Chapitre VI


Près d'une semaine s'était écoulée depuis notre dîner chez les Miller. Une semaine intense où nous avions eu énormément de travail à l'agence,

Il y avait eu trois grands événements à préparer : un mariage, une baby-shower et une célébration de diplôme assez grandiose. J'étais débordée, mais je ne m'en plaignais pas. Non pas que je n'étais pas épuisée, mais cela m'évitait de ruminer, de me poser mille et une question.

Questions auxquelles je n'avais aucune réponses alors qu'il me suffisait seulement pour cela de composer un numéro, un seul et unique numéro. Les coordonnées de Kendall Jones, comme elle me l'avait indiqué étaient inscrites sur une carte professionnelle qui avait été glissée dans le porte document. Cependant l'idée de composer ce numéro m'était insupportable. Je ne poserais sans doute jamais mes questions à Kendall Jones, car il était hors de question que je devienne sa ... rien que le mot m'embarrassait.

Franchement, je ne comprenais moi-même pas ce qui m'empêchait de l'appeler et de simplement lui dire que jamais je ne deviendrai une sorte d'esclave sexuelle en acceptant de faire toutes les choses qui étaient mentionnées dans ce contrat. De toute toute manière, je n'avais absolument aucune expérience charnelle, alors je n'allais certainement pas accepter de me plier à de la domination avant même d'avoir expérimenté la manière douce.

Jusqu'à ce maudit baiser, je n'avais d'ailleurs jamais ressenti de manière aussi forte un désir charnel. Certes il m'était arrivé d'avoir envie parfois, mais ça avait davantage été de la curiosité qu'un besoin clair. Je m'étais promis de ne pas franchir le pas tant que je n'étais pas certaine d'être face à une personne face à qui l'envie d'elle me submergerait complètement ; ce qui n'était jamais arrivé auparavant. Cependant il m'en avait suffi de peu pour que l'idée de connaître les plaisirs de la chairs me consume et qu'elle joue de son pouvoir machiavélique pour jouer indéfiniment des scènes érotiques dans mon esprit.

Je maudissais Kendall Jones pour les valves qu'elle avait ouverte en moi. Comment pouvais-je autant vouloir l'étrangler que de sentir ses lèvres sur les miennes ? Je perdais complètement la tête. Ça, c'était certain.

...

Quelques jours plus auparavant, j'avais manqué de renverser ma tasse de thé sur mon lit lorsque mes yeux avaient rencontré les premières lignes du contrat.

Avant de prendre connaissance, j'ignorais même l'existence de ce genre de contrat. Je m'étais retenue d'aller réveiller ma meilleure amie. Ou plutôt, j'avais fais tous les efforts du monde pour garder la folie qui se trouvait entre mes mains pour moi. Je mourus d'envie de lui en parler ne serait ce que pour qu'elle me rassure en me racontant n'importe quelle anecdote hallucinante à ce sujet comme elle savait le toujours faire.

J'avais juste voulu entendre quelques mots qui auraient calmé mon esprit en fusion. Cependant je n'avais pas pu : un mélange de honte et de gêne, m'en avait empêché. Et sans doute l'aspect de confidentialité.

J'espérais me rassurer moi-même : ce n'était qu'une proposition après tout, ce n'était pas comme si j'avais exprimé le moindre intérêt pour ce genre de... Pratiques. Non, ce n'était pas de ma faute si Kendall Jones avait cru ne serait ce qu'une seule seconde que j'accepterai ce genre de chose. Qu'est-ce qui dans mon attitude lui avait fais croire que je voulais me soumettre à quiconque ? C'était de la folie !

Je devais simplement l'appeler et lui dire : « Écoutez madame Jones, je ne suis pas intéressée ». Une phrase, huit mots, et ma torture serait finie.

Tu parles.

Encore faillait-il réussir à le faire, j'avais repoussé ce moment toute la semaine. Certes, j'étais débordée de travail, mais ça ne m'aurait pris que cinq minutes de la contacter. Cependant je n'y arrivais pas, parce que je ne pouvais y penser sans devenir nerveuse et sans perdre tous mes moyens.

J'avais relu le contrat au moins une trentaine de fois : à la maison, au bureau, aux toilettes. Je connaissais presque tout son contenu par cœur. Les phrases revenaient en boucle dans mon esprit dès que j'avais le malheur de ne pas être occupée. Mon esprit d'ailleurs  devenait incontrôlable. Je repensais aussi aux bras de Madame Jones autour de ma taille, à ses lèvres scellées aux miennes et à la chaleur qui avait émané de mon corps à son simple contact.

...

J'étais assise sur le fauteuil de mon bureau, la tête enfouie dans mes bras. Incapable de réfléchir et de travailler convenablement quand cette palette de confusion m'attaqua de nouveau.

« Elle devra exécuter les ordres de sa maîtresse dans l'intimité comme dans les lieux publics. » Me mis-je à réciter dans ma tête, comme un mantra.

« La soumise ne contestera à aucun moment et en aucun lieu les ordres et décisions de sa maîtresse sauf dans le cas où elle se sentirait en danger. » récitais-je encore mentalement.

Je soupirai, exaspérée. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Il n'y avait rien de compliqué, l'appeler et lui dire « non ». C'était simple.

Aussi simple que de se remémorer la douceur de sa peau, la chaleur de ses bras, le goût de ses lèvres.

- Argh ! Grognais-je fortement.

Un bruit de porte me fit brusquement me redresser sur ma chaise de bureau. Le visage de Derreck apparut ensuite, il se tenait devant la porte, et son sourire s'évanouit dès que son regard croisa le mien.

- Hey. Commença-t-il, j'ai toqué plusieurs fois, mais - Ça va ? Demanda-t-il la voix inquiète en m'examinant avec attention.

J'esquissai un sourire que j'espérais naturel pour le rassurer.

Mon grand frère était un homme magnifique, ses cheveux noirs coupés à ras mettaient en valeur son visage : les lignes de sa mâchoire et ses traits fins. Nous avions les mêmes yeux foncés, mais les siens étaient bien plus beaux, en amande et rieurs.

- Parfaitement bien ! Et toi frérot ? Que me vaut cette visite surprise ? M'enquis-je d'un ton enjoué.

Derreck n'était venu qu'une seule fois à mon bureau et c'était le jour où j'avais repris l'agence. Cela ne lui ressemblait pas vraiment de passer à l'improviste.

- On ne s'est pas beaucoup vu ces deux dernières semaine. Je me suis dit que j'allais passer te prendre pour qu'on aille boire un verre ou manger une glace, m'annonça t'il avec un petit sourire.

Mon cœur se serra, Derreck était tellement adorable, il pensait toujours à ceux qu'il aimait et il répondait toujours présent, faisant de moi une passer priorité dans sa vie. Il était d'ailleurs toujours en tenue de travail. Savoir qu'il avait préféré venir me voir directement en quittant l'aéroport au lieu d'aller se reposer me réchauffa le cœur. Derreck était ma famille, mon repère, la seule personne qu'il me restait avec le même sang que le mien coulant dans ses veines.

- C'est si adorable de ta part, minaudai-je. J'adorerais, mais j'ai eu une si longue journée, je suis épuisée, avouais-je. Ça ne te dérangerait pas si on reste plutôt au bureau? Je vais nous commander de bonnes pâtisseries !

Mon grand frère acquiesça avec un large sourire avant de s'installer sur la chaise à l'opposé de la mienne. Je nous commandais ensuite un assortiment de pâtisserie.

...

- Alors, tes vols de ces derniers n'ont pas été pas trop fatigants ? Le questionnais-je.

- Nos vols n'étaient pas plein alors ça va, et toi ? J'ai eu Arya avant hier, quand je n'ai pas réussi à te joindre, et elle m'a fais savoir que tu avais eu une semaine d'enfer.

Mon frère fronça les sourcils, l'air soucieux.

- Comme d'habitude nous avons eu beaucoup de travail, soupirai-je en faisant un vague signe de la main. Mais on ne vas pas s'en plaindre ! Tempérai-je en croquant dans un macaron rose.

Mon grand frère m'observa de longue minutes, un sourire en coin sur les lèvres.

- Qu'est-ce qui te tracasse sœurette ? Demanda-t-il subitement.

Oh, il se passe simplement que l'une des femmes d'affaires les plus célèbres du pays m'a demandé de devenir sa soumise et que je ne me suis toujours pas empressée de lui répondre qu'il était hors de question que je devienne l'objet de ses fantasmes de domination.

- Rien. Pourquoi me demandes tu ça ?

Derreck grimaça, affichant clairement qu'il n'était pas convaincu. Il déposa sa large tasse de chocolat chaud en carton de couleur verte clair.

- Derreck, tentai-je. Tu sais que je ne suis pas faite de sucre ? Le taquinais-je. Ce n'est pas parce que j'ai une sale tête et qu'il me manque des heures de sommeil que quelque chose ne va pas. Je suis juste submergée de travail et fatiguée, lui expliquais-je. Quelques heures de sommeil arrangeront ça.

En l'absence de réaction de la part de mon grand frère, je lui fis les gros yeux afin qu'il arrête de me regarder avec cette moue perplexe..

- Très bien, se défendit-il finalement, les mains levés, cependant ses ses yeux marrons scrutateurs ne m'avaient pas quitté.

- Dis moi, comment va Darren ? Repris je, pour faire diversion.

Darren était le meilleur ami de mon frère et son coéquipier de vol.

- Il va super bien, sourit-il légèrement, il t'embrasse. Il passera sûrement nous voir dans la semaine.

J'approuvais d'un signe de tête, le nez dans ma tasse de thé. J'adorais Darren, il était doux, conciliant et très agréable.

Mon frère et moi dégustions lentement les pâtisseries que j'avais commandé en parallèle de notre discussion.

- Comment s'est passé votre dîner chez oncle Edward et tante Naïra mercredi dernier ? Enchaîna-t-il.

- Agréable comme d'habitude, dis-je en tripotant un stylo posé sur mon bureau. Ils veulent te voir, j'espère que tu seras là au prochain dîner.

Nous dînions presque tous les mercredi soir chez les Miller, mais cela faisait un moment que Derreck n'avait pas pu se libérer pour être là, notamment en raison de calendrier de vol.

En prononçant cette dernière phrase je cru lire une forme de panique sur le visage de mon aîné, cependant, ce fut tellement furtif que je cru l'avoir imaginé.

- Je ne sais pas, répondit il d'une voix hésitante. Je crois avoir quelque chose de prévu ce mercredi, se reprit il en déglutissant.

Je lui lançai alors un regard interrogateur.

- Une charmante petite hôtesse aurait t'elle enfin fait chavirer le cœur de mon grand frère ? Blaguai-je les yeux pleins de malice.

Mon frère et moi étions très à l'aise l'un avec l'autre. Il m'avait souvent raconté ses histoires de cœurs et j'aurai pu faire la même chose si j'en avais eu des plus sérieuses. La seule relation de Derreck sur laquelle lui et moi avions peu communiqué, était celle qu'il avait entretenue avec Arya, ma meilleure amie.

Leur rupture avait été soudaine et je n'avais jamais réellement osé aborder la discussion avec lui. Je savais que s'il avait tenu à m'en parler, il l'aurait déjà fait. Arya non plus ne s'était pas attardé sur le sujet.

- Il vaut mieux que ton frère et moi, restions amis, avait elle simplement soufflé le jour où je le lui avais demandé.

Tout ce que je savais, c'était que leur séparation avait été une décision prise mutuellement.

Malgré ma curiosité, j'avais respecté leur pudeur respective sur le sujet. De toute manière, cela m'évitait de me retrouver dans une situation délicate où je devrais prendre parti. Alors c'était sans doute mieux ainsi.

Depuis leur histoire, mon frère ne s'était pas mis en couple, pourtant le célibat et mon frère faisait deux. Depuis le collège, il avait toujours eu beaucoup de succès avec les filles. Derreck avait toujours été un beau garçon et il m'avait toujours dit croire au grand amour, et chercher sa perle rare. C'était sans doute l'homme le plus romantique que je connaissais.

Le visage de mon frère se crispa quelque peu à l'évocation du fait qu'il puisse être en couple.

- Je n'ai pas vraiment la tête à ça Atlantis. Je préfère me concentrer sur moi pour le moment. J'ai juste une soirée entre collègues à laquelle je devrais me rendre.

- Oh, lâchais-je sans cacher ma déception, alors mes neveux et nièces ne sont pas encore en cours de préparation ? Rigolai-je en prenant une moue triste.

Ma réplique le fit rire d'un rire léger. Derreck s'apprêtait à me répondre quand son attention se porta sur mon bras. Ou plutôt sur le porte document noir ouvert et déposé non loin de celui-ci.

- J'imagine que c'est ça le dossier qui te tracasse autant ? Demanda t'il en le pointant du doigt. Un porte document Cartier ça ne doit pas être n'importe quel client, précisa t'il en prêtant attention au logo gravé dans le cuir de l'objet.

Une petite bouffée d'anxiété me submergea et je m'empressai d'ouvrir l'un des tiroirs de mon bureau pour y glisser le porte document, d'un geste maladroit et suspect.

- Oh, non ce n'est rien de très important, mentis-je laborieusement. C'est juste confidentiel, m'embrouillai-je tandis que mon ainé me scrutait d'un air dubitatif.

- C'est pour Kendall Jones ? Continua-t-il en attrapant la carte qui avait glissé du dossier, pour se retrouver sur la table.

Derreck fronça les sourcils.

- Je croyais que tu avais refusé sa première offre ? Elle t'a quand même relancé ?

Mince.

- Non, m'empressai-je, enfin oui, elle m'a relancé. Elle m'a de nouveau demandé de travailler avec elle sur un prochain événement cette fois-ci, mentis-je. Elle m'a transmis quelques documents. Mais je dois t'avouer que je n'ai pas très envie de travailler pour elle, dis-je en évoquant tout autre chose que mon frère, une chose qu'il ne pouvait soupçonner.

Mon frangin hocha doucement la tête comme s'il essayait d'assimiler ce que je venais de lui dire.

- Et elle t'a proposé un contrat ? Sembla t-il s'inquiéter. Il ne faut pas que tu te laisses intimider.

- Oh mais non, je suis habituée à ce genre d'insistance ! M'exclamais-je. J'ai trouvé ça très entreprenant de sa part étant donné que je lui avais indiqué ne pouvoir travailler pour elle, lançais-je d'un air que je voulais désinvolte.

Je bu une grande gorgée de mon thé, essayant de dissimuler ma nervosité grandissante.

- Il ne faudrait pas que ça tourne en du harcèlement, finit par déclarer mon interlocuteur.

- Qu-quoi, du harcèlement ?! M'étonnai-je.

Je ne m'attendais certainement pas à ce que Derreck réagisse de cette manière.

- Ton emploi du temps est plein et tu lui as déjà dit que tu ne souhaitais pas travailler pour elle. Il y a plein d'autres agences événementielles très réputées à New-York. Je trouve ça curieux qu'elle insiste auprès de toi. M'expliqua t'il. Les personnes comme Kendall Jones pensent que tout doit fonctionner comme elles le souhaitent simplement parce qu'elles ont les moyens de tout s'offrir.

Derreck semblait contrarié, il lui en suffisait de peu lorsqu'il s'agissait des gens qu'il aimait, et surtout lorsqu'il s'agissait de moi.
Heureusement que je ne lui avais pas dis la vérité concernant les intentions réelles de Madame Jones.

- Atlantis si elle essaye de t'intimider d'une quelconque manière, dis le moi, et je lui en toucherais un mot si elle reprend un de nos vols. Je n'accepterai pas que l'on cherche à t'importuner, affirma mon grand frère d'un ton ferme avant de boire de son chocolat chaud.

Mon grand frère était à côté de la plaque. Heureusement. J'imaginais mon frère aller voir Kendall Jones pour lui demander d'arrêter de « m'harceler », il n'imaginait pas à quel point il m'embarrasserait en faisant une chose pareille.

- Derreck, tu prends tout ça beaucoup trop à cœur, assurai-je. Kendall Jones ne m'intimide aucunement, dis-je d'une voix fébrile. Et puis honnêtement, je préfère m'occuper moi-même de tout ça, il s'agit de mon travail.

Mon invité du jour ouvrit la bouche pour parler, cependant j'enchaînai, lui coupant l'herbe sous le pied :

- Je te promets que je vais m'en occuper mais que si j'en ressens le besoin je t'en parlerais, sans faute.

Je vis à son expression qu'il n'était pas totalement convaincu.

- Promets-moi que tu m'en parleras ? Vérifia-t-il en ne me quittant pas du regard.

- Derreck, le réprimandai-je, en levant les yeux au ciel.

On frappa à la porte à cet instant là, ce qui nous interrompit. J'invitai la personne de l'autre côté à entrer et Amy fit alors irruption dans mon bureau. Sentant que nous étions en pleine conversation, elle nous adressa un petit sourire d'excuse avant de déposer une pile de dossier sur mon bureau. Je la remerciai et elle s'éclipse discrètement,

Cette petite pause dans ma conversation avec mon frère joua en ma faveur puisque Derreck céda après avoir jeté un dernier regard sur la carte professionnelle de Kendall.

- Bon, alors ! Commença mon frère en ayant repris son air joyeux. Raconte moi ta semaine. Ta vie est tellement plus intéressante que la mienne. Tu fréquentes la haute société New yorkaise, tu dois en avoir des potins. Soutint t'il la voix pleine de dédain.

Ce qui me fit franchement rire, laissant pour la première fois depuis la veille, Kendall Jones en second plan.

                 ...

J'étais dans ma chambre, faisant les cent pas.

Derreck, et moi n'avions pas pu l'heure passer, nous étions restés à discuter de tout et de rien durant près de deux heures dans mon bureau avant de rentrer.

Mon frère se reposait de son retour de vol et ma meilleure amie s'en était allée au cinéma avec Morgan. L'appartement était donc calme, ce qui me laissait la possibilité de passer un coup de fil en étant sûre que personne n'interromprait cette discussion gênante ou ne l'entendrait. Je ne voulais que cet appel ne plus de cinq minutes, cependant j'avais appris à mes dépens que Madame Jones était du genre assez tenace.

Après près de vingt minutes de préparation mental. Je décidai qu'il était temps que je prenne mon courage à deux mains.

« Bonsoir Madame Jones, j'ai lu votre contrat, mais je ne peux pas. Je suis désolée. »

Trop gentil.

« Madame Jones, je refuse votre offre. »

Trop court pour ne pas paraître fébrile.

« Bonsoir. Écoutez madame Jones, je ne sais pas pour qui vous me prenez, mais j'ai trouvé votre proposition très déplacée ! Il en est hors de question. »

Trop insidieux.

- Eh puis mince, tu aviseras Atlantis ! M'emportai- je contre moi même avant de composer le numéro indiqué sur la carte de visite.

Après une dernière expiration. J'appuyai sur la touche d'appel.

Au moins huit sonneries retentirent. Je m'apprêtais à raccrocher quand une voix aiguë retentit à l'autre bout du fil.

- Mia Stone, secrétaire de Kendall Jones - propriétaire des enseignes Jones Company. Que puis je faire pour vous ? Enchaîna t'elle d'un ton mélodieux.

- Bonjour. Dis-je après quelques secondes de latence.

J'avais été bête, je m'étais attendue à avoir directement Madame Jones au téléphone. Alors qu'elle ne m'avait même pas transmis son numéro personnel : ce que je trouvais hilarant en raison du caractère si intime de ce qu'elle me proposait.

Je me raclai la gorge avant de continuer.

- Je souhaiterais parler à Kendall Jones. Ajoutai-je.

La secrétaire tenta tant bien que mal d'étouffer un soupir d'exaspération, et j'y perçus un brin de moquerie, j'eus presque envie de l'étrangler.

- Madame, je suis navrée de vous apprendre que c'est impossible. Les investisseurs, clients et collaborateurs doivent prendre rendez vous, même pour un entretien téléphonique et justifier leur demande d'entretien. Vous pouvez faire votre demande via le site internet, elle sera examinée dans les plus brefs délai.

J'eus un rire jaune. Toute cette mascarade protocolaire commençait à me faire perdre patience. Je recommençai à faire les cent pas dans ma chambre.

- Oui, eh bien, il se trouve que je ne suis ni un investisseur, ni un client, ni un collaborateur, répondis-je en gardant mon calme possible et en refoulant l'anxiété qui me gagnait.

Et dire que quelque heures auparavant j'affirmais à mon frère que Kendall Jones ne m'intimidait pas.

- Votre nom s'il vous plaît ? Demanda Mia Stone.

- Atlantis Kayslar, l'informai-je, avec la même lassitude que celle avec laquelle elle s'adressait à moi.

Il y eu des bruits sourds à l'autre bout du fil.

- Oh, mon dieu, souffla t'elle, presque effrayée. Madame Kayslar, je suis sincèrement navrée, j'attendais votre appel bien plus tôt dans la semaine. Je n'aurai jamais cru que c'était à vous que je m'adressais autrement je n'aurai jamais osé vous parler de cette manière. Se confondit elle en excuse. C'est la fin de journée, et je reçois une cinquantaine d'appels douteux par jour : veuillez m'excusez.

- Je comprends, affirmai-je à l'autre bout du fil.

- Restez en ligne je vous prie Madame Kayslar, je vous transfère sur la ligne de Madame Jones. Encore navrée, s'excusa t'elle avant que de nouvelles sonneries ne se fassent entendre.

Je me mordis la lèvre. J'étais si stressée à l'idée de parler avec Madame Jones.

Cette fois-ci, il y eut seulement trois sonneries.

- Kendall Jones.

À l'entente de sa voix calme et mesurée mon cœur se mit à accélérer dans ma poitrine et je me sentis quelque peu défaillir.

- B-bon-jour, Madame Jones.

Je l'entendis souffler. De soulagement ?

- Atlantis, dit-elle dans un soupir. J'ai cru que vous n'appelleriez jamais.

Je m'étais adossée contre la porte de ma chambre, la main sur le front, les yeux fermés. Pourquoi devais-je être autant sujette aux sensations que je ressentais ? Qu'est ce qui n'allait pas dans ma tête avec cette femme ?

- Je suis désolée, j'ai eu une semaine chargée.

Pendant laquelle j'ai eu au moins une vingtaine d'occasion de vous appeler, mais où je me suis défilée.

- J'ai cru vous avoir effrayée, dit elle d'une voix plus neutre.

Oh non, pas du tout, ironisai-je dans mon esprit.

- Non. Je, commençais-je la voix hésitante. D'ailleurs, je vous appelle concernant le contrat. Je suis désolée, mais je ne...

Il y eut des crissements puis une voix masculine résonna au loin. Kendall Jones sembla s'éloigner du téléphone. Au bout de quelques secondes elle revint :

- Atlantis, j'ai une réunion urgente. Je dois vous laisser. Je veux vous voir ce soir, assura t'elle. Nous dînerons ensemble.

- Je ne peux pas Madame Jones, j'ai..

Elle ne me laissa pas finir :

- Une voiture vous attendra en bas de chez vous dans une heure trente, intima t'elle, avant de raccrocher. À ce soir.

- Kendall ! M'écriais-je, cependant elle avait déjà raccroché.

Je soupirai avant de jeté mon téléphone sur mon lit. Qu'est-ce qui m'avait empêché de dire : non, NON. N-O-N. Je me maudis. Et me laisser glisser contre la porte de ma chambre.

Et voilà que je me vautrais davantage dans cette situation délicate, je n'étais pas certaine d'être en mesure de la revoir sans fondre d'embarras. Entre le contrat et le baiser, je ne savais pas ce qui m'angoissait le plus. Cependant l'idée de ne pas la revoir ne me plaisait pas davantage ainsi je n'envisageai pas de ne pas me rendre à cette rencontre. J'étais confuse. Je savais pourtant qu'en la voyant elle reprendrait le contrôle.  Que je me sentirai de nouveau toute petite, et étrange.

Mais il fallait que je tienne bon ce soir, que je sois ferme et surtout que je fasse en sorte qu'elle ne m'approche pas pour que je puisse rester lucide.

...

Le bruit de la sonnerie me fit sursauter.

Après mon bref échange avec Kendall Jones j'étais restée assise au sol, me demandant comment j'allais gérer cette situation.

La personne derrière la porte s'acharnait littéralement, je m'empressai ainsi de me le relever puis de courir vers la porte d'entrée, avant de me stopper net.

Et si c'était elle ? Si elle était venue de nouveau ? Non, elle m'avait dis avoir une réunion urgente, elle devait avoir mieux à faire à son travail que de revenir chez moi.

Dans le doute, je regardai dans le judas et je lâchai un soupir de soulagement lorsque je vis ma meilleure amie, les bras pleins de sacs et visiblement impatiente qu'on lui ouvre. Dans son look de fashionista androgyne Arya semblait tout droit venir de la Fashion week.

- Arya ! L'acclamai-je en lui sautant à la nuque, lui faisant presque perdre son équilibre.

- Wow ! Rigola t'elle. Je ne crois pas avoir eu droit à ce genre de câlin depuis... Elle fit mine de réfléchir. Jamais ! Dit elle avec plein de sarcasme.

Je lui donnais un coup à l'épaule, ce qui la fit davantage rigoler.

- Menteuse, l'accusais-je avec une moue boudeuse, en refermant la porte. Et puis je suis juste ravie de te voir.

Toi et pas Kendall Jones.

Je n'étais certes, pas une personne très câline de nature mais cela ne s'appliquait pas vraiment à Derreck et à Arya, bien qu'il était vrai que je leur sautais très rarement dessus.

Arya m'adressa un sourire moqueur avant de s'affaler sur le canapé, avec des sacs remplis de vêtement et de chaussures ! Évidemment, la jeune femme avait un réel faible pour les sneakers qu'elle collectionnait.

- Eh bien, quelqu'un s'est fait plaisir après sa séance de cinéma, riais-je.

- Eh oui ! Jubila t'elle presque. Et tu sais quoi ? Morgan, n'a pas bronché une seule fois, il a tenu les sacs patiemment ! Il faut croire qu'il est parfait.

Je haussai les sourcils, sonnée. Je croyais avoir mal entendu. En voyant mon air outré, Arya Miller prit tout de suite une expression sérieuse et condescendante.

- Oh non, je connais ce regard Atlantis. S'indigna t'elle avec un visage offusqué qui me donna envie d'exploser de rire. On ne fait que coucher ensemble, et faire des trucs entre amis, rien de plus.

Je crispai mes lèvres pour ne pas rire.

- J'adore ta vison de l'amitié, rigolai-je avec un air suffisant.

Elle fit des grimaces qui semblaient vouloir refléter ce à quoi je ressemblais lorsque je lui parlais. Je pouffai de rire en même temps qu'elle face à cette imitation dramatique.

Ma meilleure amie voulut ensuite me montrer ce qu'elle avait acheté.

- On devrait réveiller Derreck et aller dîner au New Yorker, je meurs de faim. Proposa t'elle en dépliant une tunique Dior noire style veste de tailleur sans manche.

Le New Yorker était notre restaurant favori à Arya, mon frère et moi, nous avions pour habitude de nous y retrouver dès que nous le pouvions, tous les trois. Je failli répondre favorablement à cette proposition quand je me souvins que j'avais un rendez-vous qui m'avait presque été imposé. Je sentis un vent de panique passer.

- Je-je ne peux pas Arya j'ai un truc à faire, cafouillai-je. Mais tu devrais y aller avec Derreck et Morgan, d'ailleurs où est il ?

Mon amie fronça les sourcils, visiblement très dubitative avant qu'un sourire mutin ne se dessine sur son visage. Elle ignora volontairement la deuxième partie de ce que je venais de dire.

- Un truc à faire ? Répéta t'elle, les yeux plissés, telle une enquêtrice. Atlantis Kayslar ! Tu n'oserais pas avoir un rencard et ne pas m'en parler ?

L'air faussement solennel d'Arya me fit rire et mon angoisse se dissipa peu à peu.

- Ce n'est pas vraiment un rencard, la corrigeai-je, c'est juste un rendez-vous. Sans grande importance, ajoutais-je d'une petite voix.

Elle se redressa, toute excitée.

- Tu te moques de moi ? S'écria t'elle. Un rendez-vous sans importance ? Dans ce cas pourquoi as tu cet air coupable sur le visage ? Je n'y crois pas une seule seconde.

Je refermai ma bouche, sachant pertinemment que j'étais démasquée. Mon dieu, il ne manquait plus que ça : qu'Arya s'en mêle.

- Arya.. Ce n'est pas un rencard, tempérai-je.

La jeune femme leva les yeux au ciel avec dédain.

- Bon, maintenant je veux tout savoir ! Me réprimanda t'elle presque. De qui s'agit il ?

Il était inutile que je mente à ma meilleure amie, de toute manière elle décèlerait la moindre trace de mensonge et elle insisterait sans doute pour m'accompagner jusqu'au lieu du rendez-vous si je me montrais évasive.

- Je ne t'en ai pas parlé parce que ce n'est pas un rencard Arya ! Me défendis-je.

Elle me regardait avec attention, et aussi avec une insistance signifiant que tout ce qui l'intéressait était de savoir avec qui j'avais rendez-vous.

- C'est avec Kendall Jones.

Arya fit les gros yeux, laissant retomber les vêtements qu'elle tenait dans ses mains, à l'expression de son visage j'ignorais si cette information relevait d'une bonne ou d'une mauvaise surprise pour elle mais je n'eus pas le temps de le savoir car son expression changea radicalement, d'un coup.

- Purée, tu parles d'un rencard, s'exclama t'elle alors. Je savais qu'elle en pinçait pour toi.

Je levai les yeux au ciel.

- Mais je dois avouer que je suis perdue : au dernière nouvelle tu étais hétéro et tu trouvais cette femme irrespectueuse, me fit elle remarquer.

Je me mordis la lèvre inférieure. Effectivement aux dernières nouvelles c'était le cas, sauf que ma meilleure amie ignorait qu'il s'était passé pas mal de choses entre temps. Je n'eus heureusement pas besoin de m'expliquer puisque Arya continua :

- Attends et le mariage ? Dit elle interloquée. Tu veux fréquenter une femme mariée ?

J'articulai pour rétorquer mais ma meilleure amie dans son extravagance enchaîna :

- Je refuse de me faire tuer par ton frère à cause de toi. Tu le connais, lui, sa morale et ses principes, s'il apprend que sa soeur fréquente une femme déjà mariée je n'imagine pas la scène qu'il va nous faire.

Je soupirai, me souvenant soudain des raisons pour lesquelles je ne voulais parler de ce qu'il se passait avec Kendall Jones ni avec Arya ni avec Derreck : il y avait pas mal d'éléments de l'histoire dont je ne pouvais leur faire part.

En guise de réponse à la question de mon amie je hochai la tête de gauche à droite. Kendall Jones n'était pas mariée et je ne souhaitais pas développer cette conversation avant que cela ne nous mène à ce que la meilleure amie ne nous demande comment je l'avais su. Je me mis à fuir le regard de ma meilleure amie, espérant qu'elle ne m'interrogerait pas d'avantage. Arya se contenta fort heureusement d'acquiescer, elle se para ensuite d'un léger sourire qui ressemblait d'avantage à une grimace.

Quelque chose était étrange dans l'attitude de mon amie, mais après tout peut être que mon cas était vraiment aussi désespéré et qu'elle était vraiment agréablement surprise...

- Arya, je te dis que ce n'est pas un rencard alors arrête de me regarder avec cette expression sur le visage !

Mon amie ne sembla pas s'encombrer de ce que je lui disais, elle m'attrapa par les épaules et me mena jusqu'à ma chambre.

- Peu importe comment tu veux appeler cette occasion. Ta tenue sera tout de même digne de celle d'un premier rencard, me garantit elle avec un brin de quelque chose que je ne réussis à saisir dans sa voix.

A travers mon miroir de plein pied, le regard azur de ma meilleure amie accrocha le mien.

- Est ce qu'elle te plaît ? Demanda t'elle sans sourire.

- Je-je ne sais pas, cafouillai-je.

C'était un mensonge, bien évidemment. Cependant quelque chose dans le regard d'Arya m'avait suggéré qu'il avait été mieux que je réponde ainsi.

...

Jack se tenait devant une des portières de la limousine.

- On peut dire elle sait y faire, me souffla ma meilleure amie la voix pleine de sous-entendu.

Comme je m'y étais attendu Arya, faute de pouvoir m'accompagner jusqu'au lieu de mon rendez-vous était descendue avec moi jusqu'en bas de l'immeuble ou le véhicule de Kendall Jones m'attendait.

Je lançai un regard noir à mon amie ce qui lui fit échapper un rire léger.

- Quoi, tu en connais beaucoup toi des filles à qui l'on a envoyé une limousine pour leur premier rencard ? Ironisa la femme aux cheveux courts.

J'aurais sans doute pris le temps de plaisanter avec mon amie si j'avais été plus détendue. Arya ne comprenait pas vraiment la situation embarrassante dans laquelle elle m'enfonçait. Avec la tunique Dior qu'elle venait d'acheter, et qu'elle m'avait presque obliger à porter, mes escarpins, je ne serai pas très crédible devant Madame Jones lorsque je lui dirai que je m'étais autant apprêtée simplement afin de l'informer que je refusais de signer ce contrat.

En même temps, si cette femme ne cessait de m'interrompre lorsque je lui parlais, peut être aurait-elle entendu lorsque j'avais commencé à lui dire que je ne voulais pas le signer et que je ne pouvais pas dîner avec elle !

- Détends toi Atlantis ! Me dit elle en attrapant mes mains. Je suis tellement... contente, continua t'elle d'une voix assez incertaine alors qu'une lueur étrange passa dans son regard. Je commençais sérieusement à désespérer de ton cas.

Ma meilleure amie me prit dans ses bras, et me serra contre elle durant de longue secondes. En m'écartant pour mettre un terme à notre étreinte. Je cru voir les yeux d'Arya s'humidifier. Je ne comprenais pas pourquoi elle réagissait de manière aussi excessive.

- Arya, je t'ai dit que ce n'est qu'un dîner et que c'est sans importance.

- Oui, bien sûr !

Elle appuya ensuite sur le bouton qui permettait à la porte principale de l'immeuble de s'ouvrir. Arya me mit presque dehors. Je levais les yeux au ciel devant son son attitude, et me dirigeai vers la limousine devant laquelle l'homme qui travaillerait pour Kendall Jones attendait toujours patiemment.

- Atlantis ? Attends ! M'intima alors Arya bloquant la fermeture de la porte. Est ce que ton frère est au courant de ce rendez-vous ou dois-je te trouver un alibi ?

Comment avais-je pu oublier Derreck, lui qui croyait que je me faisais harceler par Kendall Jones. Bon sang. Je secouais la tête pour répondre négativement à la première question.

- Je tiens à ce qu'il ne soit au courant de rien, lançai-je.

Arya m'examina durant quelques secondes avant d'acquiescer, je décelai tout de même un brin de reproche dans son regard. La jeune m'envoya tout de même un bisou volant.

- Fais très attention à toi, l'entendis-je dire avant que je ne me retourne.

Jack me salua solennellement quand j'arrivai à sa hauteur avant de m'ouvrir la portière. À ma grande surprise aucune trace de Kendall Jones dans la limousine.

Surprise ? Déception est sans doute plus approprié, souffla une petite voix dans ma tête. Je l'ignorais.

Je me glissai dans le véhicule, en interrogeant l'homme de main du regard.

- Madame Jones m'a prié de vous informer qu'elle n'a malheureusement pu se libérer à temps. M'annonça t'il. Par conséquent elle n'a pu venir vous chercher, elle s'en excuse, rapporta Jack. Je vais donc dès à présent vous conduire dans ses appartements. Le chemin ne sera pas long. Si vous voulez bien m'excuser, conclut t'il avant de refermer la portière.

Ses appartements. Ses appartements ?

Dans quel genre de pétrin m'étais-je encore fichue ?

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