Chapitre 5
Cartons en mains, je suis Émilie à travers le hall d'entrée. Personne. Le bâtiment est silencieux. Seuls nos pas résonnent.
Si ces derniers jours ont été compliqués entre boulot et cartons, toute la tension a disparu en arrivant avec le camion de déménagement plus tôt dans la journée. Émilie a même retrouvé son sourire en visitant pour la première fois notre nouvelle demeure. Ou plutôt en voyant la super vue donnant sur le parc.
— Tatie, on ira après, hein ?!
Quinze fois qu'elle me demande.
— Oui, oui. Une fois que nous aurons vidé le camion et que nous aurons installé le princi...
— Ce sera tard, après !
Elle montre son mécontentement en appuyant très fort sur le bouton de l'ascenseur.
— Peut-être, cela dit nous avons du temps pour y faire un tour.
Incrédule, elle s'engouffre dans la cage d'ascenseur en ruminant. Elle tient un carton contenant ses pantalons.
Nous sommes seules pour déménager aujourd'hui. Julianne, ma fidèle amie, nous aidera demain. En attendant, nous avons déjà fait un premier aller retour. Ce samedi est fatigant. Après une semaine de boulots, j'enchaîne avec un déménagement. Quelle idée ! Je suis morte et il reste des cartons et les gros meubles.
Une chose est sûre ; tout sera dans l'appartement avant sept heures du soir. Je n'ai pas le choix, je dois rentre le camion à sept heures trente.
Émilie enfonce son pouce dans le bouton du dernier étage. Elle est refermée sur elle durant la montée. Ce petit caractère me porte sur les nerfs, même si je la comprends. Elle a besoin de temps pour s'adapter. Cependant, je ne peux pas céder à tous ses caprices.
— Nous habitons désormais ici, ma puce, tenté-je de la convaincre avec une voix douce. Nous irons au parc une fois que nous serons bien installées.
Aucune réponse. Quand les portes s'ouvrent, elle fonce tête baissée à travers le couloir. Je lui emboîte le pas. Les deux cartons que je porte pèsent de plus en plus. Mes muscles sont douloureux. J'ai hâte de me poser, lorsque nous aurons monté le canapé.
La porte de notre appartement n'est pas fermée à clé. Émilie l'ouvre à l'aide de son avant-bras, puis entre sans attendre. Elle file dans sa chambre tandis que je lâche les cartons sur le sol du salon.
Nous avons mis chaque carton à sa place grâce aux notes au feutre noir. Nous gagnons ainsi du temps. Nous n'aurons pas à ouvrir pour vérifier le contenu.
— Prends quelques minutes, lancé-je à la petite arrivant dans le couloir. Le reste est plus lourd.
— D'acc !
Soudainement, je la vois sortir de sa chambre et s'enfermer dans la pièce du fond ; la salle de bain.
Bon. Le plus facile a été emmené. Le canapé, la table de cuisine, le lit et la commode restent. Autant dire que seule, ce sera plus compliqué que prévu. Si je n'avais pas eu qu'une semaine, j'aurai engagé des déménageurs. Malheureusement, le délai qu'on m'a donné était serré. Mon ancien appartement est, grâce à Monsieur Tom Morant, déjà entre les mains d'une agence immobilière. Elle sera sur le marché dans les semaines à venir.
Je prends soin de fermer la porte derrière moi, tout en réfléchissant à comment porter les meubles. Seule, je vais me ruiner le dos. Peut-être pourrais-je demander au voisin ? Encore faudrait-il qu'il soit présent. Avec le raffut que nous avons fait, personne ne nous a engueulés.
Qui ne tente rien n'a rien !
Mon courage prit à deux mains, je frappe à la porte voisine. Il me faut bien cinq minutes et cinq coups à la porte pour me faire une raison. Il n'y a personne ou on ne veut pas nous aider. Super.
Je tourne des talons. Mes doigts, mes épaules et mes cuisses sont douloureux. Vivement ce soir, une fois allongée sur mon canapé !
Devant l'ascenseur, mes doigts se lèvent vers le bouton. Je n'ai pas le temps d'appuyer que les portes s'ouvrent. Quelqu'un arrive à cet étage. Peut-être mon voisin ou le PDG pour s'assurer du bon déroulement de notre emménagement.
Surprise, j'étouffe un hoquet et lève la tête.
— Vous ?! s'étouffe Monsieur Matthieu les mains en l'air.
Je suis tout aussi abasourdie de trouver mon supérieur ici. Ma bouche est ouverte, mes yeux le dévisagent de la tête au pied.
Le directeur général a troqué son costume noir pour un survêt de sport gris. Des traces de transpirations foncent les tissus, indiquant qu'il revient d'une séance de sport. Ses cheveux courts sont humides, son visage rougi par l'effort. Le voir ainsi change la vision que j'avais. Il est bien loin l'homme d'affaires !
— Vous me suivez ?
Sa voix fâchée trahit ses sentiments. Il n'est pas heureux de me voir ici.
— Oh non, non, me défends-je en secouant la tête. Je... j'emménage ici.
— Quoi ? s'étrangle-t-il en sortant de la cage d'ascenseur.
Son corps s'approche un peu trop à mon goût. Je recule en jetant un coup d'œil à ma porte d'entrée fermée, avant de la désigner de mon index.
— Votre père me loue cet appartement. Attendez...
Je marque une courte pause. Merde. Je comprends la situation.
— Vous habitez ici ? demandé-je en reportant mon attention sur son visage d'ange.
Ses sourcils sont levés, ses lèvres retroussées. Il émane de lui du stress mélangé à de la peur. Mes yeux sont attirés par son torse qui se soulève lentement. Sa tâche de transpiration colle le tissu gris à sa peau.
— Bien sûr que je loge...
Il est coupé par une porte qui s'ouvre avec violence. Nous nous tournons, surpris, vers mon nouvel appartement. Émilie referme derrière elle, puis s'approche à pas de loup.
— Qu'est-ce qu'il y a ma puce ?
Son regard est fixé sur mon patron, ignorant ma question. Elle le scrute avec ce petit air mécontent que je lui connais bien depuis des mois.
— Oh, bonjour toi, lance Monsieur Matthieu en se baissant un peu.
Sa voix est plus douce, aiguë. Ce changement de comportement m'interpelle et me rassure à la fois.
— Tu t'appelles comment ?
Il fait le premier pas vers Émilie, alors qu'elle reste renfrognée. La petite fille s'arrête à ma hauteur, toujours muette.
— Tu veux une sucette ?
Je retiens un rire. Pense-t-il lâcher avec des bonbons ?
— Non, siffle Émilie. Je n'accepte pas de bonbons d'inconnus.
Boom ! Je suis fière d'elle. Ma main passe dans ses cheveux fins et mi-longs.
— Je suis le patron de ta maman, tu n'as rien à craindre de moi.
Émilie et moi nous tendons à ses mots. Mon sourire s'efface bien vite. La réaction de la petite est violente. Elle frémit en s'éloignant de moi. J'ai beau tenter de la retenir, elle m'échappe. Elle traverse le couloir et s'enferme dans l'appartement.
La boulette.
J'ose un regard contrit envers le DG. Il est déconcerté par ce qu'il vient de se produire.
— Qu'ai-je dit qui puisse la mettre dans un tel état ?
Sa tristesse est lisible sur ses traits.
— Je suis sa tante, réponds-je en grimaçant. Ma sœur, sa mère, est morte il y a quelques mois avec son mari.
— Oh punaise ! Pardonnez-moi, je ne savais pas.
Il passe la main nerveusement dans ses cheveux courts et humides. Son regard est perdu sur la porte d'entrée.
— Ce n'est pas grave, mens-je la gorge serrée.
— Non, non, j'insiste ! J'ai commis une erreur effroyable. Je vous demande deux petites minutes. Je reviens.
Comme fou de rage, il s'élance vers ce que je comprends être son appartement.
Celui face au mien. Bordel de merde ! Mon supérieur est mon voisin.
En attendant, je cherche Émilie. La petite s'est réfugiée dans sa chambre. Elle est au sol, derrière une pile de carton contenant ses vêtements.
— Ma puce... Il ne savait pas.
— Mmh.
Je m'accroupis à sa hauteur et glisse mes doigts dans ses cheveux bruns. Ils sont doux, quoi qu'un peu humide suite à l'effort du déménagement.
Oh merde le camion ! Bien qu'il soit fermé, il attend devant.
Émilie est en boule, le front contre ses avant-bras. Elle retient ses sanglots et renifle.
— Maman me manque.
Une boule se forme à ma gorge. Une vive émotion m'assaille. Je suis effondrée par son aveu.
Ma pauvre petite nièce. Ça doit être si dur.
J'ai beau essayer de lui parler, la discussion se termine toujours vite. Ni elle ni moi ne souhaitons aborder en profondeur le sujet. Ma sœur me manque aussi cruellement. Dès que je repense à elle, mon cœur se serre et les larmes coulent sur mes joues. Devant sa fille, je me dois d'être forte. Alors, le plus facile est d'ignorer cet important sujet.
— Je sais. À moi aussi.
— On ira les voir, dis ?
Oh. Comment puis-je refuser cela ? Nous y allons une fois par semaine.
— Oui, bien sûr. Je...
Je suis interrompue par trois coups à la porte, suivie par la sonnette. Il s'agit sûrement de mon patron.
— Prends ton goûter dans la glacière. Tu as un donut et une brique de jus d'orange.
— Mais je veux aider.
Mes épaules s'affaissent tandis que je me relève. Si jeune et si courageuse avec son problème cardiaque.
— Repose-toi encore un peu. Je t'appellerai si j'ai besoin...
La sonnerie retentit à nouveau. Je quitte la chambre, suivie par ma nièce. Elle est décidée à me prêter main-forte. C'est gentil de sa part, cependant j'ai peur. Elle n'a pas le droit de faire d'effort trop physique.
À l'école, elle est exemptée de sport à l'année. C'est le cardiologue qui lui renouvelle son certificat médical d'inaptitude sportive. Et ce, depuis la primaire.
Si ma sœur m'en a parlé à mainte reprise, je ne m'attendais pas à autant de contraintes. Émilie a des interdictions. Tel que faire du sport violent, se percer les oreilles, faire des tatouages ou piercings. Elle sait donc depuis toujours qu'elle vit avec un handicap. Cela dit, sa mère a toujours veillé à la rassurer. Elle est une enfant comme une autre. Elle ne doit à tout prix pas se sentir mal de ne pas pouvoir faire deux ou trois choses. Même si je comprends qu'elle se sente mise à l'écart.
À la porte, je ne suis pas étonnée de découvrir Monsieur Matthieu. Sa tenue est différente. Il porte un jean noir et une fine chemise blanche. Dans ses mains, deux sucettes.
Je suis immobile, le cerveau comme broyé par sa beauté. Je suis toujours autant décontenancée de me trouver face à lui.
Il ne doit pas avoir la trentaine. Mais pas moins de vingt-cinq ans. Je dois avouer que je n'en sais rien. Mais je compte bien faire des recherches approfondies. Après tout, j'apprendrai sûrement beaucoup sur lui grâce aux médias.
Lorsqu'il aperçoit Émilie, il se penche immédiatement vers la petite et lui tend une sucette emballée dans un plastique marron. Le goût est reconnaissable entre mille et Émilie en raffole. Il a bien choisi la sucrerie.
— Tiens, c'est pour m'excuser, avoue-t-il sur un ton chaleureux. C'est au cola.
Émilie tend la main et saisit le bonbon.
— Merci.
Les épaules du directeur général se décontractent. Soulagé, il se redresse et m'envoie un sourire éclatant.
— Vous voulez une sucette ?
Tout dépend, laquelle ?
Ma question résonne dans ma tête. Je mords ma langue, m'interdisant ces mots. Mes joues s'empourprent par ma bêtise et je baisse la tête en retenant un rire.
— Non merci. Je dois reprendre.
Comprenant qu'il dérange, il s'écarte pour nous laisser passer.
— Vous êtes seules ?
En sortant de l'appartement, je lui adresse un rapide coup d'œil.
— Oui, oui.
Émilie soupire lourdement en nous dépassant.
— Tatie est très forte !
Mon rire éclate dans le couloir, imité par celui du DG.
— Je n'en doute pas une seule seconde. Madame Clarke est une forte tête, capable de tout pour arriver à ses fins.
S'il savait !
— On a eu de l'aide des voisins pour les meubles lourds, confessé-je. Seules, ils seraient encore dans l'appartement.
Le regard de Matthieu Morant se perd sur les portes de l'ascenseur derrière moi. Émilie m'y attend, prête à m'aider.
— Je vais vous aider, déclare-t-il en approchant.
Pas question de refuser par fierté. J'ai absolument besoin d'aide.
— Vraiment ? Ce serait gentil de votre part. Je n'ai pas beaucoup de meubles.
Nous nous dirigeons ensemble à l'ascenseur. C'est dingue ! Monsieur Matthieu n'est pas aussi déplaisant que je l'imaginai. Entre son comportement avec ma nièce et moi, je suis agréablement surprise.
— Tiens, la deuxième sucette, dit-il en donnant le bonbon à Émilie.
Je vois bien qu'elle se retient de manger.
— Allez, va goûter, ma chérie. On se débrouillera. Tu as beaucoup aidé, tu as été très forte.
Fière d'elle, Émilie accepte enfin de prendre une pause. C'était inévitable. Le médecin m'a dit de la ménager. Or, la petite est aussi têtue que sa mère.
— C'est bien ce que vous faites, me complimente mon supérieur une fois seuls dans l'ascenseur. Vous la félicitez, l'encouragez. C'est important pour un enfant, surtout dans cette situation.
Je ne sais pas quoi dire à part le remercier. La conversation se coupe très vite. Nous n'avons rien à nous dire. Toutes les questions qui se bousculent n'osent pas franchir mes lèvres. Elles sont toutes plus intimes les unes que les autres.
Quant à Monsieur, il semble dans la même situation. Jusqu'au camion, il tente à plusieurs reprises d'engager la conversation et se ravise après quelques mots.
J'ouvre les portes arrière du camion que je loue. La première réaction de mon supérieur est de retenir sa respiration. Puis, il lâche un son indescriptible.
Tous les cartons de ce deuxième aller-retour sont dans l'appartement. Il ne reste plus que les gros meubles.
— Effectivement. Porter un canapé seule serait une performance incroyable de votre part. Malheureusement, je doute même avoir la force nécessaire pour vous aider.
Nous ne sommes pas dans la merde. Si même lui doute de sa capacité physique, nous n'irons pas loin.
C'est vrai que ce matin, mes trois voisins, très costauds ont porté ces meubles.
— Le canapé est plus léger que vous l'imaginez, indiqué-je.
Le directeur général monte dans le camion. Il se met à côté du canapé et tente de le lever. Il y parvient un peu. Les deux pieds gauches se détachent du sol.
— C'est vrai, constate-t-il. Je préfère cela dit demander de l'aide. Ne bougez pas.
Où veut-il que j'aille ?
En l'attendant, je pousse la commode d'Émilie sans ses tiroirs. Les retirer a rendu la tâche, de porter le meuble, plus facile.
Monsieur Morant revient peu de temps accompagné de deux hommes. L'un est deux fois plus costaud que lui, l'autre est plus petit et fin. Le premier homme me dit quelque chose. Je suis certaine de l'avoir déjà croisé dans les couloirs de Morant Magazine. Quant au deuxième, non, je ne l'ai jamais vu.
— Voici Simon, graphiste, et Emmanuel, community manager. Ils travaillent tous deux au sien de l'entreprise.
Le grand costaud s'appelle donc Simon. Maintenant que j'ai son prénom, ça me dit quelque chose. Je l'ai croisé une ou deux fois à la pause devant la machine à café.
— Bonjour, le boss nous a dit qu'une dame est en détresse ! lance Simon en se penchant vers l'intérieur du camion. Oh, ça va. C'est un jeu d'enfant !
Facile pour lui de dire ça ! Cet homme est une bête musclée qui me dépasse de trois têtes.
— En détresse ? siffle Matthieu Morant. Dis donc, je précise qu'elle a déjà tout emmené seule !
Qu'il me soutienne me met du baume au cœur. Il aurait pu ajouter une couche, se moquer de moi. Au lieu de cela, il montre que je ne suis pas aussi faible que le graphiste l'imagine.
Ce dernier est impressionné. Il tape alors dans ses mains, signifiant l'heure de commencer.
Je n'ai rien à faire. Strictement rien. Les trois hommes se chargent de tout et écoutant mes consignes. La rapidité avec laquelle ils bossent m'impressionne. Finalement, d'ici une heure, tout sera fini !
— La table va dans la cuisine, indiqué-je en fermant les portes du camion. Mais vous pouvez la laisser dans le couloir, je la déplacerai.
— Hors de question, refuse Emmanuel.
Les aller-retours se sont enchaînées et aucun des hommes n'a râlé. Ils ont tous été aimables et de bonne humeur. Je sais déjà sur qui compter si jamais j'ai un souci !
Pour les remercier, je les invite à boire une bière. Elles sont toutes dans ma glacière. Emmanuel refuse, sa femme l'attend pour souper. Quant à Simon et Matthieu, ils acceptent avec plaisir. Nous nous installons à même le sol de mon salon, en cercle. À mon côté droit, mon patron et à ma gauche le graphiste. Mon dos – et celui de Matthieu – est collé contre le canapé que les hommes ont placé plus tôt.
Émilie est dans sa chambre, ravie de pouvoir déballer certains de ses cartons. Elle a déjà sa commode et son lit de montées. Nous l'entendons arracher les scotchs et chanter une chanson inconnue. L'entendre de meilleure humeur me rassure. J'ai cru un instant qu'elle resterait bloquée sur l'erreur de mon patron.
Les bières sont fraîches et font du bien. Nous profitons de ce moment de détente en discutant de tout est rien. Enfin, notre patron est en retrait. Il nous écoute d'une oreille distraite en buvant.
— Vous aussi le patron vous a proposé l'appart très vite ?
— Euh, oui... Il a compris que j'avais des petits soucis et m'a proposé ce logement avec l'appartement.
Monsieur Morant se contracte. Ses doigts serrent la bouteille en verre, à tel point que les jointures deviennent blanches.
— Tout s'explique, marmonne-t-il.
Je passe outre. Je crains de tout dévoiler bêtement. Mieux vaut changer de sujet.
— Moi, ça fait deux ans qu'il m'a fait le coup, dit Simon. Et depuis, pas question de changer de poster. Cet immeuble est super. Je m'y plais vraiment. Comme tous les habitants, je suppose.
Je n'en doute pas. Le silence est paisible. La vue incroyable. Quant à mon voisin... oh, non je ne préfère même pas y penser. Je sens que je vais commettre des bourdes. Style le croiser sur le palier en pyjama en sortant les poubelles !
— Je vous laisse, nous annonce Simon en se levant. Merci pour la bière. J'espère qu'on se recroisera au boulot. Et n'hésite pas, je suis dispo pour tout, peu importe l'heure.
Pour tout. Cela résonne étrangement à mes oreilles. Lorsqu'il m'envoie un clin d'œil, je comprends la signification de ses mots. TOUT.
Oh super.
C'est vrai qu'il est mignon. Grand, fort, sourire charmant et yeux verts rieurs. Simon est un homme intriguant. Cependant, je n'ai pas la tête à ça.
Nous remercions le graphiste, qui s'en va guilleret.
— Merci beaucoup pour votre aide. Sans vous, je serais en train de galérer !
— C'est un plaisir. J'espère qu'avec cela, nous repartirons à zéro.
J'avale une gorge du liquide frais et me tourne dans sa direction. Ses yeux sont fixés sur les piles de cartons face à nous. Mon écriture sur les côtés est immonde. J'ai un peu honte qu'il remarque à quel point j'écris mal.
— Repartir à zéro ?
— Vous êtes d'accord avec moi si je dis que notre relation a mal commencé ?
J'acquiesce, silencieuse.
Faut dire qu'il a fait preuve d'une impolitesse à toute épreuve.
— Je n'ai jamais voulu vous blesser ou vous agresser, explique-t-il avec sérieux. Avec le recul, j'ai conscience que mon comportement a dépassé les limites et je suis ravi que vous m'aillez donner une seconde chance.
Ma tête remue légèrement.
— Et je suis contente que vous ne pensiez pas un mot de... enfin, ce que vous aviez dit au téléphone.
Le DG rigole entre deux gorgées de bière.
— C'est vrai que j'y suis allé un peu fort, plaisante-t-il. Je voulais prouver mon mécontentement. Normalement, le DRH se charge des entretiens. Quand mon père m'a ordonné de vous recevoir, alors que j'avais une montagne de boulot, j'étais un peu... en colère.
Il marque une longue pause durant laquelle il termine sa bouteille. Je fais de même en réfléchissant à ses propos.
Donc, dès le début, mon destin était tracé. Monsieur Tom Morant désirait que je sois embauchée. Peut-être a-t-il eu vent de mon prénom sur la liste des rendez-vous et qu'il a ensuite mené son enquête sur mon nom de famille ?
— On va dire que j'avais plus important à faire, continue-t-il moqueur. J'ai cru que c'était un moyen de sa part pour qu'on se rencontre. Me présenter sa maîtresse ou sa future femme ainsi est tout à fait plausible venant de lui.
Je suis étonnée. Ma mâchoire est décrochée. Je prends le temps de détailler Monsieur Morant. Est-il en train de plaisanter ? Ou dit-il la vérité ? Non ses traits sont fermés. Il est sérieux.
La différence d'âge entre son père et moi est flagrante. À quel moment a-t-il pu imaginer cela ? Moi, sortir avec son père ? Oh, je tressaille rien que d'y penser.
— Je vous rassure, je ne connais pas personnellement votre père.
— Je l'ai compris quand il s'est trompé sur votre prénom, le lendemain. Caroline et Erica ne sonnent pas pareil, n'est-ce pas ? Mais assez parlé ! Je file.
Erica ?
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Comment Tom Morant pourrait-il connaître le prénom de ma mère ? Cela fait bien six ans que je ne l'ai pas revu. Elle n'a été mentionnée dans aucun article parlant de l'accident de la bijouterie.
Tandis que je réfléchis à des milliards de possibilités, Matthieu se retire. Je le remercie pour la dixième fois et ferme la porte, m'enfermant avec des questions plus folles les unes que les autres.
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