Chapitre XII


22 juin 2015, hôtel Le Meurice, prestigieuse chambre royale, 15 h 36

- Soyez prudente les filles. Il ne faut surtout pas la décoiffer, lança Lisa, la mère de Marie-Anne la voix remplie d'émotion.

Elle n'avait pas fermé l'œil de toute la nuit. Depuis le début des préparatifs du mariage, elle avait été sur tous les fronts, veillant à ce qu'aucun imprévu ne vienne nuire à l'organisation du mariage. Cela faisait un an que sa future belle fille Kendall et sa petite Marie-Anne avaient d'un commun accord décidées de se marier. Cette nouvelle l'avait rempli de bonheur. Elle attendait depuis si longtemps qu'une de ses filles se marie, que se soit avec un garçon ou avec une fille cela importait peu ! En effet, la sexualité de sa petite dernière ne lui avait jamais posé de problème. À ses yeux, cela ne la rendait absolument pas différente de qui se soit d'autre, parce que sa sexualité ne définissait pas qui elle était. Ce qui importait à ses yeux, c'était de voir l'incroyable femme qu'était devenue Marie-Anne au fil des années. Elle se souvenait encore du jour où sa cadette leur avait annoncé à elle et Yann, son mari, qu'elle aimait les femmes. La nouvelle n'avait surpris personne, à vrai dire tout le monde s'en doutait un peu dans la famille. Non pas parce que Marie-Anne n'avait jamais fréquenté de garçons ou qu'elle ne s'y intéressait pas, bien au contraire durant son adolescence elle avait présenté deux ou trois garçons à ses parents. Cependant, il y avait toujours eu quelque chose qui sonnait faux dans ses relations aux yeux de sa mère. Ayant elle-même plusieurs amies lesbiennes, Lisa s'était toujours douté de quelque chose. Elle avait tout de même décidé de laisser sa fille faire son petit bout de chemin et cette dernière avait d'elle-même réussit à trouver qui elle était.

Lisa observait admirativement sa fille, qui - avec l'aide de ses deux sœurs aînées enfilait sa sublime robe de mariée. Sa petite dernière, son bébé, se mariait aujourd'hui. Comment se faire à l'idée ? Elle ne réalisait toujours pas. Elle fut rapidement submergée par une palette de sensations qui humidifièrent ses yeux. La mère de Marie-Anne fit de son mieux pour ne pas se laisser submergée, il suffirait que Maria voie sa mère en larmes pour éclater en sanglots et gâcher tout son sublime maquillage.

- Maman, il faut que tu rappelles Monsieur le Maire, il doit être là avant tout les invités ! Lança Marie-Anne, la voix angoissée tandis que ses sœurs venaient juste de faire passer sa robe en dessous de ses épaules.

La voix de sa fille sortit Lisa de ses pensées.

- Maria, chérie, cesses de t'angoisser, lui dit elle tendrement. Monsieur le Maire sera là à temps, et tout se passera bien.

Marie-Anne lui lança un regard empli d'anxiété à travers le miroir devant lequel elle se tenait, pendant que ses deux sœurs Justine et Camille, arrangeait sa robe. Si seulement sa mère savait à quel point, elle était au bord de l'implosion. Elle attendait ce moment depuis si longtemps qu'elle avait cru qu'il n'arriverait jamais. Jamais elle n'aurait cru qu'un jour Kendall accepterait de l'épouser. Sa Kendall, si indomptable et sur la défensive allait officiellement devenir sa femme. Elle n'arrivait pas à réaliser que cela allait se produire dans quelques instants. Toute personne qui connaissait le caractère de Kendall et ses penchants n'aurait pu imaginer pour elles une fin aussi heureuse.

Sa mère s'approcha d'elle par-derrière, les yeux humides et Marie Anne sentit une boule d'émotion se former au fond de sa gorge.

- Mon dieu, s'émerveilla Justine, l'aînée de la fratrie. Tu es tellement belle Maria.

Le regard de la future mariée passa alors de son reflet dans le miroir, aux visages des trois femmes qu'elles chérissaient le plus au monde. Remarquant qu'elles étaient toutes les trois au bord des larmes, elle ne put retenir les larmes qui coulèrent sur ses joues. Camille l'attrapa alors, la serrant fort dans ses bras.

- Tu es la plus jolie mariée de tous les temps, lui assura t'elle dans un souffle.

Elles furent alors rejointes par Justine et Lisa dans leur étreinte. Le cœur de Maria se serra, elle était certes très stressée, mais elle était si heureuse d'avoir sa famille à ses côtés ce jour-là. Le jour le plus important de sa vie.

- Bon, aller ! Ca fait assez d'amour pour moi ! Les taquina Justine, en se libérant de leur étreinte. Vous savez bien que je suis allergique à l'excès d'amour !

Elles rigolèrent toutes en cœur, avant d'essuyer les larmes qui humidifiaient leurs joues.

- Kendall va s'évanouir lorsqu'elle va te voir, assura Camille en attrapant affectueusement les épaules de sa sœur. Ta robe..

- Ne laisse pas grande place à l'imagination ! La coupa sa grande sœur dans un rire. C'est quoi ton plan ? Faire monter la tension sexuelle jusqu'à son apogée avant ce soir ?

Marie-Anne, offusquée, donna une tape sur l'épaule à sa sœur.

- Hey ! S'indigna celle-ci. Je suis ta grande sœur, je te rappelle !

Elle ponctua ses derniers mots par un regard vers leur maman qui au lieu de l'appuyer comme elle s'y attendait, lui lança un regard en guise d'avertissement.

- Une grande sœur qui va faire l'effort de ne plus tenir des propos aussi indécent devant ses petites sœurs ! La darda Lisa en faisant de son mieux pour dissimuler son amusement.

- Oh ça va maman, tu sais très bien que nous ne sommes plus des petites filles ! Se défendit légèrement Justine en se servant une flûte de champagne.

Lisa fit mine de ne pas l'entendre, elle attrapa une boite de chaussure posée sur le lit de la chambre d'hôtel.

- Si en étant sobre, tu dis déjà des bêtises de ce genre, je ne crois pas qu'on veuille te voir ivre ! Ironisa Marie-Anne en attrapant le verre que Justine venait de se servir.

- Quitte à prendre le risque de voir Kendall te sauter dessus à n'importe quel moment de la soirée, je préfère encore être ivre pour ne jamais m'en souvenir gloussa Justine en récupérant sa flûte avant de boire le liquide qu'elle contenait en une traite.

Marie-Anne poussa un profond soupir pour feinter d'être exaspérée par l'attitude de sa sœur, mais Justine savait parfaitement que sa cadette aurait rit si leur mère ne se trouvait pas dans la pièce.

- Ce n'est pas faux ! Surenchérit Camille en trinquant avec sa grande sueur, un sourire mutin sur les lèvres.

Lisa déposa alors sur le lit les sandales argentées aux semelles rouges qu'elle venait de sortir de leur boite.

- Oh ! Rouspéta elle à l'adresse de ses deux plus grandes filles. Aller oust, fichez moi le camp tout de suite !

Elle attrapa les mains de Camille et Justine pour les mener en dehors de la chambre d'hôtel, ses dernières, amusées, rouspétèrent :

- Mais maman nous n'avons rien fait !

Leur mère les mit à la porte sans pitié puis verrouilla la porte.

- Elles sont incorrigibles, rigola Marie-Anne en s'asseyant sur le lit pour porter ses sandales.

Sa mère s'assit près d'elle, elle acquiesça avec un sourie léger.

- Elle sont surtout beaucoup trop agitées, or, tu as besoin d'un peu de calme avant le grand saut.

Sa fille lui offrit un grand sourire en plaçant son pied dans l'une des sandales. Cependant lorsque le regard de Lisa croisa celui de sa fille, elle crut y percevoir une lueur qui ne lui plut guère.

- Est-ce que tout va bien chérie ? S'inquiéta t'elle en posant sa main sur son avant-bras pour l'inviter à la regarder.

Maria sembla hésiter longuement avant de répondre, l'inquiétude de Lisa augmenta alors. Elle n'était pas sans savoir que Kendall et sa fille avait toujours eu une relation compliquée. À vrai dire, elle avait eu énormément de mal à cerner la future épouse de sa fille, cette dernière était insaisissable et impénétrable. Pourtant, elle était adorable et très respectueuse. Kendall était une femme mesurée et calme, peut être un peu trop d'ailleurs. À l'inverse, sa petite Maria était toujours d'humeur joviale, elle était pleine d'énergie et chaleureuse. Ces deux femmes se trouvaient aux antipodes, et Lisa ne cessait de se dire que c'était sans doute la raison pour laquelle elles étaient ensemble, elles se complétaient. Cependant, il y avait toujours eu dans leur relation un aspect que la maman ne pouvait saisir, quelque chose qui semblait à la fois être le socle de leur relation passionnelle et la source d'une forme de structure de leurs liens.

- Je-je n'ai pas eu de nouvelles de Kendall depuis ce midi. Je lui ai envoyé plusieurs messages et je l'ai appelé plusieurs fois, mais je tombe sur sa messagerie...

En se redressant après avoir noué les lacets de ses sandales, Marie-Anne vit sa mère esquisser un petit sourire que cette dernière voulait rassurant.

Si Maria avait été plus attentive, elle aurait vu les épaules de sa mère se tendre.

- Nous nous étions mise d'accord pour ne pas vraiment nous parler aujourd'hui sauf en cas de problème, de sorte que les premiers mots que nous prononcerons soient ceux qui marqueront l'échange de nos voeux. Mais je-je ne pensais pas que cela serait aussi angoissant, balbutia la jeune femme.

Lisa se détendit un peu et attrapa les mains de sa fille.

- Et si elle ne voulait plus m'épouser maman, dit sa fille la voix nouée par l'émotion.

Lisa Le Bourgeois se rapprocha alors de son interlocutrice sans lâcher ses mains, de manière à limiter au maximum la distance qu'il y avait entre elles.

- Maria, chérie. Commença la mère en soulevant le menton de sa petite dernière. Kendall et toi, vous aimez plus que tout, il suffit de vous voir ensemble pour le savoir.

Sa fille les larmes aux yeux, lui répondit par un hochement de tête qui signifiait qu'elle confirmait parfaitement ses propos.

- Et vous avez choisi ensemble, d'unir vos vies, vos cœurs, vos désirs, vos besoins, vos âmes pour le restant de votre vie.

Sa fille, des larmes pleins les yeux acquiesça de nouveau d'un vif hochement de tête. Lisa lui caressa tendrement la joue.

- Kendall ne semble pas être le genre de personne qui fait des choses sans en avoir envie, sourit légèrement Lisa. Si ce n'est pas ce qu'elle souhaitait, cette histoire de mariage aurait déjà été enterrée.

Sa fille dans un reniflement laissa échapper un rire léger.

- Effectivement, rigola doucement Marie-Anne. Elle est... Indomptable, soupira t'elle finalement comme si tout le poids du monde venait de la quitter.

Lisa retira alors sa main de la joue de la jeune femme pour la laisser essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues.

- Et elle m'en voudrait de douter d'elle à cet instant précis, assura Marie-Anne qui venait de retrouver son grand sourire habituel.

Elle prit sa mère dans ses bras et elles restèrent ainsi de longues minutes, savourant la sérénité que cette étreinte leur apportait.

- Merci, maman souffla t'elle, je ne sais pas ce que je ferai sans toi. Murmura Maria en se libérant doucement de leur étreinte.

Elles échangèrent alors un regard complice et rempli d'amour puis Lisa rompit l'atmosphère remplie d'émotion en se levant du bord du lit.

- Bien ! Maintenant que nous avons finis de jouer les guimauves, je vais demander à la maquilleuse de remonter arranger tout ça, lança t'elle en faisant allusion au maquillage de sa fille qui venait d'être altéré par ses pleurs.

Après un dernier regard vers sa fille qui se contemplait désormais devant le miroir, Lisa quitta la chambre d'hôtel.

22 Juin 2015, hôtel Le Meurice, prestigieuse salle royale « Belle étoile », 17 h 09

- Où est Kendall ? S'inquiéta Justine qui venait de rejoindre sa sœur dans le balcon de la chambre d'hôtel. Marie Anne s'y trouvait encore alors que la cérémonie était supposée avoir commencé, il y avait de cela trente minutes.

Le maire était déjà là et tous les invités étaient déjà installés. Justine et Camille avaient fait de leur mieux pour les occupés et les rassurés. Cependant, tout le monde commençait à s'impatienter. Notamment la mère de Kendall qui n'attendait qu'une seule chose : quitter la réception au plus vite. Elle avait appelé sa fille une dizaine de fois devant Justine, en vain. Elle avait assuré que « Si cette jeune femme ne se présente pas dans une demi-heure, je rentre à New-York ! Même se marier elle n'est pas capable de le faire correctement ». Justine savait pertinemment que la mère de Kendall n'était pas là par plaisir ou par amour pour sa fille, Maria lui avait raconté que le père de Kendall avait dû la menacer de parler du mariage à la presse américaine si elle refusait d'y assister. Ce qui représentait évidemment le plus grand fléau qu'on aurait pu lui infliger.

- Je n'arrive pas à la joindre répondit sa sœur, les yeux vitreux.

- Peut-être qu'elle n'a plus de batterie, ou qu'elle a éteint son téléphone tenta Justine.

Sa sœur regardait la route au loin, espérant voir arriver la limousine qui devait transporter Kendall. Justine vint se tenir près d'elle. Elle n'était pas certaine de ce qu'elle devait dire, elle avait toujours été maladroite. Cependant en tant que demoiselle d'honneur et grande sœur elle voulait trouver les bons mots pour rassurer sa sœur.

- Et John, n'est-ce pas lui qui la conduit ? Surenchérit Justine. Tu as essayé de l'appeler ?

Maria fronça les sourcils.

- Le chauffeur précisa Justine, réalisant que ce n'était peut-être pas le prénom du monsieur.

- Jack, corrigea distraitement Maria. Il m'a assuré qu'elle avait presque fini de se préparé à 16 heures et il est injoignable depuis.

Justine acquiesça avec un petit sourire que sa soeur ne vit pas puisqu'elle ne lui portait aucune attention. Elle la relança :

- Il conduit sûrement. Et il y a peut-être des embouteillages, essaya Justine la voix pleine d'espoir.

Maria lui lança un furtif coup d'œil. Elle comprenait que sa sœur veuille la rassurer, mais à cet instant cela l'agaçait plus qu'autre chose. Le trajet entre l'appartement de Kendall dans le XVIe arrondissement et l'hôtel n'était pas long, s'ils étaient en route, ils ne tarderaient pas à arriver. Elle avait hâte de voir Kendall dans sa sublime robe Valentino sortir de la limousine. Elle essayait de se concentrer sur cette vision afin de se calmer.

Justine lança un regard vers sa petite sœur qui semblait ne même pas l'entendre, elle pouvait sentir la panique qui avait gagné sa sœur, l'envahir également. Maria continuait de regarder dans le vide, et les bras croisés se mordillant la lèvre inférieure. Depuis qu'elle était petite Marie-Anne avait ce tique lorsqu'elle était anxieuse ou lorsqu'elle mentait.

- Peut-être qu'elle est stressée et qu'elle avait besoin de faire un tour avant de venir, continua Justine pour combler le silence pesant.

- Oui, se contenta finalement de répondre Marie-Anne en espérant que cela ferait définitivement taire sa sœur.

Cette dernière posa doucement sa main sur son épaule. Marie-Anne se tendit, elle voulait tout sauf qu'on la touche, elle voulait être seule, qu'on la laisse tranquille pour qu'elle puisse attendre Kendall dans le calme. Bon Dieu qu'est ce que Kendall pouvait bien faire ? Elle était la personne la plus ponctuelle qu'elle connaissait, et évidemment, il fallait qu'elle soit en retard le jour de son mariage !

- Je suis sûre qu'elle va arriver d'un moment à l'autre, affirma Justine.

Elle se sentait tellement impuissante. Sa mère lui avait demandé de rassurer sa petite sœur et de lui demander de descendre pour dire bonjour aux invités afin de combler l'attente. Cependant, maintenant qu'elle avait vu sa sœur aussi tendue elle savait qu'il était préférable qu'on la laisse attendre en haut. Elle s'apprêtait à lui dire qu'elle allait la laisser seule puisqu'elle la savait bien trop douce pour le lui demander, quand un bruit de porte les fit sursauter. Lorsqu'elles se retournèrent elle virent un beau blond en costume magnifique refermer la porte de la chambre. Justine eut du mal à détourner son regard de la magnifique créature qui venait d'entrer dans son champ de vision. Elle n'avait aucune idée de qui cela pouvait être, mais lorsqu'elle vit le visage de sa sœur s'illuminer elle fut soulagée.

Maria sortit alors du balcon et le bel homme la prit dans ses bras, Justine préféra rester en retrait.

- Ta mère m'a filé le pass d'entrée pour la chambre, expliqua l'homme en se détachant de leur étreinte dans un anglais parfait. Tu es incroyable  ! Ajouta t'il en la détaillant de haut en bas.

Maria le remercia chaleureusement. Toute son angoisse venait de redescendre d'un coup, Marc était là ! S'il était monté la chercher, c'était forcément que Kendall était arrivée. Jack était sûrement passé par une entrée à l'arrière en raison des paparazzis. Kendall lui avait dit qu'il était possible qu'elle demande à son grand frère de l'accompagner à l'hôtel puisque c'était le père Jones qui l'escorterait lors de sa marche vers le maire. Et Kendall tenait à avoir son frère près d'elle d'une manière ou d'une autre. Elle se sentit bête de ne pas y avoir pensé, Marc était toujours en retard, il retardait toujours tout le monde ! Elle aurait dû l'appeler depuis le début. Son cœur tambourinait dans sa poitrine tant elle venait d'être submergée par des émotions divergentes.

- Ta sœur a bien fait de t'envoyer venir me chercher à sa place parce que sinon je l'aurai étripé ! S'exclama Marie-Anne dans la langue de Shakespeare. Tu te rends compte Marc : en retard le jour de son mariage !

Cependant, le sourire de Marie-Anne s'effaça lorsqu'elle vit l'air confus sur le visage de son futur beau frère.

- Je- Non Maria, dit il prudemment. Je ne suis pas venu avec Kenny, elle m'a demandé de la devancer.

Le visage de Maria se décomposa.

- Je suis justement venu te demander où est ce qu'elle était parce que mon père m'a dit que vous l'attendez depuis...

La sonnerie du téléphone de Marie-Anne retentit, Marc s'interrompit alors. Justine, qui avait entendu la sonnerie, rentra précipitamment dans la chambre après avoir écrasé sa cigarette dans le cendrier du balcon. Elle vit sa sœur se hâter de décrocher, si bien qu'elle manqua de faire tomber son téléphone.

- Kendall ! Hurla presque Maria au bord de la crise de nerfs. Bon dieu où est ce que tu es ?

Marc observait Maria, les sourcils froncés, et Justine l'air neutre s'assit sur le lit. Il y eut un long silence, durant lequel Maria n'entendit rien d'autre que des respirations à l'autre bout du fil.

- Kendall ? Répéta t'elle en articulant de manière exagérée les deux syllabes du prénom de la femme qu'elle aimait.

Marc se rapprocha un peu de sa future belle sœur lorsqu'il vit ses lèvres trembler.

- Je ne viendrais pas, annonça finalement Kendall la voix neutre et mesurée, à l'autre bout du fil.

Le cœur de Maria se mit à faire des soubresaut et toute la pièce autour d'elle se mit à tourner, elle failli s'écrouler par terre tant son estomac lui donna l'impression de faire une chute dans le vide. Marc et Justine, qui la virent tanguer, se rapprochèrent d'elle et la soutinrent en plaçant leur bras en dessous de ses épaules.

- Chérie, murmura t'elle le souffle saccadé, qu'est ce que tu racontes ? Où est-ce que tu es ? Continua t'elle la voix tiraillée entre l'énervement et la peur.

Il y eut de nouveau un silence horriblement long, Marc et Justine entreprirent de mener Maria jusqu'au bord du lit pour l'asseoir, mais cette dernière les repoussa presque violemment.

- Tu ne peux pas me faire ça Kendall, commença à s'enflammer la jeune femme en rentrant dans le balcon pour s'isoler. Tu n'as pas le droit de nous faire ça  ! La blâma t'elle.

En l'absence de réponse de la part de son interlocutrice, Marie-Anne se mit à enchaîner plusieurs phrases incohérentes en hurlant, pendant que d'abondantes larmes déferlaient sur ses joues. Justine et Marc échangèrent un regard affolé avant que la grande sœur de Maria ne se décide à descendre afin d'aller chercher ses parents et Camille.

- Tu sais que tout le monde est là Kendall ?! Tout le monde n'attend que nous ! Toutes les personnes que nous avons invitées à notre mariage sont la Kenny ! Ce n'est plus le moment d'être effrayée par l'idée de te marier ! Tu as eu une année entière pour le faire, s'exclama Maria à bout de souffle. Tu as intérêt à te présenter devant cette salle pour qu'on scelle nos foutu vœux, parce qu'il est hors de...

- Maria, la coupa son interlocutrice, sur un ton extrêmement calme amenant la nommée à se figer complètement.

Non, non, non pensa Maria comme si cela pouvait changer la réalité.

- Je ne veux plus que l'on se marie, déclara Kendall à l'autre bout du fil.

La bouche de Maria s'ouvrit, mais aucun son ne sortit de sa gorge en feu.

- Je regrette infiniment de ne pas avoir eu le courage d'affronter la vérité, commença à expliquer Kendall la voix pleine de culpabilité. Je ne reviens jamais sur mes décisions et encore moins sur mes engagements et tu le sais parfaitement Marie-Anne, mais je ne peux pas t'épouser.

Cette dernière détestait lorsque Kendall l'appelait par son prénom en entier, cela mettait une distance entre elles.

- Je fais fausse route depuis le début Marie-Anne. Je ne peux rien t'apporter. Je ne suis pas cette femme. J'ai voulu faire ce que tu attendais de moi.

- Kendall, je t'en supplie ne fais pas ça, implora Marie-Anne la voix à peine audible.

Elle s'appuya alors contre le mur du balcon, sa tête se mit à tourner et elle voulue vomir.

- J'ai essayé de mettre cette robe, j'ai essayé de me laisser me faire maquiller. J'ai essayé de nous visualiser, demain, sur le sable de la Barbade, mais toutes ces choses m'oppressent lui confia Kendall. Je ne pourrais jamais m'engager, m'offrir totalement, offrir mes vulnérabilités.

Maria voulut parler mais un sanglot l'en empêcha. Kendall lui laissa le temps de réussir à articuler.

- Nous serons vulnérables. Toi comme moi, l'une face à l'autre, essaya désespérément Maria. Tu m'as dit que tu te sentais prête à mener une relation de couple normale !

C'était vrai, Kendall l'avait dit. Et elle y avait cru durant toute l'année des préparatifs. Après deux années de relations de couple avec Maria, elle pensait être prête à délaisser à jamais sa manie de vouloir contrôler et posséder sa partenaire. Ce pouvoir malsain qu'elle adorait et qui la faisait se sentir intouchable. Parce qu'avec Maria tout avait été différent, il n'avait jamais été question de contrat. Kendall et Maria se connaissaient depuis le lycée, elles avaient été amies puis meilleures amies. Un soir après une soirée organisée par Marc à Monaco elles avaient couchées ensemble -après quelques semaines de flirt maladroits- et depuis ce jour Maria avait bataillé pour la convaincre d'essayer de mener une relation de couple normale avec elle. Kendall connaissait la bonté de cette jeune femme, jeune femme qui l'avait énormément aidé à s'estimer malgré les mots durs de sa mère et qui l'avait aidé à se défaire de l'alcool. Elle aimait la sérénité qu'elle lui apportait et sa foi qu'elle avait en elle de devenir une personne différente, une personne meilleure que la maniaque du contrôle et la dominante obsessionnelle qu'elle était. Kendall lui avait alors promis d'essayer.

Au fil du temps elle s'était faite à ce nouveau genre de relation qu'elle expérimentait. L'idée de sortir se promener ou d'aller au restaurant avec Maria lui paraissait parfaitement naturelle, elles en avaient l'habitude lorsqu'elles étaient amies après tout. La seule différence était que Maria lui caressait affectueusement la main, ou lui embrassait doucement la joue. Ces gestes, Kendall avait appris à les aimer et à essayer maladroitement de les lui rendre. Aussi, elle qui d'habitude ne supportait pas de voir une femme envahir sa chambre, sa salle bain, sa cuisine, son canapé, se surprit à apprécier de sentir l'odeur de l'autre femme dans son appartement lorsque celle-ci venait y passer quelques jours. Maria s'installa progressivement dans la vie de Kendall, sans que cette dernière ne se sente menacé ou prise au piège et c'est ainsi que durant deux années elle vécurent une histoire certes pas de tout repos puisque Kendall n'abandonnait ni sa nature autoritaire ni son caractère dominant, mais une belle histoire tout de même. Elles firent toutes les deux énormément d'efforts pour s'apprendre et se comprendre.

Lorsque pour la première fois Maria avait parlé de mariage à Kendall, elle ne s'attendait pas à ce que dernière accepte tout de suite cependant elle voulait laisser germer l'idée dans son esprit pour qu'elle l'envisage au moins. Après de longues discussions marquées par des arguments solides d'un côté comme de l'autre Maria avait perdu espoir. Mais lorsqu'elles en reparlèrent quelques mois plus tard Kendall se sentait prête, elle voulait honorer au mieux sa promesse et offrir la preuve ultime à Maria de sa sincérité.

Cependant, aujourd'hui lorsqu'elle s'était réveillée et qu'elle avait vu sa styliste, les maquilleuses, ses trois cousines qu'elle a n'avait pas vu depuis ces trois ans venues de Miami spécialement pour le mariage et deux de ses connaissances de son cursus d'études supérieurs affairées dans le salon de son appartement parisien, elle sentit comme son cœur se compresser dans sa poitrine.

Durant une année entière elle s'était préparée à prendre Maria pour épouse, c'était ce qu'elle voulait, elle en était certaine... Jusque-là. Or, elle ne faisait jamais rien sans le vouloir, elle était Kendall Jones. Et en observant sa tenue de mariée, une combinaison blanche en soie Kendall s'était rendue compte qu'elle ne pouvait pas, si sa relation avec Maria fonctionnait c'est parce qu'elle savait qu'elle pouvait y mettre un terme à tout moment comme elle le faisait avec ses anciennes soumises en résiliant leur contrat. Mais un mariage signifiait bien plus qu'un contrat dont elle fixait les règles. Cela signifiait qu'elle devait tirer un trait définitif sur son rôle de dominante, qu'elle n'aurait plus jamais la liberté de posséder une femme. Ce mariage la lierait à vie à Marie-Anne et il n'y aurait aucun moyen d'en effacer la trace. Aucun moyen d'effacer la trace de l'amour qui les unissait. L'amour... Est ce que Kendall aimait Maria ? Avait-elle ne serait ce qu'une idée de ce que cela pouvait être ? Elle ne l'avait certes jamais dit à Maria, elles ne se disaient pas ces choses-là. Cependant jusqu'à aujourd'hui elle était certaine que c'etait ce qu'elle ressentait, elle était persuadée qu'elle l'aimait. Elles avaient été meilleures amies, Maria la connaissait et l'avait toujours soutenu, il ne pouvait en être autrement, elle ne pouvait que l'aimer. Sinon comment aurait elle pu rester avec elle durant trois années ?

Kendall étouffait. Elle voulait prendre l'air, elle se sentait encerclée par toutes les personnes qui l'entouraient et qui semblaient toutes parler en même temps. Elle s'était fait prendre dans un engrenage qu'elle avait elle-même déclenché, elle Kendall Jones, celle qui voulait tout le temps avoir une main sur tout ce qui se passait dans sa vie et contrôler chaque situation. Cette Kendall là, aujourd'hui ne comprenait même plus ce qu'elle faisait. Elle était tellement en colère contre elle-même, pourquoi s'était elle tant leurrée durant tout ce temps ? Et maintenant ? Il fallait tout expliquer à Maria, mais lui expliquer quoi au juste ? Y avait-il réellement quelque chose à expliquer maintenant ?

Kendall se mit à rire d'elle-même, s'il y avait bien une personne sur terre qui n'aurait jamais dû se retrouver dans ce genre de situation, c'était bien elle. Et s'il y avait bien une personne qui ne méritait pas ce qu'elle était en train de lui faire, c'était bien Marie-Anne. Si elle avait su l'éviter, Kendall l'aurait fait, mais désormais, il était trop tard et ce qu'elle faisait était lâche et dégueulasse.

Lorsque Kendall eut fini de parler à Marie-Anne, cette dernière sans aucune réponse laissa son téléphone glisser de ses mains. Celui ci rentra en collision avec le sol du balcon et l'écran se brisa. Marie-Anne se laissa alors tomber sur le sol, sous le regard ahuri de ses sœurs, de ses parents et de Marc qui accoururent vers la jeune femme qui pleurait tel un bébé.

Kendall, qui s'était enfermé dans la chambre de son appartement, se servit un verre de vin, alors qu'elle n'en avait pas consommé depuis deux ans, avant de réserver une place sur un vol pour New-York, le soir même.

...

- Lantis ! Appela Arya qui venait de rentrer dans leur appartement après une journée chargée au travail.

Elle avait prévu de parler à Atlantis aujourd'hui en rentrant. Les explications de Kendall Jones l'avaient suffisamment convaincue. Elle avait également appelé Marc dans la journée pour qu'il lui confirme que sa grande sœur n'était pas mariée. Ce qu'il fit sans oublier de préciser que Marie-Anne ne désespérait pas et qu'il espérait que les choses rentreraient dans l'ordre entre les deux femmes. Chose qu'Arya décida de garder pour elle pour le moment. Il fallait maintenant qu'elle parle à sa meilleure amie pour payer sa fichue dette envers cette vipère et être quitte avec sa conscience.

Elle déposa son sac sur le canapé du living-room et elle alla ouvrir la porte de la chambre d'Atlantis, en espérant que cette dernière n'était pas au travail mais bien dans son lit puisque depuis jours sa meilleure amie n'était pas au top de sa forme. Cependant il n'y avait personne dans la chambre parfaitement rangée d'Atlantis, Arya s'apprêtait donc à en sortir lorsqu'elle entendit du bruit dans la salle de bain. Elle se mit à sourire, elle était ravie de constater que pour une fois Atlantis l'avait écouté lorsqu'elle lui avait demandé de rester à la maison pour se reposer.

Cependant, ses pieds s'arrêtèrent net à quelques mètres de la porte de la salle de bain. Elle ne pouvait plus avancer, son corps ne lui répondait plus. Une sensation qu'elle reconnut immédiatement et qu'elle chercha à réfuter en vain l'envahit soudain. Par l'entrebâillement de la porte, elle voyait Atlantis nue, en train de s'hydrater le corps. Les yeux d'Arya dévorèrent tout son corps sublime, elle était de dos et elle lui offrait une vue parfaite sur ses fesses rebondies. Arya détailla les courbes sensuelles et la peau caramel de sa meilleure amie qu'elle trouvait si parfaite. Elle tenta de nouveau de bouger, mais elle n'y parvenait toujours pas. Bon sang, elle avait vu Atlantis toute nue des centaines de fois alors qu'est ce qui lui prenait maintenant ? Pourquoi cette vision la mettait dans un tel état ? Une chaleur qui trahissait son désir vint l'envahir et Arya se mordit fort l'intérieur de la joue pour se contenir. Il fallait qu'elle bouge, elle ne pouvait pas rester ainsi, comme une idiote, à fantasmer sur sa meilleure amie !

Elle déglutit difficilement et entreprit d'avancer. C'est alors que son regard croisa celui d'Atlantis qui venait de se retourner. Arya venait de se faire surprendre en train de reluquer sa meilleure amie.

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