Chapitre XXIX


- Oh bon sang, elle me l'a mise de mauvaise humeur, s'exaspéra Raessah qui se trouvait à ce moment là en plein milieu d'une conversation avec Callie.

Les deux femmes, malgré leur relation qui d'extérieur pouvait paraitre très froide et rabaissante pour Callie, étaient très complices et partageaient les mêmes passions, celle pour l'art notamment. Raessah respectait la jeune femme et l'admirait dans un sens pour sa capacité à se soumettre tout en n'ayant pas froid aux yeux. Elles rompaient souvent leur contrat afin de se permettre de « respirer » et de découvrir d'autres personnes, d'autres horizons, mais le fait était qu'elles se sciaient parfaitement, et que ce besoin devenait de moins en moins présent. Elles avaient finis par le comprendre. Elles ne formaient pas un couple, ne parlaient pas d'amour mais plutôt d'affection, de respect et de confiance. C'était particulier et sans doute étaient-elles les seules à pouvoir comprendre la manière dont leur relation fonctionnait mais ça leur allait et c'était l'essentiel.

Le visage dur et la mâchoire serrée, Kendall avait traversé le séjour sans leur adresser un seul regard. Raessah ne connaissait que trop bien ce visage crispé et cette démarche robotisée.

- Nous restons déjeuner Babygirl. Vois avec Jack ou Anna, ils mettront un menu à ta disposition pour voir ce que le chef de la maison peut nous préparer. Le devoir m'appelle, ponctua Raessah avec un air faussement sévère.

Après ces mots, Raessah suivit rapidement les pas de Kendall. L'afro-américaine sursauta lorsque son amie claqua violemment la porte de son salon privée, elle soupira avant de l'ouvrir doucement, à quelques secondes d'intervalle.

La scène à laquelle elle assista la laissa confuse et dubitative. Kendall, son amie, au sang froid inégalé et quasiment imperturbable, avait ses mains contre son visage, comme si elle cherchait un peu d'oxygène contre ses paumes. Raessah, dans un soupir, referma la porte derrière elle avant de s'adosser contre celle-ci. Elle observait Kendall toujours dans sa position de détresse. L'amie sentait qu'une fois encore, comme l'autre jour lors de leur dîner, Kendall perdait le contrôle. C'était la seconde fois qu'elle assistait à ce type d'épisode, sur un laps de temps aussi court, elle s'en inquiétait de plus en plus.

Après quelques secondes à observer Madame Jones, les bras croisés, Raessah fit rebondir ses lèvres parfaitement glossées l'une contre l'autre avant de traverser le salon aux couleurs chaudes et de prendre place sur l'un des imposant fauteuil taupe en daim de cette pièce. Dans cette dernière se trouvait simplement un autre fauteuil du même genre, des poufs sophistiqués, de grandes plantes imposantes et de petites tables en verre. Cela donnait un ensemble cosy et minimaliste très charmant.

- Puis-je être au courant de ce qu'il t'arrive chérie afin de pouvoir partager ta peine ? Demanda Raessah les jambes croisées, avec son sarcasme habituel.

Au bout de quelques secondes, Kendall Jones frotta ses paumes sur son visage avant de finalement libérer ce dernier, pâle. Les épaules tendues, elle finit par prendre place sur le second fauteuil, les coudes sur ses genoux, le dos vouté. Une colère glaciale bouillonnait en elle, elle détestait lorsque ce qu'elle ressentait la dépossédait autant de son self-contrôle, elle voulut hurler, frapper quelque chose. Kendall ne se souvenait pas quand était-ce la dernière fois qu'elle avait ressentis quelque chose d'aussi désagréable au creux de sa poitrine. Toutes ses pensées convergeaient vers les paroles d'Atlantis et les ressasser accentuait le sentiment d'amertume qui envahissait chaque paroi de son corps. Elle avait peur, car il semblait y avoir un lien entre Atlantis et Arya qu'elle ne pouvait contrôler et cette perpective lui donnait des envies de meurtres.

- Je crois que j'ai besoin d'un verre, autrement...

- Non, l'interrompit durement Raessah avant de planter froidement ses iris noires dans celles froides de Kendall.

Elles se regardèrent longuement avant que les épaules de Kendall ne se crispent davantage et qu'elle ne serre la mâchoire. Madame Jones savait bien que ça n'était pas une bonne idée, et qu'elle ne pouvait se permettre un autre dérapage, Marc et son père lui avait passer un savon à ce sujet et elle savait qu'elle ne pouvait replonger, cette fois-ci elle ne se relèverait pas. Mais c'était si tentant, il y avait dans cette liqueur, comme un élixir qui pouvait capter toute la douleur et la dissiper.

- Atlantis souhaite diner avec Arya Miller, annonça soudainement Kendall Jones comme pour faire taire cette pulsion montante qui faisait vriller ses neurones.

Parfois son obsession pour Atlantis l'effrayait. La fille Jones savait qu'elle avait atteint un point de non retour la concernant, elle le savait car elle se retenait de verrouiller toutes les issues de son appartement simplement pour l'empêcher de rencontrer Arya. La seule chose qui l'en empêchait était la crainte d'effrayer Atlantis.

Raessah qui ne comprit pas d'emblée en quoi cette annonce pouvait mettre son amie dans un tel état d'énervement fronça les sourcils. Naturellement elle n'ignorait pas qui était Arya Miller, une très bonne amie de Marc Jones. Elle se souvenait d'ailleurs qu'une fois les parents de cette dernière avait fait une importante donation à sa fondation d'art. Elle connaissait par ailleurs l'agence de renommée dans l'événementiel que dirigeait Naïra Miller et qui était reprise par sa jeune petite protégée : Atlantis. Petite protégée qui était en fait une très proche amie de sa fille. Ça, c'est ce qu'elle connaissait des Miller, mais elle avait en plus pu comprendre lors de ses discussions avec Kendall que le fort lien d'amitié qui liait Arya et Atlantis la dérangeait, ce qui ne l'avait pas étonné en raison du caractère très possessif de Kendall. Simplement elle pensait qu'il s'agissait encore du coté très vieux jeu de son amie, elle n'avait pas compris que ce ressentiment était réellement fondée.

Raessah leva les yeux au ciel, avant de passer une main parfaitement manucurée dans ses cheveux coiffés en arrière dans un effet mouillé.

- Oh, bon sang, jura t'elle. Tu n'aurais pas simplement pu te contenter de te lancer dans le conventionnel ! Non, il fallait bien sûr que tu te retrouves au coeur d'une espèce de triangle amoureux.

Kendall fusilla son amie du regard. Le jeune femme noire pinça les lèvres en réprimant son envie de rappeler à Kendall que ce genre d'histoire n'était pas faite pour une femme comme elle.

Les coudes toujours sur ses genoux, Kendall avait elle les phalanges de ses mains contre ses lèvres, et le regard plongé dans le vide.

- Kendall, il est particulièrement déstabilisant de te voir autant tourmentée par une femme que tu connais depuis à peine un semestre, déclara finalement Raessah de sa voix mielleuse.

Son interlocutrice grimaça avant de se redresser, sans lui répondre. Raessah inspira pronfondément et laissa un temps de silence s'écouler. Lorsqu'elle estima que ce fut suffisant elle lâcha :

- Bon, Atlantis a donc un rencard ! Aussi dérangeant soit il, il me semble que ça ne sont pas tes affaires, vous ne sortez pas ensemble.

- Ce sont parfaitement mes affaires, ponctua Kendall d'une voix tranchante. Et il en est hors de question, je ne tolérerais pas qu'Atlantis se rende à ce rendez vous.

Les jambes désormais complètement repliées et le visage inexpressif, Raessah ne pu cacher son usure.

- Ou alors sous la condition de la présence de Jack. Ajouta Kendall avec une pointe de détresse dans la voix.

Raessah ne supportait pas de voir son amie si vulnérable.

- Tout ceci est pathétique, et il n'est pas de ton ressort de tenir Atlantis, si l'idée de décliner ce rencard ne lui est pas venue spontanément, le débat est clos, cela ne te concerne pas.

Kendall ressentait encore la violence de l'incertitude, et l'impuissance. Un silence pesant gagna peu à peu la pièce tandis qu'elle laissait le calme regagner son corps froid. Reassah finit par se lever et ouvrir l'une des grandes fenêtres de la pièce avant de sortir un fume-cigarre, une cigarette et un briquet de la poche de sa veste en jean.

D'un regard elle fit comprendre à Kendall que cette pause cigarette s'imposait, Kendall qui ne s'attarda même pas sur ce qui présentement lui semblait être un détails, lança un regard exaspéré à son amie, puis détourna les yeux.

- Quand en es tu arrivée là chérie ? A en trembler de rage pour une femme, ne sachant à peine contenir tes émotions au point de lui d'offrir toutes tes faiblesses ? Lâcha Raessah d'une voix suave en allumant sa cigarette. Où est donc passée la Kendall Jones que je connais ?

La poitrine de Kendall, toujours avachie sur le fauteuil, s'élevait et s'abaissait doucement. Les paroles de Raessah résonnaient de manière lointaine dans son esprit, son amie n'avait pas tord, elle même ne se reconnaissait pas mais que faire, que faire ? C'est toujours ce qu'elle se demandait lorsqu'il s'agissait d'Atlantis.

- Il ne suffit pas de bomber le torse en hurlant qu'une femme nous appartient. Celui qui possède ne doit avoir nul besoin de dire sa possession pour la faire valoir et par ailleurs ça n'est pas parce qu'elle n'est plus ta soumise que tu dois ainsi la laisser te malmener.

Kendall ne régissait pas aux paroles enfumées de son amie, qui exaltait l'air boisé de son tabac par la haute fenêtre, bien qu'elle les entendait et les analysait.

- Et si tu me permet de t'apprendre quelque chose : c'est identique dans une relation traditionnelle comme dans une relation de soumission, la loyauté, la dévotion et...

En libérant la fumée auparavant emprisonnée, Raessah, toujours adossée contre le rebord de la fenêtre à la vue vertigineuse, tourna légèrement la tête vers Madame Jones avant de préciser d'une voix sarcastique :

- Et accessoirement l'amour, dans ton cas : ne se quémandent pas.

Comme sonnée, Kendall ancra ses yeux dans ceux de son amie, elle s'inquiéta du picotement qu'elle ressentit lorsque ces mots retentirent.

Devant la réaction de son interlocutrice, Raessah comprit qu'elle avait touché une corde sensible, bien que très inquiète de cette perspective, elle continua à fumer sa cigarette, dans le calme, un rictus sur les lèvres tandis que Kendall, les yeux désormais clos et le visage blême avait laissé sa tête retombée en arrière, comme accablée par la réalité.

Après un silence et une cigarette écrasée contre un fume-cigarette, Raessah Carlson, approcha de son amie. Placée derrière le fauteuil sur lequel se trouvait cette dernière, elle plaça une main réconfortante sur l'épaule de Kendall Jones avant de se pencher légèrement et de lui souffler doucement :

- Je ne te dirai pas ce que tu dois faire car je sais que tu en as horreur mais si elle te rend aussi faible, rend la aussi faible face à toi. Domine son coeur de la manière la plus viscérale qui soit, et c'est elle qui en viendra à en perdre la raison.

Kendall n'avait pas ouvert les yeux.

- Chaque relation, aussi tendre est ennuyeuse puisse t'elle être, ironisa cruellement Raessah. Est un duel, et mon petit doigt me dit que Kendall Jones ne perd jamais.

Sur ces mots et après avoir tapoté l'épaule de sa meilleure amie, Raessah quitta le salon privée en refermant délicatement la porte derrière elle.

...

Je m'étais liquéfiée sous le poids de ce regard lourd qui m'en disait long.

La bouche sèche et la respiration en suspend je m'étais attendue à faire les frais de la colère froide de Madame Jones, cependant, rien n'était venu. Absolument rien et je crois que ce fut encore pire que si elle avait réagit. L'idée de ne pas savoir qu'elle pensait, ce qu'elle ressentait, et de ne pas pouvoir en discuter avec elle afin de lui expliquer les raisons de cette rencontre m'avait rongé. Je n'avais pas voulu la blesser et encore moins lui donner l'impression que je me jouais d'elle, car ça n'était pas le cas. J'avais juste besoin de tirer les choses au clair. Cependant, je n'avais eu le temps d'expliquer quoi que se soit à Madame Jones car elle s'était retournée et partait d'un pas anormalement normal et calme.

Sous la sentence de ce silence insoutenable, j'avais suivis ses pas.

- Kendall ! Avais-je appelé d'une voix tremblante et inaudible.

J'avais voulus parler fort mais un étau s'était resserré autour de mes cordes vocales. La réalité était que je n'avais même pas le courage de l'affronter. J'étais pétrifiée à l'idée d'être face à sa colère, peut être même : son dégout. Une petite voix m'avait glissé de la laisser se calmer, de ne pas insister tandis qu'une autre m'avait hurlé d'aller la retenir, d'essayer de lui parler.

Je n'avais su quoi faire et son visage de marbre ne m'avait pas vraiment indiqué la marche à suivre.

Après quelques secondes à tanguer sur mes deux pieds, j'avais grogné d'énervement contre moi même, ce que je pouvais être stupide et maladroite !

J'avais finis par aller dévaliser les escaliers en verre qui menaient au séjour comme s'il s'agissait d'une question vitale. A cet instant, j'aurais simplement voulu la rassurer, effacer ce voile impénétrable qui avait reprit place au dessus de ses iris et retrouver le sourire tendre qu'elle m'adressait ces derniers jours et qui me faisait faiblir.

En bas, dans le séjour, toujours aux allures d'exposition, j'avais été rapidement désorientée. Je me rendis compte que j'ignorais où se trouvait Kendall et que je ne connaissais pas cet appartement si bien que ça. Ma petite recherche de détective de l'autre jour m'avait aidé, mais pas vraiment pour le rée de chaussée du Penthouse que je n'avais jamais exploré. Hors mis : le salon, la salle à manger, le couloir de l'entrée - qui menait à l'ascenseur- et la sorte de salle d'attente, je ne connaissais pas vraiment cet espace. Tout le côté cuisine m'étant interdit d'accès, je n'avais jamais cherché à savoir ce qui se trouvait au delà de la salle à manger. C'est justement en approchant de cette dernière que j'aperçus à travers ses portes coulissantes transparentes : Callie, penchée sur quelque chose qui ressemblait à un menu. J'en avais même oublié sa présence ainsi que celle de Raessah. J'allais d'ailleurs offrir une bonne raison à cette dernière de me détester maintenant.

Quand j'avais fais glisser la porte en verre, Callie que j'avais effrayé s'était redressée et après son expression de surprise, elle m'avait adressé un petit sourire plein de compassion. En se levant de sa chaise, cette petite femme menue m'avait déclaré comme si ma détresse se lisait sur mon visage :

- Madame Jones est dans le salon privée, derrière, avec Madame Carlson.

Callie, qui semblait lire assez aisément mon désarroi, me montra une ouverture au niveau de la salle à manger que je n'avais pas vraiment remarqué auparavant, du moins je pensais qu'elle menait sur un espace de rangement mais apparemment non. Cet appartement était un véritable labyrinthe. Cette porte quasiment invisible lorsqu'elle était fermée, donnait sur un large et court couloir. Au fond de celui ci on pouvait apercevoir une porte imposante comme Kendall semblait les aimer, fermée.

Un salon privée. Il allait peut être falloir que je songe à faire cette fameuse visite avec Anna.

Impuissante, j'avais attaché mes longs cheveux en une queue de cheval à l'aide de l'élastique autour de mon poignet avant de m'avachir sur une des chaises en me mordillant la lèvre inférieure, Callie avait à son tour reprit place sur la sienne, pivotant son corps vers le mien.

- Tu penses que je devrais...

Je n'avais pas encore fini ma phrase qu'elle fit non de la tête avant d'amicalement me sourire.

- J'ignore ce qu'il se passe et comment vous fonctionnez mais je pense que tu devrais laisser Madame Jones se calmer et revenir d'elle même à toi.

- Mais Raessah est avec elle, non ? Avais-je rétorqué d'une voix aigüe qui traduisait ma détresse.

Callie avait hoché la tête d'une manière compréhensive.

- Oui et je suis sûre que c'est à ton avantage, avait-elle tenté de me rassurer. Je crois savoir que les colères de Madame Jones sont assez impressionnantes.

Gna gna gna, j'allais finir par croire que Callie connaissait mieux Kendall que moi. Mais d'un autre coté elle n'avait pas tord, j'avais assisté uniquement à une seule de celle-ci et je n'avais pas vraiment envie de réitérer. Cependant concernant le fait que Raessah aller plaider en ma faveur, je n'en étais pas aussi certaine.

J'avais placé ma tête entre mes mains en expirant fortement.

- Ça va aller, avait murmuré Callie en frottant une main amicale sur mon dos par dessus mon pull.

Ouais c'est ça, ça va aller, mais en attendant j'avais envie de me foutre une bonne claque.

- Je suis certaine que vous allez finir par vous comprendre.

J'espère, voulus-je dire mais je n'eus pas la force d'articuler.

J'avais doucement relever la tête, m'étais excusée auprès de Callie avant d'aller regagner la chambre, afin d'avoir un peu de calme et de patienter, sur ses conseils.

...

J'étais allongée sur le dos, les yeux clos, parfaitement étalée sur le lit au matelas incroyablement moelleux de « ma » chambre. J'avais la sensation qu'une voiture avait roulé sur mon corps, l'aplatissant.

Je sortis soudainement de mon état second lorsque l'on frappa à la porte.

Cela faisait au moins une heure que j'étais ainsi allongée, à attendre, à l'attendre. Connaissez vous ce sentiment ? Lorsque vous êtes au cours d'une situation tellement épuisante que vous n'avez la force de bouger, vous restez simplement immobile, sans à peine sentir votre corps.

J'avais hésité à appeler Arya pour annuler notre rencontre, mais j'avais préféré m'entretenir avec Kendall avant, du moins si elle souhaitait bien m'adresser la parole. Et apparement oui, puisque j'étais certaine que c'était elle derrière cette porte.

Je me redressais doucement, le coeur tambourinant dans ma poitrine, je réarrangeais mon chignon mal fait, et frottait mes mains moites sur mon jean avant de lancer d'une voix non assurée :

- Entre !

La porte s'ouvrit automatiquement, et comme je m'y attendais, Kendall fit son entrée, ce fut tellement libérateur de la voir. J'avais l'impression de la retrouver après des mois. J'avais vraiment tout gâché, avec mon obsession à toujours trop sur-analyser les choses en cherchant des réponses à mes questions.

- Tu es chez toi Ken, tu n'as pas besoin de toquer avant d'entrer, dis-je d'une voix qui sonna d'une tonalité bien plus faible que ce à quoi je m'attendais.

Est ce qu'un jour j'arrêterais d'être impressionnée par cette femme ? Combien de temps allait-il me falloir pour me faire à sa prestance ?

Elle ne semblait plus énervée, au contraire son visage paraissait étrangement paisible, ça n'était pas normal. Les bras croisés derrière son dos, Kendall Jones m'adressa un sourire léger.

Je commençais à avoir la chair de poule tant j'appréhendais.

- Je n'irai pas à ce diner Ken, dis-je rapidement.

Elle me scruta.

- Si cela doit être une source de problèmes entre toi et moi, je n'irai pas, dis-je plus faiblement.

Le sourire de Kendall s'effaca, avant qu'elle ne me regarde intensément, sans que je ne puisse lire dans ses iris marrons.

- Il n'y aucun problème Atlantis, déclara t'elle alors d'une voix neutre. Tu es libre de faire ce que tu souhaites.

Je fronçais les sourcils, en déglutissant difficilement. C'était très très bizarre. Kendall s'adossa contre la longue commode gris clair de la chambre avant de continuer :

- Je comprends que tu souhaites explorer toutes les possibilités qui s'offrent à toi, naturellement.

Comme légèrement irritée, une grimace traversa mes traits alors que je réprimais un rire jaune. Enoncer cela de cette manière : c'était très glauque. Et malheureusement, réaliste.

- Aurais-tu besoin de quelque chose en particulier pour ce diner ?

Ce que je ressentais était particulièrement étrange : j'étais à la fois soulagée de voir que nous avions échappé à une énième explosion entre nous mais ce soudain retour de "l'indifférence à la Kendall Jones" me dérangeait au plus au point.

- Non je crois que je vais pouvoir me débrouiller, dis-je alors que c'était désormais le profil de mon visage qui faisait face à Kendall.

Du coin de l'oeil, je la vis croiser les bras sur sa poitrine.

- Conformément aux instructions que j'avais laissé : Jack te conduira et sera à ta disposition.

Je me mordis la lèvre, pourquoi avais-je le sentiment qu'elle me titillait et pourquoi diable ressentais-je toujours le besoin de surenchérir ?

- Tu imagines bien que je me suis pliée à ces instructions uniquement en raison de ton départ précipité mais autrement il est hors de question que j'ai quelqu'un qui te transmette un compte rendu détaillé de mes moindres faits et gestes... Sous prétexte de ma protection, ajoutais-je.

Et l'improbable se produisit :

Kendall leva les mains en l'air, un air désinvolte sur le visage en guise d'abdication. Légèrement sonnée par ce qu'il se passait, je baissais la tête afin de prendre une bouffée d'air frais et de réfléchir de manière rationnelle.

- A quelle heure dinerez vous ? Vint cependant m'interrompre la voix froide de Kendall.

Je haussais d'abord les épaules car je n'avais pas encore vu les détails avec Arya.

- Je ne le sais pas encore mais...

Je pris le temps de réfléchir.

- Je crois que je vais en profiter pour rentrer, j'aimerais passer un peu de temps avec Derreck et ça sera sans doute plus simple pour ce soir. Je me vois mal partir de chez toi, me justifiais-je.

Avec un air faussement étonné, l'index contre ses lèvres, Kendall Jones hocha la tête pour acquiescer.

- Et quand souhaites tu partir Atlantis ?

Je m'humectais lentement les lèvres avant de redresser la tête afin de faire face à Ken. Je détestais la manière dont mon nom avait sonné dans sa bouche, c'était la première fois qu'elle le disait avec autant de froideur.

- Je crois que je-je-je vais y aller maintenant, bégayais-je. J'aimerai aussi faire quelques recherches, tu sais, dans les affaires de mes parents pour essayer d'en savoir un peu plus sur... moi.

Ce fut furtif mais je vis une lueur sombre traverser son regard, juste avant qu'elle ne se redresse et ne pince les lèvres.

- Souhaites tu que l'on te prépare un repas froid à emporter avant que tu t'en ailles ? Me demanda t'elle, avant de se mordre la lèvre comme si cela lui avait échappé.

Je profitais de cet instant de flottement pour me lever du lit, maintenant que mes jambes semblaient moins cotonneuses.

- Je vais me débrouiller, dis-je simplement. Merci.

- Bien, souffla rapidement Kendall. Prépares toi dans ce cas, Jack va te ramener chez toi si tu y consens.

Alors que je m'approchais d'elle, elle quittait déjà la pièce.

C'est clair, il n'y a aucun problème, pensais-je avec amertume.

...

Ma veste sur le dos, mon sac à la main et des chaussures aux pieds, je fis une entrée discrète dans la salle à manger en faisant très doucement glisser la porte coulissante. Lorsque j'avais traversé le séjour, le poids de la culpabilité m'avait accablé.

Je partais alors que quelques heures auparavant Kendall me présentait la plus belle des surprises que l'on ait concocté à mon honneur. J'essayais de me dire que ce que je faisais c'était pour nous, et qu'il valait mieux que je sois honnête avec elle et avec moi sans nier aucune nuance de ma vie compliquée. Mais cela ne suffisait à amoindrir ma culpabilité.

Raessah, Callie - qui était sur ses genoux - et Kendall étaient en plein coeur d'une conversation, je n'eus pas vraiment l'opportunité de savoir à quel sujet puisqu'un silence de plomb sembla faire son entrée à mes cotés.

- Nous avons appris que tu nous quittais déjà Sweetheart, retentît de manière sensuelle la voix de Raessah alors que je tentais de me faire discrète. Puisque tu pars, laissant derrière toi ton chef d'oeuvre, je me demandais si tu nous faisais cadeau de ta petite exposition ?

J'adressai un sourire timide aux trois paires de yeux, dont l'une me brulait la peau.

- Oui.. je-je dois y aller, à vrai dire si je le pouvais je la transporterai jusqu'à chez moi. Répondis-je simplement avant de me tourner vers Callie.

Le regard de Raessah avait le dont de m'intimider et je savais parfaitement que ce qu'elle avait dit visait uniquement à me mettre mal à l'aise.

- Ce fut un plaisir Callie, adressais-je à ce petit bout de femme afin de me sortir de l'emprise de Raessah. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir.

J'appréciais Callie et surtout elle avait l'air de pouvoir m'aider à comprendre Kendall, elle dégageait une telle maturité, je regrettais que nous ayons pu échanger d'avantage. Elle m'offrit son plus beau sourire avant de me lancer :

- Tout le plaisir est pour moi Atlantis, et se serait un plaisir de te revoir si Madame Carslon et Madame Jones n'y voient aucun inconvénient.

Les deux concernées semblèrent approuver, du moins Raessah car Kendall n'eut aucune réaction, j'ignorais si c'était parce que contrairement à Callie je n'avais besoin de son approbation ou si c'est parce qu'elle semblait encore cloîtrée dans son mutisme glacial.

- Je te souhaite de passer une agréable soirée, mes salutations à ton amie. Cracha Raessah d'une voix trop douce pour que cela paraisse innocent.

Je me retins de lever les yeux au ciel tandis que Kendall avait foudroyé son amie du regard et que Callie n'avait pu cacher sa confusion.

J'évitais le regard de cette dernière et après mes au revoir à Raessah, la main agrippée d'une manière vitale à la bandoulière de mon sac, mes yeux se plantèrent dans ceux francs de Kendall, elle se leva alors, sans doute afin de m'escorter vers la sortie.

- J'ai pensé à te raccompagner jusqu'à chez toi. Entama t'elle tandis que nous marchions dans le couloir, vers l'ascenseur.

Je lui souris légèrement.

J'étais étrange comme femme, je préférais partir maintenant parce que je trouvais plus sain de ne pas mêler Kendall à mes histoires avec Arya mais d'un autre coté je ne voulais pas vraiment m'éloigner d'elle. Je ne pouvais pas rester mais je ne voulais pas vraiment partir, je pensais d'ailleurs même à quand nous allions nous revoir. J'avais sans doute un petit coté schizophrène car je savais bien que le diner de ce soir allait d'une manière ou d'une autre foutre le bordel et que tout devenait donc incertain.

- Seulement j'ai des invités, contre-balança Kendall alors que nous étions devant l'ascenseur.

Face à elle, je pinçais les lèvres.

- Bien sûr, observais-je devant son visage neutre.

J'avais l'impression qu'elle l'avait fais exprès, mettre l'idée dans mon esprit, me laisser me l'imaginer pour ensuite me la retirer brutalement. Je ne relevais pas, de toute manière j'étais bien trop mal placée à ce moment là pour le faire.

- Merci infiniment pour...

Je sentis ma respiration s'accélérer légèrement, et devant moi je vis la mâchoire de Madame Jones se contracter et ses poings se serrer légèrement.

- Tout, tout ce que tu fais pour moi, pour ton accueil et ton attention, je ne saurais jamais assez te remercier.

Après de brèves secondes d'hésitation, je m'approchais d'elle. J'ignorais encore ce qui était le plus approprié mais je suivis mes envies puisque je ne savais pas quand est ce que nous nous reverrions. Mes envies me dictaient que je devais prendre un peu de ses lèvres. J'avais aussi besoin de me rassurer en m'assurant que j'avais encore ce droit.

Nos visages à quelques centimètres, je le lui fis comprendre, mais elle ne sourcilla même pas. Kendall était figée devant moi, son regard horriblement inexpressif. Malgré cela, je me mis sur la pointe des pieds afin de déposer un baiser sur ses lèvres. Toujours aucune réaction, c'était horrible, cette absence.

Fébrile, je reculais, elle détourna alors le regard comme si ma vue lui était insupportable.

- Jack, appela t'elle alors.

Il apparut, comme par magie, de la « salle d'attente », elle, tourna les talons devant mon expression déconfite.

C'était elle la fugitive professionnelle maintenant.

...

- Il me faut une bouteille, et personne ici n'a intérêt à essayer de m'en empêcher ! Aboya Kendall Jones, d'une voix tranchante, en retournant vers la salle à manger.

...

Peu importe comment l'on peut se sentir bien quelque part, être chez soit procure toujours quelque chose de très particulier. Malgré ma tristesse concernant mon départ étrange de chez Kendall j'étais ravie de retrouver ma chambre et accessoirement mon grand frère que j'avais interrompu en pleine séance de méditation. C'était la première fois que je le voyais en faire.

Lorsque j'avais pénétré notre appartement, que je l'avais aperçu, lui et son air toujours paisible et zen, je n'avais pu contenir l'immense bouffée de bien être qui m'avait gagné.  Je cédais à la tentation et l'avais interrompu en me jetant sur lui. Tout ce bonheur ça n'était pas simplement le fait de le retrouver après être restée plusieurs jour sans l'avoir vu, c'était : le bonheur de savoir que j'avais toujours mon frère, qu'on ne m'avait pas enlevé ça, peu importe quel était le sang qui coulait dans nos veines.

- Moi qui allait te piquer une crise parce que tu ne m'as presque pas donner de nouvelles de ton séjour, je crois que tu viens de rattraper le coup ! Avait dit mon grand frère, hilare, alors que nous nous étions retrouvés par terre, sur le tapis suite à mon étreinte énergique.

Retrouver Derreck m'apaisa, énormément, sans doute parce qu'il me contraignit à aller me changer afin d'enfiler un leggings et un débardeur pour le rejoindre dans son cours de médiation. Mon frère se prenait désormais pour un magna de la zen-attitude, c'était drôle à voir bien que ça n'était pas étonnant puisque c'était son tempérament naturel.

Ainsi je me retrouvai durant au moins trois quart d'heure, assise en tailleur, les yeux fermés à inspirer et expirer fortement, je mis du temps à me vider l'esprit. En fait, je n'y parvins pas, j'étais trop occupée à me demander s'il était trop prématuré ou non de parler de cette histoire d'adoption avec Derreck, sauf qu'avant ça, j'avais déjà besoin de savoir s'il allait mieux ou non, de discuter avec lui par rapport à...

- J'ai rencontré quelqu'un, nous sommes ensemble depuis un certain temps en fait, mais je ne suis pas encore prêt à..

La voix de mon frère m'avait violemment extirper de mes pensées. Etant donné que j'étais assise à mètre coté de lui, je dus tourner la tête afin d'obsserver son visage. Derreck Kayslar avait toujours les yeux fermés et contrôlait parfaitement sa respiration, mais ses traits semblaient soucieux. Je n'étais visiblement pas la seule à ne pouvoir contenir mes pensées.

- Te présenter cette personne, lâcha t'il finalement.

J'étais si contente pour lui ! Et puis je m'en doutais depuis un moment, j'attendais juste qu'il m'en parle.

- Ce n'est pas grave D ! Prends le temps qu'il te faut. Ce qui compte pour moi c'est ton bonheur alors ne brûle aucune étape, si tu l'as choisis c'est qu'elle est certainement parfaite pour toi, assurais-je.

Un sourire prit place sur ses lèvres.

- La dernière fois si je suis partis c'est parce que notre couple n'allait pas très bien, et j'ai...

Il expira durant de bonnes secondes, avant de continuer :

- Péter les plombs.

Je m'étais douté que si mon frère été partis de cette manière c'était que quelque chose de grave c'était produit mais le fait de l'entendre le formuler, m'affola. Ça n'était pas son genre d'être aussi submergé.

- Pourquoi tu ne m'as pas appelé Derreck ?  Lançais-je en me plaçant accroupis devant lui.

Il ouvrit les yeux, découvrant sans doute mon visage inquiet.

- Tu sais que tu le peux, hein ? A n'importe quel moment, pour n'importe quoi, même si tu ne veux pas m'expliquer les raisons de ta peine, je te réconforterai toujours.

Mon frère m'offrit son sourire ravageur avant d'attraper mon visage entre ses mains et de me baiser très affectueusement le front.

- Je sais, murmura t'il, personne n'est plus importante que toi à mes yeux Lantis.

Mon coeur se serra et les larmes me montèrent aux yeux.

- Tu te souviens de ce que maman disait ? Enchaîna mon frère en m'attirant contre lui, j'en profitais pour me placer assise près de lui, sous son bras protecteur.

- Même Dieu ne doit pouvoir se dresser entre vous, dîmes nous en coeur avant d'échanger un regard empli d'amour.

Je souris contre le torse de mon frère, sa chemise en lin sentait notre lessive, c'était agréable, familier.

- Il semblerait bien que quelqu'un se soit dressé entre nous ce jour là puisque ça n'est pas moi qui t'ai fais revenir, l'accusais-je. Darren me pique mon frère !

Derreck en s'écartant légèrement prit un air ahuris, je pris un air faussement innocent, nous rigolâmes. Mon grand frère me resserra ensuite contre lui et le regard légèrement perdu il m'avoua :

- Tu sais, ça n'est pas Darren qui m'a retrouvé ce jour là, c'est..

Il sembla hésiter.

- C'est une personne très compréhensive et qui a su trouver les bon mots.

En disant cela, mon frère avait exercer une légère pression sur moi avec son bras. Je relevais le nez afin de lui adresser un petit sourire, qui qu'était cette personne je lui en étais infiniment reconnaissante.

- Bon, bah c'est encore pire ! M'exclamais-je pour l'embêter. Pour Darren j'aurais pu faire une exception mais là c'est ce qu'on appelle de la haute trahison.

Mon frère me poussa légèrement afin de me déséquilibrer pendant que je me relevais afin d'aller nous commander de quoi manger.

- Tu veux parler de trahison ? T'étais où ces deux jours et demi déjà ?

Je gloussais en m'éloignant.

- LOIN DE TON INCROYABLE GRAND FRERE ! Hurla t'il en sautant sur mon pauvre petit corps par derrière.

Il m'avait manqué.

...

Après que nous ayons engloutis deux énormes hamburgers chacun, D accepta ensuite de se plonger, avec moi, dans les affaires de mes parents que nous avions amener avec nous de notre maison familiale en Australie après la période de deuil.

- Depuis quand est ce que tu manges autant ? S'était moqué mon frère, habitué à ce que je mange en petite quantité.

J'avais d'ailleurs sans doute été trop gourmande, car maintenant, assise devant les trois cartons qui réunissaient ce que Derreck et moi avions choisis de garder de mes parents, ici à New-York, j'avais l'impression d'être sur le point d'exploser.

Alors que j'ouvrais déjà les cartons, mon frère balança un coussin par terre et vint s'assoir près de moi.

- Tu es sûre que ça va aller ? Demanda t'il en m'observant.

Je savais à quoi il faisait allusion, nous ne nous replongions pas souvent dans tout ça. En temps normal je ne l'aurais d'ailleurs sans doute jamais fais, tant j'évitais de ressasser la douleur, mais aujourd'hui j'en avais le courage car je devais comprendre.

- Oui D, mais si c'est trop difficile pour toi, je comprendrai, le rassurais-je.

Mon frère sembla réfléchir quelques instants, un air de tristesse traversa furtivement ses traits mais il finit par me sourire tristement avant d'ouvrir l'un des cartons à son tour.

Ce qui m'intéressait le plus c'était les photos, mais également la mémoire de Derreck, parce qu'il était mon grand frère et que qu'il devait avoir certains souvenirs. J'avais du mal à imaginer comment il pouvait ne pas être impliqué dans cette histoire, ou du moins informé car malgré le fait que notre écart d'age n'était pas très grand, une petite sœur n'apparaît pas de manière soudaine dans une vie.

Si Derreck était impliqué, j'ignorais comment je pourrais encaisser cette nouvelle.

- Est ce qu'on cherche quelque chose en particulier ? M'interrogea mon grand frère, me voyant fouiller énergiquement dans le carton.

- Les photos de grossesse de maman, lui indiquais-je.

Il fronça les sourcils avant de se pencher légèrement vers le carton que nous n'avions pas encore ouvert, il le fouilla et en extirpa un grand album avant de me le tendre.

Les photos étaient ordinaires et très mignonnes, à un détail près, sur aucunes des photos on voyait le ventre de ma mère nu, ce dernier était toujours sous un vêtement, et les photos de ma grossesse n'allaient pas jusqu'au terme de celle-ci, elles s'arrêtaient environs au 6e moi de grossesse. Ce détail était assez étrange lorsque l'on comparait cet album à celui de la grossesse de mon frère où les photos étaient bien moins pudiques. Je n'aurais jamais remarqué cette nuance auparavant mais aujourd'hui cela me paraissait cohérent avec la réalité que j'avais découverte. Ce que je ne comprenais pas c'est pourquoi cette supercherie, quel intérêt ?

- Tu te souviens de la période où maman était enceinte de moi ? Tentais-je en feuilletant délicatement l'album.

- Non pas énormément, j'étais encore petit et puis durant la dernière partie de sa grossesse maman était partie en retraite spirituelle en Inde, seule. M'expliqua mon frère d'une voix lointaine.

Il était lui même plongé dans les carnets de mon père, tandis que j'étais suspendue à ses lèvres.

En Inde, dans mon dossier j'avais lu New Dehli, c'était cohérent, je venais donc de là ?

- Je crois que si je me souviens bien quelques heures après le retour de maman de sa retraite, papa a du l'amener à l'hôpital parce qu'elle ressentait des contractions, et j'ai passé deux trois jours chez Rosie le temps de l'accouchement. Et quand maman est rentrée à la maison elle avait un gros bébé dans les bras.

J'adressais une tape à mon frère en riant, il me tira la langue en continuant à parler du gros bébé que j'étais. Je l'écoutais attentivement, les sourcils froncés, essayant de lire entre les lignes. Ça collait, cette histoire de retraite spirituelle avait du être une excuse, puisque ma mère n'était visiblement pas véritablement enceinte, il avait donc bien fallut que mes parents trouvent une parade afin de justifier l'arrivée d'un enfant. Une fois encore je me demandais pourquoi ils s'étaient donné tant de mal, n'aurait il pas été plus simple de faire tout cela en toute transparence ? Hélas, je ne pouvais pas leur poser ces questions.

- C'est étrange, papa et maman ne m'ont jamais vraiment parlé de tout ça, relevais-je en repliant l'album que je tenais afin d'en sortir en autre. Et tu te ne te souviens pas de, je ne sais pas, quelque chose en particulier sur cette période ?

Derreck reposa dans un carton un tas de lettres appartenant à nos parents avant de s'allonger à même le sol, et de déposer sa tête sur l'oreiller. Devant son visage perplexe je précisais :

- Est ce qu'il s'est passé quelque chose en particulier à cette période, quelque chose qui t'a marqué ?

Derreck fronça les sourcils et sembla réfléchir mais fini par faire une moue qui signifiait que rien ne lui venait à l'esprit.

- Hum, non Lantis, je crois que cette période était juste platoniquement heureuse, ironisa t'il les sourcils haussés.

Comme de coutume et comme s'il pouvait lire en moi, Derreck commença à me fixer avec bien trop de sérieux, je m'empressais donc de rétorquer avec une voix éxagéremment enthousisate :

- Et comment ne l'aurait elle pas été avec une bouille comme la mienne !

Mon grand frère rigola avant de laisser sa tête retomber en arrière, mais il n'était pas dupe pour autant, il se redressa afin de me demander :

- Quelque chose ne va pas Lantis, tu cherches quelque chose de spécifique ?

Oui, aurais-je voulus dire mais maintenant que je l'avais vaguement interrogé, je connaissais assez bien mon frère pour savoir qu'il ne savait rien de cette histoire et je ne voulais pas l'y embarquer tant que je n'aurais pas toutes les réponses à mes questions.

- Je pense que je suis juste dans la période de mon deuil où j'ai besoin de me sentir proche d'eux, dis-je d'une voix que j'espérais rassurante en repoussant légèrement le carton afin d'étaler mes jambes.

En m'adressant un sourire plein de compassion mon frère pressa tendrement ma main.

- Je comprends, dit il d'une voix douce. Et si jamais tu veux des réponses plus claires que mes souvenirs flous sur cette période, tu pourrais essayer d'appeler notre voisine Rosie,  maman et elle étaient assez proches.

Je hochais vivement la tête afin de dire oui, cela me serait d'une grande aide. J'eus à peine le temps de formuler une phrase de remerciement que j'entendis mon téléphone vibrer, je bondis, avant d'aller fouiller mon sac pour l'en extraire.

C'était sans doute Kendall, je ne lui avais pas envoyé de message depuis mon retour, enfin c'est ce que j'espérais.

Ca peut aussi tout simplement être Arya, puisque vous ne vous êtes pas coordonnées pour le diner de ce soir, se moqua méchamment une voix dans ma tête devant ma déception en lisant le nom de ma meilleure amie.

- Arya, soufflais-je doucement en tournant le dos à Derreck. Excuse moi, je viens de voir tes appels mon téléphone n'était pas près de moi.

- J'ai cru que tu...

Je passais une main nerveuse sur mon visage. Je savais ce qu'elle avait cru.

- Peu importe, je voulais juste te demander si le fait que Devson passe te prendre à...

Elle s'interrompit.

- Là où tu es. A 19 heures  ?

Je pinçais les lèvres.

- Je suis rentrée ne t'en fais pas, dis-je d'une voix légèrement irritée. Où est ce que qu'on dîne ? Enchainais-je afin de ne pas penser à Kendall.

Je devinais son sourire malicieux sur ses lèvres lorsqu'elle déclara, avant de raccrocher :

- Tu es ma princesse ce soir Atlantis, alors je veux que tu ne te préoccupes de rien.

Légèrement sonnée et déstabilisée par ses mots, je mis plusieurs secondes à me retourner vers Derreck qui m'observait avec une mine dubitative, cette dernière disparut lorsque je me mis à soudainement effectuer quelques pas de danse pour calmer ma nervosité. Hilare il déclara :

- Ravi de constater que les choses se sont arrangées entre les deux femmes préférées de ma vie.

En achevant ma petite choré je me laissais retomber sur mon lit, la phrase de mon frère résonna dans ma tête et je me souvins de quelque chose qui me tracassait concernant Arya. Car on ne pouvait m'enlever de l'esprit que le fait qu'Arya et mon frère soient sortis ensemble et que maintenant Arya et moi soyons dans le flou concernant notre relation, était extrêmement bizarre. C'est à ce moment que je sentis mon frère venir s'assoir sur le lit à son tour et comme s'il avait lu dans mes pensées il déclara d'une voix pleine de précautions :

- Atlantis, je sais que tu risque de m'en vouloir et que tu ne vas sans doute pas comprendre mais Arya et moi ne sommes jamais sortis ensemble.

Je m'étais vivement redressée en plantant des yeux sans doute énormes et perdus dans ceux de mon grand frère.

Quoi ? Et puis pourquoi est ce qu'il me disait ça maintenant ?

- J'ignore pourquoi mais Arya m'a fais promettre de t'en parler avant ce soir, précisa t'il avant de tourner la tête, honteux. Je t'expliquerais tout une autre fois mais s'il te plait oublie ça, au moins pour l'instant.

Je pinçais les lèvres, en suppliant mon frère du regard de m'annoncer que c'était une simple mauvaise plaisanterie. Mais devant sa tête baissée, et sa mine déconfite, je compris que ça n'en était pas une.

- Je suis vraiment désolée, j'ai utilisé Arya et je lui ai demandé de mentir à tout le monde, elle n'y est pour rien, et l'a fais uniquement dans le but de me couvrir.

Au bout de quelques minutes, je déglutis difficilement et avalais ses paroles en me laissant de nouveau retomber sur mon lit, les yeux clos. Mon frère eu, au moins, la délicatesse de s'éclipser afin de me laisser seule.

...

Atlantis portait une longue robe noire très sobre ainsi que des sandales à talons à lacet, elle ne s'était pas beaucoup maquillée, juste suffisamment pour paraitre élégante. Il avait été particulièrement étrange pour elle de s'apprêter afin d'avoir un rendez vous galant avec Arya et cette problématique lui avait valut de prendre temps fou pour s'apprêter. Sans compter le fait qu'elle n'arrêtait pas de penser à Kendall qui n'avait pas répondu au message qu'elle lui avait envoyé :

« Ken, je suis bien rentrée, merci encore pour ce séjour. Peut on s'appeler plus tard ? Bisous »

Le message avait été distribué, et Kendall l'avait lu. Atlantis se demandait si elle n'avait pas fais une grosse bêtise et définitivement tout gâché. Perdue et angoissée, elle avait finit par se dire que quitte à faire quelque chose autant le faire une bonne fois, qu'elle ne pouvait pas avoir accepter de rencontrer Arya ce soir et de rester bloquée sur Kendall, ça n'était pas comme ça qu'elle aurait des réponses à ses questions et ça n'était pas non plus en partant avec des aprioris négatifs.

Ainsi Atlantis avait enfoui son appréhension, en se disant qu'elle avait un rencard avec une personne qu'elle connaissait parfaitement et que ça ne pouvait que bien se passer.

Suite aux révélations de son frère, elle se posait plusieurs questions, ça ne ressemblait pas à Derreck de mentir et d'utiliser les gens, mais elle savait son frère incapable de faire quoi que se soit pour faire mal à quelqu'un alors elle espérait au plus profond d'elle même que cette histoire serait rapidement tirée au clair, elle savait qu'elle ne pourrait s'empêcher de demander des explications à sa meilleure amie mais elle s'était promis de ne pas laisser cette révélation tout gâcher, en un sens il y avait une part de positif dans tout ça.

Avant de quitter l'appartement Atlantis avait simplement dit au revoir à son frère, qui fuyait son regard. Elle ne comprenait pas quand est-ce que sa vie était devenue aussi fausse et remplie de secret, elle qui avait toujours cru avoir une vie des plus simples.

Ce diner c'était très étrange pour Atlantis, en près de six mois, elle n'avait fréquenté personne d'autre que Madame Jones et ce soir, elle marchait vers la mercrdes noire de sa meilleure amie qui dans une combinaison noire en satin sublime, l'attendait. Atlantis se sentait toute bizarre.

Arya se mordit la lèvre inférieure en voyant la femme qu'elle courtisait descendre les petites marches au bas de leur immeuble, elle n'avait jamais ressentis un tel niveau d'angoisse, sentant qu'elle avait la chair de poule, elle tentait de calmer sa respiration. Lantis était sublime à en avoir le souffle coupé, Arya avait toujours trouvé dangereusement attirant de la voir les cheveux relevés, ça lui donnait un air malicieux et provocateur.

La meilleure amie d'Atlantis avait vu cette femme des centaines de fois mais elle avait l'impression de la redécouvrir ce soir, de redécouvrir les courbes de cette taille marquée, ses jambes, sous son long menteau noir en laine. Elle la connaissait parfaitement et pourtant elle en voulait plus encore, toujours plus. Elle voulait voir éternellement ce sourire qui irradiait le visage de cette femme qu'elle affectionnait, et pouvoir être celle qui le ferait irradier pour toujours.

...

- Bonsoir, articulais-je avec énormément de difficulté comme si je ne connaissais pas la femme sublime qui se trouvait en face de moi.

Un sourire que je reconnus, celui qu'elle réservait habituellement à ses conquêtes se dessina sur les lèvres d'Arya, je levais les yeux aux ciels. C'était bel et bien ma meilleure amie que j'avais en face de moi.

- Tu pourrais m'épargner ton petit numéro de charmeuse, lâchais-je avec décontraction alors que d'un geste très naturel, ma meilleure amie m'attira doucement contre elle avant de baiser tendrement ma joue. Je connais tous tes rouages Arya.

Ses effluves me pénétrèrent automatiquement, et ses cheveux lâchés et légèrement ondulés qui avaient prit en longueur me chatouillèrent doucement.

- Dans ce cas tu sais aussi que je n'ai jamais regardé personne comme je te regarde.

Nous ne nous étions pas encore écartées l'une de l'autre, et je sentais encore la main familière d'Arya au creux de mes reins.

- Tu es la femme la plus sublime qui soit, déclara t'elle d'une voix suave.

J'eus des frissions, alors même que le vent de ce soir là était agréable malgré le froid.

- Merci, dis-je doucement. Mais je crois qu'on va devoir partager la place sur le podium, dis-je avec la malice qui rythmait habituellement mes échanges avec ma meilleure amie.

Le rire doux d'Arya retentit alors qu'elle m'ouvrit la portière et que je me glissais dans cette voiture dans laquelle j'étais montée des centaines de fois. Je dis chaleureusement bonsoir à Devson, chauffeur d'Arya que je connaissais depuis mes quinze ans.

Lorsque Arya était venue en programme d'échange à Cambera dans mon lycée, elle, Devson et la voiture qu'il conduisait ne passait pas inaperçu sur le parking de l'établissement scolaire. En effet, Arya Miller se faisait conduire dans l'une des plus belle et plus chères de toutes les voitures et pourtant c'était l'un des lycées les plus huppés du pays. Derreck et moi étions dans cette école uniquement en raison de l'héritage familiale de mon père dans lequel il ne piochait exclusivement que pour les frais de nos études. Par conséquent nous n'étions pas au coeur de toutes ces extravagances de gosses de riches de notre école bien que cela ne nous avais jamais mis à l'écart non plus mais cela ne laissait en tout cas pas présager une telle amitié entre moi et la fille qui devint rapidement la plus populaire du lycée en raison de son nom, sa beauté et la richesse de sa famille.

Dans la voiture, Arya et moi n'avions pas moins de proximité que de coutume, c'était d'ailleurs très étrange car j'avais l'impression que tout avait changé mais qu'en même temps tout était identique. Nous nous regardions par moment, ou plutôt je sentais constamment le regard d'Arya sur moi, c'était un regard difficilement descriptible, à la fois très tendre mais ardent, il me retournait le ventre, tout comme ce sourire qui ne quittait pas ses lèvres. Ce qui me troubla le plus fut cette manière dont elle communiquait si aisément avec moi, dont elle ne cachait pas de moi ce qu'elle ressentait, je pouvais lire en elle comme dans un livre ouvert, je sentais son bonheur et c'était simple, facilement déchiffrable, mais apparement pas suffisant car je ne cessais de me demander ce que faisait Kendall, et pourquoi je n'étais pas avec elle à cet instant là.

Toujours d'une manière très naturelle, la main de ma meilleure amie vint trouver la mienne sur mes cuisses, cette dernière était douce, tiède, familière, assurée, comme si elle savait exactement comment s'emboîter à la mienne. La tête tournée l'une vers l'autre, nos regards s'accrochèrent, j'observais le joli visage de mon amie sur lequel passait d'une manière poétique l'ombre du paysage extérieur que fendait la voiture.

- Pourquoi est ce que tu souris ? Me questionna Arya en douceur.

Je me mordis la lèvre inférieur en détournant furtivement les yeux, je sentais une légère chaleur sur mes joues.

- Je ne sais pas, c'est tout ça, c'est très.. étrange, avouais-je d'une voix faible.

Suite à mes mots, Arya s'était un peu plus approchée de moi, elle avait délicatement attrapé mon menton et ramener mon visage vers le sien, tous mes poils se dressèrent.

- Lantis, tu n'imagines à quel point je suis heureuse en cet instant, à quel point j'ai attendu ce moment et à quel point tu m'as manqué ces derniers temps.

Je sentis le rythme de mon coeur ralentir dans ma poitrine, et la chaleur rassurante du corps d'Arya près du mien. La proximité grandissante de nos visages passa quasiment inaperçue, car je ne vis pas venir le fait que le bout de nos nez se frôlaient avec tant d'aisance.

C'était si simple, et agréablement facile.

- Je suis désolée, murmurais-je en faisant allusion à ces derniers mois mouvementés. Je suis là maintenant.

Je pouvais sentir chaque vibration de son corps et maintenant celles hurlantes du mien, surtout lorsque je sentis la main tiède de mon amie remonter le long de la fente de ma robe, lentement. Je retins mon souffle et j'entrepris, malgré mes incertitudes de me laisser guider, séduire et emporter mais c'est là que cela arriva.

C'était comme un flash dans mon cerveau, une image qui d'un seul coup survenait, inondant mon esprit, et tirant la sonnette d'alarme. Kendall Jones, d'un coup, partout, me paralysant, m'asphyxiant, me hantant.

- Ça va ? S'inquiéta d'emblée Arya. Excuse moi, je ne devrais pas être aussi entreprenante. Se confondit t'elle.

- Non ce n'est pas de ta faute, j'ai juste était submergée par mes pensées.

Afin de la rassurer je lui embrassais affectueusement la joue en lui adressant un sourire léger, elle acquiesça d'un hochement de tête bien qu'à la manière dont ses yeux se voilèrent je sentis qu'elle savait que c'était bien plus que ce que j'avais bien voulus lui dire.

Qu'est ce que j'étais en train de faire ?

...

Ma main et celle d'Arya ne se quittèrent que lorsque ce fut le moment de sortir de la voiture, qui était garée au milieu de...nul part. Ou du moins il y avait un carré de bitume et tout autour se trouvait la forêt.

- Wow, lâchais-je avec un drama exagéré. C'est incroyablement vide !

J'entendis le rire de ma meilleure amie qui après avoir refermé la portière, vint juste se placer derrière moi, elle déposa délicatement mon manteau sur mes épaules avant que ses mains ne viennent se poser sur chacune de mes côtes.

- Et si tu regardais vers le ciel, murmura t'elle au creux de mon oreille d'une voix suave.

Durant un bref instant le timbre de sa voix, se mêla à celui de la voix de Kendall, si bien que je ressentis le besoin de tourner légèrement ma tête vers le visage de ma meilleure amie afin de vérifier qu'il s'agissait bien de mon cerveau qui me jouait des tours, suite à ce mouvement la peau de nos visage se frôla indécemment.

- Je ne suis pas le ciel Atlantis, se moqua Arya avec son sourire adorable.

Je me mordis la lèvre alors qu'elle riait contre ma joue, puis je penchais la tête en arrière afin de regarder vers ce fameux ciel. C'est là que je vis un énorme objet volant légèrement au dessus de nos têtes : une montgolfière. C'était incroyable avec le paysage, un ciel mauve orangé du coucher de soleil.

- Un diner dans les airs votre majesté, cela vous dit-il ? Susura mon amie d'une manière faussement solennelle.

...

Un diner dans les airs, sur une montgolfière qui survolait Central Park, j'avais eu à en organiser mais je n'en avais encore jamais profité, sans doute m'avait il toujours manqué le partenaire pour se faire. Autant dire que s'était à en couper le souffle.

Après avoir assister à la préparation et au gonflage de notre montgolfiere - moment durant lequel je n'avais pu m'empêcher de jeter un coup d'oeil à mon téléphone afin de voir si Kendall n'avait pas répondu à mon message, mais rien- nous avions embarqué à bord de la somptueuse nacelle, où se trouvait une table somptueument dressée. En douceur, et après notre embarquement, l'engin avait prit son envol avec un stewart à bord et à notre disposition, pour nous offrir un spectacle sans nom. C'était sans doute l'un des moments les plus agréables de ma vie. Le repas était excellent et raffiné, Arya comme moi était détendue et cela contribua à ne pas rendre ce cadre -il fallait le dire atrocement romantique- bizarre.

Je retrouvais simplement ma meilleure amie, avec les codes habituelles de notre relation, nos discussions, nos délires. Simplement des regards, des contacts de nos mains, de nos pieds, des allusions, des compliments plus rosés ou enflammés que ce que nous connaissions venaient se faufiler dans la conversation. Je ne pouvais d'ailleurs réprimer la culpabilité qui me rongeait lorsque j'avais l'impression d'aller trop loin. Je pouvais presque sentir le regard enragé et désapprobateur de Kendall Jones, j'étais comme marquée au fer rouge.

Le Stewart venait de déposer les assiettes du plat de resistance quand Arya se mit à me fixer intensément. Elle s'humecta plusieurs fois les lèvres, je savais qu'elle faisait ça lorsqu'elle était nerveuse.

- Où est ce qu'on en est ? Finit elle par formuler en embouchant un morceau de son cabillaud.

Je haussais nerveusement les sourcils avant de déposer mes couverts. Cette question semblait être au coeur de ma vie.

- Hum.. Hésitais-je.

Arya grimaça avant de poser à son tour ses couverts.

- Prenons le problème dans l'autre sens, proposa t'elle avec son franc parler naturel. Tu as passé plusieurs jours chez Jones et ce soir nous dinons ensemble alors...

Ses yeux bleus verts intenses se plantèrent dans les miens.

- ... Alors je t'avoue que j'ai du mal à suivre.

Je pinçais les lèvres avant de mordiller ma lèvre inférieure.

- Ma relation avec Kendall, est très floue mais nous n'avons aucun engagement, dis-je simplement. Je n'ai pas voulu m'engager alors qu'il y avait... nous, enfin toi et moi.

Arya reprit ses couverts, et recommença à manger, ses mains tremblaient légèrement et je vis ses joues rougirent.

- Morgan ? Interrogeais-je simplement, en recommançant à manger à mon tour.

Sous la table, la jambe d'Arya frôla la mienne.

- Nous avons convenus de rester amis quand : lui, comme moi avons compris l'évidence.

J'acquiesçais d'un lent hochement de tête. De toute évidence, l'évidence c'était moi.

- Et tu ne vois personne d'autre ? Ne pus-je m'empêcher d'ajouter.

Je connaissais ma meilleure amie, et je savais aussi ses difficultés face à la notion d'exclusivité. Arya lâcha ses couverts avant d'attraper mes mains, me contraignant à relâcher les miens, elle passa ensuite doucereusement ses pouces sur la peau de celles-ci. J'observais ce contact, je connaissais les mains d'Arya et pourtant dans ce contexte je les trouvais étrangères, étrangères à mes mains.

- Je ne veux voir que toi Lantis, ponctua t'elle le regard sévère.

Je détournais légèrement la tête, m'offrant à la vue vertigineuse de la pointe des arbres que j'apercevais tandis qu'un léger vent nous berçait.

- Je crois que j'ignore encore ce que je veux Arya, avouais-je le coeur lourd. J'arrive à peine à discerner les émotions que je ressens.

Ma meilleure amie me sourit alors presque tristement avant de placer une mèche rebelle derrière mon oreille.

- Je suis amoureuse de toi Atlantis, me déclara t'elle alors comme s'il s'agissait de la chose la plus évidente du monde à prononcer. Je suis amoureuse de toi depuis notre binôme en biologie, nos karaokes sur le chemin du retour lorsque Devson a commencé à te déposer après les cours, depuis nos nuits blanches à discuter, depuis nos cours de surf sur la plage, depuis nos soirées soirées actions vérités avec toute la bande du lycée, depuis...

Les yeux humides je retirais doucement mes mains moites de celles de ma meilleure amie.

- Arya, soufflais-je comme une plainte, la boule au ventre.

- Non je t'en prie, écoutes moi.

Je déglutis difficilement et je la laissais reprendre.

- J'ai enfouis tout ça au fond de moi, parce que j'avais peur de moi, peur de te faire du mal, peur de te blesser, peur de perdre la préciosité de notre relation. Tu sais que tout comme pour toi, parler de mes sentiments est une chose extrêmement compliquée, alors je ne te parle même pas d'engagement parce que ça c'est encore une toute autre histoire, ironisa t'elle. J'avais peur.

Cela me fit sourire, et rompit le rythme affolant de mon coeur qui s'accrochait au mot qui quittaient les lèvres d'Arya. Les lèvres d'Arya, j'avais besoin de me concentrer et de me le répéter pour que mon cerveau ne me joue de nouveau aucun tour.

Kendall n'est pas là Atlantis.

Alors qu'elle but quelques gorgées de sa coupe de champagne comme pour se donner un peu de courage, je pris une gorgée de mon verre d'eau avant de lui rendre l'appareil : celui de la confidence en jouant nerveusement avec le pli de ma serviette.

- Je fantasme sur toi, je me vois te faire des choses assez..

Au vu du sourire qui se dessina sur les lèvres de mon interlocutrice, je compris qu'il n'était pas nécessaire que je sois plus explicite.

- Je ressens des choses anormales dans mon corps lorsque tu t'approche trop près de moi et tu es sans aucun doute la personne qui me connait le mieux sur terre, tu connais tous mes secrets, nous partageons notre quotidien depuis le lycée et je t'avais toujours vu comme un membre de ma famille...

Arya grimaça.

- Mais, m'empressais-je. En découvrant ma sexualité, en entamant une relation avec une femme, j'ai commencé à te voir d'une autre manière et je te mentirais si je disais que je te suis indifférente car tu es comme une partie de moi.

L'émotion me gagnait peu à peu, alors qu'Arya me scrutait avec une attention et une douceur à en faire fondre un coeur, des larmes s'accumulaient aux creux de mes yeux.

- Et j'ai peur aussi, j'ai très peur de tout ça, j'ai peur que l'on gâche tout, ou que l'on passe à coté de ce qui aurait sans doute pu être une très belle histoire.

Comme une ironie du sort, je revis le visage de Kendall, ses traits impassibles, distants.

- Et parce que j'avais cette peur de passer à coté de nous, je suis là ce soir avec toi, mais-mais..

Arya avait les sourcils froncés et les lèvres serrées, comme si elle s'apprêtait à encaisser un coup. Ce qui était sans doute le cas car j'avais moi même le sentiment de m'en assener un. Je pris une profonde inspiration alors qu'une larme dévala ma joue.

- Mais, articulais-je. Je réalise que ça n'est pas là ou je devrais être car l'angoisse de passer à coté d'elle me hante atrocement. Bien plus fort encore que n'importe quelle autre crainte.

Honteuse, je lâchais un sanglot désespéré alors que ma meilleure amie ferma les yeux, encaissant le coup, quand elle les rouvrit ce fut pour me laisser voir ses iris clairs assombris par la douleur.

- Je crois que tu as simplement peur de l'admettre mais qu'au fond de toi, ton coeur lui sait parfaitement ce qu'il souhaite.

Cette phrase provoqua en moi comme une décharge électrique et déclencha comme une explosion au creux de ma poitrine. Je savais, je savais. Et je regrettais qu'il m'ait fallut tout cela pour réaliser que je savais parfaitement ce que je voulais.

- Je, je suis tellement désolée, me confondis-je la voix nouée.

Arya baissa la tête quelques secondes, je tentais d'attraper ses mains mais elle retira avec lassitude.

- Je crois que nous ferions mieux de redescendre.

- Non... Commençais-je à objecter mais je réalisais que c'était vain et inutile.

Je laissais ma meilleure amie indiquer au Stewart que nous souhaitions redescendre.

...

La montgolfière s'était reposée en douceur, et dans un silence lourd qui contrastait avec le sentiment de légèreté qu'elle pouvait procurer.

- Je suppose que ne dois avoir qu'une seule envie en cet instant, c'est celle de la rejoindre ? Demanda Arya, en fuyant mon regard alors que nous venions de monter dans la voiture.

- Non, refusais-je. Je ne veux pas t'imposer ça Arya, ramène moi à la maison.

Un bref rire jaune sortit de sa bouche, et ma meilleure amie leva les yeux aux ciels.

-  Je crois qu'au point où on en est.. soupira t'elle.

J'encaissais son ton froid et cassant. Arya était comme ça, je l'avais blessé, je le savais et il allait lui falloir un peu de temps pour digérer tout ça. J'espérais simplement que notre amitié allait tenir le coup, parce que je ne pouvais pas la perdre.

Le trajet jusqu'à chez Kendall me parut étrangement court, sans doute parce que j'étais nerveuse à l'idée de la retrouver, que je n'avais pas eu assez de temps pour réfléchir à ce que je voulais lui dire. J'étais tellement stressée, et malgré ma tristesse et la douleur de ce que j'avais causé entre Arya et moi, je ressentais un tel apaisement à l'idée de retrouver celle que je n'aurais pas du quitter.

Lorsque la voiture se gara dans l'allée publique qui donnait accès à l'impressionnant immeuble où se trouvait l'appartement de Kendall, je me tournais vers Arya, qui avait le regard fixé sur la vitre de son côté.

- Merci Ary, murmurais-je.

Elle ne répondit pas. Et j'aurais sans doute du lui laisser de l'espace mais je ressentis le besoin de prendre ma meilleure amie dans mes bras, alors dans un geste hésitant je l'avais attiré à moi et la tête au creux de son cou je l'avais serré aussi fort que je le pus. Au départ, elle n'avait pas réagit mais au bout de quelques secondes elle finit par me serrer contre elle à son tour.

- Je ne veux pas te perdre lui chuchotais-je. Je t'aime plus que tout.

- Je sais, murmura t'elle avant de se détacher de moi.

Elle avait les lèvres pincées et les yeux humides.

Dans cette ambiance pesante, je souhaitais une bonne soirée à mon amie avant de m'extirper maladroitement du véhicule. Quand je lui fis dos que mes talons claquèrent sur le bitume de ce quartier calme, je me souvins de la question que j'avais enfouis au fond de moi toute la soirée.

Je me retournais pour lancer :

- Arya, cette histoire avec Derreck ?

Alors que je pouvais aisément lire la colère et la tristesse sur le visage de ma meilleure amie, elle me fixa d'un air froid et torturée avant de lâcher, telle une bombe :

- Derreck est gay Atlantis, tout le monde est au courant sauf toi.

Je reculais doucement de la voiture, légèrement sous le choc.

- Je suis désolée, l'entendis-je formuler faiblement avant qu'elle ne remonte sa vitre et que la voiture ne démarre.

...

Chaque chose en son temps m'étais-je dis, step by step. Pour l'instant ma priorité c'était Kendall, il fallait que je la vois et que je lui parle, que je lui dise ce que j'avais sur le coeur, je m'occuperais de Derreck plus tard.

J'avais appelé Kendall au moins une dizaine de fois, je tombais directement sur sa messagerie, identique pour Jack et Anna. Je commençais à m'inquiéter, m'avait-on black listé ?

Je n'avais jamais eu à utiliser l'entrée public de l'immeuble puisqu'à chaque fois que j'arrivais on m'escortait via l'entrée privée, ce soir je l'empruntais pourtant sous le regard interrogateur des gardes du corps. L'accueil de l'immeuble ressemblait à celui d'un somptueux palace, c'était le genre d'immeuble où se trouvait un réceptionniste.

- Bonsoir, dis-je d'une voix légèrement affolée au jeune homme blond chétif qui en plein appel me fit signe de patienter quelques instants.

Je pris mon mal en patience tout en restant attentive à mon téléphone qui malheureusement n'affichait ni appels ni messages.

- Madame, bonsoir ! Comment puis-je vous aider ?

- Je souhaite me rendre au domicile de Kendall Jones, avançais-je comme s'il s'agissait de rendre visite à la personne la plus anodine du monde.

Le réceptionniste parut très sceptique mais composa un court numéro sur son poste.

- Qui dois-je annoncer Madame ?

- Atlantis Kayslar.

Il acquiesça derechef avant de porter le téléphone fixe à son oreille. En l'absence de réponse, il dût composer de nouveau le numéro avant de m'adresser un sourire. Au bout de quelques instants, quelqu'un sembla décrocher.

- Ici Acceuil, Bonsoir Jack...Ah.. Bobby... J'enregistre. Il s'agit d'une visite, une femme du nom de Kayslar pour Madame Jones.

Le réceptionniste acquiesça suites aux paroles de son interlocuteur- en l'occurrence Bobby, l'un des hommes de Kendall que j'avais déjà eu à rencontrer plusieurs fois auparavant- avant de raccrocher.

- Veuillez patienter Madame Kayslar, quelqu'un arrive pour vous.

Je le remerciais, avant de m'éloigner légèrement, je tenais difficilement en place, et ma nervosité ne faisait qu'augmenter, j'avais un très mauvais pressentiment. Mes yeux détaillèrent l'entrée de ce luxueux bâtiment : miroirs, cristaux, immenses tableaux et des ascenseurs à perte de vue. Quand je vis l'imposant Bobby sortir de l'un d'entre eux je fonçais vers lui comme s'il était mon sauveur.

- Madame Kayslar ? Bonsoir ! Que faites vous ici ? S'inquiéta t'il à ma hauteur. Pourquoi n'êtes vous pas à l'hôpital, personne ne vous a informé ? Vous n'avez pas regardé les informations ? Enchaîna t'il, il semblait encore plus inquiet et nerveux que moi.

A cet instant je regrettais le sang froid de Jack en toute situation. Je fronçais les sourcils alors que mon coeur s'affolait déjà. Je n'entendais presque plus rien, et je ne laissais même pas Bobby m'expliquer, car je n'eus pas la force de lui demander ce qu'il était arrivé, je tapais « Kendall Jones » sur google. Le coeur battant la chamade, mon cuir chevelu me picotait tant j'étais stressée. Heureusement la page chargea presque instantanément.

Je lus en haut de page le gros titre : « Le magna de la finance Franck Jones, héritier de l'illustre famille Jones et père de la redoutable femme d'affaires Kendall Jones, dans un état critique suite à un infarctus cet après-midi »

- Oh mon Dieu, implorais-je. Pourquoi personne ne m'a appelé pour me prévenir ? M'exclamais-je.

Bobby tenta de me rassurer, et m'invita à m'assoir.

-  Amenez moi à l'hôpital Bobby, je dois m'y rendre tout de suite ! Lui ordonnais-je fermement.

...

Franck Jones avait été évacué en hélicoptère vers le meilleur hôpital du pays, l'hôpital Johns Hopkins, de New York. Il était toujours dans un état critique bien que stabilisé. Je tremblais alors que Bobby venait de faire le tour du 4x4 afin de me permettre de m'extraire du véhicule. Plusieurs journalistes se tenaient au niveau de l'entrée de l'hôpital, et Bobby dû me protéger afin que je puisse traverser cette marrée humaine sans encombre.

- Est ce que vous êtes un membre de la famille ? Demanda machinalement la secrétaire médicale alors que nous passions devant son comptoir.

Décontenancée, j'allais bégayer quand Bobby vint à ma rescousse, il montra sa carte de travail et expliqua à la dame que j'étais comme un membre de la famille. La femme, rousse, et sans doute quadragénaire ne sembla pas sensible à cette nuance.

- Les instructions sont claires Monsieur, seuls les membres de la famille et son personnel est autorisé à accéder à l'espace où se trouve Franck Jones. Vous pouvez donc y aller mais la dame doit rester ici.

Je soupirais de frustration, Bobby comme moi ne parvenions à joindre ni Kendall, ni Jack, ni Anna.

- Je suis navrée mais il s'agit d'une affaire très sensible, et la famille ne souhaite être dérangée je ne peux donc vous appeler personne, précisa t'elle.

Je jurais, en frottant mes mains sur mon visage, je retirais mon manteau, et m'assit sur l'un des sièges de l'entrée de l'hôpital afin de retirer mes talons. De loin, roussette m'adressa un sourire strict avant de se cacher de nouveau derrière son comptoir blanc.

- Madame Kayslar, ne vous en faites pas, je vais aller vous appelez Madame Jones, elle vous fera entrer, m'indiqua Bobby.

Je n'eus pas la foi de répondre. J'étais angoissée, je me sentais coupable et égoïste. C'est lorsque je réussis à dénouer les lacets de ma seconde paire de talon que  j'entendis une voix que je n'avais jamais été aussi heureuse d'entendre : celle de Raessah.

- Atlantis ? M'interpella t'elle.

Bobby qui partait se retourna, et moi soulagée je bondis de mon siège après avoir retirer ma chaussure qui m'emcombrait. Raessah me regardait avec un certain dédain, voir même du mépris. J'imaginais qu'elle devait m'en vouloir d'avoir diner avec Arya ce soir, et qu'elle allait me le faire payer, et pour cette fois elle n'aurait pas tord. Cependant, à ma grande surprise l'expression rigide de l'amie de Kendall disparue au profit d'un léger sourire, elle leva les yeux au ciel avant de m'attirer à elle et de m'offrir une accolade extravagante. Elle portait toujours les mêmes vêtements que tout à l'heure et sentait un enivrant parfum de musc sensuel ainsi que la cigarette, c'était sans doute pour cela qu'elle était sortie.

- Ravie que tu ai retrouvé tes esprits et que tu sois de retour parmi nous Sweetheart, me piqua t'elle tout de même, je ne pus m'empêcher de sourire malgré ma nervosité. Allons retrouver ta chère et tendre, elle en a grandement besoin. Dis, rassure moi, ne put elle tout de même s'empêcher, c'est terminé les diners ?

J'acquiesçais honteusement et me baissais afin de récupérer mon sac et de tenir mes chaussures à la main, Bobby s'empressa de me les prendre, je le remerciais alors que nous approchions du comptoir de la secrétaire médicale. Lorsqu'elle nous vit elle se leva tout de suite de sa chaise.

- Il y a un problème ? La devança Raessah en haussant un sourcil.

La rouquine se crispa.

- J'expliquais simplement à vos amis que la dame qui vous accompagne n'est pas autorisée à pénétrer le centre de soin intensif.

L'air mielleux de Raessah Carlson disparut au profit d'un visage dur.

- La dame qui nous accompagne comme vous dites est la compagne de Kendall Jones, la fille aînée de Franck Jones, assena t'elle. Est ce qu'il vous faut un dessin ou est ce que vous aller la laisser aller soutenir sa partenaire en paix, en cette période douloureuse ?

Un duel de regard s'en suivit, et la secrétaire ne fit pas long feu, les joues rougies, elle s'excusa avant que Raessah ne dépose son bras au creux de mes reins et que nous avancions vers l'espace privée.

Nous passâmes les deux gros battants qui menaient à l'espace hautement protégé ou se trouvait Franck Jones, ils donnaient sur un grand couloir blanc qui sentait l'antiseptique. Cet espace était sans doute réservé aux personnes importantes vu la manière dont ça ressemblait à un hotel. Habituellement j'imaginais que c'était un espace calme mais ce soir là à vingt deux heures trente j'assistais à une scène plutôt apocalyptique. Kendall, retenue par Jack et Anna, qui se disputait violemment avec son frère Marc, qui lui était retenu par deux autres hommes qui m'étaient inconnus. Les deux frangins hurlaient et se balançaient des insultes et des reproches. Kendall criait avec la froideur qui lui était propre tandis que son frère avait le visage rouge écarlate et bouillonnait. Jack tentait tant bien que mal de calmer sa patronne, tout comme Anna qui était particulièrement émue.

Je ne reconnaissais pas Kendall.

- T'es vraiment qu'une espèce de connard lèche botte, tu ne trouve rien de mieux à foutre que de me virer de la chambre de papa pour que celle à cause de qui il est dans cet état puisse avoir un moment paisible avec lui ! Cracha Kendall. Et où est ce que vous étiez quand les médecins m'ont appelé en urgence, toi en train de baiser et Erika, en train de détruire des vies comme elle sait le faire ! Elle va finir par le tuer, elle le surmène et le malmène !

Marc Jones repoussa violemment les deux hommes qui le retenait afin de 's'avancer vers sa soeur, la pointant du doigt :

- Ne tiens ici personne pour responsable de ce qui arrive à papa ! S'il est aussi affaiblit c'est de ta faute à toi Kendall et de ton incapacité à gérer les problèmes que rencontre ta putain d'entreprise, ta rancoeur inextinguible pour maman et pour couronner le tout tu as recommencer à boire. Il est tellement inquiet pour toi qu'il se rend malade et si il est sur son lit de mort c'est uniquement à cause de ta putain de gueule Kendall, alors oui je t'interdis d'entrer dans cette chambre tant que maman y est, t'en as assez fais ! On a besoin d'être solidaire en ce moment et t'en es incapable avec nous !

Je n'attendis pas la réponse de Kendall qui fulminait pour intervenir, elle aboyait quand je vins me placer en face d'elle, faisant s'écarter Jack et Anna, cette dernière parut soulagée de me voir, la main sur le coeur, elle murmura quelque chose avant que Raessah ne l'accueille dans ses bras. Kendall mit quelques secondes à me voir, sa mâchoire crispée se desserra légèrement, bien qu'elle ne se tut pas pour autant.

- S'il vous plait, tentais-je cependant afin d'interrompre Kendall et son frère.

Ma petite voix ne fendit pas vraiment le boucan.

- Stop, ça suffit ! Hurlais-je alors soudain tandis que je vis Raessah du coin de l'oeil prendre un air assez impressionnée. Elle me fit d'ailleurs un clin d'oeil.

Kendall comme Marc se turent immédiatement, juste au moment où ce qui semblait être un médecin arrivait en courant, il m'adressa un regard reconnaissant, alors que Jack entreprenait déjà d'échanger avec lui, sans doute pour s'excuser pour ce scandale et lui faire comprendre que la situation était désormais sous contrôle.

- Il ne sert à rien de vous disputez ici, votre père n'a pas besoin de ça, votre famille n'a pas besoin d'un énième scandale, c'est une épreuve difficile il n'est pas nécessaire d'en rajouter, appuyais-je d'une voix plus calme. S'il vous plait, soufflais-je.

Marc jura avant de partir en furie vers la sortie. Je n'entendis pas ce qu'il marmonna. Alors que ses pas s'éloignaient, je plantais mon regard dans celui de la femme que j'étais venue trouver, elle semblait exténuée, ses yeux étaient rougis, ses poings crispés, ses traits tirés, elle portait toujours le même tailleur bleu pétrole que ce matin. Kendall me regardait toujours avec la même indifférence que celle que j'avais lu dans ses yeux le midi même. Je devais être la dernière personne qu'elle avait envie de voir à cet instant : j'étais partie pour rejoindre une autre femme alors que son père, sans doute la personne la plus chère à son coeur, était entre la vie et la mort, à sa place je m'en serai énormément voulu. Instinctivement je la pris dans mes bras, je la serrai contre mon coeur avec passion, et c'était terriblement bon de la retrouver, elle sentait légèrement l'alcool, et était brulante. Tout comme plus tôt dans la journée elle resta crispée sauf que cette fois-ci je sentis chacun de ses muscles se détendre un à un malgré elle, et sa respiration se calmer.

Après quelques minutes d'hésitation et d'étreinte, où je me demandais qu'elle parole il serait juste de prononcer, je finis par laisser parler mon coeur, et il trouva les mots justes :

- Mon ange, soufflais-je contre son oreille. Pardonne moi, je suis tellement désolée, je suis là maintenant, je ne te laisserai plus, je te le promet, minaudais-je.

Et c'est là que je sentis son corps commencer à envelopper le mien, doucement. Son front vint se caler contre mes cheveux et je sentis sa respiration sur mon cuir chevelu. Dans ses bras je ressentis tout son épuisement, toute sa douleur, toute sa colère et je savais qu'elle n'avait même pas la force de parler.

- On va rentrer Ken, l'informais-je. Tu es fatiguée et dans cet état il ne sert à rien que tu restes ici, l'état de ton père s'est stabilisé...

Je la sentis qui commençait à se détacher sans doute pour objecter mais je pris son visage entre mes mains et lui dis doucement :

- Je sais que tu veux rester ici mais il faut que tu te reposes, tu n'es pas en forme et tu es à bout de nerf. Si ton père se réveille et te vois comme ça il sera surtout inquiet. Demain, nous reviendrons et tu seras en pleine forme.

Elle fit non de la tête en reculant, et passant une main nerveuse dans ses cheveux qui pour une fois n'étaient pas noués en un chignon parfait, de nombreuses mèches s'en échappaient.

- Je ne te demande pas ton avis, clarifiais-je. A partir de maintenant, tu me laisses m'occuper de toi.

Elle parut surprise et m'observa longuement, ses yeux détaillèrent ma robe ainsi que mes pieds nus, elle fronça les sourcils, je n'avais pas eu l'occasion de me changer et je devais avoir l'air bien étrange dans cette tenue. Je la rassurais en lui offrant un petit sourire pour lui signifier que malgré ce que mon accoutrement pouvait laisser penser, tout allait bien.

Les épaules de Kendall finirent par se relâcher, elle soupira et s'approcha de la vitre qui donnait sur la chambre d'hôpital de son père, elle l'observa longuement. On pouvait y apercevoir Erika Jones, au chevet de son époux, c'était fou comme Kendall lui ressemblait. Je fixais tellement cette bonne femme qu'elle finit par le sentir et tourner la tête vers nous. Étrangement, elle me sourit, d'un sourire horrible qui me fit froid dans le dos, ce sourire avait quelque chose de cruel, comme si elle souhaitait me dire quelque chose.

J'attrapais délicatement la main de Kendall, l'incitant ainsi à me regarder et surtout à l'éloigner au maximum de cette vipère.

- Allons-y, l'encourageais-je.

Raessah et Anna qui sourirent tristement en nous observant, vinrent nous entourer afin de nous accompagner vers la sortie tandis que Jack et Bobby nous emboîtaient déjà le pas.

...

Raessah nous avais accompagné jusqu'à la voiture, elle avait été adorable et avait promis de nous appeler le lendemain afin de se rendre avec Kendall à l'hopital, du moins elle me l'avait dis à moi car Kendall ne parlait pas, elle était comme vidée. L'amie de Ken partit ensuite de son coté, dans une lamborgnigni rouge tape à l'oeil, à son image. Bobby repartit également de son coté, avec Anna dans la voiture que lui et moi avions prise pour arriver, il m'avait simplement rendu mes talons ainsi que mon sac avant que Jack ne lui ordonne de nous devancer.

Sur le trajet, j'avais attaché la ceinture de Kendall avant de l'attirer contre moi, sans résistance sa tête était venue se loger sur mon épaule, au creux de mon cou tandis que je caressais doucement ses cheveux. Elle avait gardé les yeux ouverts mais je la sentais tout de même s'apaiser.

Quand nous arrivâmes, toujours le regard vite, Kendall s'enfonça dans l'appartement, tel un zombie et traversa le séjour qui n'avait d'ailleurs pas retrouver sa forme habituelle. Je la suivais quand Jack m'interpella.

- Madame Kaysar, n'hésitez pas si vous avez besoin de quoi que se soit, à n'importe quelle heure, insista t'il.

En me tournant vers lui, je lui demandais :

- Jack, où logez vous ? Est ce que vous avez une famille ?

Il pinça les lèvres avant de sourire.

- Mon épouse, ma fille et moi sommes logés dans l'un des appartements de cet immeuble par Madame Jones.

Tout s'expliquait, bien que c'était la moindre des choses au de vu la manière dont Jack était sollicité.

- Bien, dans ce cas je veux que vous rentriez et que vous vous reposiez, lui ordonnais-je. Je suis là et je vais prendre soin de Kendall, vous n'avez pas à vous en faire, je prends le relai.

Il sembla très dubitatif, et je savais qu'il hocha la tête pour dire oui simplement par respect pour moi, mais il se retira tout de même en me souhaitant une bonne nuit et en me rappelant que je pouvais tout même l'appeler à tout moment. Anna qui avait sans doute entendu notre discussion et qui arrivait de l'espace ou se trouvait la cuisine, me lança un regard qui signifiait qu'il n'était même pas la peine que j'espère qu'elle puisse s'en aller, je lui adressais un sourire plein de compréhension. Pour elle qui devait se sentir comme une mère adoptive pour Kendall, je ne pouvais imaginer son inquiétude.

- Allez vous occuper d'elle, elle a besoin de vous, je serai en bas s'il y a le moindre soucis.

Je la remerciais et elle me surprit à me prendre fort dans ses bras, avant que je monte à l'étage. Je me dirigeais vers la chambre de Kendall, seule pièce d'où émanait la lumière, Madame Jones ne se trouvait pas sur son lit comme je l'avais espéré mais dans la salle de bain, elle n'avait pas fermé la porte et j'entendais l'eau couler à son débit le plus élevé. Ce qui m'interpella est que je ne vis aucun des vêtements de Kendall par terre, ni sur le lit, et pas non plus dans la salle de bain.

Ken était entrée sous la douche habillée, ayant simplement retirer ses chaussures. L'eau coulait sur elle comme une fatalité. Cette scène me déchira le coeur.

Je l'y rejoignis lentement pour ne pas la brusquer car elle me fixait, le regard vide, le corps comme inerte. Je voulus d'emblée lui retirer ses vêtements, ce qui m'obligea à passer sous la douche, je me mis à hoqueter lorsque l'eau glacée qui tombait du jet d'eau encastré au plafond entra en contact avec mon corps, si bien que mes lèvres se mirent rapidement à trembler. L'eau me trempa de la tête au pied tandis que je m'approchais de Ken.

- Je vais te déshabiller, dis-je avec précaution. 

Sa mâchoire se crispa mais elle ne posa aucune resistance. Malgré le froid douloureux, je pris sur moi et lui retirais sa veste, que je laissais retomber à même le sol. Elle portait un col roulé noir, qui faisaient que ses seins étaient dressés devant moi. Je fis de mon mieux pour détourner mon regard de cette vue, ce qui s'avéra d'avantage compliquée puisqu'il fallait que je retire cette couche de tissu également.

J'entrepris d'attraper le bas du col roulé afin de le soulever mais les mains de Kendall vinrent se crisper sur les miennes, m'en empêchant. Elle avait tenu mes poignets si fermement que je me retrouvais presque plaquée contre elle, les mains tremblantes alors que j'avais l'impression que l'eau froide ne lui faisait rien à elle.

Nos visages à quelques centimètres j'approchais mes lèvres des siennes et soufflais contre celles ci :

- S'il te plait mon ange : laisse moi faire.

Son regard s'attendrit légèrement, et après m'avoir torturé par son manque de réaction, elle finit par relâcher ses mains autour des miennes, je m'empressais de relever son habit, dévoilant le haut de son corps. Ja passais mes mains tremblantes le long de ses côtes, puis de ses bras, elle ferma les yeux. Je vins déposer délicatement mes lèvres tremblantes sur l'une de ses épaules, c'est la que ses mains attrapèrent mon corps, remontèrent le long de mon dos et cherchèrent la fermeture éclaire, elles la firent glisser lentement. Je respirais lentement quand elle retira ma robe , libérant mon buste, la faisant glisser sur mes bras, sur mes hanches..

J'en profitais pour lui déboutonner le pantalon de son tailleur, et le faire glisser sur ses jambes, j'accompagnais ce dernier jusqu'à ses chevilles, délicatement Kendall en extirpa ses pieds. Il ne lui restait donc plus qu'un boxer noir et à moi il me restait un string de la même couleur puisque je ne portais pas de soutien gorge.

Nous étions glacées. Je vins placer mes bras autour du cou de Kendall, je frôlais l'hypothermie et tremblais, Kendall le remarqua et arrêta l'eau. Je savais qu'elle l'avait fais pour moi, car à elle l'eau froide ne semblait rien lui faire, cela m'inquiéta car je réalisais qu'elle avait du prendre plusieurs douche de ce genre au fil du temps pour aussi bien y résister or cette pratique n'avait rien d'agréable, bien au contraire on finissait par ne presque plus sentir son corps.

Kendall Jones approcha mon corps du sien et me plaqua doucement contre la paroie de la douche, elle semblait toujours aussi distante à mon égard jusqu'à ce que son regard détaille mon corps et qu'un voile sombre vienne couvrir ses yeux. Alors elle plaqua violemment ses lèvres contre les miennes, férocement, avidement. Mes mains s'enfoncèrent dans ses cheveux, nos seins se frôlaient dangereusement. Nos corps mouillés se fondaient l'un en l'autre, provoquant un contact glissant. Je n'eus pas le temps de savourer ce baiser fou car Kendall s'écarta rapidement, les lèvres gonflées.

- Si je te baise ce soir, daigneras-tu au moins rester demain, et le jour qui suit ? Cracha t'elle. Est ce qu'il faut que je te baise tous les soirs pour que tu supportes de rester à mes cotés ? Demanda t'elle froidement, sa voix résonna.

Je me figeai. Horrifiée par ses paroles. Un silence extrêmement pensant se fit entendre durant plusieurs secondes, mes yeux commencèrent à me piquer.

- Non, murmurai-je faiblement. Non, non, répétai-je devant le regard dur de Kendall.

Mais elle me tourna le dos, déjà prête à quitter la douche. Je tentais de la faire se retourner vers moi mais elle me repoussa violemment, mes yeux s'humidifièrent. Je la retenais par derrière, collée à son dos mais elle avait plus de force que moi et s'était retournée afin de tenir fermement mes poings.

- Il y a son odeur partout sur ton corps, déclara t'elle presque avec dégout.

Mes yeux étaient irrités par les larmes qui commençaient à s'y former, et je tentais de me débattre mais c'était vain, c'est à peine si je bougeais.

- Elle ne m'a pas touché, me défendis-je. Je te le jure, implorai-je à bout de force. Ken, regarde moi, m'affolai-je. Je suis là, avec toi. C'est toi que je veux Kendall Jones, toi et encore toi, dis-je dans un sanglot. Il ne s'est rien passé je te le jure, je n'ai pas pu rester, c'est au près de toi que je voulais être.

Elle se figea, ses yeux cherchèrent les miens cherchant leur réponse. Nous nous regardâmes intensément et je sus alors qu'elle sut, qu'elle le lisait dans mon regard car ce qu'elle lisait c'était mon coeur qui le lui hurlait.

- Je suis désolée, murmurai-je alors que tout son corps se relâcha, j'aperçus des larmes se mêler aux perles d'eau sur ses joues.

Ses bras m'agrippèrent douloureusement.

- Je suis tellement désolée, sanglotai-je dans ses bras.

Elle me serra davantage contre elle, le temps que je puisse calmer mes sanglots. Lorsque ce fut le cas, je reculais légèrement. Je vis que Kendall pleurait à chaude larme et ce fut la vision la plus douloureuse à laquelle il m'eut été donner d'assister. J'embrassais ses joues, afin d'arrêter le périple de ce poison salée, avant de coller mon front au sien.

- Je veux partager toutes tes joies, toutes tes douleurs, tous tes malheurs, t'épauler, t'apaiser, te faire l'amour, je veux être à tes cotés, tous les jours, et prendre soin de toi. Toi, j'en suis sûre.

Un sourire fendit ses lèvres, contre mon souffle.

- Toi, Atlantis Kayslar, formule l'engagement de devenir la petite amie de la femme condescendante hautaine, arrogante et tyrannique que je suis ? Demanda t'elle malicieusement.

Je ne pus me retenir de rire malgré mes larmes et les siennes.

- Oui, affirmai-je avec une vague de bonheur qui explosa d'un coup dans ma poitrine. Oui je le veux ! M'exclamai-je alors que ses lèvres trouvaient déjà les miennes.

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