Chapitre 15
Elle ne répondit pas et resta plantée là au milieu de la salle. Tout avait disparu. Sa colère, sa haine contre le système du bachelor, son envie de partir. Envoutée par le magique Richard et ses phéromones folles.
Tant de questions se mélangeaient dans sa tête. Elle avait envie d'en savoir plus, de comprendre les raisons de son comportement si distant. Que cachait-il ?
Et puis elle aimait tant sa manière d'être, si raffiné, si élégant, sa voix grave et sa manière de parler avec distinction, découpant chaque syllabe, les rendant toutes plus désirables les unes que les autres. Sans qu'elle ne s'en rende compte, il la charmait, de manière modeste, rare et chaste. Dans une société où on voit des seins à tout bout de champ à la télé, ça change, ça surprend, ça fait rêver. Elle en avait marre des films où on ne voit que des langues et des gros seins qui bougent dans tous les sens, avec des scènes de cul tellement chorégraphiées qu'elles en sont ridicules. Avec le drap placé au bon endroit. Mi-chaste, mi-vulgaire, c'est pas débile tiens !
Elle, elle voulait de la romance, de l'attirance. Elle voulait qu'on la charme, qu'on la séduise petit à petit, qu'on la titille jusqu'à en perdre la tête avant de simplement lui donner la main. Ça c'était quand même vachement plus érotique qu'un diner et une baise d'un soir ! Et le Prince Richard savait le faire. Il était son héros romantique.
Alors, indécise comme toujours, elle choisit de remonter à sa chambre. Très rapidement, elle se doucha et enfila la robe que ses amies lui avaient préparée.
Une ravissante robe longue, moulante jaune pastel, sublime. Ce n'était pas la robe la plus chère de la soirée, mais cela ne l'avait pas empêché d'être la plus belle.
Pour une fois, elle choisit d'enfiler une paire de talons, des escarpins noirs, aux talons aiguilles fins et élégants. Étant grande, elle hésitait souvent à en mettre,elle trouvait que ça faisait trop "m'as-tu vu ?" et elle préférait regarder les gens dans les yeux plutôt que d'en haut.
Mais aujourd'hui, la situation l'imposait.
Elle prit le temps de regarder son téléphone avant de partir. Ravi n'avait pas répondu.
La salle à manger était excessivement grande, le mobilier, ainsi que la décoration semblaient datés d'avant la révolution. Elle était ornée de pilastres et d'une tapisserie lie-de-vin avec, au centre, une cheminée de brèche en pierre gris et rose.
Le feu crépitait et semblait être la seule chose vivante dans cette pièce si morne et éteinte.
On aurait dit un mannequin, elle approchait les uns mètres quatre-vingt-dix avec ses talons.
Quand elle entra dans la salle, on ne vit qu'elle. Le temps eut l'air de s'arrêter. L'atmosphère changea, la salle à manger amorphe regagnait en vie. Elle était si longue, si élancée. Il émanait de Pénélope un halo de magnanimité, d'esthétisme et de fraîcheur incontrôlable et épatant.
Elle ajouta par son entrée dans la pièce, la touche de jeunesse et dynamisme qu'il semblait manquer à ce dîner. Ils succombèrent tous à son passage.
Les domestiques parurent troublés, ébahis par ce flash de beauté. Mais ce ne furent pas les seuls. Au loin, le Prince Richard se mordit discrètement l'intérieur de la joue.
Le temps reprit son cours. On lui indiqua où s'asseoir et elle déambula jusqu'à sa place sous le regard charmé des hommes et jaloux des autres.
Assise devant son assiette, elle fut prise d'une crise de panique.
Non mais c'est quoi tout ça ?!
Des couverts à ne plus pouvoir les compter tant il y en avait. On aurait dit un service de table par personne. Elle avait trois verres différents, tous de formes distinctes, et plusieurs couverts de toutes tailles aussi.
Mon Dieu.... J'aurais dû réviser...
Quel verre prendre ? Par quoi commencer? La fourchette de droite, la petite ou la grosse ? A quoi sert cette cuiller, bon sang !
Un domestique, un plateau à la main, remarqua l'incertitude de la jeune femme. Elle lui lança un regard empli de panique. Elle tentait presque un morse avec son regard.
Il s'approcha d'elle, se pencha et lui servit un verre de vin blanc.
— Aidez-moi, souffla-t-elle.
Il n'avait pas le droit de lui parler, elle était la prétendante du Prince, ce serait pris pour trahison ou tentative de charme, il se ferait virer.
Elle le fixa de ses grands yeux vairons, il la trouva si paniquée qu'il prit pitié.
Il lui chuchota :
— Commencez par les plus éloignés, plat après plat. La cuiller et la fourchette du haut sont réservées au dessert. Ce couteau-ci n'est que pour beurrer votre pain.
Soupir de soulagement. Elle était sauvée ! Elle posa sa main sur l'épaule du jeune homme et le remercia. Il s'écarta d'elle comme électrocuté. Jamais personne ne parlait ni ne touchait les domestiques, c'était interdit !
Elle s'excusa très rapidement et s'en voulut, elle n'était finalement peut-être pas tirée d'affaire... Quelle gourde...
Elle essaya de se souvenir des conseils que lui avait donné Pitt avant de la faire entrer :
— Il faut impérativement se tenir droit lorsque l'on est à table. Ton dos ne doit jamais toucher le dossier de la chaise. Les avant-bras, pas les coudes hein, doivent également être visibles, lui avait-il dit.
Le repas fut barbant et beaucoup trop long. Les jeunes femmes n'eurent le droit de parler qu'avec la personne à leur gauche pendant le premier plat, puis à leur droite après le deuxième une manière de vérifier leurs qualités et bonnes manières, et pour Pénélope, il s'agissait d'un cousin du roi et d'une cousine éloignée.
Elle n'avait même pas retenu son prénom. Archibald ou Alfred ? Dans tous les cas, ils s'étaient fait appeler "Archi" ou "Alfi", elle ne se souvenait plus. Peu importe...
Archi/Alfi était grotesque, il postillonnait en parlant et monopolisait le dialogue. Elle avait ponctué les logorrhées du cousin de "hmm-hmm", "vraiment ?" et s'était inventée un faux rire tellement réussi qu'elle s'impressionna elle-même.
Durant le repas, elle avait croisé le regard du Prince, qui du coin de l'œil lui avait sourit discrètement. C'était pour ces moments là qu'elle restait. Ces moments qui faisaient palpiter son petit cœur.
Penny éprouva une grande satisfaction et un grand soulagement quand elle retourna dans sa chambre. Elle avait dû calculer et penser à chacun de ses faits et gestes, pendant tout le dîner. Elle était dans sa chambre en train de retirer ses chaussures quand on toqua à la porte. Elle l'ouvrit et tomba sur Richard. Douce surprise.
— Je souhaitais vous remercier, dit-il simplement.
Pff, il était incroyable... On aurait dit un Dieu grec tout droit tombé de l'Olympe. Et pas Dionysos, bien qu'elle n'ait rien contre ce dernier...
Il avait les mains jointes et la tête légèrement penchée en bas, il la regardait en levant les yeux, un air de chiot à vous faire fondre le cœur.
— Me remercier ?
— De ne pas être partie.
Elle pinça ses lèvres, hocha la tête l'air de dire "ouais, ça a faillit merder". Elle ne sut que répondre. Elle se sentait un peu idiote quand elle pensait à sa crise existentielle de début de soirée. Elle était un peu excessive dans ses sentiments.
— Ce n'est rien, finit-elle par répondre.
Ainsi, il s'écarta de la porte dans un "bonne nuit". Elle souffla un bonne nuit et referma la porte derrière lui. Elle se colla dos à celle-ci et ferma les yeux fort, très fort et les ouvrit plusieurs fois comme pour vérifier si elle était toujours dans la réalité.
Elle avait le cœur qui battait à la chamade et les joues rouges à chaque fois qu'il lui parlait.
BIP-BIP.
Son téléphone reçut un message.
La rousse décolla de la porte et se jeta sur le cellulaire. Ravi. RAVI. Il avait répondu.
"Tu es déjà pardonnée depuis longtemps... Je ne pourrais jamais t'en vouloir. J'espère que ton Prince prend bien soin de toi"
BIP-BIP un deuxième message arriva. C'était une photo : la boîte de pétri contenant son bisou tenu par la main de Ravi en premier plan, puis à l'arrière une grande fenêtre et la vue. Elle reconnut la CN Tower emblématique de Toronto.
"Votre baiser voyage Madame. Vous aurez toujours une place spéciale dans mon coeur, Dr Brown"
"Dr.Brown", c'est comme cela qu'il l'avait appelé la première fois. Blouse contre blouse, ils se connaissaient par les yeux depuis 3h. Le Docteur Simh cherchait à tester les connaissances de bases de sa stagiaire avant d'entamer les choses plus complexes.
Au menu du jour, les bactéries mésophiles ! Escherichia coli, Salmonelles, Staphylocoques, Campylobacter...
— Dr. Simh, J'ai préparé l'incubateur à 28°C, avait précisé Pénélope.
— Je vous remercie Dr. Brown.
Pour croître, se multiplier et ainsi former des colonies sur gélose, les bactéries ont une température préférentielle. Le choix de la température était donc primordial.
Ils travaillaient actuellement sur les mésophiles et la croissance optimale de ces bactéries se situe entre 20 et 40°C. Ainsi, lorsqu'on incube la gélose à 28°C, on cherche à ce que les bactéries soient dans le climat le plus adapté à leur croissance.
— Je vous remercie, mais je suis loin d'être docteur, avait-elle corrigé.
Derrière son masque, il avait souri et ses billes noisette brillaient. Elle avait rougi, mais personne n'avait rien vu. C'est fou tout ce qu'ils pouvaient se passer juste avec le regard.
— Je ne prends aucun risque en vous appelant ainsi en avance. Vous serez brillante, je le sais déjà. On m'avait prévenu, mais c'est assez évident en fait.
Depuis ce jour, elle avait considéré cette phrase comme le plus beau compliment qu'on ait pu lui faire.
Elle se demanda que répondre... Elle lui envoya un smiley coeur. Attendu un peu. Puis, trop curieuse, elle en envoya un deuxième.
"Toronto ? Jusqu'à quand ?"
"un an. minimum. Work, work, work" avait-il répondu.
Un an. Aïe. Coup-de-poing dans le cœur.
"Félicitations ! Ça doit être incroyable ! Je sais que tu en rêvais"
Non Pénélope. C'est de toi dont je rêve.
"merci."
Cet échange distant lui laissa un goût amer. Elle n'était pas amoureuse de Ravi, mais l'aimait, c'était évident. Ils étaient amis, proches, ils avaient vécu beaucoup en un an. Ils se voyaient de cinq heures du matin à vingt-trois heures tous les jours. Alors, forcément, forcément, elle était attachée, forcément elle pensait à lui, forcément elle l'aimait. D'amour ? Oui, d'amour. Un amour sûrement discordant à celui qu'il lui portait.
"Tu auras toujours une place spéciale dans mon coeur aussi Ravi...J'ai hâte de te retrouver" elle avait envoyé.
Ses yeux vairons s'embuèrent. Elle essuya une larme, puis une autre. Elle ne savait même pas pourquoi elle pleurait. Un coup dans l'ego ou un coup dans le cœur ? Probablement un peu des deux.
Il n'avait rien répondu. Il n'y avait rien à répondre. A 5338 km de là, le jeune docteur essuya une larme aussi et essaya de se consoler en se disant que s'ils étaient faits pour être ensemble, le destin les réunirait.
>> Hello !
Que pensez-vous de la vie au château ? Des obligations, des protocoles ? Que pensez-vous du Prince Richard, que l'on découvre de plus en plus ?
Des préférences, des envies pour la suite ?
A bientôt et joyeux Noël à tous !
Luce.
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