Chapitre III


Kendall Jones était passée du chaud au froid sans prévenir.
Ce paradoxe était d'une violence délicieuse mais quelque peu déstabilisante. Il y avait tout d'abord des sortes de grosses boules en métal assez douces que ma masseuse du jour faisait passer et repasser le long de mon dos, puis de mes mollets. Aussi, elle jouait de ses mains désormais glacées, avant de reprendre avec les grosses boules.

C'était agréable. Inconnu mais agréable.

Kendall Jones massa ensuite la plante de mes pieds avec une dextérité et une douceur qui me firent lâcher des gémissements de bien être profond. Dieu, ses mains ! Je ne la voyais pas, mais je la sentais appliquée et concentrée.

Mon massage dura entre une heure trente et deux heures — si je n'avais pas perdu la notion du temps.

J'aurais souhaité que ce message dure encore des heures, cependant cette perspective, sans que je ne sache pourquoi, me rendait nerveuse. Kendall Jones me rendait nerveuse. Sans doute parce qu'elle était connue et que je n'aurais imaginé rencontrer une personnalité de ce genre dans ce contexte inédit.

Lorsque ce fut fini, elle me demanda dans un murmure comme si elle ne souhaitait pas me sortir de mon état second, si je souhaitais rejoindre l'espace détente où se trouvaient les aménagements aquatiques, je refusais poliment. Elle me proposa alors qu'une des esthéticiennes m'offre quelques soins. De nouveau : je déclinais l'offre, j'étais quelque peu gênée de me voir offrir toutes ces propositions.

De plus, j'étais aussi fatiguée suite à ce massage délicat qui avait gainé tout mon épuisement accumulé ces dernières semaines. Désormais je ne voulais qu'une chose : plonger dans mon lit et faire une bonne sieste.

Tandis que j'étais toujours allongée, Madame Jones déposa le peignoir couleur crème que j'avais enfilé plus tôt, sur mes épaules.

- Reposez-vous, m'ordonna-t-elle presque dans un chuchotement.

Sa main effleura légèrement mes cheveux, ce qui hérissa tous les poils de mon corps.

Dans ma position, je ne la voyais toujours pas mais je ne m'en plaignais pas, elle aurait pu lire mon embrasement sur mon visage.

Je la sentis s'éloigner, puis un bruit de porte me confirma qu'elle avait quitté la pièce.

J'attendis, tous mes muscles tendus, qu'elle revienne. Je restais dans cette position durant au moins cinq minutes. Puis j'eus le sentiment qu'elle ne reviendrait pas.

C'était tout de même une manière étrange de prendre congé. Elle aurait tout de même pu me prévenir qu'elle partait. Je soupirai, avant de me redresser et d'enfiler le peignoir déposé sur mes épaules.

Je retournai dans la pièce où je m'étais changée en passant par le sas, avant d'entrer dans une grande salle de bain toute blanche. Une panoplie de gel pour le corps était disposée dans une sorte de caisse charmante en bambou.

Je pris une douche froide rapide avant d'aller enfiler mes vêtements.

Je décidai dès lors d'envoyer un message à Arya pour savoir si elle avait elle aussi terminé.

« Hello. Tu as fini ? »

Ma meilleure amie me répondit presque instantanément.

« Hey chérie. On s'est bien occupé de toi ? Je suis en pleine séance de pédicure. Tu me rejoins ? »

Je souris en lisant son message.

« Oui c'était très bien, et toi ? Je t'avoue que je suis crevée. Tu ne m'en voudras pas si je ne te rejoins pas ? »

« Hormis le fait qu'on ait été séparées, c'était parfait. File chérie. J'ai un rendez-vous avec mon père après ça de toute façon. On se voit ce soir alors ? »

Je quittai le spa en disant au revoir à Elis qui avait retrouvé sa place à l'accueil. Elle s'excusa encore avant de me souhaiter un excellent début de semaine. Je me replongeai ensuite dans mon smartphone pour écrire à Arya :

« Contente que ça t'ait plu au moins, même si ce n'était pas comme nous l'avions imaginé » répondis-je en marchant. « Est ce que notre invité dort à la maison ce soir ? »

Mon téléphone vibra au bout de quelques secondes, affichant des smileys hilares face à mon sarcasme, s'en suivit un autre message :

« Je m'occupe de Morgan. Rien de sérieux. On en reparlera plus tard, bisous »

Quand Arya esquivait un sujet d'une manière aussi maladroite, cela voulait simplement dire qu'elle n'avait pas très envie d'en parler. Elle n'aimait pas s'étaler sur ses conquêtes furtives avec moi, estimant qu'elles n'étaient pas assez importantes pour que cela en vaille la peine.

...

J'avais la sensation qu'il faisait encore plus chaud que lorsque j'avais quitté mon appartement. Malgré ma douche froide prise au spa, j'avais très chaud. Il y avait énormément de monde dehors énormément de touristes, je n'avais qu'une hâte : arriver chez moi. Je marchais vite, fendant cette marée humaine, qui me faisait me sentir agitée. Entre mon environnement externe et cette séance de massage pour le moins étrange. Je ressentais une sensation de gêne inhabituelle et inconnue.

Je pouvais encore sentir mes cheveux et mes poils se hérisser. Pourtant, elle m'avait tout juste effleuré. Je n'étais même pas certaine si c'était volontaire, sans doute était-ce accidentel. Je me focalisais sur un geste insignifiant, que j'avais sans doute été la seule à remarquer. C'était ridicule, mais cela me perturbait. Que me prenait-il à être perturbé pour un oui et pour un non aujourd'hui ?

Et puis, l'avait-elle vraiment dit ? Avais-je imaginé ces mots que j'avais cru entendre ? Non, voyons pourquoi aurait-elle dit ça ?

J'étais confuse et perturbée.

Stop Atlantis, m'ordonna une petite voix dans ma tête.

Cette Madame Jones n'avait en plus pas été des plus correcte. Elle ne m'avait même pas dit au revoir. Il fallait que j'arrête de penser à cette séance. Et je mis ma nervosité montante sur le compte du soleil qui tapait fort contre ma peau et de mon environnement externe bruyant et mouvementé.

Après plusieurs minutes de marche, je me rendis compte que j'étais tellement absorbée par mes pensées que je n'allais plus dans la bonne direction. J'avais emprunté une rue où se trouvaient une multitude de restaurants.

Je faisais demi tour afin de reprendre mon chemin lorsque je remarquai qu'un 4x4 noir aux vitres tintées semblait me suivre, j'en fus certaine lorsqu'il arriva à ma hauteur, très près du trottoir, puis il se mit à rouler au pas à ma hauteur. La vitre du côté passager se baissa ensuite.

Je restais là, interloquée. Kendall Jones ? Encore ?

- Je suis navrée d'être partie sans vous prévenir, j'ai dû faire face à une urgence. Il fait très chaud Atlantis, permettez-moi de vous déposer chez vous.

Atlantis. Cette fois-ci j'avais clairement entendu mon prénom dans sa bouche. Elle avait une manière particulière de le prononcer, et une aisance qui donnait l'impression que nous étions amies ou en tout cas familière. Mon prénom dans sa bouche semblait être apprivoisé.

Kendall Jones avait de nouveau enfilé la veste de son tailleur, en revanche elle avait ajouté des lunettes de soleil sur son nez fin. Et ça lui donnait un air charmant.

- Je comprends. Dis-je simplement. Et je vous remercie pour votre proposition mais j'habite tout près. Et puis je préfère me dégourdir les jambes et profiter du beau temps. Ah, et merci pour le massage, conclus-je avec un léger sourire.

J'avais parlé à grande vitesse, m'époumonant presque, et j'avais dit mes derniers mots en accélérant le pas comme pour me donner de l'assurance.

Ce fut naïf et inutile, car le 4x4 avança d'un coup sec jusqu'à ma hauteur, avant de freiner brusquement faisant klaxonner quelques voitures derrière lui. Je vis ensuite Madame Jones se pencher afin d'ouvrir la portière du côté passager.

- Montez Atlantis. M'ordonna- t-elle.

Sa voix avait été ferme. Je n'avais pas le souvenir qu'on se soit déjà adressé à moi sur un ton aussi injonctif, mis à part mes parents.

Les klaxons et nombreuses voix qui s'échauffèrent me contraignirent à monter au plus vite. J'étais furieuse, qu'est-ce qui lui avait pris ? Quelle était cette manière d'agir ?

- Je peux savoir ce qui vous prends ? Commençais-je. Je crois vous avoir dis que je pouvais rentrer seule, je n'habite pas loin. Pourquoi insistez-vous ?

J'étais assise de l'autre côté de la banquette, à l'opposé de Kendall Jones, cependant je sentais son regard insistant sur moi et cela suffisait à me donner l'impression que nous étions toute proche.

Madame Jones avait les lèvres pincées et elle arborait un air sévère.

- Force est d'admettre que votre réputation n'est pas infondée, pensai-je tout haut.

Je le regrettai aussitôt.

- Et que dit-elle ? Rétorqua-t-elle immédiatement d'une voix détachée.

- Que vous êtes hautaine et arrogante, lançai-je courageuse.

En temps normal, je n'aurai jamais osé dire cela à une inconnue mais en temps normal aucune inconnue saine d'esprit ne se serait comportée de cette manière : me contraindre à monter dans sa voiture alors que j'avais explicitement annoncé que je ne le voulais pas.

- Et vous, vous êtes insolente Atlantis Kayslar, dit-elle avec une sévérité qui me déconcerta. Votre adresse ?

Je sentis mes yeux s'écarquiller face à son culot, et elle ne flancha pas, soutenant mon regard jusqu'à ce que je ne puisse plus le supporter. Avec toute cette mascarade je n'avais même pas remarqué le conducteur : un brun qui portait également des lunettes de soleil et un costume, il attendait patiemment.

Je donnais mon adresse, cédant encore une fois, pourquoi ne quittais-je tout simplement pas le véhicule ? L'idée me traversa cependant le regard de Kendall Jones avait quelque chose de très dissuasif, cela prenait à la gorge.

- Jack, fit Madame Jones d'un ton neutre.

C'était comme si le simple fait de dire ce prénom indiquait à l'homme en question ce qu'il devait faire, et c'était visiblement le cas puisque le conducteur démarra.

La propriétaire des enseignes Jones Company ne m'accorda pas un regard durant le trajet qui ne dura que quelques minutes, ces dernières me parurent pourtant interminables. Une atmosphère glaciale avait envahit la voiture. Je réalisais peu à peu que cette femme était le stéréotype de la femme riche exaspérante, croyant que tout lui est dû.

Lorsqu'on arriva devant mon immeuble, le conducteur qui était grand et tonique, vint m'ouvrir la portière. Je lui fis un sourire et le remerciai. Il n'avait pas à supporter mon irritation due au comportement indécent de sa patronne. J'essayais de m'extirper au plus vite du véhicule pour ne pas avoir à dire au revoir à Kendall Jones. J'allais lui montrer ce qu'était l'insolence. Comment avait-elle pu oser ? Je m'étais très bien comportée avec elle qui plus est. Et puis elle ne me connaissait même pas.

J'étais hors du véhicule quand sa voix coupa mon élan, encore.

- Je dois organiser une soirée privée pour mon entreprise ce mercredi. On m'a fait savoir que vous dirigiez l'une des meilleurs agences d'événementiel de New York, par conséquent j'aimerais que vous travailliez pour moi sur cet événement. Bien évidemment, je vous rémunérerai le double de vos honoraires habituels et je mettrai à votre disposition une équipe qui suivra vos ordres à la lettre.

On y était. Il était évident qu'elle voulait quelque chose. Un massage puis une petite balade forcée dans son 4x4 sublime. Étant donné que mon planning d'organisation était plein jusqu'en mars et qu'effectivement je dirigeais l'une des meilleures agence dans ce domaine, il était probable que tout ce traitement de faveur au spa n'ait été qu'un moyen de préparer le terrain pour me convaincre de lui organiser son événement. Elle croyait donc m'acheter avec un massage et une balade en 4x4 ? Après m'avoir presque insultée qui plus est !

Il fallait dire que j'avais eu le droit à tout un genre de faveur de la part de personne qui souhaitait absolument que ce soit l'agence que je dirigeais qui organise leurs événements : un bouquet de fleurs tous les matins durant une semaine, des bijoux en matière nobles, des pâtisseries fines de chefs de renommés ou encore une série d'appels incessants (en d'autre terme du harcèlement). Mais Kendall Jones était de loin la plus ingénieuse, je ne l'avais absolument pas vu venir. Je fis de mon mieux pour ne pas perdre mon sang froid bien que j'eus envie de lui signaler à quel point sa démarche était ridicule, en plus de me donner le sentiment qu'elle me prenait pour une idiote. Elle pensait pouvoir tout acheter ? Me proposer de ma payer le double de mes honoraires comme-ci je n'avais aucun principe !

- Navrée Madame Jones, mais je ne peux rien pour vous, mon planning est complet. Mer-merci de m'avoir déposée bien que ce n'était pas nécessaire, lançai-je d'une voix que je voulus détachée, avant de claquer la portière.

Je me retournai et je me dirigeai précipitamment jusqu'à l'entrée de l'immeuble.

Je pris l'ascenseur pour rejoindre le sixième étage où nous vivions Arya, mon grand frère Derreck et moi-même.

Mon frère et moi n'avions pas les moyens de nous payer un tel appartement, malgré son poste de steward au sein de la compagnie Air France qui lui permettait de percevoir un revenu plus que convenable, malgré l'argent de notre héritage. Les appartements dans ce secteur même en location étaient hors de prix.

L'appartement où nous vivions avait été acheté à Arya par ses parents à l'occasion de ses vingt et un an. Elle avait insisté longuement pour que nous y vivions en colocation. Derreck nous avais rejoints lorsque lui et Arya avaient eu une aventure de trois mois qui fut intense, éprouvante et étrange de mon point de vue. Mais je ne m'y étais jamais opposée, cela ne m'avait pas dérangée, s'ils étaient heureux, je ne voyais pas le problème. Tout ce que je voulais éviter, c'était que cela ne nuise pas à mon amitié avec Arya, ce n'est jamais évident de se retrouver entre deux personnes que l'on aime fort. Cependant entre eux, tout s'était fait très vite et sans que je ne m'en rende compte, tout s'était également fini tout aussi rapidement puisqu'ils avaient fini par se séparer sans que cela ne les empêche de rester bons amis. Après ça Derreck était resté vivre avec nous, et nous cohabitions dans la plus grande harmonie.

Arya refusait toute forme de participation financière que l'on essayait de lui verser symboliquement, donc nous vivions gratuitement dans ce grand appartement de cinq chambres dont trois avec salle de bain et dressing. J'adorais vivre avec mon frère et ma meilleure amie, je ne me sentais jamais seule, j'aimais la solitude, mais en étant entourée c'était ce que j'avais. De plus, la mort de mes parents avec qui nous étions très proches, mon frère et moi, avait accentué mon besoin d'être près des gens que j'aimais.

Nous étions comme un bouclier les uns pour les autres, nous veillons à ce que chacun d'entre nous aille bien, même si en raison de son travail, on voyait Derreck moins souvent.

À mon arrivée à l'appartement, je remarquai que personne n'était à la maison à l'appartement et j'en profitai pour faire une sieste. J'allumais la climatisation, plongeais dans mon lit et après avoir ressassé plusieurs fois l'image de Kendall Jones dans mon esprit, je sombrais dans un profond sommeil.

...

Lorsque je me réveillai, j'entendis du bruit et une odeur divine envahir mes narines. Je devinais que Derreck était rentré et qu'il cuisinait, il adorait ça et il le faisait bien.

Un mal de tête horrible se fit ressentir dès que j'eus posé mon pied hors du lit, je jetai un coup d'œil à mon téléphone. Il était 20h, j'avais dormi environ cinq heures, mais je me sentais encore plus épuisée qu'avant ma sieste ! Cela faisait longtemps que je n'avais pas dormi autant.

Je fus surprise de trouver ma meilleure assise en train de manger face à mon frère sur le bar américain de la cuisine. Je pensais qu'elle sortirait avec Morgan ou qu'il renouvellerait leurs activités nocturnes, en général, Arya les enchainait trois nuits avant de passer à autre chose.

- Coucou, dis-je d'une voix encore affaibli par mon sommeil.

Mon frère se retourna et me fit un sourire qui me réchauffa le cœur, il se leva vint vers moi pour m'offrir un bisou sur le front.

- Comment va ma sœur préférée ? demanda-t-il en m'examinant.

- Je suis ta seule sœur, répondis-je en souriant avant de l'enlacer.

Nous ne nous étions pas vus depuis deux jours. J'allais ensuite vers Arya, qui interrompit son repas pour que je lui fasse un bisou sur la joue puis je me mis également à table tandis que mon grand frère me proposa gentiment de me servir une assiette de riz au poulet curry.

Nous discutâmes de tout et de rien, et puis je finis par leur raconter ma journée et surtout à leur faire part du comportement culotté de Kendall Jones. Arya s'emporta dès que j'eus fini.

- Attends et tout ça pour une histoire de fête à organiser, lança- t-elle entre deux bouchées, et moi qui croyais qu'elle en pinçait pour toi, qu'elle se trouve quelqu'un d'autre pour organiser sa fête à deux sous, c'est puéril !

- Quoi ? Criai-je presque en ignorant une partie de ce qu'avait dit ma meilleure amie. En pincer pour moi ? N'importe quoi, d'où est ce que tu sors ça ?!

- Attends Atlantis, tu n'as pas vu la manière dont elle te regardait ! S'exclama ma meilleure amie en se servant de l'eau.

Arya semblait exaspérée et étonnée de mon ignorance à ce sujet.

- Elle n'a pas arrêté de te dévorer du regard, continua-t-elle. Ça crevait les yeux Atlantis ! T'es aveugle ou quoi ?

Je me mis à rire, c'était ridicule, mon frère qui nous écoutait avec attention fit une moue bizarre.

- Qu'est-ce qu'il y a Derreck ? Demandai-je.

Il semblait réfléchir, il déglutit avant de dire d'un ton hésitant.

- Kendall Jones est une femme mariée.

- Oh, soufflai-je.

J'ignorais pourquoi j'étais soudainement aussi surprise, évidemment qu'elle était mariée, les femmes de son genre devaient être très convoitées.

- Elle est parfois sur nos vols en première classe, ça doit sûrement être lorsque son jet n'est pas disponible. L'équipe ne cesse de parler d'elle quand elle est là. J'ai intercepté quelques bribes même si vous le savez, je n'aime pas participer à ce genre de conversations de commère. Mais, c'est vrai qu'elle est très froide voire même totalement indifférente cependant elle est aussi très polie, donc ça m'étonne qu'elle se soit comportée comme ça avec toi.

Mon frère fronça les sourcils, l'air pensif.

- Dommage, car malgré son coté hautain, je l'aimais bien, conclut-il en haussant les épaules.

Arya et moi fûmes mortes de rire, mon frère était tellement dramatique. Je lui fis un bisou sur la joue, il était adorable quand il jouait le grand frère protecteur.

Derreck sortit son téléphone et lança un moteur de recherche, il tapa « Kendall Jones » dans la barre de recherche et le premier article était intitulé « Quand Kendall Jones épouse la France ». On voyait Madame Jones marchant près d'une très charmante blonde qui lui souriait malicieusement. Si la première information ne m'avait pas surprise la deuxième faillit me faire m'étouffer. Kendall Jones était... lesbienne ? Mariée à une femme ? Elle m'avait vue à moitié nue et avait posé ses mains sur les trois quarts de mon corps ! Bon sang, jamais je n'aurais laissé un homme hétérosexuel poser ses mains sur moi de cette manière, par exemple ! C'était vachement intime.

Arya arborait une expression neutre, elle avait prit le téléphone des mains de Derreck et elle lisait l'article attentivement.

- Je pense quand même qu'elle en pince pour toi et mes intuitions me trompent rarement, soupira-t-elle. La preuve mon gay-radar a vu juste. Et puis sa femme est à Paris et toi tu es à New-York alors...

Je levais les yeux au ciel en entendant sa dernière phrase et Derreck lui lança un regard noir. Le sourire mutin qu'arborait Arya s'effaça immédiatement.

- Ça va, vous savez bien que je plaisante, se défendit-elle plus sérieusement. De toute manière tu n'es pas lesbienne ! Mais Derreck faut bien qu'on la case celle là. Atlantis, tu réalises que ta dernière relation sérieuse remonte à la terminale, et elle a duré seulement quelques semaines ! Ça craint sérieux.

J'eus envie de dire que jusqu'à preuve du contraire, je pouvais très bien être attirée par une femme, enfin je n'avais jamais envisagé le fait d'être avec une femme, mais maintenant que j'y songeais, cette perspective ne me gênait aucunement. Cependant je n'eus pas à étaler ces pensées puisque mon frère orienta la conversation ailleurs :

- Tiens, au lieu d'embêter ma sœur, parles nous de l'apollon qui a passé la nuit avec toi.

J'appuyai les propos de mon frère, encourageant ma meilleure amie à nous en dire davantage. Arya entama alors un long monologue sur le fait qu'elle et le beau Morgan n'étaient rien d'autre que de bons amis.

...

Le soir même de ma rencontre avec Kendall Jones, j'avais fait de mon mieux pour ne pas relater ce qu'il s'était passé dans la journée, sans grand succès. Il y avait quelque chose dans cette rencontre qui m'intriguait. Sans doute était-ce le culot et le manque de délicatesse de cette Kendall Jones. Notre rencontre me paraissait presque imaginaire tant la manière dont les choses s'étaient déroulées étaient étranges. Cela n'expliquait pas, certes, pourquoi j'avais tapé son nom à plusieurs reprises sur Google.

J'avais d'ailleurs découvert pas mal de choses sur cette femme mystérieuse.

Kendall Jones vivait à Paris depuis ses dix ans environ, vivant ainsi loin de ses parents et de son frère Marc. Sa femme s'appelait Maria, elles étaient ensembles depuis deux ans et d'après ce que j'avais pu lire dans les articles, elles semblaient filer le parfait amour. D'autres articles décryptaient les tenues somptueuses de Madame Jones lors d'événements très sélectifs. On remarquait en effet que Kendall Jones se faisait discrète.

J'avais fini par refermer toutes ces pages ouvertes sur mon téléphone. Cette attitude de fouineuse était parfaitement puérile. Que me prenait-il ? Depuis quand lisais-je ce genre d'article de mauvais goût de la presse people qui de surcroît racontait des mensonges ou qui enjolivait les récits la plupart du temps.

J'étais complément perturbée.

Prêter autant d'attention à cette rencontre, à cette femme qui avait eu un comportement tout de même assez odieux. Pourquoi est-ce que je prenais tant ce petit accrochage à cœur, j'avais décliné son offre. Je ne la reverrais plus. Point final à cette histoire. Sur cette conclusion, j'avais déposé mon téléphone sur ma table de chevet et je m'étais rapidement endormie. L'esprit plus calme.

...

Nous étions le lendemain de ma première rencontre avec Kendall Jones. Je n'avais exceptionnellement pas beaucoup de travail ce jour là, à l'agence nous n'avions qu'un cocktail prévu pour les employés d'un magazine de mode qui devait se tenir le jour même,. Habituellement les jour J d'un évènement était toujours une journée atrocement chargée mais mon équipe et moi avions pris beaucoup d'avance sur cet évènement donc je devais simplement me rendre sur place pour vérifier que tout était en ordre et superviser les installations qui ne pouvaient être mises en place que le jour même.

Je souhaitais arriver à mon bureau assez tôt afin de pouvoir rentrer assez tôt : ce soir là, nous avions un dîner de prévu avec les parents d'Arya, raison pour laquelle je prenais mes dispositions.

Je venais d'enfiler une jupe courte et plissée ainsi qu'une chemise rose pâle quand la sonnerie retentit : Arya était au travail, Derreck était en service et Morgan qui était toujours là, dormait dans la chambre de ma meilleure amie. Je présumais donc que c'était pour un colis ou un recommandé. Je m'empressais donc d'aller ouvrir, en tentant tant bien que mal de finir de mettre mes boucles d'oreilles dans la foulée.

Fort heureusement je n'étais pas de ceux qui ouvraient les portes de manière précipitée, sans aucune précaution. Cela n'empêcha pas mon cœur de rater un battement. Un petit cri de surprise s'échappa de ma bouche quand j'eus regarder dans le judas : Kendall Jones.

Kendall Jones. Putain !

Je vérifiai de nouveau. Elle était toujours là ! Je jurai, sentant une panique soudaine me gagner. Pourquoi cette femme me faisait- elle autant paniquer, bon Dieu. Et puis qu'est-ce qu'elle faisait là ?

De nouveau et pour la troisième fois, je me hissai sur la pointe des pieds, fermant un œil et gardant l'autre ouvert pour voir à travers le judas. Je profitai du fait de pouvoir observer cette femme sans avoir à affronter son regard fermé et froid. Était-ce le fait qu'elle soit une personne célèbre qui provoquait chez moi cet intérêt démesuré ?

Je trouvais que par rapport à hier, quelque chose sur le visage de Madame Jones avait changé. La femme d'affaire semblait fatiguée et inquiète, ce qui ne la rendait pas moins sublime pour autant. Kendall Jones ne portait pas de maquillage, mais son visage dégageait un éclat saisissant. Sa peau était parfaite et semblait si délicate. Il y avait quelque chose de délicat chez cette femme. Du moins, c'était ce que son visage faussement angélique pouvait laisser penser mais il suffisait de lui parler pour voir toute cette délicatesse s'évanouir.

Kendall Jones ne portait qu'un t-shirt blanc sous une veste Burberry, le t-shirt était légèrement échancré laissant entrevoir sa peau. On devinait aisément ses seins car elle ne portait pas de soutien-gorge.

Madame Jones semblait beaucoup moins sûre d'elle que la veille, on pouvait même penser qu'elle était nerveuse, tripotant un collier ras du cou en or qu'elle portait.

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine et j'eus une soudaine envie de me réfugier dans ma chambre, pour fuir.

Cependant, il fallait bien que je lui ouvre ! Même si je n'avais pas apprécié la manière dont elle s'était comportée, m'avait parlé et surtout sa méthode pour parvenir à ses fins concernant son événement à organiser. Pourtant durant plusieurs secondes, je songeais à faire la morte, me disant qu'au bout de quelques minutes, elle partirait, pensant que personne n'était là.

Je l'observai toujours.

- Atlantis je sais que vous êtes là, ouvrez-moi.

Je failli m'étouffer, une vague de frissons et d'anxiété me parcourut et je refermais le judas comme si elle pouvait me voir. Ce ton autoritaire et ferme pouvait faire défaillir n'importe qui. Ou en tout cas, à moi, il ne me donnait aucune envie de la contrarier.

Je pris une profonde inspiration avant d'ouvrir la porte.

Je la découvris alors, sans barrières. Madame Jones parut soulagée, un bref et léger sourire gagna ses lèvres mais elle reprit de manière quasi instantanée une mine sévère.

Lorsque ses yeux croisèrent les miens je me sentis aussitôt intimidée.

- Je dois vous parler, annonça simplement Madame Jones sur un ton injonctif.

Je la toisai, de nouveau prise de court par cette manière qu'elle avait de s'exprimer, comme si les choses ne pouvaient se dérouler autrement que comme elle le souhaitait.

- Je ne serais pas longue, continua la richissime femme d'affaires. S'il vous plaît Atlantis.

Cette fois, la voix de Madame Jones avait était douce, mais son regard, quant à lui, était resté autoritaire et ferme, ce contraste me déconcerta. Ses yeux étaient d'ailleurs d'une profondeur et d'une intensité déroutante. Je dus détourner le regard.

Je ne pouvais me résoudre à lui refuser une simple conversation. Après tout, nous étions peut- être simplement partis du mauvais pied, peut-être l'avais-je mal jugée, peut-être était-elle juste maladroite. Je devais me montrer professionnelle et l'écouter.

- Je ne cesse de penser à vous Atlantis, ajouta-t-elle d'une voix rauque.

Ses mots me contraignirent de nouveau à plonger mon regard dans ses yeux sombres, l'intensité de son regard me déstabilisa et une chaleur qui m'était jusque là encore inconnue, m'envahit.

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