Chapitre 18

—  Je crains que cette histoire ne m'ait coupé l'envie. Je refuse que quelque chose d'aussi effrayant ne vous arrive à toutes les deux. Ainsi, je pense qu'il est mieux que vous retourniez dans vos chambres. Nous nous retrouverons au brunch.


Et il les laissa toutes les trois en plan. Pénélope eut de la peine pour les jeunes femmes qui s'étaient toutes apprêtées et pour le peu de temps qu'il leur avait consacré. Cette situation était définitivement injuste et terrible.

Elles retournèrent toutes à leur occupation. Pénélope grimpa dans sa chambre et décida de profiter du temps restant imparti pour apprendre et réviser ses cours.

Elle travaillait, mi-soleil et mi-ombre entre les pommiers quand Pitt courut vers elle, l'air alerte.


—  Pénélope, Pénélope ! Cria-t-il.

—  Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? S'inquiéta-t-elle.


Il sortit de son dos une jarre et lui dit :


—  J'ai trouvé une nouvelle jarre dans laquelle tu vas pouvoir vomir !


Il éclata de rire à sa propre blague, comme s'il se suffisait à lui-même. Elle le regarda bouche bée, pouffa et lui lança une boule de papier à la tête.


— T'es stupide c'est même pas drôle.


Il se laissa tomber à côté d'elle et la poussa légèrement dans un coup d'épaule. Mon bon vieux copain de beuverie...


—  Pourquoi tu ris alors ?

—  Je ris de toi, parce que t'es un crétin.


Elle posa son cahier à côté d'elle en prenant soin de glisser une petite branche de sapin en guise de marque-page.


—  C'est pas fatigant de toujours faire la meuf intello même en week-end romantico-royale ? demanda-t-il toujours sur un ton taquin.

—  T'es vraiment désagréable, lâcha-t-elle en riant.


Il se remit à rire.


—  Non mais c'est vrai, les autres sont en haut en train de se pomponner le trou du cul pour le brunch de ce midi pendant que toi tu...


Il attrapa une feuille de cours volante du bout des doigts comme on tiendrait un sac de vomi.


—  Révise, termina-t-elle, ça s'appelle réviser. J'aspire à mieux qu'être simplement "femme de", tu sais.


Il souriait bêtement. Elle fronçait les sourcils, faisait mine de prendre un air sérieux et lui se moquait d'elle.


—  Quand sont tes examens ? demanda-t-il.

—  Dans trois semaines alors c'est pas de l'avance que de réviser maintenant...

—  Tu veux que je t'aide ?


Il était sincère et comprit en la voyant faire que bien qu'elle tienne au prince, elle tenait aussi à sa carrière. Il admira sa détermination et la félicita intérieurement.


—  Je ne suis pas certaine que tu puisses.

—  Serais-tu en train de mettre en doute mes capacités ? Il suffit de lire et poser des questions, ça ne doit pas être sorcier... Je sais lire Brown ! S'exclama-t-il.


Elle se mit à rire, lâcha un "ok" et lui tendit son cahier. Il l'attrapa avec un air confiant, lut quelques lignes.


—  C'est quoi les Bachi... Bacilla... rio...phyceae ? Bacillariophyceae ?

—  Les Bacillariophycées ou les diatomées, c'est plus facile à prononcer si tu préfères, ce sont des algues microscopiques unicellulaires. On les reconnaît parce qu'elles ont une enveloppe externe avec une structure très particulière, le frustule. C'est un genre de coque en silice. Sa structure est un caractère constant et exclusif de la classe. Le frustule se compose de deux pièces principales, les valves dont les bords ou manteaux sont réunis l'un à l'autre par un nombre variable de bandes intercalaires annulaires. Les manteaux et bandes intercalaires constituent ensemble la zone connective.


Pénélope avait déballé cela comme on dit bonjour à son boulanger.

Avec une telle aisance et une telle évidence.

Elle s'arrêta de parler quand elle vit dans son regard un peu de détresse. Elle sourit et comprit. A part avec Ravi, elle avait l'habitude des gens qui décrochent voire qui lui demandent de se taire.


—  Non, je t'en prie, continu, c'est intéressant. Je ne suis pas sûr de tout saisir, mais j'apprends des choses c'est certain.


Elle parlait avec passion et émotion. On aurait dit une conteuse d'histoire pour enfants. Elle était douce, elle aimait partager ce qu'elle faisait.

Elle sourit. C'était la première fois qu'on lui demandait de continuer. Généralement, les gens finissaient par laisser tomber mais lui, il s'accrochait et elle le remercia pour cela.

Il admirait son enthousiasme et trouvait cela même très contagieux.


—  Et donc, à quoi elles servent ? On les trouve où ? Dans le corps ? Demanda-t-il.

—  Non, non ! Dans les eaux.

—  Ah oui, c'est vrai, c'est une algue.

—  Microscopique, précisa-t-elle, Attends, elles sont géniales ! Déjà, elles produisent à elles seules un quart de l'oxygène que nous respirons ! Tu te rends compte ? Elles ont aussi un rôle primordial dans la vie des écosystèmes marins, parce qu'elles sont à l'origine des réseaux alimentaires.


Il écarquilla les yeux, impressionné par cette découverte. Une poule qui trouve une clé de douze, vous visualisez ? C'est Pitt. Elle avait envie de rire, mais pour une fois que personne ne l'interrompit, elle continuait.


— Mais donc, qu'est-ce que tu fais de ça alors ?

—  On peut l'utiliser partout. Elles produisent des acides gras nécessaires aux humains et aux animaux par exemple. Elles produisent des molécules utiles pour les antibiotiques et des substances antitumorales. C'est aussi un très bon indicateur pour la qualité des eaux. D'un point de vue environnemental, c'est formidable ! Calcinée à 850 °C elle est utilisée comme absorbant des hydrocarbures, donc sur les routes ou dans les usines !

—  Waouh, c'est fou ça, qui aurait cru qu'un truc aussi petit pouvait autant faire ?

—  Je sais..


Elles avaient les yeux qui brillaient de joie quand elle parlait, elle ressemblait aux petits garçons en transe devant leur nouveau costume de Spiderman.


—  C'est ça qui me passionne. Ce monde invisible... c'est incroyable.

Elle avait le sourire aux lèvres et le regard qui pétille. L'attitude d'une femme qui sait ce qu'elle aime. Le sourire de la confiance.

Ils restèrent un moment côte à côte à discuter, bactéries, germes, virus, grams positifs, grams négatifs, incubation, produit toxique et gants en plastique.

Ils avaient perdu la notion du temps. C'est le téléphone du jeune homme vibrant qui le sortit de leur conversation.

Il eut envie de l'écraser par terre.


— Le devoir m'appelle, dit-il.


Elle se demanda ce qu'il pouvait bien avoir à surveiller ici. Il devait s'ennuyer à attendre toute la journée une possible tentative de vol, viol ou attaque sans que rien ne se passe. Elle finit par conclure que finalement, c'était peut-être mieux s'il continuait de s'ennuyer, parce que ça signifiait qu'elle était en sécurité et qu'aucun drame ne se déroulait.

Dix heures quarante. La rousse rangea ses affaires et décida d'aller se préparer.

Elle enfila une robe droite, courte, manche longue à paillettes dorées et remit sa paire d'escarpins de la veille.

Ce moment avec le Prince Richard suivi de celui avec Pitt l'avait détendu. Elle appréciait de plus en plus ce week-end.

Dans la cour extérieure, de nombreuses tables avaient été installées. Le soleil était de sortie et brillait avec force illuminant le paysage d'un jaune lumineux et positif.

Des chapiteaux en rideaux de soie blancs avaient été mis en place au-dessus des tables d'où la nourriture exsudait.

"Peu d'invités" avait précisé Richard. Ils étaient trois cents. Elle avait l'impression d'être à un mariage.

Elle ne connaissait pas la majorité des convives et faisait la révérence à tout le monde "dans le doute". Elle en fit même une à un domestique qui fut déconcerté et lui demanda si elle souhaitait boire quelque chose ?


—  Qui sont tous ces gens ? Avait-elle demandé au Prince

—  Des gens de la cour, de la famille, des amies proches...

—  Mais pourquoi en avoir invité autant ?


Il pouffa devant sa candeur, il y avait si peu de monde pour lui ! Elle ne trouva pas la situation amusante mais ne lui dit rien de peur de l'incommoder.


—  Pour observer votre manière d'interagir en société, ce genre d'événement c'est la base de notre carrière, dit-il, et aussi pour mieux vous cacher, finit-il par avouer.


Elle hocha la tête et espéra réussir cette nouvelle étape. Pour la première fois, elle rencontra une partie de la famille royale.

La reine lui accorda un sourire mais c'est avec la sœur du Prince Eugénie qu'elle passa le plus de temps.

C'était une petite femme, un peu rondelette avec un immense sourire à la Julia Roberts. Il y avait d'abord une bouche et ensuite un visage.

Eugénie était la plus jeune de la fratrie avec un an de moins que Richard et venait de fêter ses vingt-cinq ans. Elle était mariée et enceinte d'un marin qu'elle voyait très peu "mais ça me convient ainsi !" avait-elle confié en riant.


—  Il commence à faire chaud, voulez-vous que je vous apporte un verre d'eau madame ? Avait demandé Pénélope à Eugénie.


"Madame", voilà comment elle lui avait demandé de l'appeler lorsque Pénélope avait dit "Votre Altesse" en la voyant. En effet, tant qu'aucune des jeunes femmes n'était officiellement fiancée avec le Prince Richard, elles n'avaient aucunement le droit d'appeler la famille royale par leur prénom.

La sœur avait souri, l'avait remercié et avait levé la main pour en commander à un domestique.


—  C'est comme ça qu'on fait ici, avait-elle précisé.


Pénélope déglutit et força son sourire. Ce n'était pas son monde et ça se voyait.


—  Pensez-vous que ce soit un garçon ? Demanda Pénélope.


Eugénie caressa son ventre du plat de sa main.


— C'est une surprise.

—  C'est votre premier enfant ?

— Mon deuxième, j'ai déjà eu Hector, 3 ans.


Elle pointa le petit Hector au fond du jardin en train de courir après un canard sauvage. Pauvre canard...

Son deuxième enfant ! A vingt-cinq ans ! Et Pénélope elle n'avait pas eu de vrai petit ami.

Elle se mit à compter ses exs. Max, en 3e, son premier baiser, ça ne compte pas trop, c'était à la fête de fin d'année et après celui-ci elle n'avait pas eu de copain avant ses dix-huit ans : James, un amour de vacances. Puis Ravi... et voilà.

Je suis nulle. J'ai un vrai problème, qui est encore célibataire à vingt et un an ? Eugénie a déjà deux enfants et un mari, moi je n'ai rien. Juste une licence et une première année de master.

En effet, la jeune femme n'avait pas toujours été au gout des hommes : une fille très grande, rousse, couverte de taches de rousseur... ce n'était que depuis ses vingts ans qu'elle commençait enfin à plaire, son corps ayant changé et fréquentant d'autres personnes que des étudiants cela aidait aussi.

De plus, elle avait toujours été catégorisée comme "intello" à l'école, scotchée à ses bactéries ou ses livres, plongée dans les études.

Quand on révise beaucoup, on n'a peu de temps pour l'amour. Elle commençait à peine à le découvrir.

Elle observa le prince au loin, une coupe de champagne à la main comme toujours, son sourire dentifrice et sa chemise blanche qui réfléchissait au soleil. Aujourd'hui, il faisait plus chaud, pas assez pour une chemise, mais ça lui était bien égal, parce qu'elle, elle remerciait le ciel de ses trois rayons de soleil qui avaient permis à Richard d'enfiler sa belle chemise seyante qui faisait ressortir ses muscles.


—  Vous avez l'air bien éprise, examina Eugénie.


Pénélope revint à la discussion, un sourire coupable au visage. Elle se mit à rougir.


—  Je le trouve fascinant... Il est si mystérieux, si charmant, il a toujours les mots qu'il faut...

—  Ah mystérieux !


La sœur se mit à rire fortement. Ça déstabilisa Pénélope.


—  Vous n'avez pas fini d'en apprendre sur lui, ça c'est sûr !


Pénélope se demanda ce qu'elle insinuait à ce moment-là, mais n'osa pas demander. 

Elle était trop effrayée par le titre et le pouvoir qu'avait cette famille, ainsi que par la situation.

C'est le Roi qui vint les interrompre.


>> Bonne année ! Bien le bonjour à tous et à toutes. 

Désolée pour l'attente. Pour me faire pardonner, je le sors un mercredi :) 

J'espère que vous allez bien et que l'histoire continue de vous plaire. 

Je pense qu'il est possible que je finisse par le publier en vrai livre, l'achèteriez-vous si vous en aviez la possibilité ? (avec des prix corrects, comme un livre normal quoi). 


A jeudi prochain !

Luce. 

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