Chapitre 13




Pénélope fit une révérence, plus modérée que celle faite juste avant à Pitt. Sa blouse était trop ample et laissa apercevoir un bout de sa poitrine ce qui fit jaser les autres jeunes femmes. Belle entrée Pénélope ! Toujours soignée...

Le Prince Richard la salua et l'invita à s'asseoir auprès d'eux.

Il fit une rapide présentation des dames devant eux. Elle n'écoutait qu'à moitié bien trop occupé à détailler la pièce dans laquelle elle se trouvait : un grand Vestibule au dallage de marbre noir et blanc et en pierre blanche. On aurait dit un jeu d'échecs en taille réel.

Elle trouva cela très joli et se fit la réflexion que le dallage de marbre devait sûrement glisser en cas de pluie. Finalement pas très malin ces aristos...

Il mesurait plus de cinquante mètres de long et bien qu'il ne fasse pas spécialement beau, elle se douta qu'il dût être baigné de lumière en été. Il semblait desservir deux somptueux salons et une salle à manger donnant sur le jardin à l'anglaise côté Sud.

Autour d'eux, quelques membres de la cour les observaient, "des employés" conclut Pénélope. C'était rapidement reconnaissable, même s'ils semblaient avoir été déguisés en "personne normale" pour la journée, leur posture était bien trop guindée.

Elle remarqua qu'elle était la plus jeune, la plus grande et la seule rousse du groupe. Je vous l'accorde, pas très étonnant quand on sait que seulement 2% de la population est rousse et que la taille moyenne des femmes est d'un mètre soixante-cinq.

Physiquement, aucune des quatre prétendantes ne se ressemblait. Elle se demanda donc comment elles avaient été sélectionnées. Elle comprit rapidement en entendant le nom de l'une d'entre elle "De la Tour" que cette dernière fut choisie pour son titre de noblesse.

En effet, Marie-Charlotte De la Tour était connue pour avoir été élevée pour être la future reine. Ses parents, amis du roi et de la reine avaient très rapidement après la naissance du Prince entamé les démarches pour que leur fille soit choisie. Seul problème, elle avait 10 ans de plus que lui et la famille royale n'avait pas vraiment apprécié que leur fils à 8 ans soit convoité par quelqu'un de dix-huit.

Aujourd'hui, l'écart restait le même mais était beaucoup moins choquant. Marie-Charlotte était restée seule jusqu'à aujourd'hui n'espérant toujours qu'une chose : épouser le prince Richard. Une vie bien triste au goût de Pénélope...

C'était une femme de taille moyenne, de petits yeux enfoncés marron clair et avec de très longs cheveux jusqu'au hanche ébène. Elle n'était ni laide, ni belle, la définition même de l'ordinaire.

A la droite de Marie-Charlotte se cachait, presque sous ses jupes, une brune aux yeux ronds et dont on devinait des origines coréennes. C'était Li Joo-eun, un petit bout de femme, fille de médecin qui devait approcher les vingt-trois ans.

C'était une des seuls qui n'avait encore jamais approché le Prince. Elle avait été invitée par le biais d'Eugénie, la sœur du Prince, avec qui elle avait pu parler lors de son anniversaire le mois dernier. On raconte qu'elles se sont très bien entendues et qu'Eugénie avait repéré en elle toutes les qualités d'une bonne reine.

La dernière femme était Maddison. Une jeune avocate issue d'une grande famille d'aristocrates. Dont rien d'important ne retint l'attention de Pénélope.

Il était quatre heures de l'après-midi. Un homme en costume vint les chercher pour leur montrer leur chambre respective. Aucune des filles ne partageait la même.

Pénélope remercia le domestique et entra dans sa chambre : une grande pièce qui sentait les fleurs et la poudre. Sûrement du talc, conclut-elle en humant une dernière fois l'air ambiant comme un chien de chasse.

Le sol était recouvert d'une moquette épaisse rose, très agréable au toucher, au centre de la pièce était présent un lit à baldaquin, les murs étaient couverts d'une tapisserie beige et une grande fenêtre aux rideaux ornés de passementerie.

La rousse déposa son sac à dos sur son lit et s'approcha de la fenêtre. Le soleil commençait délicatement à descendre et teintait la forêt d'un filtre orangé. Orienté ouest conclut-elle. C'était le genre de détail qui lui venait directement à l'esprit, mais qui ne lui servait à rien. Pourtant, son esprit si méthodique et logique ne faisait que cela en permanence : analyser et conclure des théorèmes des plus cartésiens.

TOC.TOC.

Elle se retourna et trouva la silhouette du Prince Richard. Sa simple présence changea instantanément l'atmosphère de la pièce. Il semblait doté d'un charme inné, entouré d'un halo lumineux envoûtant. Il faisait partie de ce type de personne qui n'a pas besoin de parler pour plaire. Que diffusait-il ? Phéromone n°5. Mieux que Chanel, c'est promis.

Ses longs cheveux noirs tombaient sous ses prunelles bleues pétillantes. Il passa instinctivement sa main dedans, geste qui devait faire fondre plus d'une fille. Il était habillé plus décontracté qu'habituellement, une chemise bleu clair, un pantalon marron et des chaussures pointues.  Même en tenue informelle, il gardait son élégance notoire. Un port de tête à faire pâlir une ballerine et un rictus en coin de lèvre suffisamment présent pour vous charmer inconsciemment.


— Je suis ravie que vous soyez venue, dit-il.


Elle n'avait pas eu l'impression d'avoir le choix, mais elle oublia vite tout. Il lui souriait de toutes ses dents à présent. Elle aimait beaucoup son sourire. Ce sourire spontané qui l'avait immédiatement faite tomber sous son charme. Elle se demanda s'il avait eu recours à l'orthodontie ou s'il était simplement chanceux.

Elle lui sourit à son tour, de son sourire orthodontiquement parfait.


— Merci à vous pour votre invitation, j'en suis dès plus touchée.


Pff, quelle mytho ! T'as pleuré pendant une semaine que tu ne voulais pas de lui.

Oui mais bon... finalement, il y avait peut-être bien un truc à creuser chez lui...


— J'espère que je ne vous fais pas prendre de retard sur vos recherches, je sais que votre travail est très important.


Elle nota sa remarque et se rappela toutes les fois où elle avait craché sur la famille royale en pensant qu'ils ne pensaient qu'à eux. Lui, en tout cas, il pensait à elle. Et ça, ça la touchait énormément.


— Je vous remercie. Ne vous en faites pas, je me suis organisée en fonction de cela, répondit-elle.


Il n'insista pas et changea directement de sujet, satisfait de sa réponse.


— Savez-vous jouer au tennis ?


Tiens, encore son interrogatoire habituel. Ils commençaient à créer un rituel.

Elle hocha la tête, ça faisait longtemps mais elle savait y jouer et plutôt bien dans ses souvenirs. Elle avait toujours aimé le sport et en avait énormément essayé depuis son plus jeune âge.


— Parfait ! Je vous laisse le temps de vous changer, on se retrouve au cour.


Elle continua de lui sourire niaisement et eut à peine le temps de lui répondre "à plus tard" qu'il s'était déjà éclipsé.

Elle allait jouer au tennis avec le Prince ! Enfin un moment à deux. Elle avait hâte. Mais que mettre ? Que mettre ? Décidément elle n'avait vraiment rien prévu.

Judicieusement, Alizée l'avait aidé à faire son sac. Elles avaient embarqué une robe empruntée à Jade, une jupe à Judith et pris deux trois t shirt au hasard mais rien pour faire du sport !

Elle décida d'enfiler son sweat universitaire qu'elle avait eu en deuxième année après avoir gagné un concours de recherche, un sweat gris avec un énorme microscope dessus.

Pour le bas, elle enfila legging noir qu'elle avait pris pour dormir à la base. Entre le haut classé nerd et le bas pyjama, attention les filles, super-nerd va draguer ! Poussez vous, ça rigole pas.

Elle chercha le cour de tennis de sa fenêtre avant de descendre. Elle ne le trouva pas et déduit qu'il devait être de l'autre côté.

Fort heureusement, il y avait des gardes un peu partout et elle put demander son chemin lorsqu'elle fut perdue.

Elle arriva en deuxième sur le cour de tennis et comprit aussitôt qu'il n'allait pas s'agir d'un moment à deux.

Bien. Bien...

Elle commença à regretter son choix. Elle pensait à Ravi. Lui aurait adoré son bas de pyjama et son pull universitaire. Quelle courge ! Elle était tombée dans le panneau de l'image du Prince. L'appât du gain.

Le Prince était là, assis sur les gradins, entouré d'autres personnes de la cour, ils discutaient, un cocktail à la main alors qu'il devait faire quatre degrés maximum. Elle le détestait. Comment avait-elle pu tomber pour lui ? Il était là, à se moquer d'elles, toutes en attente d'un petit signe de sa part, qui visiblement n'en avait strictement rien à faire d'elles. Une boule de rage se forma entre sa poitrine, elle serra la mâchoire pour se contenir.

On les installa en double, elle joua en équipe avec Li qui maniait sa raquette avec la délicatesse et la précision d'un mammouth. On aurait dit qu'elle venait de découvrir l'utilité de ses bras.

Pénélope s'en fichait du résultat, mais elle remarqua bien qu'au loin, on riait d'elles et ça, ça lui déplaisait énormément.

Marie-Charlotte et Maddison les menaient avec une avance excessive.

Une partie et je m'en vais. Je termine ça et c'est fini. Je rentre, me faufiler dans les bras de Ravi qui je l'espère m'aimera toujours. Un homme amoureux, ça dure longtemps non ? Ça ne disparait pas comme ça les sentiments non ?

Quelle idiote elle avait été. Quelle idiote elle était encore...


— ATTENTION ! Hurla Marie-Charlotte.


La balle lançait par Maddison arriva à toute vitesse sur Li qui ne sut comment réagir. Pénélope à l'arrière, possédée par un réflexe de protection, courut vers elle et tenta de renvoyer la balle mais les deux filles se rentrèrent la tête première comme deux taureaux lâchés en féria sur une patinoire géante et finirent leur intermède à terre dans un silence assourdissant.

Maddison éclata de rire. On n'entendit qu'elle. Elle pensa détendre l'atmosphère. Loupé.

Pénélope en avait déchiré son legging en s'écorchant le genou et Li semblait s'être tordu la cheville en plus de s'être rapée la joue. Super la journée de merde.

La rousse se releva en premier et tendit directement sa main vers son alliée pour l'aider à se relever. Elle se sentait confuse et terriblement navrée.


— Je suis désolée, je pensais t'éviter un coup et finalement c'est moi qui te blesse. Je suis vraiment désolée, répéta Pénélope.

— C'est rien, répondit la brune en souriant.

— T'as mal à la cheville ? demanda Pénélope.

La brune tenait son pied sur la pointe et n'osait s'appuyer dessus. En simple réponse, elle se contenta de hocher la tête.


— C'est la honte Pénélope, devant le Prince, confia Li.


Pénélope en eut assez. Comment des femmes, pouvaient-elles se donner en spectacle pour un homme ? Prince ou pas prince, elle prit la décision d'intervenir ramassant son courage à deux mains :


— Je pense qu'il est mieux que l'on termine ce match. Vous avez gagné, félicitations pour vos jeux les filles, déclara Pénélope.


Personne n'osa intervenir. L'initiative et le fair-play de Penny semblèrent être pris en note. Les membres de la cour les fixaient, leurs grands yeux globuleux rivés sur elles, ahuris. On aurait dit un groupe de lapins dans les phares d'une voiture.

Sans vraiment saisir ce qu'il se passait, une personne de la cour se leva et appela Maddison à venir.

Personne n'entendit ce qu'il avait été dit, mais le visage naturellement joyeux de la jeune femme devint blafard. Au loin, on ne l'a vit que hocher la tête, comme un pantin désarticulé. Et on ne la revit plus du séjour.

Pénélope comprit rapidement ce qu'il venait de se passer. Ça la révoltait, elle n'avait pas du tout envie d'être en compétition avec ces femmes. Elle refusait de faire partie de ce genre de personne arriviste qui tente tout pour épouser un Prince. Elle n'était pas ici pour participer à un jeu télévisé ou le 1er prix était un bachelor de Prince ! Elle, ce qu'elle voulait c'était de l'amour, de l'attirance comme elle avait eu lors de leur première danse.

C'était décidé. Elle partait.

On les invita à retourner dans leur chambre, se laver et se préparer pour le dîner, toujours sans un moindre mot échangé avec le Prince.

Tant pis pour la douche, tant pis pour le genou en sang, ça attendrait. Elle allait retourner dans sa chambre, fermer son sac et s'enfuir.

Et c'est ce qu'elle fit.

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