre une pincée de poudre dans le sac de Poudre de Cheminette d'Hermione. Il s'en alla dans les flammes vertes et son collègue se tourna vers Monsieur Granger.

— Renvoyez-le le plus tôt possible à Poudlard, dit-il en lui tenant une boîte de fioles. D'ici-là, ces remèdes devraient l'aider à ne pas trop souffrir.
— Merci, Monsieur, répondit alors le père d'Hermione en tendant la main. Si nos services d'urgence pouvaient arriver aussi vite que vous, ce serait merveilleux.

Le Médicomage sourit, serra la main de l'homme, puis s'en alla à son tour et Monsieur Granger soupira profondément avant de rejoindre la cuisine. Il ne trouva plus sa fille à table et regarda sa femme.

— Il y a quelque chose entre cet homme et notre fille, chéri, dit Madame Granger. J'en suis quasiment certaine.
— Il est beaucoup plus âgé d'elle...
— Oui, sans aucun doute, mais il n'aurait pas reparu ici dans cet état sinon...
— Tu crois ?
— Hermione m'a expliqué que lorsqu'un sorcier... transplane... Oui, c'est ça, eh bien, il pense à sa destination pendant une seconde, même pas, avant que le processus se déclenche...
— Les... Médicomages m'ont expliqué qu'il avait été roué de coups, dit alors Monsieur Granger. J'ignore où il était alors, mais certainement pas en train de faire cours à Poudlard ! Et ce mot... Mangemort ?

Madame Granger haussa les épaules puis se leva pour préparer un thé bien fort. Elle y ajouta une goutte d'alcool et le silence se fit, pesant, dans la petite maison.

.

Lorsque le lampadaire proche de la maison s'alluma, Hermione se redressa en passant ses mains sur son visage. Elle changea de position dans le fauteuil en osier qu'elle avait amené de sa chambre et soupira. La porte de la chambre d'amis pivota alors et la tête de Madame Granger apparut.

— Il est réveillé ? demanda-t-elle doucement.
— Pas encore, répondit Hermione.
— Est-ce que tu veux descendre manger ?

La fille secoua la tête et la mère n'insista pas. Elle recula et tira la porte quand Hermione la héla.

— Oui, ma puce ?
— Est-ce que tu peux... Non, je vais le faire...
— Non, reste ici, que veux-tu que je fasse ? demanda alors la femme en rouvrant la porte.
— Prend... prend la poudre de Cheminette et jette-en dans la cheminée... dit Hermione. Quand les flammes deviendront vertes, tu répétera cette phrase : Minerva McGonagall, Poudlard, Écosse.
— Minerva McGonagall, Poudlard, Écosse, répéta Madame Granger. Ensuite ?
— Dis-lui que le professeur Rogue a débarqué chez nous et qu'il faut qu'elle envoie Madame Pomfresh, c'est l'Infirmière du château, elle nous connait tous sur le bout des doigts. Si elle te pose des questions, essaie d'y répondre, et si elle veut venir, ne l'en empêche pas.

Madame Granger hocha la tête.

— Les Médicomages ont dit de le renvoyer là-bas le plus tôt possible... dit-elle.
— Justement, c'est Pomfresh qui décidera de ça...
— Bon, entendu... Je te remonte un bol de soupe tout à l'heure.

Hermione resta silencieuse et sa mère se mordit la lèvre. Elle quitta ensuite la chambre, non sans avoir éclairé une petite lampe posée la commode près de la porte.

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